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mardi 26 mars 2024

Emma Stonex : Les gardiens du phare


 Dans son roman Les gardiens du Phare, Emma Stonex s’appuie sur un fait divers réel qui est toujours demeuré un mystère.
En 1895, sur les îles Flannan, au large de l’Ecosse, au coeur de l’archipel des Hébrides, la construction d’un phare dans cette zone pleine de récifs, réputée dangereuse, commence. C’est en décembre 1899 que le phare d’Eilean Mor, qui se dresse sur un rocher inhospitalier, inhabité, battu par les vagues et le vent,  s’illumine pour la première fois
Pour assurer sa maintenance, il faut quatre hommes, dont trois doivent rester en permanence sur l’île, le quatrième  partant en congé sur la terre ferme toutes les six semaines.  En Décembre 1900, un capitaine de navire signale que le phare est resté éteint. Quand on envoie des secours, les trois gardiens restés sur place, James Ducat, Thomas Marshall et Donald MacArthur, ont disparu sans laisser de traces. 

L’enquête a conclu que les gardiens avaient dû s’approcher trop près du bord pour sécuriser une grue et avaient été emportés par une vague géante. Mais cette conclusion est restée à l’état d’hypothèse n’ayant jamais pu être confirmée.

Les trois gardiens disparus d'Eilean Mor
 

C’est cette histoire que raconte Emma Stonex dans Les gardiens du phare en la transposant en 1972  et en situant le phare sur les îles Maidens, au nord de l’Irlande.
Les trois hommes, Arthur Black, le gardien-chef de la Maiden, Bill Walker son second et Vince dont c’est le premier poste - et à qui l’on essaiera de faire porter le chapeau parce qu’il a fait de la prison - disparaissent. La société des phares cherchent rapidement  à clore l’enquête, refusant de creuser plus avant, de crainte de détruire la bonne réputation de la Société, plutôt paternaliste, qui exige la fidélité et la bonne conduite de ses employés dont elle veut donner une image héroïque et qui prend soin de leur famille en retour.

L'île Flannan : Eilenn Mor

C’est l’occasion pour l’écrivaine de présenter la vie dans le phare et la dureté du métier de gardien qui exige des nerfs solides, une bonne santé mentale et une entente entre les trois personnes qui sont obligés de vivre ensemble de jour comme de nuit. Si l’une de ces conditions n'est pas réunie, les agacements deviennent vite antipathies, les tensions naissent, les risques d’affrontement s’exacerbent. La journée est rythmée par les travaux d’entretien du phare et de l’optique de la lanterne, les nuits exigent des quarts de veille pour assurer le bon fonctionnement de la lumière. Il faut imaginer la monotonie de la nourriture et des occupations, la solitude qui ébranle le moral, la séparation d’avec la famille, les tempêtes, effrayantes, avec des vagues gigantesques qui se brisent sur le phare dans un vacarme  incessant, la responsabilité des vies humaines qui pèse sur les gardiens s’il y a un dysfonctionnement.

Dans le roman,  Emma Stonex imagine que vingt ans après, un journaliste décide d’écrire sur cette histoire et demande à rencontrer les  femmes des disparus, Helen, Jenny et Michelle. Car ce qui intéresse aussi l'écrivaine, c’est de donner une explication à ces disparitions ou tout au moins d’avancer une autre hypothèse que celle retenue officiellement. Les femmes parlent, en effet, et se dessinent des secrets de couple, des mésententes, des jalousies, des non-dits… Une analyse psychologique assez fine qui fait apparaître les caractères et les sentiments de chacun, sous laquelle, en filigane, se dessine une réponse au mystère et à la tragédie ! Un roman intéressant !

 Tout seul

 

Je vous signale la magnifique BD  intitulée Tout Seul de Christophe Chabouté sur les gardiens de phare.

Voilà ce que j'en écrivais : "Tout seul, bande dessinée de Chabouté, est un petit bijou d'émotion, de poésie, de beauté, de tendresse, d'espoir. .. Si vous n'avez pas encore lu cette BD, faites-le vite ! Et si vous ne deviez en lire qu'une dans votre vie, que ce soit celle-là!

Cet album est presque sans paroles, les personnages qui y vivent sont soit des marins taciturnes, soit un solitaire, séparé de la civilisation, prisonnier volontaire dans un phare en pleine mer. Le dessin en noir et blanc, jouant sur le lumières de la nuit et du jour,  prend alors toute son importance, c'est lui qui raconte tout ce qui n'est pas dit, c'est pourquoi il faut être attentif aux moindres détails, et il est fantastique. Les variations des points de vue nous permet une approche toujours renouvelée de l'histoire. Nous sommes oiseaux et nous nous laissons porter par le vent pour nous poser sur la lanterne du phare, poisson dans un bocal nous contemplons la solitude d'un autre être, solitude qui n'a d'égale que la nôtre, marin, nous essayons de percer le mystère du phare..  A cela s'ajoutent les variations des cadrages, d'un gros plan qui éveille en nous la curiosité à un plan d'ensemble qui nous révèle la réalité…  Le dessinateur joue ainsi sur le mystère, éveille notre imagination. Chabouté suggère aussi le mouvement par le procédé cinématographique  d'un plan fixe qui permet de voir s'éloigner le bateau ou au contraire de le voir se rapprocher, venant droit sur nous, pour créer l'impression de durée dans le temps. Car l'histoire a un rythme, celui de la lenteur, de l'égalité des jours qui se traînent et se ressemblent, sauf quand survient un évènement, quand il y a irruption de la vie dans le quotidien."
VOIR la suite ICI

