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mardi 13 novembre 2018

Sénèque : Thyeste au festival d'Avignon 2018 Mise en scène Thomas Joly

Thyeste de Sénèque mise en scène par Thomas Joly festival d'Avignon juillet 2018
Thyeste festival d'Avignon juillet 2018
 Rappel : Cette année, j’ai suivi le festival d’Avignon de Juillet 2018 avec autant de plaisir que les années précédentes mais je n’ai pas eu le temps d’écrire des billets. J’ai tout de même envie de parler ici de quelques spectacles, ce que je ferai sporadiquement, ne serait-ce que pour m’en souvenir et vous parler d’auteurs, d’acteurs, de metteur en scène qui méritent bien que l’on aille les voir. Si je le peux, je vous donnerai les dates des représentations en France en 2019. 
***
Cette fois-ci,  c'est d'une pièce du festival in dont je vais parler :  Thyeste de Sénèque  qui raconte l'histoire de la vengeance d'Atrée!  Pour punir son frère Thyeste qui a cherché a usurpé son trône et séduit sa femme, Atrée fait venir son frère à la cour sous prétexte de pardon puis il tue les enfants de Thyeste et les lui fait manger.

Thyeste de Sénèque : Mègère, Tantale et le choeur (source)
Quand on pénètre dans la Cour d'Honneur à Avignon, le décor donne déjà la tonalité de l'oeuvre de Sénèque puisque gisent, dispersés de part et d'autre de l'immense scène, une tête à la bouche ouverte dans un dernier cri et une main tout aussi gigantesque au doigt accusateur. Des restes humains dépecés. Tout ceci pour nous rappeler, avant même que l'indicible soit accompli, le festin sanglant offert à Thyeste par son frère Atrée.
D'abord, l'arrivée de Mégère, ombre toute de blanc et de sang vêtue, puis celle de Tantale, sinistre aïeul de la famille, s'extrayant du Tartare, dans sa carapace verte, semblable à celle d'un monstre couvert d'écailles, tout ruisselant de l'eau des Enfers. Leurs voix imprécatrices qui se projettent vers le ciel, lancées au-dessus des créneaux du palais des papes, bien au-delà des spectateurs, emportées au loin par leur puissance, ouvrent cette  pièce qui semble nous plonger dans un monde écrasant, nous, les extrêmement petits.

Mégère à Tantale: "Ombre funeste, va, souffle sur ton palais détesté la rage des Furies ; qu'il s'engage entre tes descendants une lutte de crimes, et qu'ils s'arment tour-à-tour du glaive homicide. Point de mesure à leur fureur, point de honte qui les arrête : qu'une aveugle colère s'empare de leurs esprits ; que la rage des pères ne s'éteigne point avec eux, mais que leurs crimes passent, comme un héritage, à leurs fils : qu'aucun d'eux n'ait le temps de se repentir d'un attentat commis, mais qu'il en commette chaque jour de nouveaux, et que le châtiment d'un crime soit un crime plus grand."  Traduction  ME Geslou

La mise en scène de Thomas Joly traite avec une férocité impressionnante, avec une emphase dans l'horreur, cette tragédie aux accents à la fois lyrique et réaliste, qui parle de vengeance mais aussi de démesure. Quand l'homme cesse-t-il d'être un humain ? La langue de Sénèque est belle dans la traduction de Florence Dupont. La musique, la beauté des jeux de lumière sur la scène et sur le mur de fond du palais, celle des costumes, peuvent nous paraître très (trop?) esthétiques mais cette idée est bien vite démentie : Ainsi, le choeur composé d'enfants, à première vue purs et fragiles dans leur longue robe blanche, nous fait reculer à l'aspect de leur bouche ensanglantée d'où sortent des prières et des lamentations.

Lors de la mise à mort des enfants de Thyeste découpés en morceaux, le texte de Sénèque est d'une précision insoutenable mais si évocatrice que le spectateur se dit qu'il est heureux que le texte ne soit pas illustré par l'action ! Pas de redondance !

 Atrée a le courage de manier les fibres, et d'y lire la destinée; il observe attentivement les viscères encore tout pénétrés du feu de la vie. Satisfait des présages qu'il y trouve, il s'occupe tranquillement du festin qu'il veut offrir à son frère. Il coupe les corps en morceaux, il sépare du tronc les épaules et les attaches des bras, met à nu les articulations, brise les os, et ne laisse en leur entier que la tête et les mains qu'il avait reçues dans les siennes en signe de fidélité. Une partie des chairs est embrochée et se distille lentement devant le feu ; l'autre est jetée dans une chaudière que la flamme fait bouillonner et gémir : le feu laisse derrière lui ces effroyables mets, il faut le replacer trois fois dans le foyer pour le forcer enfin à s'arrêter et à brûler malgré lui. Traduction  ME Geslou

Mais rien ne nous sera épargné. Thomas Joly a pris le parti de l'indélicatesse; je veux dire que pour communiquer la terreur qui s'empare de la terre, du feu, et des cieux devant ce crime, il ne peut choisir la demi-teinte, la litote. La mort des enfants se matérialise avec décalage par rapport à l'action, sous la forme de sacs sanguinolents dans lesquels le père infortuné découvrira les restes non apprêtés pour le banquet : la tête et les mains. La suggestion est si forte que j'ai été prise de dégoût quand Thyeste mange la chair des enfants et boit leur sang croyant que c'est du vin, en portant des libations.

Comment sort-on de ce spectacle ? Pour ma part, j'ai été plutôt secouée et je dois avouer que j'ai  parfois eu envie de fuir ! Envers les deux personnages, je n'ai pu ressentir que de la répulsion, peut-être parce que les comédiens ne laissent apercevoir aucune faille qui pourrait même momentanément nous toucher? On pourrait, par exemple, éprouver de la compassion pour le père des enfants sacrifiés, Thyeste ; on pourrait voir Atrée hésiter, tenté de renoncer à sa terrible vengeance. Il n'en est rien ! Non, ce que j'ai ressenti, c'est du malaise. Pourtant, en assistant à cette pièce si éloignée dans le temps, qui pourrait paraître en dehors de nos préoccupations,  j'en ai senti l'actualité. Je n'ai pu m'empêcher de penser à toutes les périodes horribles de l'Histoire dont l'acmé est pour moi les camps de concentration nazis, la haine poussée au dernier degré de la monstruosité. 
Une représentation impressionnante, donc, qui convient bien à la Cour d'Honneur car celle-ci a les dimensions d'un théâtre antique. Je me demande l'effet que fait ce spectacle ramené à une scène de théâtre normale? Si vous y assistez, dites-le moi !

