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mercredi 19 juillet 2017

Festival Off d'Avignon : Logiquimperturbabledufou mise en scène de Zabou Breitman


Logiquimperturbabledufou de Zabou Breitman

"Le terme de « logique imperturbable du fou », provient d’une phrase dans le roman de Lydie Salvayre, que j’ai adapté au théâtre La Compagnie des Spectres. « Logiquimperturbabledufou », la phrase se lit d’un jet, comme si une personne l’avait écrite d’une écriture automatique, de manière intuitive. De cette façon, le titre est comme un cadavre exquis, une technique que j’utilise dans la mise en scène, où l’on passe d’une séquence à l’autre, sans transition classique. Ici, on se situe chez les fous, et le fou a raison : c’est ça la « logique imperturbable ». Cela dit, comme l’écrit Tchekhov, ne sommes-nous pas tous plus ou moins atteints de ces névroses bien ancrées, dans cette « logique imperturbable » dont on parle… "  Texte de Zabou Breitman 




Dans la pièce Logiquimperturbabledufou mise en scène par Zabou Breitman, celle-ci s’appuie sur des textes de Tchekhov, Lewis Caroll, Shakespeare, de l’humoriste Zouc et d’elle-même.

Si elle nous entraîne dans l’exploration de la folie, maladie mentale, c’est aussi le monde de l’absurde et du surréalisme que nous sommes amenés à côtoyer, ceci en prenant le partie de nous faire rire. Et c’est vrai que l’on rit dans ce spectacle monté par Zabou Breitman. L’on va de surprises en surprises tant la mise en scène est aussi folle que le sont les personnages qui évoluent sur scène.

Au début, l’on se dit que les malades ne sont pas fous car leurs propos paraissent construits et raisonnables. C’est cela la logique imperturbable du fou. Il voit le monde différemment et pense que c’est la bonne façon de le voir. 
Le spectateur s’aperçoit bientôt que les médecins et les infirmiers font la même chose avec leur protocole de soins qui semble les rassurer et mettre de l’ordre là où il n’y en pas, avec leurs règles rigides, leurs certitudes de détenir la vérité. Peut-être est-ce pour mieux lutter contre le vertige qui les prend quand on côtoie ainsi la folie de si près. Car dit Tchékov et Zabou Breitman avec lui  : « Du moment qu’il existe des prisons et des asiles, il faut bien qu’il y ait quelqu’un dedans. Si ce n’est vous, c’est moi ; si ce n’est pas moi c’est quelqu’un d'autre".

Le spectateur est entraîné dans des raisonnements absurdes, des situations cocasses, dans un univers à l’envers. Sur cette scène vide traversée parfois par des fauteuils roulants, des chariots de médicaments, des lits médicaux, évoluent des infirmiers en blouse blanche bizarrement coiffés : entonnoir, couvre-chef du Chapelier fou, couronne de la Reine de Coeur. Les lapins semblent proliférer, sautant dans tous les coins, se figeant dans les jeux de lumière, sous l’éclair qui les surprend dans la nuit noire.  Drôle d’hôpital ! Nous sommes dans le monde d’Alice au pays des Merveilles, un univers absurde ou rien n’obéit à la logique et la raison. Quant aux fous, ils se révèlent peu à peu véritablement malades. C’est ce que nous découvrons à travers les répétitions de leurs plaintes et de leurs maux. Et si l’on rit d’eux, il n’en reste pas moins que leur souffrance est réelle et que l'on ne peut l'oublier.

Les quatre jeunes comédiens sont excellents . Ils jouent à merveille l’absurde, la dérision et la déraison. Ils sont danseurs, équilibristes, acrobates. Leurs évolutions capricieuses, hasardeuses, hilarantes parfois, qui semblent n’obéir à aucune loi, sont, bien au contraire, réglées par une chorégraphie précise, une mise en scène rigoureuse et maîtrisée.

Un  spectacle à ne pas rater !


Logiquimperturbabledufou
Théâtre des Halles 19H30 durée 1H20
Mise en scène Zabou Breitman
Assistante à la mise en scène Pénélope Biessy

Avec Antonin Chalon, Camille Constantin, Rémy Laquittant, Marie Petiot
librement inspiré d’oeuvres d'Anton Tchekhov, Lewis Carroll, William Shakespeare, quelques mots de Zouc et de textes de Zabou Breitman

chorégraphie Gladys Gambie
http://www.anthea-antibes.fr/fr/spectacles/saison-2017-2018/tout-le-theatre/logiquimperturbabledufou

lundi 17 juillet 2017

Claude Gutman : Doudou premier


Ma petite-fille est en CP. Elle vient d'avoir 7 ans et va participer à mon blog pour vous faire partager ses lectures.  Elle a choisi pour pseudonyme son deuxième prénom : Apolline
Ma librairie sera désormais le blog de la petite-fille et de sa grand-mère, le lieu de rencontre d'Apolline  et Claudialucia.