 

La Tour d'amour

 
 
"La tour d'amour de la "sulfureuse" Rachilde est un roman qui sidère, qui laisse pantelant. Jamais en ouvrant le livre de quelqu'un qui était pour moi une inconnue, jamais je n'aurais pensé découvrir un texte d'une telle force, servi pas un style puissant aux images hallucinatoires. Je comprends, bien sûr, que le récit ait fait scandale et je ne suis pas sûre qu'il ne choque pas, même de nos jours, les lecteurs sensibles tant il est morbide et nous entraîne dans la spirale d'une folie qui tient de la perversion. Si vous êtes de ceux-là, tant pis, mais ne dites pas que Rachilde est un médiocre écrivain" Voir Ici


 Le gardien du feu


J'ai aimé aussi :  Le gardien du Feu de l'écrivain breton Antoine Le Braz

"Je vous l'ai dit à propos du roman de Rachilde La Tour d'amour, les phares bretons inspirent aux écrivains des romans sombres et tourmentés tout comme le sont les personnages qui y vivent! Dans Le gardien du Feu d'Anatole Le Braz, c'est le phare de Gorlébella en plein Raz qui sert de décor pour cette histoire d'amour et de jalousie proche de la folie." Voir  Ici

 

 Les disparus du phare

 

J'ai moins aimé Les disparus du phare de Peter May mais lisez  le premier volet de la trilogie L'île des chasseurs d'oiseaux !

"Peter May, je l’ai découvert avec sa trilogie écossaise qui se situe dans l'archipel des Hébrides, dans l’île Lewis, et c’est de loin L’île des chasseurs d’oiseaux, le premier, qui demeure mon préféré. Il offre des pages d’une force étonnante qui raconte le quotidien des hommes de cette île et décrit leur mentalité ancrée dans le passé, si loin de la civilisation urbaine actuelle.
 Avec Les disparus du Phare, Peter May retourne dans les Hébrides, plus précisément dans les îles Flannan à une vingtaine de kilomètres de l’île Lewis. L’auteur s’empare d’un fait divers réel, survenu en 1900 : la disparition jamais élucidée des trois gardiens du phare d’Eilean Mor." 
Voir Ici


Tadloidu ciné chez Dasola conseille aussi les titres suivants et Je lis Je blogue une BD. Merci à eux  ! Je ne les ai pas encore lus mais cela me donne envie de les découvrir.

 

Robert Louis Stevenson : Journal de la construction d'un phare

Au large de l’Écosse, en mer du Nord, à la croisée de plusieurs routes maritimes, se trouve un récif meurtrier, où les navires s’abîment par dizaines. En 1807, un homme décide de mettre fin à cette malédiction. Ingénieur pour la Compagnie des Phares du Nord, Robert Stevenson se lance dans une entreprise périlleuse : ériger un phare sur un récif immergé vingt heures par jour. Trois années durant, dans des conditions chaotiques, il coordonne le chantier de Bell Rock. Animés par la volonté de rendre la mer plus sûre, ses hommes et lui luttent contre vents et marées pour mener à bien ce projet ambitieux.

En racontant l’histoire de sa famille et en publiant les carnets de son grand-père, Robert Louis Stevenson rend non seulement hommage à la dynastie de pionniers et de bâtisseurs dont il est issu, mais il révèle aussi au public une formidable aventure collective. (quatrième de couverture)  

 

Jules Verne : Le Phare du bout du monde


L’île des États : un îlot désertique au large de la Terre de Feu, à plusieurs dizaines de milles de tout espace civilisé. Les autorités argentines viennent d’y inaugurer un phare, pour permettre aux navires de franchir le cap Horn par une route plus rapide et plus sûre. Trois gardiens de phare sont déposés sur l’îlot pour y séjourner, seuls, durant les trois mois de l’hiver austral. Seuls ?... (quatrième de couverture) 

 

Emmanuel Lepage :  Ar -Men  BD


Au large de l’île de Sein, à la pointe Finistère, Ar-Men émerge des flots. Construit en 1867, on surnomme ce phare mythique «L’enfer des enfers». Sa lumière veille les navires, et les protège des récifs menaçants. Les hommes se sont succédés pour l’entretenir, sentinelles d'une côte déchiquetée que les marins redoutent. Germain, dans les années 1960, est l’un de ces gardiens téméraires et solitaires. Dans l'édifice isolé, contre vents et marées, il a trouvé son exacte place, emportant là ses blessures et son abandon d’une vie sur terre, avec les autres hommes. ( quatrième de couverture ) Editions Futuropolis




lundi 9 janvier 2023

Luis Vaz Camoes : Les Lusiades Les rois du Portugal (2)

Le roi Pierre 1er et Inez de Castro/ Alfonso IV/ Alfonso-Henriques, 1er roi du Portugal