Thyeste de Sénèque mise en scène Thomas Joly  festival d'Avignon juillet 2018
Thyeste festival d'Avignon juillet 2018


La tournée de la pièce en France en 2018/2019

    Nantes
    du 14-11-2018    
    du 26-11-2018
    au 01-12-2018
 
    Paris
    La Villette
    au 20-11-2018
    Le Grand T

    Strasbourg
    du 05-12-2018
    au 15-12-2018
    Théâtre National de Strasbourg - TNS

    Martigues
    du 19-12-2018
    au 20-12-2018
    Théâtre des Salins

    Charleroi
    du 25-01-2019
    au 26-01-2019
    Palais des Beaux-Arts de Charleroi

    La Rochelle
    du 31-01-2019
    au 01-02-2019
    La Coursive

    Lyon
    du 12-02-2019
    au 16-02-2019
    Célestins, Théâtre de Lyon

    Caen
    du 06-03-2019
    au 08-03-2019
    Théâtre de Caen

    Antibes-Juan-les-Pins
    du 15-03-2019
    au 16-03-2019
    Anthéa - Antipolis

    Toulon
    du 22-03-2019
    au 23-03-2019
    Le Liberté, scène nationale

    Marseille
    du 28-03-2019
    au 30-03-2019
    La Criée

    Châtenay-Malabry
    du 03-04-2019
    au 04-04-2019
    Théâtre Firmin Gémier/La Piscine

    Lille
    du 24-04-2019
    au 28-04-2019
    Théâtre du Nord
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Thomas Jolly
Enfant du théâtre public, révélé au Festival d'Avignon avec Henry VI et avec le feuilleton sur l'histoire du Festival, Thomas Jolly est passé en moins de dix ans du statut de jeune espoir à celui de metteur en scène d'envergure et populaire. Son approche des grands textes joue de la figure du monstre, de la difficulté de représenter l'irreprésentable et des grands formats. Avec La Piccola Familia, il pense le théâtre comme un art citoyen et cherche à interroger le fondement de l'être humain.



Sénèque

À la fois philosophe, auteur de tragédies, précepteur puis conseiller de Néron, Sénèque exerce une influence profonde sur la pensée occidentale.  Stoïcien, sa philosophie est censée assurer la consolation et la maîtrise de soi.

 

Pour ceux que la mythologie intéresse, l'histoire des Atrides par Florence Dupont

Egysthe, le fils de Thyeste qui vengera son père
"Voici les éléments mythologiques grecs auxquels se réfère la tragédie de Sénèque. La dynastie qui règne sur Argos,Mycènes, Pisa et Corinthe a été fondée par Tantale, venu d’Asie mineure. Tantale avait un fils, Pélops, qu’il avait tué et servi en repas aux dieux venus banqueter chez lui. Précipité dans le Tartare, il y subit le châtiment des grands damnés et souffre éternellement de la soif et de la faim ; à portée de sa main, de l’eau fraîche et des fruits s’éloignent dès qu’il veut les saisir.
Pélops convoita Hippodamie, la fille du roi de Pisa, tricha pour gagner la course de char qui l’opposait à son père, Oenomaos,et le tua. Puis il tua Myrtile, le cocher du roi qui avait été son complice en changeant la cheville de bois d’une roue de son char par une cheville en cire qui avait fondu pendant la course. Pélops fonda les Jeux olympiques à cet endroit. Il eut de nombreux enfants parmi lesquels Atrée et Thyeste. Ils se disputèrent le trône d’Argos. Zeus avait établi que le roi serait celui qui aurait dans ses étables un bélier à la toison d’or. Atrée, l’aîné, serait monté sur le trône si Thyeste n’avait séduit la femme d’Atrée, afin qu’elle volât pour lui le bélier dans les étables de son mari. Zeus, furieux en voyant Thyeste l’emporter, ordonna au soleil de faire demi-tour afin de dénoncer par ce signe le tricheur. Atrée reprit le pouvoir et exila son frère.
C’est ici que se place la vengeance d’Atrée, le sujet de Thyeste. Atrée fait revenir son frère à Argos, en lui offrant le pardon et la moitié du trône. Puis il s’empare de ses trois fils et les lui donne à manger dans un banquet. De nouveau, le soleil fait demi-tour.
Plus tard, Thyeste aura un fils avec sa fille, Égisthe, destiné à le venger. Les deux fils d’Atrée, Agamemnon, roi de Mycènes, et Ménélas, roi de Sparte, partiront pour la guerre de Troie. Agamemnon aura sacrifié sa fille Iphigénie, pour obtenir à Aulis les vents favorables au départ de la flotte grecque. À son retour, Agamemnon sera tué par sa femme Clytemnestre, avec l’aide d’Égisthe devenu son amant. Enfin, Oreste et Électre, les enfants d’Agamemnon, vengeront leur père en tuant leur mère et son amant, ce qui est le sujet de l’Agamemnon. Voilà l’histoire des Atrides qu’on devrait appeler plutôt les Tantalides, car tout a commencé avec le crime de Tantale."

Sénèque, Thyeste, traduction de Florence Dupont, Actes Sud, 2012, 928 p.
© Actes Sud, 2018


Vu aussi dans le cadre du festival In 2018

Arctique Anne-Cécile Vandalem (Bruxelles)


2025. Quelque part dans les eaux glacées internationales. Intérieur nuit. Froid. Salle de réception d'un paquebot de croisière. Extérieur plus froid encore. Inquiétante embarquée pour sept passagers clandestins, entre Danemark et Groenland. Très loin de s'amuser, cette croisière navigue à vue dans un environnement hostile sur fond de réchauffement climatique. Qu'allaient-ils donc faire dans cette galère ? Une ancienne ministre du Groenland, son ex-conseiller, une activiste écologiste, un journaliste, la veuve d'un homme d'affaires, le commandant du bateau et une adolescente cherchent à savoir qui les a mystérieusement réunis là et pourquoi. Polar politique ? Fiction écologique prémonitoire ? Huis clos à l'humour cinglant ? Mortelle traversée ?

Mon avis :
Un polar nordique au fond d'un paquebot, une atmosphère inquiétante et bizarre, de l'humour ... noir !  Un huis clos au fond d'une cale mais le spectateur peut voir à l'extérieur par l'intermédiaire de  la caméra qui suit les acteurs, mêlant théâtre et cinéma. Un spectacle original.
  
