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jeudi 15 novembre 2018

Denis Diderot : Madame de la Pommeraye dans Jacques le fataliste


J'ai relu Jacques le fataliste dont je me souvenais à peine après tant d'années car je voulais aller voir le film Mademoiselle de la Joncquières adaptée du livre de Denis Diderot sur l'histoire de madame de la Pommeraye. Et j'ai raté le film ! Mais j'ai lu Diderot ! 


Dans Jacques le fataliste de Denis Diderot, de nombreux récits viennent ponctuer le cours du voyage de Jacques et de son maître. L’histoire de madame de la Pommeraye couvre une cinquantaine de pages. Presque un petit roman. Le sujet en est la vengeance amoureuse.

De quoi s’agit-il ? Monsieur des Arcis fait des avances à Madame de Pommeraye, riche veuve, qui résiste à son amour tant elle a un mauvais souvenir des liens conjugaux et des rapports entre hommes et femmes. Connue pour être vertueuse mais amoureuse, elle finit par s’abandonner à lui et devient sa maîtresse. L’idylle ne dure qu’un temps car monsieur d’Arcis a besoin de chair fraîche et renouvelée, si j’ose dire.  Madame de Pommeraye, tout en feignant de ne pas être touchée par cet abandon, décide de se venger. Elle n’aura de cesse de faire épouser à son amant une jeune fille, Mademoiselle Duqênoi, tombée dans la pauvreté et prostituée par sa mère. Elle les fait passer l’une et l’autre pour des femmes chastes, croyantes et honnêtes. Le charme et la « vertu » supposée de la jeune fille finissent par avoir raison du marquis. Il épouse. Sa maîtresse lui révèlera alors de quel ruisseau sort la jeune épousée.

Mme de La Pommeraye et Mr des Arcis
Voilà un récit dont le cynisme et la cruauté sont bien dignes d’un Choderlos de Laclos ! Mais ce qui ne l’est pas, c’est la fin imaginée par Diderot. Le marquis pardonne à sa femme et tous deux trouvent le bonheur dans un amour réciproque. C’est un dénouement qui choque à l'heure actuelle et encore plus au XVIII siècle mais pas pour les mêmes raisons ! 
A notre époque, le reproche adressé à Diderot est de terminer ce récit en tombant dans un romanesque de bas étage, pour midinettes ! comme je l’ai lu dans les critiques du film ou du livre.
Mais au XVIII siècle, non seulement il était inconcevable qu’un marquis se mésallie en épousant une courtisane mais qu’il soit heureux avec elle était tout simplement scandaleux! Ce que nous prenons, nous, pour une bleuette à cause de cet happy end, est, en fait, incroyablement audacieux et provoquant de la part de Diderot, inimaginable pour la mentalité de l’époque !

« Ah! si vous pouviez lire au fond de mon coeur  et voir combien mes fautes passées sont loin de moi; combien les moeurs de mes pareilles me sont étrangères ! La corruption s’est posée sur moi; mais elle ne s’y est point attachée. », plaide la jeune femme en s’adressant à son mari.

Ce que Diderot veut nous dire, c’est que la jeune fille, dans la misère, souffrait de ce que sa mère exigeait d’elle pour gagner leur vie. Pourquoi n’aurait-elle pas droit au pardon ? Impensable au XVIII siècle! C’est ce qu'affirme d’ailleurs le Maître  alors que Jacques prend la défense de mademoiselle Duqênoi.
Une histoire d’amour entre un noble et une courtisane ne peut, pour être acceptée, que mal se terminer, comme celle du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut. Manon part au bagne et meurt ! Une morale édifiante pour la  la bonne société !
Au XIX aussi, pour que la dame au camélia/Traviata soit absoute et fasse pleurer les foules, il faut au moins qu’elle meure de consomption et après s’être sacrifiée !

Quant à madame de Pommeraye,  c’est l'auteur lui-même qui en prend la défense quand on dit qu’elle est « une femme horrible » « scélérate ».

«  Sa vengeance est atroce mais elle n’est souillée d’aucun intérêt ».

Non seulement, explique Diderot, elle a sacrifié toute sa vie au marquis

  Elle jouissait de la plus haute considération dans le monde, par la pureté de ses meurs : et elle s’était rabaissée sur la ligne commune. »

mais elle s’est pliée à toutes ses fantaisies pour lui plaire. Et c’est elle (et non lui!) qui a eu à supporter les  humiliations, les sourires ironiques, les insinuations discourtoises chuchotées dans son dos, quand le monde apprend qu’elle a pris un amant : 

«  Elle avait supporté tout l’éclat scandaleux par lequel on se venge des imprudentes bégueules qui affichent l’honnêteté »

 Finalement, c’est toujours la femme que l’on blâme, qu’elle aime, qu'elle soit abandonnée ou qu’elle se venge. Mais qui est le vrai coupable ? demande le narrateur.
Madame de Pommeraye est une femme libre, fière et indépendante qui a agi selon les moyens que lui permettaient la société et son rang.  Elle est riche.  Elle peut se venger. La critique sociale est implicite dans ce récit. On y voit le mépris des nobles envers leurs inférieurs et combien les humbles ne sont que des marionnettes sans âme pour les Grands. Madame de Pommeraie est machiavélique. C'est une manipulatrice sans scrupules, certes, mais à qui la faute ?

« Et j’approuverai fort une loi qui condamnerait aux courtisanes celui qui aurait séduit et abandonné une honnête femme : l’homme commun aux femmes communes »

Féministe, Diderot ?




Je n’ai pas vu le film d’Emmanuel Mouret mais je constate que mademoiselle Duquênoi s’y nomme Joncquières et qu’elle est le personnage éponyme du film. Alors que dans la nouvelle de Diderot, madame de la Pommeraye est le personnage principal. Pourquoi ce changement de point de vue ?  Il y a une explication ? Question à ceux qui ont vu le film.

Je commenterai Jacques le fataliste dans les jours qui suivent.

jeudi 24 mai 2018

R.J. Ellory : Papillon de nuit



Si un thriller est, selon la définition du dictionnaire Larousse « un roman policier ou d’épouvante, à suspense et qui procure des sensations fortes », je ne placerai pas Papillon de nuit de R.J. Ellory dans ce genre - sauf peut-être par la surprise que révèle le dénouement- car ce serait réducteur.

« Papillon de nuit »  peut avoir plusieurs entrées et c’est pour cela qu’il se révèle riche et intéressant.  Il tient du roman historique puisqu’il se passe en 1982 avec un retour dans les années soixante aux Etats-Unis. On assiste à l’assassinat de Kennedy, à la lutte des noirs et de Martin Luther King pour conquérir les droits civiques et à la guerre du Vietnam et à son impact sur la jeunesse des années 60 et 70.
Il y a meurtre et, en ce sens, il est aussi policier :   Daniel est accusé d’avoir tué son meilleur ami, Nathan. Condamné, il est enfermé dans le couloir de la mort en Caroline du Sud, attend son exécution depuis des années et sait qu’elle est désormais imminente. Un prêtre qui est là pour l’aider devient son confident. C’est à lui qu’il va raconter sa vie et le drame qui l’a conduit là.

