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mercredi 26 janvier 2022

Clara Dupont-Monod : S'adapter

 

Dans ce roman S’adapter de Clara Dupont-Monod, le narrateur ou plutôt les narratrices sont des pierres, celles du pays cévenol, toujours en connivence avec les enfants du pays qu’elles tiennent sous leur protection.
Et le ton est celui du conte :  « Un jour, dans une famille est né un enfant… » Mais un conte qui tourne mal. Dès l’incipit le lecteur achoppe sur un mot  « Inadapté »  :   «Un jour, dans une famille est né un enfant inadapté », mot qui annonce la tragédie, la souffrance, l’irréversibilité des choses.

Alors les pierres observent : « Les parents moururent un peu. Quelque part, dans les tréfonds de leur coeur d’adultes, une lueur s’éteignit. ». Mais ce sont les enfants qui intéressent les pierres et elles racontent comment ceux-ci vont vivre le handicap de ce petit frère qui peut ni bouger, ni parler, ni voir, et dépend entièrement des autres pour survivre.  S’adapter ! Chacun va se découvrir lui-même, chaque vie va être changée par celui qui vient d’arriver, détournée de son cours.

Ce livre dégage une émotion intense et pourtant tout en finesse et en demi-teinte. L’écrivaine présente ce fait brutal qu’est le handicap d’un enfant en conservant tout au long du récit le ton du conte. Il s’agit d’une histoire universelle, dont nous faisons tous partie. Les enfants n’ont pas de prénom, ils ne sont nommés que par leur fonction, l’aîné, la cadette et le dernier (celui qui naît après l’enfant inadapté), la nature crée un contrepoint poétique à la douleur et à la culpabilité mais aussi à l’amour et au dévouement, tous ces sentiments contradictoires mêlés. Le lieu n’est pas indéfini comme dans un conte. Il est au contraire bien réel - Les Cévennes avec ses rudes hivers, ses pluies torrentielles, sa beauté et sa sévérité, ses femmes et hommes enracinés dans la montagne- mais la nature a un aspect immémorial qui impose ses lois et auxquelles l’être humain doit se soumettre. C’est ainsi que l’enfant inadapté fait partie du monde, participe à l’essence des arbres et des pierres; il est là « de façon aussi évidente qu’un pli de la terre. » .

La langue de l’écrivain est belle, simple et précise, vivante et poétique :  

« Nous les pierres rousses de la cour, qui faisons ce récit, nous nous sommes attachées aux enfants. C’est eux que nous souhaitons raconter. Enchâssées dans le mur, nous surplombons leur vie. Les enfants sont toujours les oubliés d’une histoire. On les rentre comme des petites brebis, on les écarte plus qu’on ne les protège. Or les enfants sont les seuls à prendre les pierres pour des jouets. Ils nous nomment, nous bariolent, nous couvrent de dessins et d’écritures, ils nous peignent, nous collent des yeux, une bouche, des cheveux d’herbe, nous empilent en maison, nous lancent pour faire un ricochet, nous alignent en limite de goal ou en rails de train. Les adultes nous utilisent, les enfants nous détournent. »

J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman qui au-delà du drame de l’enfance handicapée et de vies bouleversées raconte une très belle histoire d’amour.

25 commentaires:

  1. Un tellement beau livre si émotionnel et c'est seulement devant l'insistance d'une amie que je le lis. Je me demande quelles traces laissera ce petit être sur la fratrie. Mais tu as raison l"écriture employée adoucit la réalité du thème.

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    1. Une trace qui ne pourra jamais être effacée mais pas toujours en mal. Les enfants se construisent avec mais c'est douloureux.

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  2. Un roman qui sort beaucoup, à la bibli. bah, je sais attendre ou oublier...

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    1. Trop de prix, trop de battage autour de lui !
      Tu es méfiante ?

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  3. Malgré l'enthousiasme qu'il suscite, j'avoue qu'il ne me tente pas vraiment, cette narration par les pierres me laisse dubitative. Je récupère ton lien pour l'ajouter au récapitulatif des lectures "autour du handicap" que nous organisons jusqu'en décembre 2022, Eva, Patrice et moi.

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    1. La narration par les pierres est à mon avis une des réussites du roman. Cela lui confère un aspect hors du temps, étroitement lié à la nature, plein de poésie, d'originalité, entre réalité et conte.
      Je n'avais pas vu ces lectures autour du handicap. Oui, c'est bien d'ajouter ce lien au récapitulatif.

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  4. D'elle j'ai lu "Le roi disait que j'étais diable", histoire d'assouvir ma passion pour Aliénor d'Aquitaine ;-)

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  5. le sujet me fait un peu peur. j'ai lu de bonnes critiques mais je n'arrive pas à me décider à le lire.

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    1. La manière donc c'est traité ne fait pas peur. C'est plein de douceur.

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  6. J'ai lu des avis plus mitigés que le tien, et je crois que mon coeur de pierre (oui, celles-là mêmes qui parlent ;-) ) va me faire pencher de leur côté.

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    1. Je n'ai encore rien lu de mitigé. Je suis curieuse de savoir ce qu'on lui reproche. Trop d'émotion, trop d'amour, pas assez de réalisme, trop optimiste, pas assez violent pour parler d'un sujet tragique ?

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    2. Je te renvoie au billet de Krol qui explique bien son ressenti https://krolfranca.wordpress.com/2022/01/15/sadapter-de-clara-dupont-monod/

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  7. C'est un thème très difficile et ne ne sais pas si j'ai le cœur assez accroché pour l'instant pour lire cela. Mais je l'avais repéré bien sûr et il est noté sur ma LAL 😉

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    1. Comme je l'ai dit plus haut, le livre est triste mais aussi plein de douceur, de délicatesse. C'est peut-être pour cela qu'il ne plaît pas à tout le monde?

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  8. ce livre est dans ma liste , j'ai lu des avis très contradictoires mais le sujet m'intéresse

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  9. J'ai laissé jusqu'à présent ce titre à distance, mais ce que tu en écris pourrait bien me faire changer d'avis. Merci, Claudialucia.

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    1. Je l'ai beaucoup aimé et l'écriture est vraiment belle.

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  10. Comme Kathel, j'ai lu des avis mitigés ; le reproche principal est celui de la narration par les pierres qui ne fonctionne pas pour ces lectrices-là qui évoquent du coup un manque d'émotion, une trop grande mise à distance par rapport à l'histoire. J'ai été agacée par la couverture médiatique importante de ce livre, mais je vais lui donner une chance à la bibliothèque.

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    1. Alors que pour moi cette narration par les pierres fonctionnent très bien et donnent une nuance intemporelle au récit qui est celui du conte et nous introduit à la fois dans l'universel et la poésie.

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  11. Je le lirai, certainement. Pas tout de suite ; quand ce sera le moment.
    Merci, en tout cas, pour cet article.

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  12. j'ai beaucoup aimé, tu le sais. Ces pierres qui prennent la parole, c'est magnifique !

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  13. C'est vrai ! Une belle écriture et une émotion pleine de délicatesse !

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