Calendrier :

Période Lieu Réservation
Hérouville-Saint-Clair
Du jeu. 15/11/18 au ven. 16/11/18
Comédie de Caen

En partenariat avec Festival Les Boréales
Tel. +33 (0)2 31 46 27 29
Liège
Du mer. 21/11/18 au sam. 24/11/18
Théâtre de Liège Réservation en ligne

Tel. + 32 4 342 00 00
Compiègne
Du jeu. 29/11/18 au ven. 30/11/18
Espace Jean Legendre Tel. +33 (0)3 44 92 76 76
Lyon
Du mar. 08/01/19 au ven. 11/01/19
Célestins, Théâtre de Lyon Tel. +33 (0)4 72 77 40 00
Paris
Du mer. 16/01/19 au dim. 10/02/19
Odéon-Théâtre de l'Europe Tel. +33 (0)1 44 85 40 40
Saint-Etienne
Du jeu. 14/02/19 au ven. 15/02/19
La Comédie de Saint-Etienne
Tel. +33 (0)4 77 25 14 14
Berlin
Du jeu. 04/04/19 au ven. 05/04/19
Schaubühne

 

 Story water  de Emanuel Gat et Ensemble Mode


« Une histoire, c'est comme l'eau
Que tu fais chauffer pour ton bain

Elle porte les messages entre le feu

Et ta peau »
Comme l'eau du poème soufi – donnant son nom à la pièce – porte les messages du feu, le corps est le véhicule entre Emanuel Gat et la danse. Story Water réunit sur le plateau de la Cour d'honneur du Palais des papes danseurs et musiciens pris sous les feux d'une même lumière, intensément blanche, qui sublime via les mouvements, une histoire en temps réel, jamais exactement la même chaque soir.

Mon avis : La chorégraphie m'a laissée perplexe et, décidément, je n'aime pas la musique de Boulez.

 

 Romances inciertos, un autre Orlando François Chaignaud et Nino Laisné


 À la fois concert et récital, Romances inciertos, un autre Orlando s'articule en trois actes, à l'instar d'un souvenir d'opéra-ballet. Successivement la Doncella Guerrera, figure médiévale qui nous emmène sur les traces d'une jeune fille partie à la guerre sous les traits d'un homme, le San Miguel de Federico Garcia Lorca, archange voluptueux et objet de dévotion, et la Tarara, gitane andalouse, mystique, séductrice, portant le secret de son androgynie. 



Mon avis : j'ai été intéressée par la découverte de la culture espagnole; le travesti, François Chaignaud qui danse la Doncella est convaincant mais... beaucoup de froideur dans ce spectacle très esthétisant.

samedi 9 juillet 2016

festival OFF d'Avignon 2016 J'ai hâte d'aimer au théâtre du Balcon/ Casablanca 41 au théâtre du Centre


J’ai hâte d’aimer.

J’avais vraiment beaucoup aimé l’année dernière le spectacle de la Compagnie interface : L’oubli des anges, entre danse, théâtre et musique. ( voir billet ici) je suis donc allée voir aujourd’hui J’ai hâte d’aimer.

« J’ai hâte d'aimer est le fruit de la rencontre extraordinaire entre la Cie INTERFACE et Francis Lalanne.
Un spectacle aux multiples langages, hymne à la naissance, hymne à ces instants où l'univers se présente à soi dans toute sa splendeur et sa force.
Après avoir vécu J'ai hâte d'aimer, on se souvient que tout part du rêve et que quand le rêve disparaît, la vie s'éteint. »
J’avoue que j’ai été un peu déçue par la prestation de la compagnie Interface cette année. j’ai trouvé le spectacle un peu brouillon, pas toujours clair au niveau du sens et surtout il manque cette esthétique épurée, cette précision de la gestuelle, ce dépouillement qui, dans le spectacle L’oubli des anges, ouvrait sur l’émotion. J’ai hâte d’aimer présente, cependant, de beaux moments, la danseuse Géraldine Lonfat est très harmonieuse et l’ensemble des chanteurs et des danseurs est de qualité. Mais l’univers que j’avais tant aimé dans la compagnie a disparu.


Compagnie Interface
auteurs : Géraldine Lonfat / André Pignat / Francis Lalanne 
  • Interprète(s) : Francis Lalanne, Géraldine Lonfat, Thomas Laubacher, Paul Patin, Virginie Quigneaux, Daphné Rhea Pélissier, David Faggionato
  • Chorégraphe : Géraldine Lonfat
  • Metteur en scène et compositeur : André Pignat
  • Auteur : Francis Lalanne
  • Régisseur : Jérôme Hugon

Casablanca 41


Casablanca 41 semblait me promettre une atmosphère semblable à celle du film de Michael Curtis même si je savais que la pièce de théâtre était autre chose… Il s’agit, en effet, de l’histoire de réfugiés qui attendent leur départ vers l’Amérique sur un paquebot dans le port de Casablanca. Certains n’ont pas de papiers, d’autres ont de fausses identités et sont dans l’angoisse d’être découverts et arrêtés par la Gestapo ou la police de Vichy avant même d’avoir pu partir !
En fait, je n’ai pas aimé le texte de la pièce. L’auteur, Michal Laznovsky, d'origine tchèque, règle surtout ses comptes avec les communistes de son pays et Casablanca, le climat délétère qui y règne à l’époque semblent moins l’intéresser. L’histoire est un peu confuse et les personnages aussi : qui est le mari de Martha ? Est-ce celui qui est parti ? Et si oui, alors, qui est le mort caché sous son lit, qu’elle dit être son mari ? Qui est réellement celui qui se dit être un « cueilleur » d’informations ? Un espion ? Et Olinka ? Qui est cette femme? Une Mata Hari comme elle le suggère en plaisantant et comme semble l'indiquer les messages codés qu'elle capte ? Et pourquoi cette piste est-elle abandonnée ?
 De plus, la mise en scène manque un peu d’inventivité.  Ainsi on aurait pu attendre de l’humour (noir) lorsqu’ils se débarrassent du cadavre ou lorsque le non-juif dit qu’il est juif pour échapper aux communistes, à une époque où, pourtant, rien n’est plus dangereux que de se reconnaître juif! Là où tout est sur le même plan, un changement de ton aurait été le bienvenu.
J’ai donc trouvé la pièce décevante par rapport à mon attente.