Roman psychologique, il est d’abord l’histoire d’une amitié qui naît dès l’enfance entre Daniel et Nathan, entre un blanc et un noir, dans une Amérique où le racisme s’exacerbe, le Ku Kux Klan  étend son pouvoir et fait régner la terreur. Tout en décrivant les hiérarchies sociales, les hiérarchies de race dans ces états du Sud corrodés par la haine, il montre l’évolution des jeunes enfants qui grandissent dans des milieux modestes et dont l’amitié perdure à l’adolescence et à l’âge adulte. Il analyse l’éveil de la sexualité, les émotions amoureuses, mais aussi les sentiments complexes qui les unissent, Daniel toujours un peu sous la domination de Nathan, la rivalité qui va naître entre les deux garçons, la jalousie éprouvée par Daniel à propos d’une jeune fille. 
Roman politique, social, il présente une critique virulente du racisme organisé en crime, de la guerre en général et de celle du Vietnam, en particulier. Il dénonce la responsabilité politique des dirigeants, corrompus, sans morale, qui envoient les jeunes se faire tuer pour rien. C’est aussi un vibrant réquisitoire contre la peine de mort et les pages qui racontent la vie des condamnés comme de ceux qui les surveillent, leurs gardiens, dans le couloir de la mort, en décrivent toute l’horreur et tiennent le lecteur en haleine.

Papillon de nuit, est de plus très bien écrit, il est addictif, et l’on a envie de ne pas le lâcher avant d’en savoir la fin.  Une bonne lecture.


mercredi 23 mai 2018

Clare Mackintosh : Je te vois



Comme des milliers de Londoniens, Zoe Walker emprunte quotidiennement le métro et feuillette le journal distribué sur le quai. Un matin, elle y découvre sa photo dans les petites annonces, sous l'adresse d'un site Internet. Qui a pris ce cliché à son insu ? Dans quel but ? Et puis, est-ce bien elle ? Sa famille n'en est guère convaincue. Zoe ne trouve qu'une oreille attentive : celle de Kelly Swift, un agent de la police du métro. Car une succession d'incidents étranges, puis le meurtre d’une femme qui avait également découvert sa propre photo dans le journal persuadent Kelly que quelqu'un surveille les moindres faits et gestes des passagères. Chacune de leur côté, Zoe et Kelly vont lutter contre cet ennemi invisible et omniprésent. (résumé quatrième de couverture)

Pour me reposer un peu des lectures graves et des sujets noirs traités par la littérature des pays de l’Est, lors du challenge du mois d’Avril d’Eva, Patrice et Goran, j’ai commencé début mai par lire un thriller que je ne vous présente que maintenant, faute de temps !
C’est  « Je te vois » de Clare Macintosh, auteure anglaise, dont j’ai déjà lu l’intéressant Te laisser partir.

C’est le genre de livre à l’intrigue bien construite et bien écrite qui relance sans cesse le suspense et nous fait partager l’angoisse des personnages. On a peine à interrompre sa lecture tellement l’on veut savoir ce qui va se passer, si les femmes traquées vont s’en sortir et bien sûr, quel est le pervers particulièrement intelligent et machiavélique qui est derrière ce cauchemar.
Les personnages féminins surtout, sont très intéressants et nous nous attachons à elles, Zoé et sa fille Kathie, l’agent de police Kelly. Nous les voyons dans leur vie quotidienne, pas toujours facile, avec leurs problèmes de travail, de patron, de mari et d’enfants. Et cela les rend très proches de nous. C’est une société dans laquelle nous pouvons nous retrouver c’est pourquoi le livre fonctionne si bien. Attention ! comme dans son premier livre, Clare Mackintsh vous réserve une surprise au dénouement !

Nota : Vous allez me dire que chercher à se reposer et à se changer les idées en lisant un thriller -surtout s’il est réussi - c’est une bien mauvaise idée. Et bien non ! Un livre comme celui-ci parle, bien sûr, de l’existence du Mal, mais le lecteur sait que si celui-ci existe, il est pour l’instant théorique. D’accord, les personnages sont en danger mais nous sommes bien à l’abri dans notre fauteuil ou notre lit douillet ! C’est comme adorer les lectures qui nous plongent dans le Grand Nord, au milieu des forêts sauvages, du blizzard et des loups affamés, quand on est à côté d’un bon feu ronflant !
Par contre, quand on lit la plupart des livres des pays de l’Est, envahis, occupés, détruits, ravagés par la haine des hommes, là, il n’y a aucun échappatoire !

mercredi 28 février 2018

Asa Larsson : Tant que dure la colère


Au nord de la Suède, à la fonte des glaces, le cadavre d'une jeune fille remonte à la surface du lac Vittangijàrvi. Est-ce son fantôme qui trouble les nuits de la procureure Rebecka Martinsson ? Alors que l'enquête réveille d'anciennes rumeurs sur la mystérieuse disparition en 1943 d'un avion allemand dans la région de Kiruna, un tueur rôde, prêt à tout pour que la vérité reste enterrée sous un demi-siècle de neige...
Après  Le Sang versé  et  La Piste noire, Åsa Larsson nous entraîne une fois encore dans une intrigue aussi complexe qu'envoûtante, où elle dissèque les recoins les plus obscurs de l'âme humaine.

Avec ce quatrième roman sur Rebecka Martisson, Asa Larsson écrit un roman que j’ai trouvé plus réussi, plus direct, que La Piste noire. Il faut dire que Tant que dure la colère a quelque 150 pages de moins et qu’il est débarrassé des longueurs que je reprochais au précédent.
Certes, il y a encore quelques critiques négatives et comme le roman m’a plu, je préfère commencer par celles-là et finir sur une note positive. Rebecka Martisson n’évolue pas beaucoup au niveau de ses sentiments; maintenant qu’elle a Mans pour amant, elle écourte la conversation chaque fois qu’il lui téléphone et s’étonne s’il n’appelle plus. D’autre part, et c’est un tic de l’écrivaine, chacun de ses romans doit absolument se terminer par un épisode tragique, particulièrement horrible, et c’est encore sur la pauvre Rebecka que cela tombe dans ce livre aussi ! Dans les cinq livres que j’ai lus sur elle, elle échappe quatre fois à la mort !  J’aimerais bien que Asa Larsson varie un peu plus la structure de ses romans en particulier du dénouement !

 L’histoire de Tant que dure la colère est très intéressante. Le récit est basé sur l’Histoire de la Suède et la collaboration des habitants avec l’Allemagne nazie. Dans l’année 1943 a eu lieu un évènement que le roman va nous révéler peu à peu.
Asa Larsson décrit des personnages du peuple très vivants, croqués d’après nature semble-t-il, comme la vieille Anni, grand-mère de la jeune victime Wilma, ou la grand-mère de Rebecka, ou encore les membres de l’horrible famille Krekula. Asa Larsson est très à l’aise pour décrire les gens, leur physique, leur mentalité, leurs habitudes. Ses portraits sont vrais et sonnent juste !
L’écrivaine utilise le surnaturel dans ce roman puisque c’est Wilma ou plutôt son fantôme, qui va suivre l’enquête et parfois l’orienter.  Cette idée est une réussite car elle introduit l’étrangeté dans le récit avec les corbeaux et les chats qui « voient » le fantôme, là où la plupart des humains ne distinguent rien. De plus, cela nous permet de connaître Wilma et son amoureux Simon, de revenir sur leur passé et donc de nous attacher à eux. C’est rare, en effet, de partager le point de vue de la victime et de s’identifier à elle !
Mais on voit aussi le point de vue de l’assassin et l’on se retourne sur son enfance sacrifiée et la souffrance qui a fait de lui un monstre. Il y a des passage très forts qui concernent ce personnage : ainsi, celui où il est face à un ours, confronté à la mort, et où il se sent enfin libéré.