J'avoue que j'ai calé parfois à la lecture de Os Lusiadas, ce long poème (8816 vers) de Luis Vaz Camoes. C'est un peu ardu quand on ne connaît pas l'histoire du Portugal, ses batailles, ses dynasties, ses rois, ses hommes célèbres, qui, parfois, ne sont nommés que par le prénom tant ils étaient célèbres à l'époque. La plupart d'entre eux me sont inconnus et il m'a fallu chercher à tout moment les noms, vérifier l'histoire, la géographie. Je me suis particulièrement intéressée aux chants III et IV dans lesquels Luis Vaz Camoes, toujours en donnant la parole à Vasco de Gama, fait un retour dans le passé pour présenter l'histoire de son pays. Ces chants nous apprennent beaucoup sur les grandes tragédies historiques  du Portugal. Les récits qu'ils présentent sont devenus les mythes fondateurs de l'identité nationale des Portugais et ont souvent inspiré l'art et le littérature.


 

 Un retour dans L'histoire du Portugal

 

Jean 1er du Portugal

 
Dans Aljubarota vois l'intrépide Jean 
Terrassant sous ses coups l'orgueilleux Castillan;
 Vois Alfonse premier, fléau des infidèles, 
Conquérant d'Ourika les palmes immortelles, 
Et trois Alfonse encor, ses vaillants héritiers, 
De leurs lauriers nouveaux accroissant ses lauriers. 
 

En 1139 la Bataille de l'Ourique menée par Alfonso-Henriques contre les Sarrazins marque la naissance du Portugal; Celui-ci se proclama roi sous le nom d'Alfonso 1er  et régna jusqu'à sa mort en 1185.


Le siège de Lisbonne (1147)

Le siège de Lisbonne (qui inspira le titre du roman de Saramago)  a eu lieu en 1147 et chassa de Lisbonne les suzerains mauresques, Almoravides.



Bataille d'Aljubarrota (1385)  permit au Portugal d'assurer son indépendance vis à vis de l'Espagne .

 
 Au cours de la  fameuse bataille d'Aljubarrota (1385) les troupes portugaises aidées par leurs alliés anglais et commandées par le roi Jean 1er du Portugal et son connétable Nuno Alvares Pereira affrontent les troupes espagnoles de Jean 1er de Castille alliées des français. Leur victoire évite au Portugal de passer sous la domination Castillane. En effet, Jean 1er de Castille, en tant qu'époux de Béatrice, fille du roi Ferdinand 1er du Portugal, voulait faire valoir ses droits au trône du Portugal.
 
 
 L'intrépide Alvarès entre tous se signale;
A mille combattants sa vaillance est fatale;
De mourants et de morts il couvre loin ce sol
Où prétendait régner l'insolent Espagnol.
Partout sifflent dans l'air les flèches acérées,
Les dards, les javelot et les piques ferrées;
Le champ, sanglant témoin de ce combat affreux,
tremble sous les sabots des coursiers belliqueux;
Et d'un bruit sourd, pareil aux accents de tonnerre,
L'airain avec l'airain fait retentir la terre

 La description de ce combat avec son grossissement épique, à la manière de la chanson de Roland, est là pour produire un effet de terreur tout en magnifiant la bravoure des héros lusitaniens. Le mouvement doublé par le son prend de l'ampleur :  puissance de la description qui nous fait non seulement voir mais aussi entendre ! Les vers de Camoes sont si évocateurs que des images s'imposent à moi.  Il me renvoie à des  oeuvres picturales, en particulier celle de Paolo Ucello : La bataille de San Romano ( XV siècle)
 
 
La Bataille de San Romano, de Paolo Ucello

 
Le récit le plus célèbre est celui qui relate l'histoire du prince Pedro et de sa maîtresse Inez de Castro qu'il épouse à la mort de sa femme.  Son père, le Roi Alfonso IV, furieux de cette alliance qui ne sert pas ses desseins politiques fait assassiner Inez. Devenu roi à la mort de son père, Pedro 1er exhume le corps de la reine morte, l'assoit sur le trône du Portugal et oblige ses nobles à lui rendre hommage en lui baisant la main. C'est du moins ce que dit la légende qui a été reprise dans de nombreuses oeuvres artistiques ou littéraires : La reine mort de Henri de Monterlhant.Voir ici le billet de Miriam
 
Telle apparaît Inez, froide et décolorée; 
Sous la main de la mort son doux regard s'éteint 
Et la pâleur succède aux roses de son teint. 
Nymphes du Mondégo, longtemps inconsolables, 
Vous pleurâtes d'Inez les destins lamentables; 
Et le flot de vos pleurs forma dans ce Vallon 
La fontaine qu'Amour consacra de son nom. 
Celle source à jamais conserve à la mémoire 
Et les attraits d'Inez et sa tragique histoire; 
En vain ses bords charmants sont émaillés de fleurs; 
Fontaine des Amours, ses ondes sont des pleurs. 
Mais don Pèdre bientôt s'arme pour la vengeance. 