 

Compagnie Golem théâtre
Casablanca 41 auteur : Michal Laznovsky 
  • Interprète(s) : Bruno La Brasca, Jacques Pabst, Muriel Sapinho, Frederika Smetana
  • Mise en scène : Michal Laznovsky
  • Scénographie : Daniel Martin
  • Univers sonore : Gilbert Gandil
  • Lumières : Guillaume Jargot
  • Costumes : Hélène Battais
  • Chargée de diffusion : Linda Journet


mardi 28 juillet 2015

L’oubli des anges Géraldine Lonfat/ André Pignat Compagnie Interface


L'oubli des Anges compagnie Interface

La compagnie Interface avait donné l’année dernière un spectacle, Téruel, qui avait obtenu le prix du public en 2014 et que je n’avais pu aller voir. Aussi je n’ai pas voulu manquer celui-ci intitulé L’oubli des anges qui est d’un grande beauté.
Cette pièce, opéra, ballet et théâtre à la fois, unit le chant lyrique, la danse et la voix et commente pour nous le douloureux passage de la vie à la mort, le refus de la séparation, le déni qui est celui de l’amoureux refusant de laisser partir celle qu’il aime, la révolte de la jeune morte qui s’accroche à la vie. Un ange représenté par une femme enceinte vient les aider à franchir le pas. Son ventre plein symbolise la renaissance, la suprématie de la vie qui succède toujours à la mort.

La chorégraphie d’une grande pureté, transmet une émotion qui dépasse le seul aspect esthétique : La danseuse, Géraldine Lonfat, qui incarne magnifiquement la jeune fille, exprime la douleur et la violence; elle se tord, s’arc-boute, s’élance pour toujours retomber, pour prendre un envol qui ne peut avoir lieu. C’est la jeunesse qui repousse la mort, c’est le désespoir d’un corps qui refuse l’anéantissement. La voix de l'amoureux, dont les pieds sont lourdement enchaînés, retenus à terre parmi les vivants, accompagne la jeune morte dans un requiem douloureux, des chants liturgiques en latin rythment les spasmes d’un corps qui ne veut pas céder. La voix des récitants, l’ange et les parents de la morte, incantatoires, s’élèvent pour l’accompagner, pour dire la douleur mais aussi les bienfaits de l’acceptation.
 Une très belle scénographie contribue à l’émotion provoquée par le spectacle. Les costumes sombres des personnages contrastent avec le blanc du linceul dont est parée la danseuse. Le bel éclairage en clair-obscur, entre vie et mort, symbolise le drame qui se joue devant nous. Le faisceau de lumière vertical qui encercle la danseuse paraît être d’inspiration divine et semble la retenir prisonnière; le jeune homme, lui, se situe à la limite du cercle parfois à l'intérieur, parfois à l'extérieur au fur et à mesure que le processus d'apaisement se fait jusqu’au moment où le cercle disparaît, la lumière s’étend, le corps s’apaise et la jeune fille lâche prise et accepte.
Un spectacle vibrant d'émotion. Un coup de coeur!

L'oubli des Anges : Géraldine Lonfat (source)

Interprète(s) : Géraldine Lonfat, David Faggionato, Thomas Laubacher, Paul Patin, Virgine Quigneaux, Carmen Cruz
Chorégraphe : Géraldine Lonfat
Compositeur : André Pignat
Auteur : Stéphane Albelda
Régisseur : Jérôme Hugon

samedi 4 juillet 2015

Ninika pièce chorégraphique de Pantxika Telleria, compagnie Elirale : un coup de coeur!


Avec Ninika, spectacle chorégraphique pour la famille et les enfants à partir de 3 ans, la beauté, la grâce et l'humour sont au rendez-vous au théâtre Golovine. Léonie (5ans) a été subjuguée, et moi, sa grand-mère aussi! C'est d'ailleurs le but avoué de la chorégraphe basque Pantxika Telleria  : écrire pour le jeune public tout en s'adressant au "spectateur plus âgé qui y trouve également sa lecture".

Ninika : Célia Thomas, Arantxa Lannes au théâtre Golovine Avignon OFF 2015
Ninika : Célia Thomas, Arantxa Lannes

 Ninika en basque veut dire bourgeon. Nous sommes à la fin de l'hiver, un arbre blanc couvert de neige contraste avec le rouge incandescent du sol qui annonce le retour de la belle saison. Bientôt  les bourgeons vont s'ouvrir et frémissent, les feuilles froissées délicatement se déplient et le printemps prend son envol. C'est ce que me suggère la vision des deux danseuses sur la scène, enfermées dans une structure blanche qui peu à peu frémit, laisse voir un bras harmonieux, un pied, un jambe... des corps emprisonnés qui se délivrent peu à peu de leurs "peaux" pour apparaître joyeux et légers. 
Je dis bourgeon car j'ai lu le sens du mot sur le programme mais Nini, elle, y a vu un cocon d'où s'envole un papillon. Cela pourrait un oeuf et l'éclosion d'un poussin.. mais peu importe la lecture, c'est toujours de naissance qu'il s'agit et même de re-naissance!

Ninika  spectacle chorégraphique basque avec Célia Thomas, Arantxa Lannes, Jose Cazaubon
Ninika : Célia Thomas, Arantxa Lannes, Jose Cazaubon

A la danse contemporaine se mêle la danse folklorique basque incarnée par un berger (?) et  sa houlette; celle-ci va même devenir tuyau d'arrosage quand les trois danseurs, en enfants terribles, se font des farces, se disputent la même chaise, façonnent une statue à leur manière! Car l'humour est toujours là, mêlé à la poésie : la nuit qui tombe, le feu qu'on allume parce qu'on a froid pour se chauffer les pieds ou ... les fesses (Nini a bien ri!). Une attention particulière est portée aux jeux de lumières, à la bande son qui fait entendre tous les bruits de la nuit et des animaux nocturnes...  Un langage chorégraphique original, épuré, d'une grande beauté. Un spectacle à voir absolument en famille!

Je vous renvoie à un article de journal Sud-Ouest pour une explication plus exacte de la pièce ICI

"Blanc aussi sera le décor avec, au centre, un arbre magique de 3 mètres de haut. Une seule couleur : le rouge vif du sol, référence à l'expression basque qui désigne un hiver rigoureux par « negu gorri gorria » (hiver rouge). Histoire de saisons, la suite de danses en enchaîne seulement deux, conformément à la tradition basque : l'hiver et l'été."
Théâtre Golovine
Ninika 
de Pantxika Telleria
compagnie Elirale
10H45
durée 45 minutes
Danse
du 4 au 26 Juillet

Cyrano caché dans son buisson de lavande sentait bon la lessive

Album : Cyrano illustré par Rébecca Dautremer

Ninika me donne envie d'aller voir un autre spectacle basque (à partir de cinq ans) par la Compagnie Hecho en casa au théâtre des Lucioles avec un titre extraordinaire :  Cyrano caché dans son buisson de lavande sentait bon la lessive d'après un album écrit par Taï-Marc Le Thanh illustré par Rébecca Dautremer dans une adaptation japonaise... inspiré de la pièce d'Edmond Rostand, bien sûr!

dimanche 11 août 2013

Mouvements, spectacle du Ballet de L'opéra-théâtre d'Avignon

Pas de deux de Romeo et Juliette Ballet de l'Opéra-Théâtre d'Avignon
Je finis ma revue des spectacles d'Avignon vus avec ma petite fille, Léonie, trois ans, avec le ballet de l'Opéra-Théâtre d'Avignon : Mouvements donné en nocturne au cloître des Célestins (encore un très beau lieu théâtral d'Avignon) dans le cadre des Nuits estivales du Grand Avignon. Un riche initiative qui se poursuit jusqu'au 14 août  dans Avignon et les villages tout autour avec des spectacles variés et pour tous les goûts. Un prolongement agréable au festival de théâtre d'Avignon.