« Puis l’ours se retourne, retombe à quatre pattes et s’en va lourdement.
Le coeur de ...? bat. C’est le battement de la vie. C’est le bout des doigts du chaman sur la peau du tambour. C’est la pluie sur le toit de tôle de son chalet de Saarisuanto, un soir d’automne quand on est au lit et que le feu crépite dans la cheminée.
Son sang coule dans ses artères. C’est l’eau de fonte qui se détache de la glace au printemps, qui coule sous la neige, qui grimpe au coeur des arbres, qui se précipite des falaises.
Son esprit entre et sort de ses poumons. C’est le vent qui porte le corbeau dans ses jeux, qui fouette la neige en vifs tourbillons dans la montagne, qui ride doucement le lac le soir puis s’apaise et le laisse retrouver son calme miroir. »
Oui, Asa Larsson écrit bien ! Je vous laisse juge ! 




mardi 27 février 2018

Asa Larsson : La piste noire


J’ai continué la série d'Asa Larsson qui a pour personnage principal récurrent Rebecka Martinson.  (Tome 1 Horreur Boréale Tome 2  : Le sang versé )

 Le troisième tome de la série s’intitule La piste noire. Je laisse à l’éditeur le soin de raconter l’histoire :

Nord de la Suède. Un pêcheur découvre le cadavre torturé d'une femme au bord d'un lac gelé. La belle Inna Wattrang était la porte-parole de Mauri Kallis, un célèbre industriel dont l'ascension et la réussite fascinent le pays.

 Les indices sont minces : les deux inspecteurs de la police judiciaire de Kiruna font appel à l'ex-avocate Rebecka Martinsson, devenue substitut du procureur, pour tenter d'élucider les relations troubles entre Kallis et son employée.

 Derrière le meurtre d'Inna se profile un univers de mensonges, de haines et de faux-semblants où le mal se tient à l'affût comme un corbeau noir. Avec cette nouvelle enquête de Rebecka Martinsson, Åsa Larsson, Prix du meilleur roman policier suédois pour Le Sang versé, sonne le renouveau du polar Scandinave.


 J’ai trouvé ce roman très inégal. Il présente des longueurs, des passages un peu trop didactiques où sont présentés au lecteur les dessous de l’exploitation minière en Suède et en Ouganda. Cela pourrait être intéressant si c’était habilement introduit dans l’histoire mais j’ai trouvé que cela interrompait le récit. Les personnages des "méchants"  m’ont peu intéressée et Rebecca, en proie à une grave dépression, n’a pas un grand rôle dans le roman. Si ce n’est cette passion soudaine qu’elle développe  pour son ancien patron Mans,  coureur impénitent,  qui paraît assez peu intéressant d’ailleurs,  amour auquel on a peine à croire car  les sentiments de la jeune femme ne sont pas suffisamment  analysés.

Par contre et comme d’habitude, le roman présente des passages vraiment très bien écrits qui me réconcilient  avec le roman. C’est ainsi qu'Ester, cette jeune fille au tempérament d’artiste, à la sensibilité exacerbée, confiée à sa naissance à une famille sami, est vraiment intéressante. Sa mère adoptive est un beau personnage, et l’on découvre, au cours du roman, la mentalité des samis pour lesquels le surnaturel est toujours lié à l’idée de nature. De plus, Asa Larsson dénonce le racisme des suédois toujours vif envers cette nation.
 Parfois les personnages secondaires d’Asa Larsson sont plus consistants et plus riches que ces personnages principaux. Je continue à aimer aussi  la manière dont elle parle des animaux et la façon intime dont elle interprète leurs réactions sans anthropomorphisme. Dès qu’il s’agit de la nature nordique, des lac gelés, de la la neige, des chiens et des chats, la plume d’Asa Larsson est dans son élément.
La fin se termine, comme d'habitude,  par un carnage mais pour une fois Rebecka n’y est pas mêlée. C’est Anna-Maria la lieutenant de police et son adjoint Svenn-Erik qui s’y collent !
Le roman a plus de cinq cent pages mais il gagnerait, il me semble à être élagué.


mardi 16 janvier 2018

Clare Mackintosh : Te laisser partir


"Un soir de pluie à Bristol, un petit garçon est renversé par un chauffard qui prend la fuite. L’enquête démarre, mais atteint rapidement son point mort. Le capitaine Ray Stevens et son équipe n’ont aucune piste. Rien. Après cette nuit tragique, Jenna a tout quitté et trouvé refuge au pays de Galles, dans un cottage battu par les vents. 
Mais plus d’un an après les faits, Kate, une inspectrice de la criminelle, rouvre le dossier du délit de fuite. Et si l’instant qui a détruit tant de vies n’était pas le fait du hasard ?" résumé de l'éditeur

Le premier livre de Clare Mackintosh a connu un immense succès en Angleterre et obtenu le Prix du meilleur roman international au festival Polar de Cognac 2016.
 

J’ai choisi  le livre Te laisser partir de Clare Mackintosh parce qu’il se passait à Bristol, une ville que je connais bien ! En dehors de cette anecdote, j’ai été rapidement pris par l’ambiance du roman, par le suspense qui reste entier tout au long du récit.
Pas un seul instant la tension ne se relâche et lorsque Jenna part pour le Pays de Galles, on pourrait penser que le spectacle de l’océan, la beauté des falaises, l’amitié et peut-être l’amour qu’elle rencontre pourrait lui apporter un peu d’apaisement. Il n’en est rien. Il règne un mystère autour d’elle, un danger la menace.

Il ne s’agit pas ici d’un roman policier social mais d’un suspense très bien fait qui nous tient en haleine. Un coup de théâtre très réussi que, bien sûr, je ne vous révélerai pas, remet en cause toutes nos certitudes.
Un roman qui se lit facilement et que l’on ne peut quitter tant qu’on n’a pas atteint la dernière page !


samedi 3 septembre 2016

Joseph Boyden : Dans le grand cercle du monde



Avec Dans le grand cercle du monde, l’écrivain canadien, Joseph Boyden, raconte la fin du peuple Huron (les Wendat dans leur langue) dont les membres furent décimés ou dispersés en 1649 par les iroquois lors de la guerre qui les oppose.
Les Hurons qui furent baptisés ainsi par les français à cause de leur coiffure comparable à une hure de sanglier avaient fait alliance avec Samuel de Champlain dès le début du XVII siècle pour le commerce des peaux. Selon le contrat, les français leur devaient assistance contre les iroquois. En contre partie, la présence de jésuites sur leur territoire leur était imposée, ceux-ci oeuvrant pour la christianisation et favorisant les visées colonialistes de la France. Les Iroquois, eux, furent bien vite alliés aux Hollandais puis aux Anglais si bien que les guerres fratricides entre tribus servirent les intérêts des envahisseurs.

Cornelius Krieghoff  : Huron-Wendat Callingmoose

Joseph Boyden présente le génocide de ce peuple divisé en cinq tribus et la diaspora des survivants à travers un récit qui s’étend sur une vingtaine d’années, vu par trois personnages principaux :
Un jésuite (que les indiens appellent le Corbeau comme tous ceux de son ordre) qui vient christianiser les Hurons, devient leur prisonnier puis leur allié imposé, jamais accepté.
Un chef Wendat, Oiseau, animé par sa haine contre les iroquois qui ont tué sa femme et ses filles. Il est conscient du danger que représente les Corbeaux pour son peuple et cherche en vain à l’en libérer. C’est lui qui mènera les négociations avec Samuel de Champlain et conclura l’alliance avec les français. .
Et une petite fille iroquoise, Chutes de neige, prisonnière d’Oiseau qui a tué ses parents. Elle deviendra bien contre son gré sa fille adoptive. Oiseau, entend par là, selon la coutume des amérindiens, remplacer ses filles défuntes par une adoption dans la tribu ennemie.

