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samedi 2 juillet 2011

Joyce Carol Oates : Mère disparue




Joyce Carol Oates  a écrit ce roman Mère disparue en pensant à sa mère décédée en 2003, si j'en juge par la dédicace du livre... Il ne s'agit pas, cependant, d'une autobiographie mais d'une oeuvre entièrement fictionnelle puisque l'écrivain imagine  comment l'héroïne de son roman, Nikki, après une soirée de fête des mères ratée, retrouve sa mère  morte quelques jours plus tard, sauvagement assassinée. Le livre n'est pas non plus un  roman policier. Le lieutenant Ross Stabane retrouve tout de suite le meurtrier et clôt l'enquête.
Et pourtant, il y a enquête! Celle que Nikki va mener auprès des amies de sa mère, "l'hypocondriaque" Alice Proxmire,"le distingué" Gilbert Wexley, "la sévère" tante Tabitha,  pour apprendre qui était véritablement Gwen Eaton que ses amis avaient surnommée "Plume" et qui cherchait désespérement à rendre les gens heureux autour d'elle faute de pouvoir l'être vraiment elle-même. Au cours de cette recherche la personnalité de Nikki va évoluer ainsi que ses sentiments.
Au début de Mère disparue, Carol Joyce Oates s'adresse directement à chacun d'entre nous en ces termes : Je raconte ici comment ma mère me manque. Un jour, d'une façon qui ne sera qu'à vous, ce sera aussi votre histoire. J'ai pensé, à la lecture de ces lignes, que ce livre allait beaucoup me toucher ... et puis non! Il se lit, pourtant, avec intérêt.
En effet, il présente les qualités que j'ai rencontrées au cours de mes lectures de Joyce Carol Oates. Celle-ci excelle dans la peinture des relations humaines et de ses ambiguités, des rancoeurs, et des blessures qui ne peuvent se refermer. Les rapports, par exemple entre les deux soeurs, Nikki et Clare Eaton, la jalousie qu'elles éprouvent l'une envers l'autre, l'attrait-répulsion voire  le manque d'amour et d'affinités sont décrits avec beaucoup de finesse, de même que ceux plutôt équivoques entre Nikki et son beau-frère, Rob Chisholm.
J'aime beaucoup aussi, comment sans avoir l'air d'y toucher, l'écrivain sait faire comprendre la hiérarchie des rapports sociaux, le sentiment de supériorité éprouvé par une certaine bourgeoisie envers les classes dites inférieures, les non-dits au sein d'une même famille. Par exemple la  condescendance feutrée manifestée à la si "gentille" et si "petite" Plume qui fut dans les années 60 "une pom pom girl fadement mignonne", comme des "milliers- des millions?- d'autres jeunes filles instantanément reconnaissables pour des américains de la classe moyenne par tout non-américain".
Peu à peu se dessine aussi le portrait du père mort des années auparavant et c'est là, une fois encore, une  des grandes  forces de l'écrivain, celle de faire découvrir de manière allusive la relation entre Gwen et son mari, de faire revivre par petites touches impressionnistes cet homme silencieux, coléreux, imbu de lui-même, représentant l'autorité, et qu'il valait mieux ne pas taquiner, le père  impatient  et exaspéré par ses enfants, le mari amoureux de sa femme mais méprisant la famille modeste de celle-ci, les Kovach.
Par contre j'ai moins aimé le personnage de Nikki qui, contrairement à Ariah dans Chutes, est finalement peu intéressante. Superficielle, égocentrique, préoccupée uniquement de son pouvoir sur les  hommes, et de son apparence, elle est sensée changer après la terrible épreuve qu'elle a vécue. Or, son évolution me paraît peu convaincante et profonde. Joyce Oates m'a paru plus inspiré à d'autres  moments, pour d'autres personnages.
Enfin, et c'est ce qui explique une relative déception à la lecture de ce livre, l'auteur nous avait annoncé un roman sur le manque et je m'attendais à une réflexion sur la mort, sur le vide, sur les rapports mère-fille, sur l'amour maternel et filial ... Bien sûr, il est question de tout cela dans ce roman mais le fait d'avoir imaginé ce meurtre donne un côté anecdotique au récit. C'est pourquoi j'ai ressenti un manque de profondeur comme si ce n'était pas et ne pouvait pas être mon histoire. Peut-être est-ce pour cela que je n'ai pas été vraiment touchée par ce roman?