Mouvements comprend trois ballets chorégraphiés  par Eric Belaud, directeur du ballet de l'opéra-théâtre d'Avignon : Le pas de deux de Roméo et Juliette, les Quatre saisons de Vivaldi et  Nuit transfigurée d'Arnold Schönberg .

Présentation :
Célébrissimes, les deux premières œuvres n’ont nul n’est besoin d’être présentées. « Verklärte Nacht » amène quant à elle un commentaire. D’après un poème de Richard Dehmel, cette œuvre fut composée en trois semaines seulement par Arnold Schönberg. Elle relate un dialogue amoureux entre un homme qui déclare son sentiment et une femme qui avoue attendre un enfant d’un autre homme. L’œuvre s’inspire largement des modes dramatiques utilisés par Brahms, Wagner ou Richard Strauss. Schönberg démontre magistralement son souci de variation continue avec utilisation de grands sauts d’intervalles et des tournures mélodiques, qu’en son temps les tenants de la « tradition » ne percevaient que comme « extravagances », mais qu’aujourd’hui on peut considérer comme le chef d’œuvre de musique de chambre « romantique».

J'y ai amené Léonie, en pensant qu'elle regarderait le pas de deux de Roméo et Juliette (que je pensais être en début de spectacle) et que nous partirions discrètement ensuite. Bien sûr, je lui avais raconté l'histoire des deux jeunes amoureux contrariés par la haine que se voue leur famille. Elle était donc très motivée!

 Or le spectacle a débuté par La Nuit transfigurée d'Arnold Schönberg, une sombre histoire d'après un poème de Richard Dehmel. On y voit une jeune fille agressée par un bande de jeunes gens et forcée par l'un d'eux. Plus tard elle est courtisée par un homme qui lui avoue son amour. Elle lui dit qu'elle est enceinte d'un autre et il ne se détourne pas d'elle.

Ce ballet est très beau. La  violence des faits et des sentiments est  évoquée par une chorégraphie contemporaine mais qui reste proche du classique.  Les interprètes transmettent une profonde émotion encore exacerbée par la musique.  Ma petite fille était accrochée à son siège, absolument passionnée par le drame qui se passe devant elle, frémissante aux accents tragiques de la musique.. Elle ne comprend pas tout mais elle donne son explication car elle se croit dans Roméo et Juliette: "les méchants" attaquent Juliette parce qu'ils ne veulent pas qu'elle se marie avec Roméo". 

Romeo et Juliette chorégraphie d'Eric Belaud
Bien entendu plus question de la "décrocher" du spectacle! Le pas de deux de Roméo et Juliette  qui suit, la scène du balcon, plus romantique, douce et joyeuse, l'éblouit. Elle ne s'endort finalement que sur le deuxième mouvement des Quatre saisons de Vivaldi, vaincue par la fatigue. Depuis elle nous parle toujours avec enthousiasme de ce spectacle.
Quant à moi j'ai vraiment beaucoup aimé ces trois ballets. Contemporaine, cette danse reste proche du classique et exprime sentiments et émotions sans mièvrerie. Cette chorégraphie inspirée possède une énergie et une force intérieures que servent très bien les quatorze bons interprètes, sept danseuses et  sept danseurs. En un mot, j'ai été frappée par la qualité du ballet de l'opéra-théâtre d'Avignon.

dimanche 4 août 2013

Théâtre enfants au festival OFF d'Avignon : les coups de coeur de Léonie et de sa grand mère (1) : POGO

Pogo, de Groupes Noces/Danse images

Avec Léonie, ma petite fille âgée de 3 ans et 4 mois (il ne faut pas que je les oublie ces mois si je ne veux pas la vexer) nous avons vu 10 pièces pour enfants, plus un spectacle (qu'elle a adoré) donné par le ballet  de l'Opéra d'Avignon en direction d'un public adulte. Et parmi ces pièces, des petits bijoux. Je vous parle d'abord de nos coups de coeur à toutes les deux pour le théâtre enfants :

Notre numéro 1 à toutes les deux :  POGO, danse bagarre étoiles filantes




Pogo, danse, bagarres, étoiles filantes... est un spectacle jeune public* du Groupe Noces, chorégraphié et mis en scène par Florence Bernad.
Il s'agit d'une petite merveille, un ballet poétique, léger et bondissant comme les deux danseurs, un garçon et une  fille qui nous entraînent au coeur d'une forêt, à la rencontre des biches, des ours et des oiseaux. Ils évoluent dans un décor de rêve constitué par les images du photographe  animalier, Vincent Munier, projetées sur la toile de fond. Les lumières pastels, délicates, les sons, les chants des oiseaux, les musiques très variées, créent une atmosphère féerique. Il s'agit d'une danse énergique, vivante, animée. Les deux interprètes sont tour à tour ours majestueux à la souple démarche,  biches en attente, frémissantes d'inquiétude...  Ils miment les jeux, les bagarres des oursons dans l'eau de la rivière,  les bonds prodigieux des animaux féroces, l'envol des tourterelles dans le ciel. Un appel à l'imagination des enfants!
Les danseurs ont avec eux un vrai lapin vivant qui obtient un succès considérable auprès du jeune public. Le spectacle fait l'unanimité entre les parents et les tout-petits fascinés.


Pogo chorégraphié et mis en scène par Florence Bernad
* A partir de trois ans
**  définition de Pogo :  danse et bousculade lors des concerts de rock où tout le monde saute et se  pousse les uns contre les autres

Challenge chez Eimelle

vendredi 26 juillet 2013

Partita 2 avec Anna Teresa De Keersmaeker et Boris Charmatz : Une cour d'Honneur divisée!


Anna Teresa de Keersmaeker et Boris Charmatz (source de l'image L'express)

Partita 2  de Jean Sébatien Bach est une création chorégraphique donnée dans la Cour d'Honneur  du Palais des Papes avec  les danseurs Anne Teresa De Keersmaeker  (qui est aussi la chorégraphe de ce spectacle), Boris Charmatz et la violoniste Amandine Boyer.  Les avis sont partagés à la fin de ce spectacle qui est le dernier du festival In 2013. Les spectateurs sont divisés entre ceux qui huent et ceux qui applaudissent. Je fais partie de ceux qui ont un avis mitigé.