Cornelius Krieghoff : Huron indians at portage
 Ce sont ces points de vue différents qui vont mettre en relief le choc des cultures, chacun appréhendant l’autre selon sa mentalité qui lui fait trouver cocasses, ridicules ou véritablement effroyables les coutumes, les croyances ou tout simplement la présence de l’autre. Ainsi les Corbeaux qui apportent des maladies mortelles aux indiens sans être malades eux-mêmes ne sont-ils pas des sorciers? Le Jésuite est de plus un être incompréhensible à leurs yeux avec son amulette autour du cou (la croix), ses gestes ridicules (les signes de croix) et son outrecuidance à proclamer la supériorité de sa religion. L’incompréhension du Jésuite envers les indiens n’est pas moindre !
Joseph Boyden qui est lui-même d’ascendance indienne, connaît bien cette civilisation et nous permet d’entrer dans cette culture qui parfois nous rebute (les tortures infligées aux prisonniers sont atroces) et parfois nous séduit. Leur religion, en particulier, est très belle car elle ne place pas l’homme au centre de l’univers en affirmant sa suprématie mais donne à tous une juste place, humains, végétaux, animaux, tous reliés à un Tout, tous serviteurs de la Nature plutôt que maîtres. 


Maison longue Huron reconstitution pour le film Robe noire
Dans le grand cercle du monde nous permet donc d’aborder cette civilisation d’une manière agréable, intéressante, en nous attachant à certains personnages, y compris secondaires, en voyant vivre les autochtones dans les maisons-longues qui regroupent plusieurs foyers. Amour, mariage, amitié, agriculture, chasse, trappe, commerce, fêtes, croyances et guerres … les saisons passent, les héros grandissent comme la petite iroquoise qui devient femme et se marie, épousant définitivement les moeurs des Hurons; ou ils vieillissent comme le jeune jésuite apeuré et tremblant du début qui s’affirme dans sa foi et manifeste un courage et une ouverture aux autres qui permet de faire oublier certains aspects peu sympathiques de ses tentatives de conversion.
Ce roman est donc une belle approche de cette nation indienne et de cette période tragique qui a vu disparaître en grande partie ce peuple, les Wemdat.



Joseph Boyden est un écrivain canadien, né en octobre 1966. Il a des origines irlandaises, écossaises et indiennes. Son premier roman, Three Day Road, publié en 2005, a été bien accueilli et lui a permis d'acquérir une certaine notoriété au Canada. Son deuxième roman, Through Black Spruce, a remporté le Prix Giller. Ses ouvrages sont consacrés au destin des Premières nations du nord de l’Ontario. (wikipédia)
Son oeuvre  traduite en français :
Joseph Boyden (trad. Hugues Leroy), Le Chemin des âmes [« Three Day Road »], Paris, Albin Michel, coll. « Terres d'Amérique », 2006, 391 p. (ISBN 978-2226173201)
Prix Amazon 2006
Joseph Boyden (trad. Michel Lederer), Les Saisons de la solitude [« Through Black Spruce »], Paris, Albin Michel, 2009, 400 p. (ISBN 978-2226193995)
Giller Prize 2008
Joseph Boyden (trad. Michel Lederer), Dans le grand cercle du monde [« The Orenda »], Paris, Albin Michel, coll. « Terres d'Amérique », 2014, 610 p. (ISBN 978-2-226-25615-7)

Ce livre participe au challenge le pavé de l'été de Sur mes Brizées édition 2016 avec 685 pages en livre de poche.



dimanche 17 avril 2016

Harper Lee : Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur



Il y a plus de cinq ans, j'avais écrit ce billet sur Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, pour le blogo-club de Sylire. Ce roman est un best seller américain que l'on fait étudier dans les écoles de nos jours aux Etats-Unis, et pour cause! Il s'agit d'un appel à la tolérance, d'une belle leçon contre le racisme; et puis aussi d'une vérité essentielle formulée ainsi : Avant de vivre en paix avec les autres, je dois vivre en paix avec moi-même. La seule chose qui ne doive pas céder à la loi de la majorité est la conscience de l’individu.

Harper Lee (source )

En Février 2016, la romancière Harper Lee, auteure du célèbre "Ne Tirez pas sur l'Oiseau moqueur" ("To Kill a Mockingbird" en anglais) est morte à l'âge de 89 ans. Ce livre, vendu à plus de 30 millions d'exemplaires, est considéré comme un classique de la littérature américaine.
Née en 1926 dans l'Alabama, elle avait été à l'école avec le futur écrivain Truman Capote. C'est lui qui, en 1959, la met sur la voie de la littérature. À cette époque, elle l'épaule dans l'enquête de ce qui va devenir "De sang froid".
Elle a publié "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" en 1960. Ce livre, couronné du prix Pulitzer, restera longtemps l'unique ouvrage de son oeuvre. Toutefois, en juillet 2015, Harper Lee a publié "Go Set a Watchman", un livre écrit dans les années 50 et présenté comme une suite. (source )

Voir aussi l'article Harper Lee le retour à propos de son second livre ICI

Harper Lee à l'époque de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur

Voilà ce que j'en écrivais en 2010 :  Quand j'ai lu il y a quelques années Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, j'avais été séduite par ce livre, par ce ton frais, empreint d'une apparente naïveté, par ce regard d'enfant qui porte un regard sur le monde qui l'entoure et découvre des choses qui le dépasse, qu'il ne comprend pas mais qu'il réprouve. La phrase de Charles Lamb que Harper Lee cite en exergue : Les avocats n'ont-ils pas commencé par être des enfants?" prend ici toute sa signification.
Quand j'ai su qu'il avait été choisi pour le commenter dans le Blogoclub, j'ai eu l'impression que je m'en souvenais comme si je l'avais lu la vieille. Or ce qui m'en restait et ce qui m'avait marquée avant tout c'est la figure du père, cet avocat courageux qui prend la défense d'un noir accusé d'un viol qu'il n'a pas commis mais qui est condamné d'avance dans la société raciste de cette petite ville américaine de l'Alabama. Nous sommes dans les années 35, à l'époque de la ségrégation. Et puis j'avais gardé cette impression un peu étrange d'avoir lu un Caldwell mais raconté par une petite fille.Très étrange même et pourtant combien efficace! Car le regard de Jean Louise dite Scout, pur de tout calcul et débarrassé de tout préjugé est prompt à discerner le dysfonctionnement d'une société qui prône l'égalité des droits pour tous, qui se dit une démocratie mais agit en contradiction totale avec ses principes. En fait, ce qui m'était resté en mémoire, c'est le sens profond et grave du livre, la dénonciation d'une société fondée sur le racisme et l'inégalité raciale avec comme antidote la grandeur de l'Homme lorsqu'il fait face aux préjugés, affronte la haine pour rester en accord avec sa conscience. C'est ce que fait Atticus, le père de Scout.
Vois-tu, Scout, il se présente au moins une fois dans la vie d'un avocat une affaire qui le touche personnellement. Je crois que mon tour vient d'arriver. Tu entendras peut-être de vilaines remarques dessus, à l'école, mais je te demande une faveur : garde la tête haute et ne te sers pas de tes poings. Quoi que l'on dise, ne te laisse pas emporter. Pour une fois, tâche de te battre avec ta tête ... elle est bonne, même si elle est un peu dure.
- On va gagner, Atticus ?
- Non, ma chérie.
- Alors pourquoi...
- Ce n'est pas parce qu'on est battu d'avance qu'il ne faut pas essayer de gagner.