Titre du livre :

Doudou premier

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Auteur du livre :
Claude Gutman

Illustrateur :

Christophe Blain
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Edition : Nathan poche
Roman cadet dès 6 ans
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Résumé d’Appoline

Dans la classe de Martin il y a un petit lapin tout noir et on l’appelle Doudou. La maîtresse prête le lapin à Martin pour les vacances. Mais Martin perd le lapin. Ses parents achètent un autre lapin mais il est blanc. C’est catastrophique ! Que  va-t-il  se passer?
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La phrase que j’ai préférée :

« Plus de Doudou. Peut-Être qu’il ne voulait pas  retourner à l’école? »
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J’ai trouvé l’histoire :

Passionnante Intéressante Ennuyeuse

Amusante 
Inventive Triste émouvante

Réelle Imaginaire Historique
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J’ai aimé l’histoire :

Un peu    Moyennement   beaucoup   Un coup de coeur

J’ai aimé l’illustration :

Un peu    Moyennement   beaucoup   Un coup de coeur
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Ce que j'ai pensé du livre

J’ai beaucoup aimé l’histoire du petit lapin noir parce qu’elle est amusante. C’est une histoire qui me plaît sans être un coup de coeur.

Fiche de lecture d'Apolline n°9

L’avis de la grand mère :

Un charmant petit livre qui a plu à Appoline mais il n’est pas un coup de coeur par rapport à  certaines de ses lectures précédentes et il a peu inspiré Apolline quand il a fallu en parler ! Je l'ai senti moins concernée par les problèmes du petit garçon.  Peut-être est-il plus en direction des maternelles?
Elle pourtant mignonne cette histoire de lapin perdu, échangé puis retrouvé au grand soulagement de l’enfant.

dimanche 16 juillet 2017

Victor Hugo : L'intervention



L’intervention est une petite comédie en un acte assez curieuse par rapport à l’écriture de Victor Hugo. Ici pas de romantisme mais un réalisme qui montre que l’auteur connaît bien la classe ouvrière.

La pièce a été écrite en 1866 à Guernesey et fait partie de Théâtre en liberté. Elle  n’a été montée pour la première fois qu’en 1964 par la groupe théâtral du Lycée Louis Le Grand. Patrick Chéreau en était le metteur en scène et Jean-Pierre Vincent, le baron de Gerpivrac. Jean-Pierre Vincent dont j’ai vu un Dom Juan inoubliable à la maison de la culture de Reims !

Un couple d’ouvrier Marcinelle et Edmond Gombert vivent pauvrement dans une chambre mansardée. Lui est peintre sur éventails et elle dentellière, ce qui nous vaudra tout un cours précis et renseigné, bien dans la manière de Hugo, sur sur la confection de la dentelle! Tous deux sont unis par un chagrin profond, la mort de leur enfant en bas âge. Mais tous deux en ont assez de la pauvreté et de toutes les privations que cela entraîne. Pour Edmond, la tentation arrive sous la forme de Mademoiselle Eurydice, chanteuse entretenue par un baron, ancienne dentellière elle aussi. Pour Marcinelle, c’est le Baron de Gerpivrac, un noble riche et désœuvré, vain et snob, égoïste incapable de compassion,  tout ce que déteste Victor Hugo. Si Edmond est attiré par la mise coquette et le brio de la jolie Eurydice, Marcinelle, elle, éprouve la tentation de l’argent avec le baron. Pouvoir enfin avoir de belles robes, être brillante, admirée, ne plus avoir à compter chaque sou, à vivre dans la misère !
Vont-ils céder à la tentation, vont-ils se séparer malgré leur amour ?

Ce qui est à noter, c’est combien le langage des personnages sonne juste. Ce sont vraiment des ouvriers qui parlent et la pauvreté est un lourd fardeau à porter. Elle entraîne des disputes, des jalousies. Elle sape les sentiments les plus profonds. La mésentente s’installe dans le couple. Ainsi cette scène ou Marcinelle reproche à son mari de ne pas vouloir lui acheter un nouveau bonnet et le traite d’avare.

Pourtant, Edmond n’a pas honte de sa condition d’ouvrier, il en est même fier :
« Oui, je suis du peuple et je m’en vante. Je pense comme le peuple et je parle comme le peuple. J’ai les bons bras du courage et j’ai le bon coeur de l’honnêteté. »
Mais ce qui le révolte, ce qui le ronge, c’est l’injustice sociale  :

« Je travaille, je ne m’épargne pas, et je ne peux pas parvenir à joindre les deux bouts. L’autre jour, j’ai vu passer un général tout chamarré, le poste a pris les armes, pourquoi lui rend-on des honneurs à celui-là? «

« Voilà ma femme, je l’aime. Et bien, je suis forcé de lui refuser un méchant chiffon de bonnet. »

Cette injustice lui fait nourrir des idées révolutionnaires :

Benjamin Constant avait raison de dire aux Bourgeois : ça finira mal. Ah! les riches ne veulent pas laisser les pauvres en paix ? Est-ce que nous sommes encore dans la féodalité par hasard ? Le droit du seigneur ? Ah! vous venez chez nous, messieurs. Eh bien, on fera les barricades !

Marcinelle aime son mari et elle est jalouse car il lui semble qu’il regarde les jeunes femmes bien habillées mais il lui rend la pareille et lui reproche d'être attirée par les beaux messieurs. Il semble qu’elle souffre plus que lui de sa condition sociale et des privations. Elle n’apprécie pas qu’il parle comme le peuple. Marcinelle ressemble à Mademoiselle Eurydice mais avant la chute. Elle est encore innocente. Le restera-t-elle longtemps avec de telles idées ?

Quant à Eurydice, même si c’est une femme légère, elle se révèle intelligente et pleine d’esprit. Elle a un sens critique aiguisé et beaucoup de lucidité sur les rapports sociaux. Elle  sait à quoi s’en tenir au sujet de son protecteur

Victor Hugo, par contre, ne cache pas son antipathie pour le baron à qui il fait dire : .

