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vendredi 22 juillet 2016

Festival In d'Avignon 2016 : Le radeau de la méduse, pièce de Georg Kaiser mise en scène par Thomas Jolly

Le radeau de la méduse : Géricault
Je n’ai pas aimé Le radeau de la méduse, pièce de Georg Kaiser, auteur allemand de l’entre deux-guerres, aussi célèbre en son temps nous dit-on que Bertold Brecht et qui fut, lui aussi, poursuivi par les nazis. La pièce est mise en scène par Thomas Jolly avec les étudiants en dernière année de l’école supérieure d’art dramatique du Théâtre National de Strasbourg.

Je découvre l’auteur et, je le dis d’emblée, la pièce ainsi que la mise en scène m’ont paru lourdes et sans nuances. Oui, je le sais, toute la presse encense et la pièce et Thomas Jolly, "la jeune star" pour reprendre les mots d'un journaliste de la scène française ! Et pourtant je n'ai pas été convaincue !

Le texte, d’abord  :
 Kaiser cherche à montrer comment un groupe d’enfants survivants d’un naufrage, perdus sur l’océan dans une barque qui dérive, pratique la solidarité puis glisse dans la barbarie en écoutant les sirènes de la peur, de la superstition et de la haine au nom d’une religion. Ici le christianisme et la peur d’être treize à table, allusion bien sûr à la Cène et à Judas. Il s’agit d’une dénonciation de toutes les idéologies qui conduisent à l’inhumanité, y compris celle du nazisme car la pièce a été écrite en 1942. Mais on peut y voir aussi notre monde en proie au fanatisme religieux .
Le sujet est beau. J’ai d’abord pensé au roman de William Golding, Sa majesté des mouches, mais le roman a le mérite de faire vivre devant nous de vrais enfants et d’être juste au niveau de l’analyse psychologique, de montrer une évolution dans la perte progressive de la civilisation et le retour à la primitivité. Alors que dans la pièce l’on ne peut croire un seul instant à ces personnages qui ne sont pas réellement des enfants et à ce langage qui ne peut être celui d’êtres aussi jeunes! De plus aucune évolution ne permet de comprendre comment la petite fille, Anna, qui partage son lait avec tous, au début, peut tenir ensuite des discours incitant au meurtre. Et j’ai eu beau me dire qu’il s’agit plutôt d’une fable et non d’un récit réaliste, je n’ai pu entrer un seul instant dans cette pièce avec ces discours répétitifs et peu naturels sur les treize à table, chiffre qui porte malheur. C’est pesant, vite insupportable! Ce langage de pseudo prédicateur religieux est tellement peu crédible dans la bouche d’une fillette supposée avoir douze ans! Si les comédiens interprètent des enfants qui jouent aux adultes, ils ne sont ni enfants, ni adultes et les personnages finissent par ne pas exister. Et que dire de ce mariage pour rire, mièvre et tellement factice avec en prime les chants religieux?

La mise en scène ensuite :
La pièce est découpée en sept journées, durée de l’odyssée des enfants. A la fin de chaque journée, le rideau se ferme et s’ouvre - encore un procédé répétitif- sur un tableau en référence à l’oeuvre picturale de Géricault. Les comédiens, eux-mêmes, sont des personnages du tableau et jouent d’une manière grandiloquente, les bras levés, tenant la pose, comme des images de proue. La recherche est esthétique, certes, mais tout est figé et contribue peu à nous faire entrer dans l’histoire, à la rendre vivante. Ce découpage de la pièce, ce manque de naturel du langage et du geste empêchent d’adhérer au récit, d’éprouver des émotions. Or malgré la beauté de la scénographie, avec la barque perdue dans le brouillard, les jeux de lumière en contre-jour, le groupe baignant dans la semi-obscurité, je n’ai pu apprécier ce texte et cette mise en scène qui sonnent faux.

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