 
Inez de Castro supplie Alfonso IV d'épargner ses enfants;
 
 

Le style et la traduction


Le texte rend compte des questions que soulève (déjà!) la traduction dès le XIX siècle :  faut-il  être fidèle à l'original au mot près ou, au contraire, faut-il garder l'esprit du texte quitte à s'en éloigner si besoin est ? Et surtout dans le cas de la poésie faut-il passer à la prose pour ne pas trahir l'auteur ou bien le vers est-il le seul moyen de conserver l'essence du texte ? 
Le traducteur François-Félix Ragon, écrivain et historien du XIX siècle, a choisi. Il conserve le vers mais passe de l'octosyllabe à l'alexandrin.
Pourquoi pas ? Ce que j'apprécie moins, c'est lorsqu'il se permet de supprimer des strophes, les jugeant peu intéressantes ou de mauvais goût ! Il se sent souvent supérieur au créateur qu'il traduit. Les traducteurs n'auraient pas cette outrecuidance de nos jours. 
Donc, il est très possible qu'il ait trahi l'auteur mais ceci dit (et comme je suis incapable de juger l'original) je dois dire que je suis sensible dans cette traduction au rythme, aux sonorités, aux images. Il y a de l'élan, de la musique... Une érudition qui baigne dans l'Antiquité et la Renaissance, deux périodes que j'aime beaucoup, et l'on sent toutes les références qui donnent une densité, une richesse aux vers. De belles descriptions qui parlent à l'imagination. Mais des moments aussi où je me suis mortellement ennuyée et où j'ai couru sur les pages en attendant d'être à nouveau happée ! N'aurais-je pas la fibre épique ? Enfin, je suis tout de même heureuse d'avoir lu - bien qu'imparfaitement - ce poème qui est, pour le Portugal, ce que La Divine Comédie est pour l'Italie, et Don Quichotte pour L'Espagne. Ceci dit j'ai de beaucoup préféré Dante et Cervantès !


Benezzo Gozzoli  Renaissance italienne : Les Rois mages

Ainsi les descriptions des foules lors d'une bataille ou d'une fête sont toujours très réussies. Les personnages, leur habillement, leur maintien, les sentiments qui les animent, angoisse, orgueil, fierté, férocité ou allégresse, composent des scènes vivantes,  évocatrices, comme si elles se déroulaient devant nos yeux, et donnent vie à l'épopée. Dans les strophes suivantes, le poète a l'art de mettre en marche la multitude, joyeuse et solennelle à la fois, et d'en montrer le mouvement irrésistible, de nuancer les couleurs, de jouer avec la lumière ; et par dessus tout, l'introduction du bruit, chants, intruments de musique, cris ou vacarme, nous place au coeur de la foule, à l'intérieur de la scène.  Les couleurs dans la description des habits somptueux, le mouvement, celui d'une foule qui avance, et le bruit qui achève la description sont d'une telle précision que l'on a l'impression de voir un tableau, raffiné et éclatant, d'un peintre de la Renaissance dans lequel, de nos jours, le cinéma permettrait d'intégrer le son des trompettes et le tonnerre du canon.

Le prince de Mélinde*, en appareil royal,
 Descendit sur la plage, où se pressait d'avance 
D'un peuple curieux la multitude immense. 
Au loin étincelaient les pompeux vêtements,
Les longs manteaux de pourpre et les beaux dolimans;
(...)
Dans son habillement tissu d'or et de soie 
Du faste oriental tout l'orgueil se déploie; 
Un superbe turban sur son front s'arrondit; 
Des couleurs de Sidon son manteau resplendit;
De son collier d'or pur la beauté singulière
Joint le fini de l'art au prix de la matière;
(...)
 Cependant, sur la proue, aux flots retentissants 
La trompette mauresque envoyait ses accents, 
Dur et bruyant concert, dont l'oreille s'offense, 
Mais qu'anime une vive et joyeuse cadence. 
Tandis qu'ainsi voguait le monarque africain, 
 Gama, pour recevoir l'auguste souverain,
 Sur un léger bateau sillonnant Amphitrite, 
S'avance, environné d'un cortège d'élite. 
 La France a préparé sa tunique de lin ;
 Son habit espagnol est d'un riche satin 
Dont Venise a fourni l'étoffe renommée 
Qu'empourpre du kermès la teinture enflammée. 
 Aux manches, des boutons d'un or pur et vermeil 
Brillent, réfléchissant les rayons du soleil. 
 
(...)

 Les barques de Mélinde au loin couvrent la mer;
 Leurs pavillons flottants rasent le flot amer. 
Dans le bronze tonnant le salpêtre s'allume 
 Et par noirs tourbillons dans l'air éclate et fume. 
 La formidable voix de cent bouches d'airain
 Ebranle les échos du rivage africain, 
Et le Maure, au fracas des bombes résonnantes,
 Presse en vain de ses mains ses oreilles tremblantes.


il y a aussi de beaux portraits pleins de sensualité comme celui de Vénus secondée par Mars, suppliant Jupiter de venir en aide aux Portugais poursuivis par le courroux de Bacchus....  La déesse semble être sortie du cadre d'un tableau de la Renaissance, je vois Boticelli, Le Tintoret, le Titien.
 