«  Chaque époque a son talent. Notre talent n’est pas à la bienfaisance. Il y a des temps pour la sensiblerie. Nous sommes plus sérieux. Nous voulons savoir ce qu’une chose rapporte »

et aussi

«  j’en ai assez d’Eurydice. Nous avons trop fait son éducation. Elle commence à avoir de l’esprit; Au fond c’est une rouge, cette fille-là. Elle a des mots de démagogue. Oh! si j’étais le gouvernement, comme je vous supprimerais la liberté de la presse ! »

Ainsi la pièce semble à priori légère mais l’on s’aperçoit bien vite que Victor Hugo y fait passer toutes ses idées sur l’injustice sociale, sa compréhension du peuple, son estime envers les ouvriers travailleurs et honnêtes. En choisissant de faire triompher l'amour conjugal, l'auteur montre la puissance des opprimés sur ceux qui les méprisent et veulent les pervertir.

Lecture commune avec  Nathalie ICI
Caroline Laure

samedi 15 juillet 2017

Die Kabale der Scheinheiligen/ Das Leben des Herrn de Molière d'après le roman de Monsieur Molière de Mikhaïl Boulgakov Festival In d'Avignon

Dans le parc des Expositions le roman de Monsieur Molière (source)

Die Kabale der Scheinheiligen/ Das Leben des Herrn de Molière  : La cabale des dévots/ La vie de Monsieur Molière mise en scène de Franz Castorf
        d'après le roman de Boulgakov : le roman de monsieur Molière

D’abord première grogne par rapport à ce spectacle : je pensais voir une adaptation d’un livre de Boulgakov sur la vie Molière. Certes, je savais bien qu’à travers eux, Franz Castorf, le metteur en scène allemand qui vient d’être viré du théâtre de Berlin, allait parler de lui-même sur le  thème universel de l’artiste par rapport au pouvoir.  Mais non… Boulgakov et Molière ne sont qu’un prétexte pour explorer ce thème qui est traité d’une manière plutôt chaotique, brouillonnne, un petit extrait par ci par là de Racine et de Molière et surtout une pénible et longue reconstitution du tournage d’un film de Fassbinder où il est question du pouvoir de l’argent. De temps en temps, un portrait de Staline pour illustrer Boulgakov, une grande pièce d’or qui tourne intitulé Versace pour symboliser le pouvoir, celui du Roi Soleil et celui de l’argent. Des moments très bavards qui m’ont passablement irritée et un symbolisme bien lourd.
Et puis comme je cherche un sens dans tout cela, je me suis demandée pourquoi le metteur en scène faisait jouer la Phèdre de Racine par Madeleine Béjart  (Jeanne Balibar) d’une  manière aussi ridicule et insupportable. Je me suis dit que c’était peut-être pour montrer l’échec de Molière dans la tragédie? Mais alors pourquoi le comédien qui dit la fameuse tirade de l’Avare l’interprète-t-il lui aussi d’une manière fausse et lamentable ? L’explication ne tient plus puisque Molière a réussi dans le comique. Donc, il faut bien se dire que le metteur en scène cherche à provoquer son public, à n’être pas là où on l’attend.  Cela me paraît tellement gratuit ! Par exemple au moment où J. Balibar encourage l'un des comédiens à insulter le public ! On dirait du théâtre post-soixante huitard !

Mais ce n’est pas le plus grave. Dans cet immense parc de l’Exposition où se déroule ce spectacle le metteur en scène croit résoudre le problème de l’espace par la vidéo. Les comédiens sont au fond de de ce plateau démesuré, on peut à peine les distinguer, ou cachés dans les décors monumentaux et tout ce que l’on en voit, ce sont leurs visages sur un écran.  Je ne suis pas contre l’utilisation de la vidéo dans les spectacles quand cela est justifié  et quand cela apporte quelque chose à la mise en scène comme dans Les Damnés ou Le Maître et la Marguerite. Ce n’est pas le cas ici ! A la limite je préfèrerais aller voir un bon film sur le même thème!
Mais le pire c’est que je me suis mortellement ennuyée, je n’ai été réveillée que par la scène dans laquelle Madeleine Béjart apprenant que Molière veut épouser sa fille a une crise de désespoir terrible, une femme de quarante ans qui a tout donné à son amant et se voit délaissée pour  une jeune fille ! Là, c’est poignant!
Il paraît aussi qu’il y a une bonne scène extraite de Le Bourgeois gentilhomme,  dit par le roi Louis XIV, un moment comique réussi comme me l’ont expliqué ceux qui sont restés jusqu’au bout. Moi, j’étais déjà partie ! Heureusement je ne suis pas critique de théâtre et rien ne m’oblige à souffrir. La culture, en particulier le théâtre doit rester un plaisir !

vendredi 14 juillet 2017

Festival OFF d'Avignon : Une balade sans chaussettes



Dans ce spectacle de cirque qui mêle acrobatie, tours d'adresse, jeux comiques, jonglage, deux personnages, un garçon, une fille  évoluent avec grâce et agilité, parfois en complicité à la poursuite d'un avion léger dont ils suivent les acrobaties aériennes, parfois en rivalité, la fille jouant à la bagarre, l'épée en main, face au  garçon plus timoré. Ils pirouettent, exécutent des roulades, des sauts en avant ou en arrière, toute une chorégraphie qui se déroule en musique pour le plaisir des spectateurs.

