Philipp Otto Runge (1806) peintre allemand romantique
J'ai parlé mardi des Mémoires d'Outre-Tombe de François-René de Chateaubriand et de ce tome I que j'aime tant, consacré aux souvenirs de sa jeunesse à Saint Malo ou à Combourg. Je ne résiste pas aujourd'hui à vous présenter un passage. Chateaubriand raconte les sottises de petit galopin qu'il commettait avec son premier ami, Gesril. L'enfance a peu changé!
Nous étions un dimanche sur la grève, à l’éventail de la porte Saint-Thomas à l’heure de la marée. Au pied du château et le long du Sillon, de gros pieux enfoncés dans le sable protègent les murs contre la houle. Nous grimpions ordinairement au haut de ces pieux pour voir passer au-dessous de nous les premières ondulations du flux. Les places étaient prises comme de coutume : plusieurs petites filles se mêlaient aux petits garçons. J’étais le plus en pointe vers la mer, n’ayant devant moi qu’une jolie mignonne, Hervine Magon, qui riait de plaisir et pleurait de peur. Gesril se trouvait à l’autre bout, du côté de la terre. Le flot arrivait, il faisait du vent ; déjà les bonnes et les domestiques criaient : « Descendez, Mademoiselle ! descendez, Monsieur ! ». Gesril attend une grosse lame : lorsqu’elle s’engouffre entre les pilotis, il pousse l’enfant assis auprès de lui ; celui-là se renverse sur un autre : celui-ci sur un autre : toute la file s’abat comme des moines de cartes, mais chacun est retenu par son voisin ; il n’y eut que la petite fille de l’extrémité de la ligne sur laquelle je chavirai qui, n’étant appuyée par personne, tomba. Le jusant l’entraîne ; aussitôt mille cris, toutes les bonnes retroussant leurs robes et tripotant dans la mer, chacune saisissant son marmot et lui donnant une tape. Hervine fut repêchée ; mais elle déclara que François l’avait jetée bas. Les bonnes fondent sur moi ; je leur échappe ; je cours me barricader dans la cave de la maison : l’armée femelle me pourchasse. Ma mère et mon père étaient heureusement sortis. La Villeneuve défend vaillamment la porte et soufflette l’avant-garde ennemie. Le véritable auteur du mal, Gesril, me prête secours : il monte chez lui, et avec ses deux soeurs jette par les fenêtres des potées d’eau et des pommes cuites aux assaillantes. Elles levèrent le siège à l’entrée de la nuit ; mais cette nouvelle se répandit dans la ville, et le chevalier de Chateaubriand, âgé de neuf ans, passa pour un homme atroce, un reste de ces pirates dont saint Aaron avait purgé son rocher.
Miriam dans son blog Carnets de Voyage a illustré le même texte des Mémoires d'Outre-Tombe avec des photos prises lors de son séjour à Saint-Malo : Allez voir ICI
Miriam dans son blog Carnets de Voyage a illustré le même texte des Mémoires d'Outre-Tombe avec des photos prises lors de son séjour à Saint-Malo : Allez voir ICI
J'ai une photo de ces pieux! Je me proposais justement à mettre ce texte avec. On fait comment?iman
RépondreSupprimerJe pensais que tu avais terminé et j'avais l'intention de consacrer plusieurs citations du jeudi à Outre-Tombe! Mais cela ne fait rien. Ce sera une lecture commune sur le même livre! Publie-le, bien sûr, et je mettrai un lien vers ton billet, surtout s'il y a une photo!
RépondreSupprimerDepuis quelques jours je méditais sur la manière de mettre des liens avec ton blog. Voici qui est fait. bien entendu tu peux te servir également des photos. ton image est parfaitement en harmonie avec le texte (comme toujours)
RépondreSupprimerSalut mesdames les romantiques, vous me faites ouvrir les Mémoires et surtout les premiers chapitres et je partage votre enthousiasme, il y a des fulgurances magnifiques dans Chateaubriand
RépondreSupprimerJe n'ai jamais lu cette autobiographie mais peut-être un jour :)
RépondreSupprimerChateaubriant, un auteur à relire quand j'aurai le temps (l'aurais-je un jour ?). En attendant, je préfère le tableau de Runge, peintre romantique s'il en est ;-)
RépondreSupprimerLors de mon second séjour en Europe, il y a bien longtemps maintenant, des amis m'avaient amenée à Combourg, et j'avais été très impressionnée par l'histoire du chat et de la jambe de bois que le jeune Chateaubriand entendait dans l'escalier de la tour éloignée où son père l'obligeait à dormir!
RépondreSupprimer@ miriam =: merci pour ton offre d'images! Je vais sur ton blog.
RépondreSupprimer@ Dominique : Oui ce tome un des mémoires est à la fois très vif, enlevé et plein d'humour mais il est aussi servi par un style splendide!
RépondreSupprimer@ Aymeline : Tu peux essayer.. Peut-être seras-tu convaincue?
RépondreSupprimer@ Tilia : Encore un peintre romantique intéressant. Le challenge me fait découvrir d'autres facettes de l'art romantique. En fait, je connais mal le romantisme allemand et anglais.
RépondreSupprimer@ Marie-Josée : je conserve le même souvenir que le tien! Avec mes filles nous avons erré dans les couloirs à la recherche du fantôme à la jambe de bois!
RépondreSupprimerMerci pour le lien! Nous avons aimé le même passage. Rien d'étonnant. C'est vraiment ainsi que les lectures sont partagées. qui a dit que lire était un plaisir solitaire?
RépondreSupprimer@ miriam : et c'est bien un des plaisirs des blogs : partager!
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