 
Le Tintoret Vénus


Le sein tout palpitant de son rapide essor, 
Elle apparaît plus belle et plus aimable encor.
 Un doux frémissement agite l'Empyrée 
Et chaque étoile aux cieux d'amour est enivrée. 
 Foyer des passions, ses yeux éblouissants 
 Lancent des traits de feu qui pénètrent les sens 
Et qui d'émotions puissantes et profondes 
Font transir et brûler les astres et les mondes. 
Chère dans tous les temps au souverain des dieux, 
 Pour le mieux captiver, elle s'offre à ses yeux, 
 
 
Boticelli : Vénus

 
 Autour de son beau col aux contours amoureux 
En longues tresses d'or flottent ses blonds cheveux;
 De son sein aussi blanc que la neige et l'albâtre 
Les globes, où l'amour invisible folâtre 
 Et prépare en jouant ses traits victorieux, 
Tremblent au mouvement de ses pas gracieux.


Le Titien : Vénus

Padrao dos Decobrimentos : le monument des Découvertes

Le monument des Découvertes ou Padrao des Decobrimentos 1 (image Wikipédia)

 

Le monument des Découvertes a été érigé sur les  rives du Tage, non loin de la tour de Bélem, sur l'ordre du dictateur Salazar en 1960.  Henri le Navigateur se tient fièrement sur la proue, tenant dans ses mains une caravelle. Il est suivi de tous les grands navigateurs et rois des Découvertes, personnages qui figurent dans Les Lusiades et je trouve passionnant de les retrouver ici.
Le monument ne fait pas l'unanimité puisqu'il est le symbole de la dictature et aussi du colonialisme mais il est le témoin de l'Histoire du Portugal et, à ce titre, très intéressant.

 
Le monument des Découvertes ou Padrao des Decobrimentos  (image Wikipédia)







samedi 20 mars 2021

Olga Tokarczuk : Dieu, le temps, les hommes et les anges

 

Encore un très beau livre d’Olga Tokarczuk, Dieu, le temps, les hommes et les anges. L’écrivaine a ce talent inimitable de nous maintenir entre le réel souvent tragique dans cette tranche du XX siècle qui englobe deux guerres mondiales, et le surnaturel, Anges, Dieu, Ombres des morts, dans lequel il faut accepter de se perdre car il est poésie mais aussi prétexte à une réflexion philosophique. Olga Tokarczuk nous amène donc, comme souvent,  dans une frange indéfinie entre réalité et fantaisie où tout est transcendé par l’écriture :  la violence des combats et des rapports humains, la déportation et le massacre de la population juive dans un décor champêtre, les viols, la bestialité de l’homme (Le mauvais bougre, qui se transforme en animal) ; la grande Histoire se mêle à la petite, amour contrarié, sacrifié au devoir, (Geneviève), amour paternel (Michel et sa fille Misia), misère physique et morale (la Glaneuse), enfance saccagée (Isidor) et dominant le tout, le Temps, le temps qui passe et met à mal, celui contre lequel nul ne peut rien, même pas Dieu.

Le livre est divisé en chapitre, si l’on peut employer ce terme, comme autant de petits récits qui pourtant ne sont pas indépendants comme on pourrait le croire au début, mais se répondent, introduisant des personnages secondaires qui réapparaîtront par la suite, propulsés sur le devant de la scène, devenant à leur tour personnages principaux. Entrées, sorties, côté cour, côté jardin, arrière-scène, coulisses, comme dans un théâtre, celui du Monde tel que le voit Shakespeare.  
Intitulés Le Temps de Geneviève au début de la guerre de 1914, Le temps de la Glaneuse, Le temps des anges gardiens, Le temps d’Isidor…  tous ces récits sont ainsi placés sous le signe du Temps, qui est, fut et sera toujours le grand gagnant de l’histoire. A remarquer aussi que le village se nomme Antan et est situé «  au milieu de l’univers ».

Vierge noire Pologne
 
Dans cette galerie de personnages où se mêlent Dieu, les anges et les humains, les êtres surnaturels ne sont dotés d’aucun pouvoir. Au contraire, Dieu comme les anges assistent, impuissants, à la sauvagerie humaine

Qui suis-je se demande Dieu. Dieu ou homme ? Peut-être l’un et l’autre à la fois ? Peut-être aucun des deux. Ai-je créé les hommes ou les hommes m’ont-ils créé ?  

L’unique instinct conféré aux anges, c’est l’instinct de compassion. Une compassion infinie, lourde comme le firmament.


S’en retournant vers le château Mr Popielski passa devant l’église, se décida à y entrer, aperçut l’icône de la Vierge de Jezkotle, mais aucun Dieu capable de rendre l’espoir au châtelain n’était présent.

Quant à la Vierge de Jeszkotle, elle s’efforce d’exaucer les prières de tous ceux qui s’adressent à elle mais elle a beau ressentir une miséricorde infinie envers l’humanité, elle ne peut rien si celle-ci a cessé de croire au miracle.

Au fond, ce que nous dit ce roman, c’est que les dieux sont morts et que les humains sont abandonnés à eux-mêmes, dans une déréliction absolue. Et si certains êtres humains ont un pouvoir tout en conservant leur humanité, ce sont souvent ceux qui sont mis au ban de la société. Ainsi, la Glaneuse qui accouche toute seule d’un enfant mort, dans la forêt,au cours d'une scène hallucinante, est celle qui soigne, celle qui fait corps avec la nature et en tire sa force. Elle devient capable de voir au-delà de la réalité. Capable de concevoir Dieu non comme immuable mais comme celui « qui se manifeste dans le flux du temps ».