La scénographie s'appuie sur une grande caisse de bois qui sert tour à tour de support pour les équilibres, de maison qui abrite toutes sortes de petits personnages, de prison qui retiendra prisonnier le garçon, de piste d'atterrissage aussi pour le petit avion qui nous avait fait décoller au début du spectacle...

Les deux comédiens jouent avec des robots, des objets qu'ils manipulent et animent, des légos qu'ils transforment à leur gré, château, ou mur d'une prison. Les jeux de scène, les maladresses voulues des personnages, leur art de faire bouger les poupées de chiffon ou ces incroyables marionnettes que sont leurs doigts de pied sont très amusantes. Le rire communicatif de Liam en a témoigné tout au long du spectacle..
Les jeux de lumière accompagnent très agréablement les évolutions des deux comédiens et ménagent de jolis moments poétiques. Ainsi dans cette scène ou la jeune fille jongle, les ombres des balles qui semblent se mélanger  sur le mur aux balles réelles créent un effet magique.
J'ai trouvé un instant que le rythme ralentissait mais c'est pour mieux repartir. Mes petits-enfants ont apprécié tous les deux le spectacle aussi bien à l'âge de 4 ans que de 7 ans.

Un beau spectacle de qualité pour jeune public.

Une balade sans chaussettes Collège la Salle 10H30 ou 16H30
durée :  à partir de 4 ans
relâche :  10 17 24 juillet
du 7 au 28 juillet - relâche les 10, 17, 24 juillet
à 10h30

du 7 au 28 juillet - relâche les 10, 17, 24 juillet
à 16h30
C’est à travers plusieurs disciplines de cirque (acrobaties, manipulation d’objets, jonglage), que ce spectacle souhaite évoquer la question du genre (et des stéréotypes qui peuvent parfois l'accompagner).
Complice, la ligne sonore et musicale accompagne le parcours ludique et poétique des 2 personnages.



jeudi 13 juillet 2017

Franz Olivier Giesbert : Belle d'amour



 Belle d’amour, un beau titre à la Albert Cohen ! Un roman historique sur le Moyen-âge ? Je suis toujours preneuse ! Las ! Quelle déception à la lecture de ce livre !

Un parallèle entre le Moyen-âge et le XXI siècle 

Rogier Van der Weyden : dame
Rogier Van der Weyden

 Franz Giesbert a étudié son sujet et connaît bien l’époque des croisades. Il nous introduit chez le Roi Louis IX (Saint Louis) dont il souligne la complexité et les contradictions mais on s’apercevra bien vite que son roman historique a pour but d’établir une comparaison entre le temps des croisades et le XXIème siècle. Une comparaison qui semble à priori être en faveur du christianisme et très anti-islam.

«L’Islam fait peur, pas le christianisme. C’est pourquoi ils ne sont pas à égalité » .

Cette comparaison nous amène à la conclusion que le Coran est un livre qui prêche la guerre et l’extermination des chrétiens et qu’il y a toujours eu incompatibilité au cours des millénaires entre les musulmans et nous ! (P 247). Mais qui parle ? Le narrateur, le sultan sanguinaire Baybars, le patriarche maronite d’Antioche, Tiphanie ou son mari Armen… ou l’auteur lui-même?

De là à justifier l’occupation de la Palestine par Israël de nos jours, il n’y a qu’un pas… vite franchi !

"Mais il (le peuple juif) était trop gentil, pas assez agressif. C’est pourquoi les Arabes, les Turcs, les Perses, les Grecs, les Romains, ont occupé, massacré la Palestine qui, n’en déplaise aux perroquets incultes, restera toujours juive jusqu’à la dernière motte. Les arabes ont beau se présenter comme des victimes, ils furent des envahisseurs comme les autres ".

Mais au moment où la religion musulmane paraît être condamnée sans appel, Franz Giesbert, en convoquant la Sainte Inquisition catholique, renvoie les deux religions dos à dos. Enfin, le narrateur qui fait régulièrement des réapparitions au milieu du récit de Tiphanie, a un ami arabe qui lutte contre les terroristes et une fiancée, Leila, tolérante au niveau de la religion. Preuve que l’entente est possible ? L’ensemble est assez ambigu et les pistes sont brouillées. Seuls les juifs (et les cathares) semblent bien s’en tirer?

La structure romanesque

D'après Van der Weyden : Sabine Pigalle (source)
Au niveau de la structure romanesque, le roman commence par un prologue qui introduit le narrateur. Il s’agit d’un professeur de l’université d’Aix-en Provence, spécialiste du Moyen-âge et de l’Islam, qui a eu des ennuis à cause d’un récent ouvrage sur l’esclavage en terre d’Islam. On comprend tout de suite que cet essai était polémique puisqu’il établissait que les chiffres des esclaves dépassent ceux de la traite des noirs en Occident. Conclusion : les Arabes ont donc toujours été un peuple violent et dominateur.
Par la suite, hanté par son personnage féminin qui lui « dicte » son histoire, le narrateur fera de nombreuses réapparitions destinées à maintenir la comparaison entre le passé et le présent.
Or, les intrusions du narrateur ne sont pas toujours les bienvenues car elles interrompent le récit et l’alourdissent même si elles permettent le passage d’un siècle à un autre. Cette interaction trop fréquente entre le personnage fictif et son narrateur m’a gênée.

