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lundi 24 août 2009

David Mitchell : Le fond des forêts




Le fond des forêts est le second livre que je lis de David Mitchell après Cartographie des nuages. Si le premier était intéressant par sa virtuosité, le second est plus classique mais tout aussi intéressant. Il s'agit d'un roman d'adolescence, de passage. Il explore ce moment si difficile où tout en appartenant encore à l'enfance, on est pourtant déjà en mutation vers autre chose sans avoir encore les moyens de l'assumer.
Jason Taylor a 13 ans. Il vit  dans  un petit village du Worcestershire en lisière de la forêt, au bord d'un lac gelé par l'hiver, lieux mystérieux qui exercent sur lui une étrange fascination et où ce qui arrive est toujours à la limite du fantastique. Là, il rencontre des personnages fascinants comme cette vieille dame qui croit vivre avec son frère mort à la guerre depuis longtemps déjà, cet ancien professeur qui aurait tué un élève jadis, du moins la rumeur l'affirme, et qui  menace de lancer ces dogues sur lui, les romanichels qui l'accueillent autour de leur feu, le fantôme du patineur disparu sous la glace et qui est peut-être bien son double, son jumeau, l'existence de tunnels qui mènent aux anciennes mines et semblent les lieux de tous les dangers du moins pour son imagination fertile.
Côté famille, la situation n'est pas très drôle. Il assiste, sans toujours bien s'en rendre compte, à la dégradation progressive des relations entre ses parents. Son père entretient une maîtresse, perd son travail. Sa mère part et lui aussi doit quitter, en la suivant, sa maison, son village. De plus, il est témoin de l'hypocrisie sociale quand son oncle, plein d'une fausse amabilité, accable son père de conseils pour mieux lui faire sentir qu'il est plus riche que lui et le mépriser.
Côté école -et bien qu'il soit bon élève- Jason ne s'en tire pas mieux. Il doit essayer de cacher son bégaiement à tous et même s'il prend des cours avec l'orthophoniste, il sera la proie des railleries et autres cruautés de la part des autres collégiens. Il doit aussi subir des épreuves d'initiation pour entrer dans le club secret qui lui permettra de se sentir intégré et d'être du côté du pouvoir car l'école est un microcosme, reflet de la société des adultes, avec ceux qui dominent et ceux qui subissent, avec ses codes auxquels il faut obéir pour être accepté. Mais, alors qu'il a accompli ses exploits victorieusement, il va découvrir que le courage véritable ne réside dans ces actes de gloriole. Le courage c'est de de venir en aide à un ami dépourvu de prestige lorsque celui est dans dans la détresse quitte à perdre sa place dans le groupe des "puissants". Le courage, c'est aussi de briser le tabou du silence en dénonçant le racket des plus grands, en  refusant la loi du plus fort même s'il passe pour un mouchard et se met au ban de la société.
Mais c'est aussi précisément ce qui le fera grandir, lui donnera une maturité. Et finalement la vie n'est pas entièrement noire pour Jason qui réussit son passage; ses épreuves le rapprochent de sa soeur, lui gagne l'admiration d'une fille et son premier baiser, lui qui avait peu de succès jusque là. Il y a gagne surtout l'estime de lui-même, ce qui peut se résumer par ces phrases écrites à son intention par Mr Kempsey, son professeur principal :
Rêver de sécurité ou de popularité rend faible et vulnérable. Ne soutenez pas un point de vue auquel vous n'adhérez pas. Ne riez pas de ce qui ne vous fait pas rire.
Le respect gagné à force d'intégrité ne peut vous être repris sans votre consentement.
Le roman n'est jamais démonstratif. Il explore avec subtilité tous les méandres de la conscience du jeune garçon, ses tentations de céder au plus fort, ses petites lâchetés, son désir de se fondre dans la masse pour avoir la paix, pour appartenir au groupe. L'imaginaire du jeune garçon est riche, sa sensibilité aussi si bien que l'on suit avec plaisir son évolution. Le récit, à la première personne, est très crédible dans la peinture de la mentalité des adolescents, de leur langage, de leur univers.
Un très bon livre!