Il faut rouler son regard vers tout ce qui se modifie et se meut, vers ce qui déborde des formes, ce qui ondoie et disparaît : la surface de la mer, les danses du disque solaire, les tremblements de terre, la dérive des continents, la fonte des neiges, et les pérégrinations des icebergs, les fleuves qui coulent vers l’océan, la germination des semences, le vent qui sculpte les montagnes, la maturation du foetus dans le ventre maternel, la décomposition des cadavres dans les tombeaux, le vieillissement des vins, les champignons qui poussent après la pluie.
 

Isidor considéré comme un idiot malgré un esprit toujours en alerte, une conscience tourmentée, représente l’enfance naïve, pure et innocente. C’est le russe Ivan Moukta, matérialiste, qui lui retire ses illusions et lui fait voir un monde sans Dieu, et l’animalité dans la sexualité. Il tue ainsi l’enfance en lui, le laissant désespérément chercher un sens à la vie. Isidor finit par remplacer Dieux par des chiffres : Le temps des quadruplets. Tout est quatre dans la Nature.

Le châtelain Popielski, oscille entre trouver un sens à la vie et se laisser submerger par son non-sens mais c’est le temps qui provoque cette remise en question chez lui, le passage à l’homme mûr, autrement dit l'usure de la jeunesse.

A force de manifester sa puissance, la jeunesse se fatigue. Une nuit, un matin, l’homme franchit la ligne de démarcation, atteint son sommet, esquisse le premier pas de la descente. Survient la question : faut-il descendre fièrement, défier le crépuscule, ou bien tourner son visage vers le passé, s’efforçant de sauver les apparences, prétendre que cette pénombre résulte simplement du fait qu’on a provisoirement éteint la lumière dans la chambre?

Si je devais définir ce roman en quelques mots, je dirai qu’il est très riche (je ne vous ai rendu compte que d’une petite partie de l’oeuvre), douloureux et profondément humain. C’est aussi une réflexion philosophique sur le Temps, la vie et la mort et il nous donne à ressentir une gamme infinie d’émotions. Il correspond aussi à beaucoup de questionnements que l’on se fait quand on atteint un certain âge ou plutôt un âge certain ! Un coup de coeur.

Le temps du moulin à café : de la supériorité des choses

Et si la matière était la seule à pouvoir tenir tête au Temps ? Michel ramène de la guerre un moulin à café qui devient celui de sa fille Misia.

Les gens croient vivre plus intensément que les animaux, les plantes et - à plus forte raison - les choses. Les animaux pressentent que leur vie est plus intense que celle des plantes et des choses. Les plantes rêvent qu’elles vivent plus intensément que les choses. Les choses cependant durent; et cette durée relève plus de la vie que qui que soit d’autre.

A la fin du roman la fille de Misia, Adelka, longtemps après la disparition de son grand père, emporte le moulin avec elle en quittant définitivement la maison familiale. Elle s’installe dans le car :

Elle ouvrit la valise et sortit le moulin à café. Lentement, elle se mit à tourner la manivelle. Dans son rétroviseur, le chauffeur lui jeta un regard étonné.

Peut-être, s’interroge Olga Tokarczuk, nul ne connaît la signification générale d’un moulin. Ils sont là pour moudre. Mais seulement ?
Peut-être le moulin est-il un débris de quelque loi fondamentale de la transformation, une loi dont ce monde-ci ne pourrait se passer sans être tout à fait différent ? Peut-être les moulins à café sont-ils l’axe de la réalité, le pilier autour duquel tout gravite et se développe? Peut-être sont-ils plus importants que le monde des humains ? Peut-être le moulin à café de Misia constitue le pilier central de ce qui se nomme Antan.

 


vendredi 15 janvier 2021

Joseph O'Connor : le bal des ombres

 

Voilà encore un livre que j’ai adoré ! Merci à Kathel de me l’avoir fait connaître :  son billet est  ici

Joseph O’Connor place l’action de son livre Le bal des ombres dans la ville de Londres en 1878 et dans le cadre du théâtre Lyceum, alors en très mauvais état, acheté et rénové par Sir Henry Irving, célèbre acteur de l’époque. Celui-ci va prendre pour directeur financier un écrivain sans succès, lui-même persuadé d’être un raté, Bram Stoker qui est pourtant le père d’un des personnages les plus célèbres du monde, être fantastique devenu un mythe : Dracula. Une femme vient rejoindre ces deux hommes, actrice aussi célèbre en Angleterre que Sarah Bernhardt en France, Ellen Terry. Cette dernière forme avec eux un trio à l’intérieur duquel l’amitié et l’amour le disputent parfois à la colère et la trahison mais parviennent toujours à triompher.

Les personnages

Ellen Terry dans Catherine d'Aragon

Le bal des ombres rappelle à la vie des personnages historiques  fascinants.
 