Le style

 Quant au style ! Disons qu’il ne ne suffit pas de truffer le texte de mots du moyen- français, pour faire parler une femme de cette époque. Il s’agit tout juste d’une coloration temporelle. Manifestement, l’auteur n’est pas un spécialiste de la langue médiévale, alors pourquoi ne pas assumer le français contemporain ! Le style de Robert Merle qui était, lui aussi, professeur d’université, - Bizarre les coups de griffe de l’auteur à l’encontre des universitaires dans le prologue - était beaucoup plus réussi.

Le personnage principal

Enluminure du Moyen-âge
Enfin, j’ai trouvé le personnage de Tiphanie peu convaincant, trop superficiel. Impossible de croire qu’une femme qui se fait violer par quatre hommes chaque jour pendant des mois et à qui ses tourmenteurs tatouent des diables sur le corps pour mieux la dominer et la faire accuser de sorcellerie, puisse avoir une résilience (pour employer un mot à la mode actuellement) aussi rapide et facile ! Je sais que le moyen-âge est une époque dure et qu’il fallait s’endurcir pour survivre mais l’exagération est telle qu’elle enlève toute crédibilité au personnage. En gros, être violée, ce n’est pas bien grave quand on aime la vie ! Cela n’empêche pas Tiphanie d’aimer la « chosette » et de tomber amoureuse à chaque coin de rue ! N’y d’être re-re-violée encore et encore !  Le tout est raconté avec une telle distanciation que je n’ai pu y adhérer. Non. Belle d’amour n’est pas Belle du seigneur malgré la ressemblance du titre !

Saint Louis
En conclusion, ce roman nous apprend beaucoup de choses sur Saint Louis, sa foi, ses erreurs politiques et militaires, sur les croisades et les sanglantes batailles qui ont décimé les armées des croisés.  Giesbert a lu Joinville et il aime Rabelais dont il emprunte bien souvent le vocabulaire mais il n’en a pas la truculence, ni l’humour. 

mercredi 12 juillet 2017

Festival OFF d'Avignon : Oups et son Doudou méchant spectacle de marionnettes pour jeune public


Le spectacle Oups et son Doudou méchant fait pénétrer dans l'univers de Claude Ponti avec des marionnettes très réussies qui rappellent bien les originaux : Oups, lui-même, notre  mignon petit héros, son doudou tour à tour méchant puis gentil (il faut beaucoup de doudous-marionnettes pour interpréter ce personnage parfois un peu inquiétant !). Les Blayettes, les Boucheànourrir et l'affreux Crabamort, monstre-crabe qui piège les enfants, sont amusants ou effrayants à souhait ! 
Bien sûr, l'intégralité du livre ne peut être représentée et personnellement j'ai moins aimé les chansonnettes qui sont introduites et qui n'appartiennent pas au monde Pontitien ( j'ose dire ainsi?). Mais les décors sont jolis, vivement colorés, ainsi les petites maisonnettes en branches d'arbres. Et il y a une réelle inventivité dans la transformation de l'espace théâtral.  Les montagnes s'animent et se battent, le crabe explose et finit dans une marmite. Tout est joyeux et bien enlevé. Un agréable spectacle.


Les enfants, Léonie (7 ans) et Liam (4 ans) ont adoré tous les deux malgré leur âge différent.  Liam, en particulier, a été très sensible au comique et au décalage par rapport au réel et les chansons lui ont beaucoup plu.  On avait relu le texte juste avant d'aller au théâtre et le récit l'a ravi aussi bien à la lecture que sur scène. Un bon moment passé avec eux.


Oups et son doudou méchant  de Claude Ponti  collège la Salle 10H15
 durée : 45' de 4 ans à 8 ans
   Relâche les lundis 10 17 24 juillet 
Cie les Francs Glaçons
Oups, héros aux airs de petit Poucet, trouve un jour un doudou vide et abandonné. Il décide de le remplumer et d’en faire son doudou. Au début très câlin, ce doudou s’avère être méchant. Il pousse Oups à faire plein de bêtises en l’absence de ses parents. Tellement de bêtises qu’ils sont chassés du village. Oups finira même par détruire le monde qui s’éparpille en une pluie de morceaux de bouts de monde. Dans sa chute, Oups atterrit chez Crabamor Crabbador, l’autre méchant de l’histoire.Mais rassurons nous, dans ce spectacle, comme dans tous les livres de Cl. Ponti, à la fin il y a toujours « un tout est bien qui finit bien ». Avec persévérance et gentillesse, Crabamort sera vaincu. Oups soignera son doudou de sa méchanceté, et ils rentreront ensemble au village.

mardi 11 juillet 2017

Festival OFF d'Avignon : Les yeux de Taqqi, spectacle jeune public à l'espace Alya



Les yeux de Taqqi est le premier spectacle pour enfants que nous sommes allés voir, mes petits-enfants et moi.

Taqqi, petit Inuit aveugle, "veut voir, veut savoir, veut pouvoir.” Il aimerait affronter l’ours polaire pour le tuer et devenir ainsi un homme. Mais sa cécité ne lui permettra pas, pense-t-il, de réussir cet exploit. Sa soeur le console alors que la vieille femme qui les a recueillis, lui et sa soeur, à la mort de ses parents, le rabroue et ne l’aime pas. Un jour, elle le met à la porte et le petit inuit part dans le vaste monde de glace et de neige.