En relisant le roman, je me suis intéressée de plus près à ce que j'avais un peu oublié, la vie quotidienne de Scout, la petite fille, "garçon manqué" comme on disait à l'époque, toujours en salopette, toujours prête à faire le coup de poing surtout pour défendre l'honneur de son père que les autres enfants appellent avec mépris, "l'ami des nègres", partageant les jeux de son frère Jem et de son "fiancé", le petit Dill. Scout de même que Jem sont décrits avec tendresse et humour par l'auteur et l'on ne peut s'empêcher de sourire devant  leur curiosité, leur imagination débridée, leur art de se mettre dans des situations inextricables. Mais l'on est touché aussi par ces beaux portraits d'enfants qui, certes ne sont pas parfaits et commettent beaucoup d'impairs, mais ont un sens de la justice et de l'honneur qui manquent aux adultes.  Leur père, Atticus, qui leur apprend les valeurs essentielles, le courage de ses opinions, le respect des autres, la maîtrise de soi, peut en être fier.
Enfants sans mère, Jem et Scout  reçoivent beaucoup d'amour de la part d'Atticus, de leur oncle Jack, de Calpurnia la femme de ménage noire mais aussi de Maudie, une vieille dame, amie de leur père. Ils s'intéressent de très près à leur voisin, le mystérieux Boo Radley qui vit enfermé dans sa maison pour ne plus en ressortir!
C'est l'occasion pour Lee Harper de brosser des personnages attachants, haut en couleur, avec des caractères et des idées très affirmées, parfois assez étonnants!
En écrivant ce premier livre qui fut aussi le seul Harper Lee réalise un coup de maître : écrire un chef d'oeuvre, un livre d'une telle force dans son apparente simplicité qu'il est devenu un classique incontournable aux Etats-Unis.



Dans l'adaptation de R. Mulligan, Gregory Peck interprète le rôle d'Atticus.

- Je préférerais que vous ne tiriez que sur des boîtes de conserves, dans le jardin, mais je sais que vous allez vous en prendre aux oiseaux. Tirez sur tous les geais bleus que vous voudrez, si vous arrivez à les toucher, mais souvenez-vous que c'est un péché que de tuer un oiseau moqueur.
Ce fut la seule fois où j'entendis Atticus dire qu'une chose était un péché et j'en parlai à Miss Maudie.
- Ton père a raison, dit-elle. Les moqueurs ne font rien d'autre que de la musique pour notre plaisir. Ils ne viennent pas picorer dans les jardins des gens, ils ne font pas leurs nids dans les séchoirs à maïs, ils ne font que chanter pour nous de tout leur coeur. Voilà pourquoi c'est un péché de tuer un oiseau moqueur.

- Miss Gates, c'est une gentille dame, non ? demandai-je.
- Tout à fait. Moi je l'aimais bien quand j'étais dans sa classe.
- Elle déteste Hitler...
- Qu'est-ce qu'il y a de mal à ça ?
- Aujourd'hui elle nous a expliqué comme il était méchant avec les Juifs. C'est pas bien de persécuter les gens, hein, Jem ? Je veux dire même en pensée ?
- Evidemment que non, Scout ! Qu'est-ce qui te prend ?
- Eh bien l'autre soir en sortant tu tribunal, Miss Gates... elle descendait les escaliers devant nous, tu l'as peut être pas vue... elle parlait avec Miss Stephanie Crawford. Je l'ai entendue dire qu'il serait temps que quelqu'un leur donne une bonne leçon, qu'ils se sentaient plus et qu'un de ces jours ils finiraient par penser qu'il pouvaient nous épouser. Jem, comment peut-on tellement détester Hitler si c'est pour se montrer odieux avec les gens de son pays ?


Le livre : Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur de Harper Lee (To kill a mocking bird)
Le film : Du silence et des ombres de Robert Mulligan


Félicitations à : Aifelle, Asphodèle, Caroline, Dasola, Eeguab, Keisha, Nathalie, Valentine

Merci à tous!

jeudi 10 décembre 2015

Victor Hugo : Ruy Blas



Mon premier contact avec Ruy Blas a été, si mes souvenirs sont bons, dans le film de Vadim « Et dieu créa la femme ». On y entend Jean-Louis Trintignant ébloui par la beauté de BB dire : je suis un ver de terre amoureux d’une étoile »… Une phrase qui m’avait frappée comme plus tard, après lecture de la pièce, celui-ci : Bon appétit, messieurs, (...) serviteurs qui pillez la maison!, vers que j’ai asséné à  mes filles maintes fois (en manière de plaisanterie) quand elles se mettaient à table. 


Affiche du TNP : extrait

Il paraît que c’était difficile d’entendre quand elles geignaient pour un bobo sans conséquences : "Puis après comme moi, souffre et meurs sans parler » ou encore à d’autres moments « la raison du plus fort est toujours la meilleure » ou bien « mais la raison n’est pas ce qui règle l’amour » et aussi "Mais qu’allait-il  (qu'alliez-vous) faire dans cette galère? " ou "Il faut courir le mauvais et se rasseoir au bon" et  "Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà " puis cette phrase qu’elles ont fini par faire leur quand elles sont de mauvaise humeur: "Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire". Tous ceux qui aiment les illustres auteurs de ces citations me pardonneront!
Mais j’arrête cette parenthèse sur les dangers ou les mérites (?) de la littérature sur l’éducation des enfants.. et je reviens à mon sujet Ruy Blas.

Affiche du TNP : extrait

L'intrigue

Gérard Philippe dans le rôle de Ruy Blas, mise en scène de Jean Vilar
Ruy Blas est un roturier amoureux de la reine d’Espagne, Dona Maria de Neubourg, qui s’ennuie à la cour entre une étiquette rigide et un mari, le roi d’Espagne Charles II, toujours absent. Don Salluste de Bazan, un grand d’Espagne, qui veut se venger de la reine, introduit Ruy Blas à la cour en le faisant passer pour son cousin Don César de Bazan. Ruy Blas gagne la confiance de la reine et est nommé premier ministre. Il va essayer de rétablir l’autorité royale en luttant contre des ministres corrompus. La reconnaissance de Dona Maria se transforme en estime puis en amour. Elle accorde un baiser à Ruy Blas. C’est alors que Don Salluste va mettre en oeuvre son plan pour perdre la jeune femme. Le retour du vrai Don César complique encore l’intrigue.

Un drame romantique

Danièle Darrieux dans le rôle de la reine, film de jean Cocteau (jean Marais est Ruy Blas)

La pièce obéit en tout point aux lois du drame romantique prônées par Victor Hugo. L'intrigue se déroule, contrairement à la tragédie classique, dans des lieux différents et dans des décors qui exaltent l’exotisme et la couleur locale. Ici l’Espagne, pays dont Victor Hugo est épris.

Nous y retrouvons le mélange des genres. Il n'y a pas la comédie d'un côté et la tragédie de l'autre mais au contraire elles "se rencontrent et l'étincelle qui en jaillit c'est le drame", écrit Victor Hugo dans la préface de la pièce.
Au sublime s’oppose le grotesque. Le drame de la passion amoureuse qui finit en tragédie car les personnages ne peuvent échapper à la fatalité qui les guette, alterne avec des scènes comiques assurées par des personnages comme Don César de Bazan. Au langage noble des uns répond la langue familière de l’autre. A la grandeur des caractères de Dona Maria et de Ruy Blas idéalisés par le dramaturge et à la noirceur tragique de Don Salluste,  correspond la trivialité de Don César.

La pièce est historique puisque l’action est située dans l’Espagne de la fin du XVII siècle montrant un royaume affaibli par une crise économique, par des révoltes intérieures, par la guerre contre la France et un pouvoir faible. La noblesse corrompue cherche à s’enrichir et à obtenir faveurs et dignités, le peuple misérable est en proie à la disette.
Ruy Blas (Ruy pour Rodrigo, prénom aristocratique et Blas pour Blaise d’origine populaire) est noble par le coeur et les sentiments mais roturier par naissance. C’est lui qui va prendre la défense du peuple et représenter l’honneur et la grandeur morale.
En 1838 quand la pièce paraît nous sommes à 8 ans de la révolution de 1830 qui a chassé Charles IX du trône pour y placer Louis-Philippe et à 10 ans de la révolution de 1848 qui l’en chassera. Les préoccupations de la pièce rejoignent donc l'actualité.