Henry Irving n’est pas seulement un acteur hors norme, démesuré et génial, un metteur en scène illuminé mais aussi un homme colérique, explosif, mégalomane et torturé. Et son ami, le très sérieux et très gentil - malgré sa force herculéenne- Bram Stoker, fait figure, en tant que financier, de rebrousse-poil, d’empêcheur de danser en rond; il est celui qui compte les recettes et les dépenses, celui qui brime et interdit le luxe inconsidéré, d’où une situation explosive entre les deux hommes. Ellen Tracy est une actrice pleine de finesse et d’émotion. Elle est la figure de la femme libre, totalement indépendante, imperméable aux jugements sociaux, qui choisit ses amants comme elle l’entend. Il faut lire sa diatribe contre le mariage ou plutôt contre les maris qui est un modèle du genre.
C’est autour de ce trio mythique que le roman va s’articuler, Bram Stoker en étant le principal narrateur parlant de lui-même, à la fois comme « je » et comme « il », dans une sorte de dédoublement qui sied bien au personnage. En effet, il porte en lui des zones d’ombre. Son image n’est pas aussi lisse et lumineuse qu’elle le paraît. C’est à l’intérieur de son cerveau que vivent et s’ébattent les monstres qui se nourrissent de leur créateur et peuplent ses écrits.
Parmi les personnages secondaires, Florence, l’épouse délaissée de Bram Stoker, est aussi un femme forte, indépendante, qui saura garder une amitié indéfectible à son mari. C’est elle qui obtiendra, après la mort de Stoker, quand paraît Nosfératus, le plagiat de Dracula, que les droits d’auteur de son mari soient reconnus, créant ainsi un précédent qui servira tous les écrivains.

Histoire et Fantastique

Henry Irving

Le roman joue, entre lumière et ombre, sur le réel et le fantastique, un récit hanté, effrayant et surtout enveloppant. Nous déambulons dans l’atmosphère trouble des nuits londoniennes, des rues noyées dans le brouillard où sévit Jack l’éventreur et où erre un Bram Stocker agité, angoissé, en proie à des tourments intérieurs, peut-être habité par ces vampires ? On est transporté dans le grenier du théâtre, devenu le bureau secret de Bram Stocker, décor hors du temps où le fantôme de Mina « vit » sa mort violente et devient l’amie de l’écrivain. On se laisse emporter par ce passage de la vie à la mort, par cet entre-deux qui déstabilise le lecteur et crée un aura de mystère et d’angoisse.

Un hommage au théâtre

Théâtre Lyceum
  

La vie du Lyceum, sa résurrection, ses réussites et ses échecs, ses joies et ses peines, ses tournées dans les pays étrangers font parti des thèmes passionnants et variés du roman.
Le bal des ombres est le lieu où s’élabore le théâtre, où se construisent les mises en scène, où les Hamlet, lady Macbeth, Richard III ou Henry VIII prennent vie et s’incarnent. Les apparitions de ces grands personnages célèbres viennent se mêler à ceux de notre trio mais aussi à d’autres, Oscar Wilde, Bernard Shaw, Walt Whitmann, leurs amis ou détracteurs…  Nous sommes bien sur une scène mais comment distinguer une ombre d'une autre ? Chacun y joue son rôle et s’efface, laisse place à une autre ombre et tout n’est enfin que ombre de l’ombre.

Un bal à la musique triste

Bram Stoker

On est saisi d’une émotion qui naît de la tristesse de cet homme blessé qui n’a jamais su qu’il avait créé un mythe universel et qui s’est éteint dans l’obscurité. On est animé aussi d’une mélancolie nourrie de toutes ces figures fugitives qui reviennent du passé pour danser autour de nous. Nous sommes entraînés dans un bal dont la musique nostalgique retentit encore doucement bien après que l’on ait fermé le livre.

Remarque : Pourtant je lis, dans une critique sur Babelio, la réflexion suivante, que je cite :

C'est intéressant, mais j'ai eu comme la sensation que Joseph O'Connor avait appuyé par mégarde sur une pédale qui étouffe le son, met tout en sourdine, empêche la musique d'éclater.
Bref, un gros potentiel, mais ça reste un peu timoré, ça ne m'a pas complètement emballée.


Inutile de dire que je ne suis pas du tout d’accord avec cet avis même s’il est intéressant ! Non, Joseph O’Connor n’a pas appuyé par mégarde sur la pédale, il l’a fait exprès ! Nous sommes dans la demi-teinte. Il a sciemment voulu que la musique n’éclate pas, il a mis une sourdine aux sentiments qui naissent en nous à la lecture de ce livre. Il a refusé l’éclat pour mieux nous envelopper dans une brume nostalgique, une douce tristesse, afin de ne pas nous laisser oublier que ce sont des ombres qu’il convoque devant nous et que ces fantômes, comme à la fin de toute pièce de théâtre, vont retourner dans les limbes dont il les a tirés pour nous, l’espace d’un livre.

Et c’est pourquoi j’ai adoré ce très beau roman ! Et c'est pour cela qu'il m'a complètement emballée !

 

vendredi 8 mai 2020

Jack London : Le vagabond des étoiles


Le vagabond des étoiles de Jack London, d’abord publié en feuilleton, paraît en 1915. Il est le dernier roman mais aussi le dernier acte militant de l’écrivain socialiste qui dénonce l’horreur de la peine de mort et l’hypocrisie d’une société chrétienne qui bafoue l’un des premiers commandements : « tu ne tueras point ». L’écrivain connaît le milieu pénitentiaire américain, ayant lui-même été incarcéré pour vagabondage.

Non, je n’ai vraiment aucun respect pour la peine capitale. Et ce n’est pas seulement une mauvaise action pour les chiens penseurs qui l’exécutent, moyennant salaire. C’est une honte pour la société qui la tolère et paie pour elle des impôts.