Je ne suis pas grande habituée de la danse contemporaine mais j'avais envie de voir Anna Teresa De Keersmaeker, chorégraphe belge que ma fille adore, et de découvrir Boris Charmatz qui a été antérieurement l'invité du festival. On dit que ATDK pratique une "danse qui danse" et Boris Charmatz  "une danse qui ne danse pas"! A priori, ce genre de terminologie m'inquiète!

J'adore la Cour d'Honneur, c'est un lieu magique, d'une beauté impressionnante. Etre assise  là  entre les hautes murailles du grand Palais, avec le ciel pour témoin, c'est déjà en soi, un bonheur. Aussi lorsque la musique de Bach retentit, c'est avec émotion que je l'écoute. La scène n'est pas éclairée et la violoniste  n'est pas visible  aussi il n'y a rien qui s'interpose entre nous et la musique si ce n'est les étoiles qui s'allument les unes après les autres dans la nuit qui tombe peu à peu. Pourtant,  je suis un peu frustrée car j'aimerais bien que la danse commence et que l'union des deux arts se réalise. Puis la musique cesse et les danseurs commencent à évoluer en silence et dans la semi pénombre, un seul côté de la scène est éclairé! Frustation à nouveau! la danse sans la musique ne me convainc pas, je vois à peine les interprètes, je m'ennuie. Est-ce que cela va continuer ainsi?

 Non! La violoniste revient sur scène, danse et musique sont enfin réunies!  Je n'aime pas toutes les évolutions des danseurs mais certaines me touchent en particulier celles d'Anne Teresa De Keersmaker qui parlent à l'imaginaire : elle est si attentive, il y a une si parfaite adéquation entre le geste et la musique qu'elle nous la donne à voir tandis que la belle interprétation d'Amandine Beyer nous la donne à écouter.. 

Dans l'entretien que les deux danseurs ont donné, Boris Charmatz  affirme :  "Ce qui m'intéresse, c'est que d'une part, la danse permette de visualiser la structure de la partition, ses fondations en quelque sorte." et il dit aussi  "nos corps suivent la partition, ils matérialisent davantage des énergies ou des rythmes que des corps psychologisés.".
  C'est ce que j'ai pu ressentir par moments mais hélas! parfois trop rarement et trop éphémèrement. Et c'est bien dommage! Mon dernier spectacle du In!



Demain :  Billet sur Lear in Town d'après Shakespeare metteur en scène Ludovic Lagarde à la carrière de Boulbon. Festival IN

lundi 2 juillet 2012

De La Tempête de Skakespeare à The Tempest Replica de la chorégraphe Crystal Pite : Festival de Marseille




The Tempest  Replica de Crystal Pite d'après Shakespeare

Le spectacle de danse contemporaine donné au festival de Marseille The Tempest Replica de la chorégraphe  canadienne Crystal Pite par la compagnie Kidd Pivot est inspiré de La Tempête de  William Shakespeare.

L'intrigue de la pièce de Shakespeare
Prospéro, duc de Milan, a été dépossédé de son royaume par son frère Antonio. Celui-ci, après avoir usurpé le trône, exile Prospero et sa fille Miranda, les jetant dans une barque qui les conduit dans une île enchantée. La seule créature de forme humaine qu'ils y trouvent est Caliban, un monstre hideux, fils de sorcière, qu'ils traitent avec  bonté. Mais la nature brutale de Caliban est rebelle à l'éducation et Prospero ne peut avoir prise sur lui que par la force.
Prospéro qui a pu conserver sa bibliothèque dans son exil apprend la magie dans un livre occulte et parvient à dominer les forces de la nature. Il se rend maître d'Ariel, Esprit de l'air et avec sa collaboration, sachant que le navire de son frère va passer auprès de l'île, il commande une tempête qui va jeter les naufragés sur  son île. Ferdinand, le fils d'Alonso, roi de Naples, isolé des autres, rencontre Miranda et les deux jeunes gens tombent amoureux l'un de l'autre. Prospero qui a pour dessein de les marier feint de vouloir les séparer pour mieux attiser leur amour.
Antonio, le duc usurpateur, Alonso, le roi de Naples et leurs compagnons sont rejetés sur une autre partie de l'île. Antonio  fomente un complot contre Alonso avec le frère de celui-ci, Sebastien, pour s'emparer de Naples. Tous vont être amenés à rencontrer Prospero et être sous sa domination. Celui-ci pardonne à son frère, célèbrent les fiançailles des enfants et, après avoir libéré Ariel, renonce à la magie en brûlant son livre. Tous ensemble, ils quittent l'île. 



The Tempest Replica : Prospero raconte le passé à sa fille Miranda

Les Thèmes et l'interprétation : quelques pistes (entre autres!)
La Tempête de Shakespeare est complexe et présente des nombreux thèmes qui peuvent être différemment interprétés.
 La pièce utilise, bien sûr, les ressources du Merveilleux et la poésie qui se dégage de cette île enchantée "pleine de rumeurs/ de bruits, d'airs mélodieux qui charment sans nuire" tient captif le spectateur. Mais la pièce est aussi réaliste puis qu'il s'agit d'une réflexion sur le pouvoir. Lorsque Prospéro, duc de Milan, se réfugie dans ses livres, s'adonne à l'étude, et fait confiance à son frère Antonio, un homme sans scrupules et sans conscience, il est vaincu par celui-ci qui se débarrasse de lui brutalement. La force paraît donc supérieure au savoir et à l'esprit. Mais c'est pourtant par le savoir que Prospero, sur son île, va dominer la nature, reconquérir son trône et prouver sa supériorité sur ses ennemis. Le savoir assure donc la grandeur de l'être humain mais pas seulement, car l'homme doit, de plus, apprendre à être maître de lui-même. Par la clémence, en choisissant le pardon plutôt que la vengeance, par sa renonciation à la magie et aux forces brutales, Prospero est digne de représenter l'humaniste héritier de la Renaissance. En même temps, il y a une ambiguïté à la fin de la pièce, car en renonçant à ses pouvoirs magiques, il se livre pieds et poings liés à la force brutale que représente Antonio qui n'a eu, lui, aucun mot de repentir et ne sait pas ce qu'est la conscience.

Prospero : Tous mes charmes sont abolis/ et voilà que j'en suis réduit/ A mon seul pouvoir/combien pauvre
Antonio  à propos de la conscience : Où cela se niche-t-il?
Si c'était une ampoule au pied, je porterais
Pantoufle, mais je ne sens point cette déesse
En mon sein. 