Lecture commune avec Nathalie   Laure  Moglug et Miriam



dimanche 6 décembre 2015

Simenon : Maigret, Lognon et les gangsters



Résumé éditeur
Surnommé l'inspecteur Malgracieux à cause de son humeur et de son aspect sinistre, Lognon se croit sans cesse persécuté : il est convaincu qu'une vaste conspiration nuit à son avancement. Or, voici que se présente l'affaire de sa vie : une nuit, un corps est jeté d'une voiture sur la chaussée ; aussitôt arrive une autre voiture, dont le conducteur enlève le corps. Lognon qui a assisté à la scène décide d'agir sans en référer à ses chefs, mais bientôt sa femme reçoit la visite d'inquiétants personnages parlant anglais. Effrayé, Lognon raconte tout à Maigret, lequel prend l'affaire en main d'autant que le jour même, Lognon est attaqué, et se retrouve à l'hôpital, sérieusement blessé.
Adapté pour le cinéma en 1963, sous le titre Maigret voit rouge par Gilles Grangier, avec Jean Gabin (Commissaire Maigret), Françoise Fabian (Lilli), Michel Constantin (Tony Cicero), Marcel Bozzuffi (l'inspecteur Torrence), Paulette Dubost (Mme Robert, la patronne de l'hôtel) et pour la télévision en 1977, dans une réalisation de Jean Kerchbron, avec Jean Richard (Commissaire Maigret).


On ne peut pas aller passer quelques jours à Bruxelles sans chercher un titre d’un auteur belge pour l’énigme du samedi!  Et quand la télévision vous donne un film des années 60  Maigret voit rouge de Gilles Grangier avec Jean Gabin dans le rôle du commissaire Maigret alors, noblesse oblige, ce sera Simenon.…
Le roman qui a servi à l’adaptation porte un titre différent : Maigret, Lognon et les gangsters. Il s’agit de gangsters américains, Simenon écrivant l’histoire alors qu’il séjourne aux Etats-Unis. Si Maigret voit rouge dans le film, comme dans le roman d’ailleurs, c’est que le responsable du FBI de même qu’un malfrat parisien lui conseillent de laisser tomber l’affaire. Du moment qu’il s’agit de bandits américains (tellement supérieurs aux français!), la police française n’est pas à la hauteur (tellement inférieure à la police américaine!). Maigret va avoir à coeur de prouver que la police française même avec ses méthodes moins modernes d’investigation n’a rien à envier à la police américaine.
Dans le roman, l’inspecteur Lognon est au centre de l’histoire, c’est pourquoi il apparaît dans le titre du roman. Sa femme que les gangsters menacent à son domicile est aussi présente. Dans le film, il n’en est rien. Celui-ci est fait sur mesure pour Jean Gabin et l’on peut dire que Lognon n’y tient qu’une place mineure et sans grand intérêt. L’intrigue du roman est aussi plus logique que celle du film.


Réponse à l'énigme 119

Bravo à tous ceux qui ont trouvé la réponse : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab, Keisha,Valentyne et merci aussi à tous ceux, moins chanceux, qui n'ont pas trouvé mais ont participé.

Le livre : Simenon Maigret, Lognon et les gangsters

Le film : Grangier Maigret voit rouge

lundi 26 octobre 2015

Léon Tolstoï : La mort d’Ivan Illitch, suivi de Maître et serviteur et de Trois morts



Dans les trois nouvelles de ce recueil du livre de poche, Tolstoï explore le thème de l’homme face à la mort. Qu’il s’agisse de La mort d’Ivan Illitch, suivi de Maître et serviteur et de Trois morts, Tolstoï analyse les sentiments d’angoisse, de refus, de colère ou d’acceptation de l’individu saisi par le vertige de la mort annoncée,  alternances de lucidité ou de déni, d’honnêteté ou de mensonge quant  au bilan que le mourant fait de sa vie.
Tolstoï a été touché par la mort dans son plus jeune âge puisque, orphelin dès l’enfance, il n’a pu connaître sa mère et son père; puis en 1850 son frère Dimitri disparaît mais c’est la mort de son frère Nicolas dont il est très proche, atteint de tuberculose, qui le touche le plus. Pourtant il ne s’agit encore que d’une appréhension de la mort par l’extérieur, d’une donnée intellectuelle et non de vécu.
L’expérience par l’intérieur, dans sa chair, de la mort comme une « horreur blanche et rouge et carrée »,  il l’expérimente au cours d’un voyage et d’une nuit passée dans l’auberge Arzamas. Cette sensation de mort imminente, cette prise de conscience de sa vulnérabilité, sa révolte vécue comme un cri, son désir de vivre répondant à la terreur qui l’envahit et le possède entièrement, il ne l’oubliera jamais.

La Mort d’Ivan Illitch (1886)

Ivan Kramskoï : Les derniers chants de Nekrassov Galerie Tretiakov
C’est ce qu’il transcrit dans La Mort d’Ivan Illitch, ce personnage à qui il ressemble et dont il raconte la mort avec une sensibilité d’écorché, un justesse à fleur de peau, une angoisse horrible qui se transmet au lecteur … La description réaliste de l’évolution de la maladie, de la déchéance du corps est terrifiante. L’analyse psychologique est d’une étonnante finesse jusque dans les plus petits détails. Et que dire de cette prose, dense, puissante qui vous happe, à laquelle vous ne pouvez plus échapper, qui vous retourne, vous bouleverse..
L’on peut ajouter à cette terrible expérience existentielle, la vision satirique d’une société uniquement guidée par l’attrait de l’argent, des honneurs et de la réussite, qui oublie les valeurs spirituelles, l’amitié, l’amour, une société en manque d’idéaux et où la mort d’un collègue est reçue avant tout comme une promesse de promotion à la place qu’il occupait.
Apparaît aussi à travers le portrait de Praskovia Federovna, l’épouse d’Ivan Illitch, la misogynie de Tolstoï et son horreur du mariage.
La Mort d’Ivan Ilitch est une nouvelle qui est à la fois un grand moment littéraire et un grand moment de vérité. Il vous oblige à regarder l'idée de la mort en face sans plus vous voiler la face. Je l’ai reçu comme un coup de poing. Rares sont les écrivains qui ont ce pouvoir d’impliquer si totalement le lecteur, de faire vivre avec autant d’acuité une expérience aussi universelle, la mort, que par définition l’on ne peut habituellement partager avec autrui. Quel écrivain! Pendant un certain temps, tout paraît fade à côté de lui!

Maître et serviteur(1895)

VG Perov : la denrière taverne avec la sortie du village Galerie Titrakov Moscou
VG Pérov : la dernière Taverne avant la sortie du village  Galerie Tetriakov

Maître et serviteur raconte l’histoire de Brekhounov, un marchand, âpre au gain, qui n’hésite pas, pour acheter les forêts qu’il convoite, à se déplacer en traîneau en plein hiver, pendant une tempête de neige. Bloqués au fond d’un ornière, par un froid intense, les deux hommes voient arriver leur mort prochaine. Seul le serviteur, Nikita, un homme simple, proche de la nature, l’envisage avec sérénité. Tolstoï pense, en effet, que la civilisation entraînant la cupidité, l’égoïsme, la recherche des biens matériels, détourne des valeurs essentielles. Mais la mort permet au maître de se confronter à la vérité en faisant le bilan de sa vie et de se dépouiller de son égoïsme.