Même si j’ai quelques petites critiques à propos de ce spectacle, je veux souligner d’abord sa qualité. Il s’adresse aux enfants avec intelligence. Les marionnettes du petit Inuit, de sa soeur et de sa grand mère, comme de la mère morte, sont d’une grande beauté, et celles des animaux aussi. Quant à la scénographie, elle est très épurée :  un îlot de glace, la lune dans un ciel noir et de magnifiques jeux de lumière qui isolent les personnages, les magnifient et donnent vie à l’ensemble. L’igloo qui s’illumine permettant au spectateur de voir les ombres des personnages à l’intérieur est aussi une belle trouvaille et une attention particulière est apportée à la bande son. La musique, l’ambiance sonore, cris des oiseaux de mer, bruit des vagues, ajoute un certain mystère à cet univers de glace.

Mes restrictions viennent de la longueur de la pièce. La vengeance envers la vieille grand-mère même si la scène est belle visuellement et permet de raconter la légende du narval unicorne introduit autre chose et nous éloigne du personnage. Mon ressenti est qu’une fois que Taqqi, jusque-là aveugle, ouvre les yeux pour la première fois après ces épreuves, tout est dit.  Donc la suite m'a paru longue et inutile.
D’autre part la scène où l’on voit Taqqi chevaucher l’ours au lieu de le tuer est intéressante car l’on l’impression que l’enfant passe victorieusement son épreuve de passage, la plus difficile peut-être ? Mais comme elle se termine par la mort du chien, on ne sait pas trop quel sens elle peut avoir. Cette scène n’aurait-elle pas dû être en fin d’initiation, le couronnement de la quête qui va permettre à l’enfant de devenir adulte? Apparemment, elle est, au contraire, celle qui introduit un manque qui demande réparation.

Ceci dit, la qualité du spectacle, les réflexions qu’il induit auprès des jeunes spectateurs, la beauté de la scénographie qui procure un vif plaisir pour les yeux compensent largement ces quelques remarques critiques.

La réaction des enfants :

Léonie (7ans) et Liam (4 ans) ont eu le même sentiment au sujet de la longueur. Quelques instants avant la fin, Liam alors qu'il avait été très attentif  a demandé « c’est bientôt fini? » et Léonie a éprouvé aussi de la lassitude.
Liam a manifestement apprécié la pièce, il a pris l’histoire au premier degré sans difficulté.
Léonie était plus mitigée et s’est plaint de ne pas avoir tout compris. Elle aurait voulu avoir une réponse : pourquoi l’enfant retrouve-t-il la vue? Est-ce que c’est parce qu’il a été fidèle aux animaux qu’il aime comme le chien ou le poisson qui l’a sauvé? Bonne question ! Cette quête initiatique dans lequel Taqqi triomphe d’épreuves faites de drames et de renoncements mais aussi d'amour permet au petit garçon de quitter l’enfance et ainsi de « voir » le monde tel qu’il est.

Les Yeux de Taqqi
Espace Alya 9H50
 du 7 au 30 juillet - Relâches : 12, 19, 26 juillet
Marionnette-objet
À partir de 5 ans
Interprètes / Intervenants
    •    Interprète(s) : Anaël Guez, Nadja Maire, Sarah Vermande
    •    Metteur en scène : Cédric Revollon
    •    Régisseuse : Angélique Bourcet
    •    Constructrice marionnettes : Francesca Testi
    •    Administrateur : Jason Ducas

lundi 10 juillet 2017

Festival OFF d'Avignon : Ada/Ava de Manual Cinema au Chêne Noir



Entre cinéma muet et théâtre, entre manipulation de marionnettes d’ombres et projection des ombres des comédiennes sur un double écran, l’histoire des soeurs Ada et Ava se crée devant nous.
A la mort d’Ava, Ada ne peut supporter le départ de sa soeur jumelle. Des flash-back rappellent des épisodes de leur enfance dans leur maison au bord de la mer, une complicité qui n’est pas exempte de disputes et de rivalité, Ada ayant un caractère un peu dominateur. Mais c'est un amour sans faille que l’on voit défiler devant nous jusqu’à la vieillesse et la solitude. Face au chagrin du deuil, Ada lutte d’abord en cherchant à effacer les souvenirs mais cela ne suffit pas ! Alors elle part à la recherche de sa soeur pour la ramener du domaine des Morts. Elle apprendra comme Orphée que l’on ne peut impunément s'en échapper. L’horloge qui rythme le récit est implacable, elle ne s’arrête jamais et la Mort ne relâche jamais ses proies.


Si techniquement le spectacle est complexe et utilise des supports divers qui exigent beaucoup de précision, de rigueur et de virtuosité de la part des artistes, le spectateur lui, se laisse prendre par la nostalgie du récit, la tendresse et la tristesse qui émanent de ces deux personnages en fin de vie.  Tout baigne dans la brume des souvenirs. L’univers des soeurs avec ses cadres accrochés au mur est feutré, comme arrêté. Le visuel est très beau, poétique, souligné magnifiquement sur scène par la voix des instruments et celle, très pure, de la chanteuse. La scène du miroir, en particulier, est d'une grande beauté et les comédiennes qui l'interprètent sont émouvantes. Le Film-Théâtre est muet mais le travail sonore a une grande importance : le bruitage, les sons, la musique, participent à créer une ambiance, font partie intégrante du récit et sont des éléments essentiels de la création. Le langage devient universel et les mots ne sont pas nécessaires pour comprendre et se sentir concernés.
Un beau spectacle un peu à part, sans comparaison avec la vidéo dont on se sert de nos jours au théâtre. Etonnant par sa nouveauté, il mêle des techniques anciennes et contemporaines. Une création vivante, pleine d’émotion qui laisse le spectateur un peu étourdi, le coeur serré par le passage de la vie.