The Tempest Replica : Propero et Caliban

Le personnage de Caliban est lui aussi sujet à de multiples interprétations. A l'époque de  la création de la Tempête (1611) les découvertes de nouveaux mondes et les massacres perpétrés sur les peuples indigènes déjà dénoncés par Montaigne ( Les Cannibales1580-1595) peuvent permettre de voir en Caliban la figure du bon sauvage réduit en esclavage par l'envahisseur. Mais l'homme à l'état naturel, Caliban, n'est pas bon et  il est incontestablement inférieur à Prospéro dans la pièce de Shakespeare. On a pu voir aussi en lui, l'une des faces de la personnalité de Prospéro. Chaque homme porte en lui deux forces antagonistes, celles du Bien et du Mal. En cherchant à dominer Caliban, Prospero lutte contre le mal qui est en lui et dont il devra triompher pour devenir un Homme véritable. De même en libérant Ariel, esprit de l'air, après s'être servi de lui, Prospero apprend que la domination de l'homme sur la nature doit avoir des limites et qu'il doit savoir la respecter. La tempête est donc une pièce relativement optimiste. Certes la nature humaine est mauvaise mais l'homme est capable de choisir le bien et de renoncer au pouvoir qu'il exerce sur les autres. Cependant le dramaturge nous rappelle que la bataille n'est jamais complètement gagnée et que le Bien reste fragile.

The Tempest Replica : l'île magique : Miranda et Ferdinand

Le ballet contemporain au festival de Marseille
Comme dans la pièce de Shakespeare qui respecte les règles classiques, un seul lieu, un seul jour, le ballet débute avec la tempête ordonnée par Prospéro. Toute cette première partie qui allie langage chorégraphique et jeux de lumière, effets sonores et visuels, vidéo qui raconte le passé, est très belle. On est véritablement projeté au milieu des éléments déchaînés et l'on voit les hommes emportés par la violence des vagues et du vent. L'effet est magnifique. Les personnages sont aussi surprenants et magiques, vêtus de blanc, le visage enveloppé dans des voiles, (des bandelettes?) ils paraissent prisonniers d'une chrysalide comme s'ils n'étaient pas véritablement humains à l'exception de Prospero qui apparaît tête nue. Et ils ne sont pas humains, en effet! Caliban est à mi-chemin de l'homme et de l'animal, ce que soulignent son costume assez irréel, hérissé de pointes, le bruitage, et la gestuelle qui le maintient à quatre pattes... Tout le ravale au rang de la bête. Les jeunes gens, Miranda et Ferdinand, qui s'éveillent à l'amour (Miranda n'a jamais vu d'être humain en dehors de son père) attendent de prendre leur envol. L'usurpateur et ses compagnons sont des êtres plutôt primitifs. Quand enfin, ils accèderont au statut d'hommes, ils apparaîtront visage dévoilé.
Et puis... Je n'ai pas trop compris ce que venait faire l'ouverture d'une porte au milieu de l'intrigue avec ce rai de lumière et cette irruption du monde moderne. Peut-être cela symbolise-t-il l'instant où les personnages se libèrent puisqu'ils apparaissent ensuite en costumes modernes et visage nu? Mais je l'ai ressenti comme une rupture de rythme, un arrêt dans le récit et j'ai dans l'ensemble beaucoup moins apprécié cette seconde partie. Certes, la chorégraphie est intéressante quand elle montre la lutte de Prospéro contre Ariel et Caliban, la domination qu'il exerce sur tous, maître-manipulateur tirant les fils de marionnettes. Il y a de beaux moments lorsque, par exemple, il libère sa fille, exerçant une poussée sur ses jambes pour qu'elle s'éloigne de lui comme un enfant qui fait ses premiers pas...  Mais j'ai trouvé les  solos, les pas de deux des danseurs (tous d'ailleurs excellents) trop répétitifs d'où un sentiment d'ennui, j'ai eu l'impression parfois de revenir en arrière dans l'action, je n'ai pas senti assez nettement l'évolution des personnages. Et c'est dommage! 

 The Tempest Replica : La mort de Prospero?

Notons, ce qui est remarquable, le choix de la chorégraphe dans le dénouement. Elle montre Prospero abattu par Antonio et ses complices.  Les visages de ces hommes sont à nouveau enveloppés. Dans le ballet, le Mal  triomphe donc?



Challenge de Maggie et Claudialucia

mercredi 6 juillet 2011

Le festival de danse de Marseille : Gregory Maqoma, Sidi Larbi Cherkaoui, Shanel Winlock

 Le troisième spectacle de danse contemporaine que j'ai vu à Marseille est  Southern Bound Comfort et autant le dire tout de suite, il m'a emballée! Il est composé de deux ballets : le premier Southern Comfort du chorégraphe sud-africain Gregory Maqoma, le second Bound du chorégraphe belgo-marocain Sidi Larbi Cherkaoui. Les deux oeuvres sont interprétées magistralement par Gregory Maqoma et Shane Winlock. Toutes les deux  ont un thème commun. Ils traitent du couple, plus généralement des rapports hommes-femmes et jouent sur l'idée de domination-soumission.

Southern Comfort est une pièce pleine d'humour. Elle met en scène une jeune femme que l'on imagine être chorégraphe  et qui profite de son autorité pour mettre sous sa coupe son danseur et aussi les musiciens qui l'accompagnent. Le texte, la musique, les jeux d'éclairage qui doivent la suivre en mettant dans l'ombre ses faire-valoir créent autant de moments amusants qui déclenchent le rire, entrecoupés par des solos ou des duos enlevés. Jusqu'à la révolte, le retour du bâton!



Dans Bound  le couple perd son bébé. Le ton est grave, le désespoir est là, le désir de  suicide hante le couple qui n'arrive pas à se retrouver après le drame. L'homme et la femme se déchirent jusqu'à la séparation finale. La chorégaphie est extraordinairement belle et inventive. Le seul décor est constitué de cordes qui pendent des cintres ou se déroulent sur la scène, deviennent tour à tour maison, arbres pour se pendre; elles prennent la forme du bébé lové contre le corps maternel mais elles sont aussi la Mort qui vient arracher l'enfant des bras de sa mère. Elles se dressent comme des serpents vibrants, démultipliées par un effet de lumières stoboscopiques, devant la mère éplorée et dansent avec elle la violence du deuil, elles emprisonnent le couple, le retiennent prisonnier jusqu'à la séparation, l'étirement final où la corde est prête à se rompre libérant le couple de ses dernières attaches. Un grand moment de beauté et d'émotion. De la grande danse!


mardi 5 juillet 2011

Festival Danse de Marseille 2011 (2) : Akram Khan


Vertical Road de Akram Khan

Autant le dire tout de suite, je connais mal la danse contemporaine. Mes connaissances s'arrêtent à Elvin Ailey, autrement dit aux années 1970-80. Le festival de Marseille a donc été l'occasion pour moi de découvrir des artistes de premier plan. Akram Khan en fait parti. Chorégraphe anglo-blangadais, il allie les techniques contemporaines à la danse traditionnelle de l'Inde du Nord, le Kathatk. Dans Vertical Road il doit beaucoup au poète et philosophe persan Roumi. Akram Khan y explore le difficile chemin que doit parcourir l'âme pour accéder à la spiritualité.