Trois Morts (1850)

Dans Trois Morts, une mourante part en voyage vers un pays chaud pour échapper à la mort. Si son entourage sait qu’elle va mourir, elle se ment à elle-même, à la recherche du moindre espoir qui la sauvera. La religion est inutile et ne lui procure aucun soulagement réel. La deuxième mort est celle du postillon, l’oncle Fédor, qui accepte sa mort, en homme simple et proche de la nature. Le troisième est un arbre qui meurt en « beauté parce qu’il ne joue pas la comédie, ne craint, ni ne regrette rien ».  La nouvelle écrite en 1850, trente ans avant La mort d’Ivan Illitch, présente les mêmes thèmes mais d'une manière plus superficielle, moins aboutie et plus démonstrative; je me suis sentie moins concernée.

lundi 14 septembre 2015

Virginia Woolf : Mrs Dalloway

Romans et nouvelles de Virginia Woolf Pochothèque
Classiques livre de poche

Et voilà j’ai enfin lu Mrs Dalloway de Virginia Woolf grâce à cette lecture commune faite avec Laure! Je dois dire que je n’avais jusqu’alors lu que les nouvelles qui laissent le temps d’admirer le style et on peu bien dire l’art de l’écrivaine. Le roman, c’est autre chose, car je n’aime pas être arrêtée par des considérations esthétiques qui nuisent à l’histoire mais aussi à l’intérêt que je porte aux personnages.
Au début de ma lecture, je m’impatiente! Ce genre de personnage, Clarissa, qui ne se préoccupe que du paraître, de ses invitations, de son intérieur et de ses vêtements, qui épluche ses sentiments avec préciosité, m’insupporte, parasite de la société! Elle ne m’intéresse pas mais peu à peu le tableau d’une société apparaît, déliquescente et consciente de l’être, les classes sociales se croisent, Lucy la domestique de Clarissa, sa cuisinière, la noblesse, les hommes politiques, et Rézia , Septimus, des gens du peuple… On rentre lentement dans ce monde.

Or, ce qui frappe d’abord dans ce roman c’est l’absence  « d’histoire » et la rupture avec la narration classique, chronologique, avec un début et une fin.
En fait, on pourrait résumer le récit ainsi : Mrs Dalloway, qui appartient à une classe sociale aisée, doit donner une réception. 
Tout se déroule au cours de cette journée, du matin jusqu’au soir. C’est ainsi que l’on fait connaissance de Clarissa, de sa fille Elizabeth, de son mari Richard, de son ancien amoureux Peter Walsh, de ses amis et relations, mais aussi de personnages qui lui sont totalement inconnus et que l’on croise dans un parc, une allée, un salon de thé; ce qui permet de passer d’un personnage à l’autre comme s’il s’agissait d’une course de relais ou plutôt d’une déambulation dans les rues de Londres où chacun laisserait son tour à l’autre, obligeant le lecteur à abandonner le personnage pour le suivant. Mais ce qui est aussi surprenant c’est que nous pénétrons parfois directement dans les pensées intimes de ces femmes et ces hommes et glissons des uns aux autres sans que rien ne nous avertisse du passage d’une conscience à une autre.
La construction du roman est comme un long ruban dépourvu d’ossature, une rivière qui coule doucement, de manière ininterrompue mais qui, loin de s’éloigner de son point de départ, nous ramène, le soir, à la réception de Mrs Dalloway. Chaque personnage va converger pour s’y retrouver, s’y ignorer, s’y ennuyer ou simplement sous forme de fait divers que l’on raconte entre deux petits fours, le doigt levé. Ainsi en est-il du drame vécu par la jeune modiste italienne Rézia et  son mari, Septimus, anglais, qui sombre dans la folie, dévasté par la guerre.
Cette image de la rivière qui coule et revient à la source peut être appliquée aussi à un des thèmes principaux du roman : le thème du temps qui passe, de l’inexorabilité. Mrs Dalloway et tout son entourage sont constamment en train d’évoquer le passé, d’y retourner en pensée, de s’interroger sur leur choix, de douter. Tout est décrit par petites touches, par impressions, avec un flouté qui fuit le réalisme et qui introduit la nostalgie comme une petite musique obstinée mais douce.
Finalement, pour lire Mrs Dalloway, il faut s’abandonner à sa lecture, ne pas vouloir tout lire d’un coup, savoir s’arrêter, déguster.

dimanche 6 septembre 2015

Pouchkine Les récits de feu Petrovitch Belkine : Le marchand de cercueils, le coup de pistolet, la demoiselle paysanne, le maître de poste


Récits de feu Ivan Petrovitch Belkine

C’est sous le nom fictif de Petrovitch Belkine que Pouchkine publie un recueil de nouvelles Les récits de feu Petrovitch Belkine (1831) dont les titres sont autant de réussites littéraires. 

Le coup de pistolet 

Alexandre Pouchkine

Le coup de pistolet est l’histoire d’un duel et surtout d’une vengeance longuement élaborée. Le narrateur, un jeune officier, raconte l’histoire de son ami Silvio, un civil, qui a un comportement  étrange. On sait peu de choses sur lui, sur son passé, sa fortune… Mais alors qu’il s’exerce tous les  jours au pistolet, devenant ainsi un des plus fins tireurs de leur cercle d’amis, il refuse de se battre en duel, se déshonorant selon les règles de cette société. Alors qu’il est rappelé impérativement chez lui, il explique au narrateur pourquoi il a refusé de se battre.  Il voulait se garder en vie pour assouvir une vengeance. 

En effet, il y a longtemps de cela, il était en rivalité  avec un jeune homme brillant et riche, amoureux comme lui de la même jeune fille, qu’il a fini par provoquer en duel. Mais ce dernier, alors que Sylvio le tient en joue, affecte de manger des cerises avec insouciance tout en crachant les noyaux vers son adversaire.

Sylvio refuse alors de tirer sur cet homme puisque la vie ne semble pas lui importer mais il garde le droit à son coup de pistolet et promet de revenir tuer son adversaire quand la vie aura plus de valeur pour lui :
« Depuis lors pas un jour ne s’est passé que je n’aie songé à la vengeance? Aujourd'hui mon heure est venue ». Je vous laisse découvrir le dénouement.
La nouvelle est un témoignage de la mentalité de ces jeunes militaires nobles qui ne manquent pas de panache mais jouent facilement avec leur vie. Désoeuvrés, hors des périodes de conflits, ils passent leur temps à jouer, à boire, à entretenir des liaisons amoureuses et à se battre en duel. On sait comment Pouchkine mourra à l’âge de 35 ans, tué en duel par un français d’Anthès, l’amant de sa femme Natalia Goncharova.  Sylvio est, comme le Hermann de La dame de Pique, un personnage en proie à une idée fixe : ici, la vengeance... et qui va jusqu'au bout  de son obsession. A noter que tous les deux ont des prénoms d'origine étrangère, ce qui est étonnant car ils personnifient ce qu'il est convenu d'appeler "l'âme russe", une sensibilité exacerbée. Silvio est  un personnage qui a eu un modèle historique : le colonel IP Liprandi.

Le marchand de cercueils 

Adrien Prokhorov, marchand de cercueils, aménage dans une nouvelle maison. Le cordonnier, Gottlieb Schultz, l’invite pour faire sa connaissance mais, au cours du repas un peu arrosé, les convives se moquent du métier de Prokhorov. Le marchand de cercueil, vexé, jure qu’il ne rendra pas l’invitation à ses voisins. Il préfère inviter ses clients, ceux qu’il enterre depuis des années. Oui, mais voilà, les morts le prennent au mot! Un conte où Pouchkine joue avec le fantastique mais non sans humour!

Le maître de poste

 Un maître de poste voit sa vie détruite quand sa fille Dounia est enlevée par un jeune noble. Le père va à la ville et cherche à récupérer Dounia mais le noble le met à la porte en lui jetant une poignée de billets. Le maître de poste mourra sans revoir sa fille avec la peur que celle-ci ne finisse sur le trottoir comme beaucoup d’autres jeunes filles enlevées de la même manière pour servir un moment les caprices du maître. Le récit est un cruel fait de société que Pouchkine inscrit dans la vie russe, avec la description des intérieurs humbles, des métiers, et des portraits vrais et douloureux de pauvres gens soumis au pouvoir des grands comme le vieux maître de poste. Il annonce le réalisme qui suivra plutôt que le romantisme de l'époque de Pouchkine.