La compagnie Manual Cinema vient de Chicago. C’est la première fois qu’elle se produit en France et c’est une réussite.



 Ada/Ava, l'histoire onirique, fantastique et bouleversante de deux sœurs jumelles, qui ont tout construit ensemble, et que la vie sépare...
Chêne Noir 

du 7 au 30 juillet - relâche les 10, 17, 24 juillet 
à 10h30
 

Interprète(s) : Lizi Breit ou Kara Davidson, Sam Deutsch, Drew Dir, Sarah Fornace, Julia Miller, Hoopfer Maren, Ben Kauffman, Kyle Vegter
Metteur en scène : Drew Dir
Compagnie Manual Cinema / Vertical 
Coréalisation : Théâtre du Chêne Noir
Auteur : Manual Cinema


samedi 8 juillet 2017

Sophocle/ Satoshi Miyagi : Antigone au festival IN d'Avignon 2017

Antigone de Sophocle mise en scène de Satoshi Miyagi : photo Télérama
Cette fois encore la Cour d’Honneur offre aux spectateurs un spectacle d’une grande beauté et originalité : Antigone de Sophocle mise en scène par le metteur en scène Satoshi Miyagi. Là, les cultures se mélangent. il s’agit bien de la pièce de Sophocle revue à la lumière du bouddhisme japonais dont la pensée refuse de diviser les gens entre amis et ennemis dans une volonté « d’aimer tous les êtres humains sans les diviser ».
En guise de prologue, des acteurs viennent, comme dans les théâtres de foire, appâter le spectateur en lui présentant - en français-, sur le mode comique, l’intrigue de la pièce.
 Puis la tragédie commence en langue japonaise, ce qui ajoute encore pour nous à l’envoûtement et aux Mystères, au sens rituel, de la représentation pour ne pas dire de la célébration.
Le vaste plateau de la cour d’Honneur est mis en eau, fleuve des Enfers, Acheron ou  Sanzu dans la religion bouddhiste. Les âmes des morts s’y déplacent en silence seulement troublé par le faible clapotis de l’eau.  C’est le choeur antique qui reprend les répliques des personnages, les répercute, les appuie. Comme « dans le No japonais, il y a ce que l’on appelle le Ji-utaï, qui ressemble au choeur grec » explique le metteur en scène.
 La blancheur des costumes, la légèreté des voiles dont tous sont drapés, la musique, les chants qui font place au silence sont enveloppés de jeux d’ombre et de lumière qui donnent solennité à la scène. Tout est d’une grande pureté. Les danses rituelles mettent en valeur le langage du corps plus important pour Satoshi Miyagi que l’expression du visage, en opposition à la pensée occidentale. En témoigne la mise en scène des Damnés, qui l’année dernière à la Cour d’Honneur, privilégiait les  gros plans sur les visages en utilisant la vidéo. 

Antigone photo de Anne-Christine Poujoulat (source)

Et tandis que sur la scène les comédiens incarnent Antigone, Créon, Hémon ou Ismène, leur double silencieux mais animé, projettent sur le mur du palais des silhouettes d’ombre qui disent les sentiments, la colère, la révolte, la peur et la souffrance des personnages, Antigone affrontant Créon ou Hémon se rebellant contre son père et se sacrifiant pour son amour. Et ces ombres qui, tour à tour grandissent ou s’amenuisent, disent aussi les rapports de force et les hiérarchies : l’ombre gigantesque de Créon, celle plus petite et dominée de Hémon mais qui bientôt s’étire, grandie par son courage… Beauté de la main de Hémon et Antigone qui se rejoignent sur le mur malgré la tombe qui les sépare.

Un très beau spectacle, d'une grande qualité ! Et une pièce qui répond à cette question universelle au coeur de toute religion mais surtout de toute pensée laïque :  L’obéissance aux ordres d’un chef et aux lois doit-elle être aveugle? C’est ce que la Boétie déjà au XVI siècle dénonçait comme une « servitude volontaire ». Ne doit-on pas, avant tout, obéir à sa conscience, à sa perception du bien et du mal ? La désobéissance n’est-elle pas un devoir ? 
Questions philosophiques essentielles !

« Il n'est pas souhaitable de cultiver le même respect pour la loi et pour le bien. La seule obligation qui m'incombe est de faire bien » affirmait Thoreau

 Et Victor Hugo : «  Désobéir, c’est chercher ».



Carrière de Lumières Les Baux : Arcimboldo, Brueghel et Bosch



Encore une fois, cette année 2017 Les carrières de Lumière des Baux offrent un spectacle que l'on peut bien qualifier de féérique où comme l'annonce le sous-titre : Fantastique et Merveilleux.


