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mercredi 6 février 2013

Anne Cuneo : Le trajet d'une rivière

Ce roman historique, Le trajet d'une rivière, La vie et les aventures parfois secrètes de Francis Tregian, gentilhomme et musicien  d'Anne Cuneo est placé sous le signe de Montaigne à qui il emprunte le titre : Quelle bonté est-ce, que je voyais hier en crédit et demain plus, et que le trajet d'une rivière fait un crime? 

Francis de Trégian, le personnage principal du roman, s'il ne rencontre pas Montaigne (celui-ci meurt en 1592 ) a connaissance des Essais et il en fait sa lecture quotidienne, une lecture qui l'apaise et contient des réponses à ses questions angoissées.  Le trajet d'une rivière est, en effet, une réflexion sur le bien-fondé des lois et de la justice, sur l'intolérance et la liberté de penser. L'action se situe d'abord en Angleterre où naît Francis Tregian, en 1574, dans une famille noble de Cornouailles puis en France, Pays-Bas, Italie, Espagne, au cours des voyages de notre héros en Europe. Le père de Françis, catholique fervent et fanatique, est emprisonné par la reine Elizabeth 1er, protestante. Son domaine lui est enlevé et ses enfants sont obligés de fuir et de se cacher. Francis Tregian, tolérant et  large d'esprit, refuse d'abjurer sa foi, parce qu'il pense, comme Montaigne, que chacun doit être libre de pratiquer la religion de ses pères.
C'est aussi un livre sur la musique puisque Anne Cuneo s'est intéressé à un musicien. Francis Tregian est, en effet, un excellent instrumentiste qui a collecté - en Angleterre où il a été l'élève de Thomas Morley et dans toute l'Europe- des musiques pour clavier qu'il a réunies dans le célèbre recueil le Fitzwilliam Book, témoignage précieux de tout ce qui se jouait en Europe de la fin du XVI° siècle au début du XVII°. Périodes tragiques et troublées au cours desquelles les populations sont décimées par la peste, la famine, où les guerres de religion font rage, la barbarie toujours prête à pointer le nez… mais d'où, pourtant, surgissent un bouillonnement de la pensée, une créativité, un renouveau dans tous les domaines de la connaissance, de la littérature et de l'art.

C'est avec érudition que Anne Cuneo nous introduit dans ce monde passionnant, de la la cour de la reine Elizabeth 1er, à la prison de la Fleet où est enfermé Tregian, aux champs de bataille de Henri de Navarre, notre bon roi Henri IV, à Amsterdam, centre du protestantisme.  Et c'est pour notre plus grand plaisir que nous rencontrons tous les personnages célèbres, amis de Tregian. Dans les théâtres londoniens, quand ils ne sont pas fermés par la peste ou par les puritains, Shakespeare écrit son Hamlet ou sa Mégère devant nous, les plus grands compositeurs de l'époque mettent au point de nouvelles théories, musiciens anglais comme Thomas Morley, John Bull, Peter Philips ou William Byrd,  italien comme Monterverdi…



 Thomas Morley

C'est à partir du Fitzwilliam Books que l'écrivain s'est livré à une véritable enquête sur ce personnage exceptionnel. Elle s'appuie sur des connaissances solides, des faits précis, des évènements réels, des  témoignages de l'époque, des registres de prison, des contrats..  Elle s'est imprégnée des lieux où a vécu Francis Tregian et répond d'une manière satisfaisante aux questions qui se posent à tout romancier écrivant sur l'Histoire : comment équilibrer ce qui est du domaine de l'Histoire et de l'imagination? Comment inventer et pourtant rester fidèle à la vérité historique? De cette réflexion et de ce travail est né un roman vivant, fourmillant de connaissances, de détails, d'évènements avec des personnages attachants. Un beau voyage dans une époque passionnante.




Monterverdi : Lamento d'Arianna

jeudi 17 janvier 2013

Citation avec Montaigne : Le trajet d'une rivière



Je suis en train de lire Le trajet d'une rivière d'Anne Cuneo, roman historique qui nous amène dans le passé, d'abord en Angleterre à l'époque élizabethaine puis en voyage en Europe déchirée par les guerres de religion.  Or, qui ai-je rencontré dans ce XVI siècle où s'affronte les fanatismes et où  l'on tue au nom de Dieu?  Montaigne, bien sûr, et ce texte magnifique et si vrai qui explique le titre de ce roman dont je vous parlerai bientôt.



Ce que notre raison nous conseille de plus vraisemblable, c'est généralement à chacun  d'obéir au loi de son pays, comme est l'avis de Socrate inspiré, dit-il d'un conseil divin. Et par là que veut-elle dire, sinon que notre devoir n'a d'autre règle que fortuite? La vérité doit avoir un visage pareil et universel.. Il n'est rien de sujet à de plus continuelle agitation que les lois. Depuis que je suis né, j'ai vu trois et quatre fois rechanger celle des Anglais, nos voisins, non seulement en sujet politique, qui est celui que l'on veut dispenser de la constance, mais au plus important sujet qui puisse être, à savoir la religion. De quoi j'ai honte et dépit, d'autant plus que c'est une nation à laquelle ceux de mon quartier ont eu autrefois une si privée accointance qu'il reste encore en ma maison aucunes traces de notre ancien cousinage… Que dira donc en cette nécessité que la philosophie? Que nous suivons les lois de notre pays? C'est à dire cette mer flottante des opinions d'un peuple ou d'un Prince, qui me peindront la justice d'autant de couleurs et la réformeront d'autant de visages qu'il y aura en eux de changements de passion? Je ne peux pas avoir le jugement si flexible.
Quelle bonté est-ce, que je voyais hier en crédit et demain plus, et que le trajet d'une rivière fait un crime? Quelle vérité que ces montagnes bornent, qui est mensonge au monde qui se tient au-delà?