Dans ce roman, en effet, Jack London s’insurge contre le système judiciaire et carcéral à la solde de la société capitaliste. Il dénonce les violences, les injustices, les maltraitances, humiliations, coups, privation de nourriture, isolement, qui sont monnaie courante dans les prisons, et, en particulier, l’usage de la camisole de force. Les représentants de la loi qui l’appliquent sont des tortionnaires qui ne valent pas mieux que les prisonniers qu’ils méprisent. Et que dire de ceux qui font les lois ?

La Californie est un pays civilisé, ou du moins qui s’en vante. La cellule d’isolement à perpétuité est une peine monstrueuse dont aucun état, semble-t-il n’a jamais osé prendre la responsabilité !

Le personnage fictif qui sert à Jack London pour rendre compte de cet univers des prisons est Darrell Standing, un éminent agronome, professeur d’université, incarcéré pour meurtre passionnel. Il purge une peine de trente ans d’emprisonnement mais va être victime d’un complot, mené contre lui par un détenu, qui lui attire la haine du directeur prison et l’amènera à être arbitrairement condamné à mort. Celui-ci, avec la complicité des gardiens mais aussi du médecin des prisons, livre Darrell à la camisole de force et l’amène ainsi aux antichambres de la mort. Le tortionnaire n’obtiendra aucun aveu puisque le professeur est innocent mais il permet au personnage de s’échapper par cet apprentissage de la mort, au-delà de la prison, dans les étoiles, en retournant dans ses vies antérieures. A côté de ce personnage fictif, Jack London, introduit des personnages ayant existé, comme Jack Oppenheim et Ed Morell, de son vrai nom Ed. Merrit, qui ont subi, dans la réalité, le destin de Darrell Standing.

Le roman bascule alors vers le fantastique avec l’évocation de toutes les vies de Darrell Standing au cours des siècles précédents.

« Ceux qui m’ont enfermé pendant quelques misérables années m’ont ouvert, sans le vouloir, l’immensité des siècles »

Il conte les aventures mouvementées du personnage à toutes les époques, que ce soit sous Louis XIII en France, dans une caravane de pionniers en plein désert américain, en Corée aimé par une princesse de haut rang, comme Viking et centurion romain chez Ponce Pilate au temps de Jésus Christ, en Robinson dans une île déserte, et en homme des cavernes dans la dernière réincarnation.
J’ai trouvé que le début du roman était répétitif, un peu long à se mettre en place. Peut-être est-ce l’effet feuilleton, (?), l’écrivain devant retourner un peu sur ses pas d’une semaine à l’autre pour rappeler à ses lecteurs ce qui précédait. C’est ma première impression. Ensuite nous partons avec lui dans les vies antérieures qui sont autant de récits vivants et imaginatifs. Selon mes goûts, je les aurais aimés plus développés, plus étoffés. C’est ce qui me laisse sur ma faim parfois. Mais London n’est pas le maître du roman fleuve, c’est un auteur de récits courts, la plupart du temps, et c’est là qu’il réussit.

Ces récits, outre amener les lecteurs dans les régions de l’imaginaire, ont un autre but. C’est la camisole de force qui permet à Darrell Standing de tenir tête à ses bourreaux et d’être spirituellement (tandis que son corps s’étiole), supérieur à eux, consacrant la victoire de l’esprit sur la matière. Il ne s’agit pas d’une conversion religieuse puisque en dédicace de son roman, Jack London écrit à sa mère qu’il ne croit pas que l’esprit survive à la matière : « Je crois que l’esprit et la matière sont si intimement liés qu’ils disparaissent ensemble quand la lumière s’éteint. ».
Il s’agit plutôt d’une affirmation philosophique qui correspond à l’homme et l’écrivain qui a toujours mis en valeur dans sa vie comme dans ses romans, la force de la volonté, donc de l’esprit, capable de surmonter les faiblesses physiques et les souffrances du corps.

« Plus je me remémore ces faits, plus j’estime qu’un être humain doit être doué d’une force d’âme sans égale, pour survivre sans devenir fou à la brutalité de pareils spectacles qui vous côtoient sans répit, à l’iniquité de semblables procédés dont on est soi-même et sans trêve la victime. »

Le roman a donc un double message : Tout en démontrant la supériorité de l’esprit sur le corps, il dénonce avec force les iniquités du système judiciaire et carcéral américain dont il souligne l’inhumanité et l’absurdité.
Parmi le public qui assiste à l’exécution note Jack London : « Quelques-uns avaient l’air d’avoir bu, et deux ou trois autres étaient déjà malades à l’idée de ce qu’ils allaient voir. Il semble plus facile d’être pendu que de regarder une pendaison.
Grâce à Jack London, nous dit-on dans la préface,« l’usage de la camisole de force et le droit de condamner à mort un détenu indiscipliné seront abolis. »

Rappel : LC Jack London

Pour le 25 Mai : L'amour de la vie

ou si vous l'avez déjà lu un autre, au choix


LC avec Marilyn 

Le vagabond des étoiles

Adaptation BD Riff Reb  du Vagabond des étoiles


LC avec Myriam ICI  Le vagabond des étoiles