Je vous renvoie à la présentation de l'exposition sur le site  : 

"Produite par Culturespaces et réalisée par Gianfranco Iannuzzi, Renato Gatto et Massimiliano Siccardi avec la collaboration musicale de Luca Longobardi, cette nouvelle création vous invite à explorer le monde foisonnant peint par 3 artistes du XVIe siècle à l'imagination débridée : Bosch, Brueghel et Arcimboldo.
Des triptyques de Bosch les plus emblématiques (tels Le Jardin des Délices, La Tentation de Saint Antoine, ou encore Le Chariot de foin) aux étonnantes compositions d'Arcimboldo faites de fleurs et de fruits en passant par les fêtes villageoises de la dynastie Bruegel, les Carrières de Lumières s'ouvrent aux univers fascinants de ces trois grands maîtres qui se sont attachés à représenter la vie, son mouvement et toute la dualité d'un monde oscillant entre le bien et le mal. S'ils partagent une grande finesse d'exécution dans le dessin, ils se retrouvent aussi sur le terrain d'une extrême inventivité. A l'imaginaire halluciné de Bosch et à la créativité des visages improbables d'Arcimboldo répond la trivialité joyeuse d'un Brueghel ancrant ses multiples personnages dans le réel." Suite ICI


Il faut bien imaginer que les reproductions des tableaux de ces grands maîtres italien et flamands couvrant 7000 m2 s'étirent du sol au plafond sur une hauteur de paroi qui égale voire dépasse celle d'une cathédrale.  La taille des visiteurs sur mes photographies vous permettront un peu de vous rendre compte de l'échelle.




Une illumination, entre ombre et clarté, qui baigne dans la musique de Carmina Burana d'Orff, des Quatre saisons de Vivaldi, des Tableaux de l'exposition Moussorgsky qui rythment le mouvement des personnages, monstres ou humains, saints ou pêcheurs, mais aussi oiseaux, papillons qui battent des ailes. La promenade commence !  Les images de ces grands peintres s'animent.  Les flocons de neige tombent sur les tableaux de Brueghel et peu à peu nous enveloppent d'un épais manteau blanc. Tout bleuit dans le froid glacial d'une nuit flamande. Nous frissonnons ! 




Les démons se réveillent, nous tirant vers le gouffre de l'Enfer, tandis que les anges gagnent le ciel dans une envolée majestueuse.






Et une image de la carrière lorsque les lumières s'éteignent...




vendredi 7 juillet 2017

Festival OFF d'Avignon : Je change de file de Sarah Doraghi au Chêne Noir




"Sans indiscrétion, vous êtes d’où ?"
Comment une petite fille tout à fait iranienne peut devenir une femme totalement française… Arrivée en France à l’âge de 10 ans sans parler un mot de notre langue, Sarah Doraghi décrit, à travers son spectacle, comment elle est devenue « bien de chez nous » sans pour autant gommer ses origines. De tics de langage en spécificités nationales, elle raconte ainsi, avec beaucoup d’humour et de légèreté, ses années passées dans notre beau pays, depuis son départ d’Iran jusqu’à l’obtention de son passeport français.
La double nationalité ne divise pas toujours. Parfois même, elle double l'amour.


 "Je change de file" de Sarah Dorachi ! Quel beau texte vivant, chaleureux, qui fait rire, réfléchir et amène à la compréhension par l'intérieur des sentiments de ceux qui arrivent en sol étranger ! Sarah Dorachi est iranienne-française ou française-iranienne car la double nationalité est une richesse qu'il serait dommage d'occulter. Fière de son origine et de la grandeur de son pays, la Perse, berceau d'une grande civilisation, Sarah Dorachi est parisienne parmi les parisiennes, française jusque dans sa mentalité, sa maîtrise de la langue et de ses subtilités, son adoption du mode de vie français, jusqu'à la parfaite connaissance de ceux qui sont devenus ses compatriotes.   
Elle livre aux spectateurs ses souvenirs quand, petite fille de 10  ans, elle fuit l'Iran, son pays en guerre, avec une partie de sa famille.  La vision des français vus par une immigrée n'est pas toujours à notre gloire et la comédienne souligne nos contradictions, notre indifférence des catastrophes qui frappent les autres pays et notre responsabilité politique aussi quand nous convoitons leur pétrole au risque de provoquer des cataclysmes chez eux! Cela vous rappelle quelque chose ? 
Elle met en scène l'incompréhension des français et leur ignorance  et parfois aussi leur bonne volonté maladroite voire blessante vis à vis des immigrés mais elle le fait toujours sans acrimonie et c'est tellement vrai qu'elle provoque le rire. Toute une satire de nos petits travers, d'un certain snobisme mondain, de nos habitudes...  qu'elle n'est pas la dernière à avoir adoptés !  Pour un peu la pièce pourrait s'intituler : Comment peut-on être français? 
 Ce qui ne l'empêche pas de livrer des portraits satiriques de son pays d'origine, des iraniens qui se sentent toujours au-dessus des autres, de la chasse aux maris des femmes de là-bas.. Ce qui ne l'empêche pas de rire tendrement des membres de sa famille, sa grand-mère, sa tante, sa mère, venues en France elles aussi, de leurs efforts pour comprendre et parler la langue. Cela donne des scènes de comédie savoureuses, qui n'exclut jamais le respect. Oh! cette conversation entre sa mère, fleuriste, et son employé sri lankais ou entre sa tante et le fonctionnaire français qui lui parle de démocratie !

 Et puis sous le rire, l'émotion afflue, discrète mais sincère, le bonheur d'avoir enfin la nationalité française et la culpabilité qui affleure quand on n'est plus obligé d'être avec les autres, les étrangers, quand on "change de file" !

Enfin j'ai aimé le coup de chapeau à l'école française et la si belle citation de Saint Exupéry que je vous laisse découvrir en allant voir la pièce !

Des propos riches, profonds, pleins d'humour, proches de notre actualité, portés avec finesse par cette comédienne qui nous tient en haleine tout au long du spectacle ! A ne pas rater !


Théâtre du Chêne Noir : Je change de file !
À 11h00

Durée : 1h10
à 11h00 : du 7 au 29 juillet - Relâches : 10, 17, 24 juillet