 Le ballet est d'une virtuosité étonnante, puissante, violente même. Les danseurs semblent dotés d'une énergie décuplée par le rythme musique. Ils tournoient, scandent avec force la musique de leurs pieds, bondissent, se préparant à l'envol mais retombent sur le sol, le corps écartelé par la douleur. Sur la scène se livre un étrange lutte comme si ces âmes en souffrance étaient retenus sur le sol, empêchées. Mais quel est cet étrange personnage qui semble tour à tour les guider et les empêcher de continuer leur route? Peut-être un ange puisque, nous dit-on, Akram Khan s'inspire de la présence des anges dans différentes légendes? Mais est-ce l'Ange du Bien ou du Mal car il semble dominer les âmes, les contraindre à l'obéissance et la silhouette athlétique le rattache à la matérialité de la terre. Parfois la révolte gronde, l'un d'entre eux se lève pour s'opposer à lui, des mains s'agrippent pour le retenir. Mais toujours, il reprend le dessus jusqu'au moment, où les âmes trouvent leur voie et passent de l'autre côté, un au-delà matérialisé sur scène par un immense rideau blanc tendu entre les Mondes. Cette frontière transcendée par des jeux de lumière sublimes laissent apparaître par transparence les silhouettes et, à la fin du ballet, les mains de ceux qui sont passés de l'autre côté comme pour un dernier adieu. Un magnifique tableau.

Comment se fait-il pourtant que malgré l'admiration éprouvée à la fois pour les danseurs virtuoses, la scénographie éblouissante et la puissance de la chorégraphie, je n'ai pas été entièrement prise par ce spectacle?  Je crois que je me suis posée trop de questions. Or, je n'étais pas certaine de bien interpréter ce que je voyais. Ainsi au début du ballet, les danseurs se lèvent secouant de leur vêtements une fine poudre blanche qui forme comme une brume autour d'eux. J'y ai vu les morts du jugement dernier soulevant la poussière de leur tombeau. Mais à chercher des explications, on laisse de côté l'émotion. Et c'est dommage! J'ai parfois eu l'impression de longueurs et de redites. Peut-être aussi ne suis-je pas assez mystique pour apprécier pleinement? Bref! j'ai vraiment eu conscience d'être devant un grand chorégraphe mais d'avoir partiellement raté la rencontre! C'est pourquoi j'aimerais vraiment voir d'autres ballets de Akram Khan.



La connaissance du poète persan Rumi doit ouvrir les portes de la compréhension de ce ballet. Voici un extrait d'un poème trouvé sur le net.

I died from minerality and became vegetable;
And from vegetativeness I died and became animal.
I died from animality and became man.
Then why fear disappearance through death?
Next time I shall die
Bringing forth wings and feathers like angels;
After that, soaring higher than angels -
What you cannot imagine,
I shall be that.

lundi 4 juillet 2011

Festival Danse et arts multiples de Marseille 2011 (1): Alvin Ailey


Escapades Photo Eduard Patino

 Le festival de danse contemporaine de Marseille se termine le 9 Juillet. Pour moi, il a fini hier avec le dernier des trois spectacles que j'avais réservés : Ailey II, Vertical Road, Southern Bound Comfort.
Le premier auquel j'ai assisté est celui de la compagnie Ailey II.

La compagnie Ailey II
La compagnie américaine Ailey II composé de jeunes danseurs, tous excellents, perpétue la mémoire du grand chorégaphe Alvin Ailey, décédé en 1989, en dansant partout dans le monde des pièces de son répertoire. Ils interprètent aussi parallèlement des ballets de chorégraphes contemporains. Alvin Ailey, noir américain d'origine africaine unit dans ses créations la culture des deux civilisations dont il est issu.
Le spectacle présentait  quatre ballets.
  
Ailey Highligths composé d'extraits de plusieurs oeuvres chorégraphiques imaginées par Ailey entre 1958 et 18989, sorte de rétrospective enlevée, extrêmement variée et brillante, florilège des meilleurs ballets du maître, Blue suite, The lark ascending, Isba, Escapades, Hidden Rites.

Splendid Isolation : photo de Eduardo Patino

Splendid Isolation, une chorégaphie de Jessica Lang, permet de partager, sur des chants médiévaux, un instant de luminosité et de grâce extraordinaires. Une danseuse prisonnière d'une longue robe blanche qui étend sa large corolle autour d'elle, isolée du monde par  un faisceau de lumière, exécute une gestuelle d'une grande pureté. On dirait une silhouette de Brancusi, un oiseau prêt à prendre son envol. Un moment de grâce.



Hunt  photo Eduard Patino

Hunt de Robert Battle est un ballet trépidant qui mime une chasse tribale au rythme des tambours du Bronx, alliance de l'Afrique et l'Amérique. La musique, obsédante, épouse la violence de la chasse mimée par des acteurs bondissant, entraînés par un rythme de plus en plus rapide. On voit le gibier tué dont s'empare les chasseurs, on imagine aussi que cette danse violente où  la mort fait irruption est celle des esclaves en fuite  fuyant les chiens qui vont les dévorer, les maîtres qui vont les abattre. Mon interprétation est tout à fait personnelle  et je ne l'impose à personne!

  Enfin Revelations  est devenu le "classique" incontournable de la danse contemporaine et américaine. Les danseurs évoluent sur scène  sur la musique de negro spirituals et de blues. C'est l'âme africaine qui s'exprime, le peuple noir, esclave, qui danse ses peines, ses aspirations à la liberté dans un premier tableau intitulé : Pilgrim Sorrow. Dans take me to the water les robes des femmes et l'ombrelle blanche célèbrent le baptême, la pureté tandis qu'une immense bande de tissu bleu symbolise l'onde purificatrice.  Puis avec Move, members, move! la joie, les transports de la foi éclatent formant un tableau joyeux et animé  éclairé les robes jaunes des femmes. Les danseurs  merveilleux, les jeux de lumière, les costumes  font de ce spectacle un moment de bonheur, la salle conquise applaudit, debout. 
Un merveilleux hommage à Alvin Ailey.