La demoiselle paysanne  

Lisa, une jeune fille romanesque et indépendante, nourrie de romans anglais, se déguise en paysanne pour faire connaissance d’Alexeï, fils de son voisin. Le père de ce dernier, le propriétaire Ivan Pétrovich Bérestov, et le père de la jeune fille, Grigory Ivanovich Mouromsky, sont fâchés! Comme il se doit les deux jeunes gens tombent amoureux l’un de l’autre. Pendant ce temps les pères se rabibochent et décident de marier leurs enfants … mais le jeune homme refuse obstinément car il veut épouser sa paysanne! Un récit on ne peut plus romanesque que Pouchkine raconte avec humour et avec une certaine distanciation, se moquant gentiment de ses amoureux et prenant le lecteur à parti, si bien que celui-ci est complice et rit du dénouement qui n’est une surprise… pour personne! Pouchkine parle d'une manière plaisante et légère d'un thème récurrent à la littérature du XIX siècle : l'influence de la lecture de romans sur les jeunes filles en fleurs! ( Mode comédie douce-amère avec Northanger Abbey de Jane Austen; tragique avec Emma Bovary de Flaubert)

La tempête de neige

La tempête de neige fait aussi partie de ce recueil. Voir mon billet :  La tempête de neige Pouchkine et Tolstoï

Avec ces cinq nouvelles qui mettent en valeur la prose et la langue russe jusqu'alors dédaignés par les intellectuels, Pouchkine ouvre à la nouvelle et au roman russe une voie qui se révèlera d'une grande richesse. Il nous offre en même temps un tableau passionnant des classes sociales à travers des personnages du peuple ou des nobles, et nous renseigne sur de nombreux détails de la vie quotidienne en Russie à son époque.




mercredi 2 septembre 2015

Alexandre Pouchkine : La dame de pique



La dame de Pique ( Пиковая дама) est une nouvelle de Pouchkine que j’ai étudiée pour mon mémoire de maîtrise, c’est à dire il y a fort longtemps. Je l’ai relue avec un vif plaisir pour me plonger dans un bain de culture russe avant mon départ à Moscou et à Saint Pétersbourg  prévu pour le 15 septembre.

Comme quoi la rentrée littéraire n’empêche pas le retour de temps en temps aux bons vieux classiques!! Et pourquoi les deux seraient-ils antinomiques comme le pensent par fois certain(e)s d’entre vous?

 Le récit

Au cours d’une soirée consacrée au jeu, à Saint-Pétersbourg, chez son ami Naroumov, le comte Tomsky raconte à ses amis l’histoire de sa grand mère la comtesse Anna Fedotovna. Celle-ci a été, dans sa jeunesse, une beauté célèbre, courtisée par tous et qui adorait le jeu. En visite à Paris, elle perd une partie de sa fortune aux cartes et confie son désarroi au comte de Saint Germain, un aventurier qui prétend avoir des pouvoirs d’alchimiste. Celui-ci lui indique le secret des trois cartes qui feront sa fortune mais à condition qu’elle ne rejoue plus jamais.
Ce récit enflamme l’imagination de Hermann, un ami de Tomsky, dont la fortune est médiocre. Il séduit la pupille de la comtesse, Lisaveta Ivanovna, pour s’introduire dans les appartements de la vieille dame qu’il menace avec son pistolet afin de lui extorquer son secret. Mais cette dernière, terrassée par la peur, meurt sans le lui révéler. Le soir de l’enterrement d’Anna Fedotovna, son spectre apparaît à Hermann pour lui donner la combinaison gagnante qui lui permettra, en faisant fortune, de sortir de sa condition. Et je vous laisse découvrir la suite!

Romantisme ou antiromantisme?

La dame de Pique adaptation  de Tchaïkowsky
Romantique, Alexandre Pouchkine l’est, par son appartenance à une époque, le début des années 1800, et à une classe sociale, noble, désoeuvrée, aisée, très occidentalisée.
 Ainsi le tableau qu’il nous donne de la société pétersbourgeoise dans La dame de Pique, est  celle d’une jeunesse dorée à la sensibilité exacerbée qui brûle sa vie en beuveries et aux cartes. Hermann semble être le parfait exemple de ce héros romantique, un peu en marge des autres par son milieu plus modeste, et en proie à une obsession qui va le conduire à la folie.
Le thème fantastique qui est introduit dans ce récit convient donc au genre romantique :  l’apparition du spectre de la comtesse,  la révélation des trois cartes qui supposent l’intervention de puissances occultes et peut-être même l’existence d’un pacte satanique. Et puis il y a l'image de cette Dame de pique, qui dans le langage des cartes est la personnification de la mort.

Mais l’ironie Pouchkiniennne vient démentir le romantisme du récit. Et d’abord avec Hermann! Ce dernier pourrait être le prototype du héros romantique, amoureux et fougueux; il fait une cour assidue à la jolie Lisaveta, mais n’a pas d'autre but que de satisfaire sa cupidité, son désir de faire fortune. La manière dont il abuse la jeune fille en fait un être froid et calculateur.
Le style de Pouchkine aussi est aux antipodes du romantisme, un style classique (l’écrivain est un admirateur de Voltaire), simple, sans flamboyance, qui ne recherche pas l’effet. Bien  au contraire, il en prend le contrepied. Mais pour être dépouillé, il n’en est pas moins efficace, témoin la description saisissante de la toilette de la vieille princesse. La vieillesse qui jaunit sa peau, la sénilité qui rend ses lèvres pendantes et affecte tout son corps d’un tremblement mécanique, en font un spectacle bien plus horrible que la mort elle-même. Finalement la réalité est plus effrayante que le fantastique, la vivante plus repoussante que le spectre!

Il faut lire le dénouement de La dame de Pique pour comprendre ce refus de la dramatisation. La fin est si volontairement plate, elle contraste si violemment avec ce qui précède, qu’il me semble y voir l’expression d’un sentiment de dérision de la part de son auteur. Les héros sont terre à terre et conformistes. A l’exception de Hermann, ils continuent leur vie, comme si rien ne s’était passé. La passion de Lizévata pour Hermann, ses sentiments exaltés nourris par ses lectures et son imagination enflammée semblent complètement oubliés. Lizaveta entre dans les rangs, avec un retour au correctement social, au bon ton.

La dame de pique est une des plus célèbres nouvelles de Pouckine. Elle a été adaptée à l’opéra dans par Piotr Ilitch Tchaïwkosky.
Je vous parlerai bientôt de Les Récits de feu Ivan Petrovitch Belkine de Pouchkine

La dame de pique opéra de Tchaïkowsky

 Je suis allée voir l'opéra de Tchaïkowsky d'après l'oeuvre de Pouchkine à l'opéra de Saint Petersbourg. Voici quelques photographies.

Saint Petersbourg L'opéra ancien à droite et contemporain à gauche
L'opéra ancien à droite et contemporain à gauche

l'opéra contemporain Intérieur

Opéra de Saint Petersbourg La salle de concert : arrivée du public représentation de La dame de PIque
La salle de concert : arrivée du public

La fosse d'orchestre

Opéra de Saint petersbourg Partition de la dame de pique pupitre du chef d'orchestres
Partition de la dame de pique pupitre du chef d'orchestres Saint Petersbourg

Opéra  de Saint Petersbourg la dame de pique tchaïkovsky Fin de la représentation
Fin de la représentation