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lundi 20 octobre 2008

Donald Westlake : Le couperet (1)



 Le couperet de Donald Westlake paru en 1997 n'a jamais été autant d'actualité qu'en cette année 2008 avec la crise économique qui secoue le monde et agite plus que jamais la menace du chômage pour les ouvriers mais aussi pour les cadres.

Le héros de Westlake, Burke Devore, est justement un cadre supérieur dans une usine de pâte à papier. Compétent, expérimenté et  pour tout dire un des meilleurs dans son domaine. Certes! mais cela ne l'empêche pas  d'être licencié et de se retrouver sur la liste des demandeurs d'emploi avec toutes les angoisses, les humiliations et les échecs qui accompagnent la quête d'un travail :  "le chômage à long terme, ça abîme tout. "

L'analyse faite par Westlake de notre société est d'une froide lucidité. Il met en nu les rouages des entreprises où seul le profit entre en jeu. Il montre la stupidité d'un système qui "jette" ses travailleurs au moment où ils sont le plus performants et pourraient produire des richesses dont profiterait le pays tout entier.

"Les actionnaires ne s'intéressent à rien d'autre que le rendement, et cela les conduit à soutenir des cadres de direction formés à leur image... qui gèrent des entreprises dont ils se moquent éperdument, dirigent des effectifs dont la réalité humaine ne leur vient jamais à l'esprit, prennent des décisions non pas en fonction de ce qui est bon pour la compagnie, le personnel, le produit ou encore (ah!) le client, ni même pour le bien de la société de façon plus générale, mais seulement en fonction du bénéfice apporté aux actionnaires."

Un vrai gâchis! Burke Devore n'a donc plus qu'une solution dans cette "démocratie dévoyée" où le couperet vous prend votre vie sans autre considération, d'appliquer la règle du jeu qui est celle des grandes entreprises  : la fin justifie les moyens. Et comme il est un des meilleurs dans sa partie mais pas le meilleur, il va lui falloir utiliser à son tour le couperet sur ses concurrents, c'est à dire se débarrasser des plus compétents. Quoi de plus moral?

"Il fut une époque où c'était considéré comme malhonnête, l'idée que la fin justifie les moyens. Mais cette époque est révolue. Nos chefs de gouvernement justifient toujours leurs actions en invoquant leurs buts. Et il n'est pas seulement un PDG qui ait commenté publiquement la vague de compressions de personnel qui balaie l'Amérique sans l'expliquer par cette idée."
On l'aura compris le couperet et les meurtres commis par Burke ne sont que la métaphore de ce que le capitalisme   dépourvu de toute morale applique à l'échelle mondiale. Burke a le bon droit pour lui.

"la fin de ce que j'accomplis, l'objectif, le but, est juste, incontestablement juste. je veux m'occuper de ma famille, je veux être un élément productif de la société (...) Comme les PDG, je n'ai rien à regretter."

Un livre politique et rébarbatif, alors? Pas du tout mais un vrai polar bien noir avec suspense et angoisse  où vous vous sentez englué dans une logique implacable comme une mouche prise dans une toile d'araignée. Pour couronner le tout, un humour grinçant et féroce, terriblement efficace.