Le livre de Magda Szabo, Abigaël, est un roman d’initiation. C’est l’histoire de Gina, jeune fille de la bourgeoisie aisée, élevée par un père aimant, attentif et indulgent et par une gouvernante française intelligente et affectueuse. Tout sourit à la jeune fille lorsque son père l’envoie en pension loin de la capitale dans un monde austère d’où les plaisirs et la beauté sont exclus, loin du luxe et de la vie plaisante qu’elle menait à Budapest. La souffrance d’être séparée de son père adoré et admiré ajoute à la révolte de Gina.
Dans cette institution calviniste, les jeunes filles doivent obéir à une discipline quasi militaire et consacrer leur vie à Dieu et à leurs études, sachant que leur conduite - qu’elle soit bonne ou mauvaise- ne les sauvera pas si Dieu ne l’a pas décidé ainsi à leur naissance ! Un déterminisme d’autant plus difficile à supporter que Gina avait l’habitude de la liberté, de la discussion, des plaisirs culturels, des divertissements, bals, théâtre… La description de l’établissement, de ses règles qui en brimant la spontanéité détruisent aussi toute sincérité, la présentation de cette philosophie religieuse, puritaine, qui refuse tous les plaisirs de la vie est un des grands intérêts du roman.
Dure initiation donc pour cette charmante jeune fille et ceci d’autant plus que nous sommes en 1943 et la Hongrie, alliée à l’Allemagne nazie, va bientôt subir ses premiers revers. Mais alors que la guerre avec ses privations, ses alertes aériennes, son couvre-feu, est au centre du roman, elle apparaît comme secondaire tant les jeunes filles enfermées dans cet établissement aux règles religieuses strictes semblent vivre dans un monde à part, occupées seulement par des soucis de collégiennes. Peu à peu, l’intrusion de la vie réelle bouscule leur existence. L’antisémistisme sévit, les lois raciales s’étendent jusqu’à elles et pénètrent dans l’établissement, menaçant certaines d’entre elles. La Résistance s’organise pour lutter contre l'armée allemande qui occupe le pays. La menace qui plane finit par rejoindre Gina elle-même dans une terrible et effrayante sortie de l’enfance.
Le récit est fait à la troisième personne, selon le point de vue de Gina, et bien qu’elle soit intelligente et mature pour ses quinze ans, le ton ne se départit pas d’une certaine naïveté et d’une fraîcheur de l’enfance qui fait que l’on se sent proche d’elle, que l’on partage ses chagrins, ses révoltes, ses peurs aussi. Le lecteur adulte ne peut s’empêcher de sourire de son manque de clairvoyance à propos de la statue d’Abigaël, la confidente et la protectrice de toutes les élèves en difficulté. Son aveuglement, lié à ses partis pris envers ses professeurs et les gens qui l’entourent, nous la rendent plus proche ! Alors même qu’elle est dotée d’un grand sens de l’observation, elle ne cesse de faire des erreurs de jugement qui lui font très mal. Une façon de grandir parfois bien douloureuse. Le personnage avec ses défauts et ses qualités est donc très attachant et, de plus, Magda Szabo peint avec dextérité et sans manichéisme toute une galerie de portraits bien campés et complexes, des adultes aux enfants, compagnes de Gina.
Un livre passionnant, une tranche de vie individuelle inscrite dans un moment tragique de l’histoire de la Hongrie.
Voir aussi l’excellent roman de Magda Szabo : La Porte ICI
Magda Szabo
Né(e) à : Debrecen , le 05/10/1917Mort(e) à : Kerepes , le 19/11/2007
Biographie : Babelio
Magda Szabo est née en Hongrie. Ses premiers écrits sont publiés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale mais, après 1948, pour des raisons politiques, elle disparaît de la scène littéraire. Lorsque ses livres ressortent en librairie à la fin des années 50, l'accueil est enthousiaste.
Depuis, récompenses et traductions à l'étranger se succèdent, notamment le prix Pro Urbe Budapest en 1983, le prix Csokonai en 1987, le prix Getz en 1992, le prix Betz Corporation en 1992 et le prix Femina étranger en 2003 pour "La porte". Magda Szabo est devenue une figure majeure des lettres hongroises.
C'est avec un peu de retard que je rejoins Eva, Patrice et Goran mais il est encore temps - et pour vous aussi- de les rejoindre pour ce mois de Mars dédié à la littérature de L'Europe de l'Est.
Souvenez-vous, c’est l’an dernier qu’est né Le mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran. Et ce dernier revient, toujours en mars. Voici en quoi celui-ci consiste.
Vous l’aurez compris, lors de ce mois de mars, il va être question de littérature, tout genre confondu (roman, essai, poème, BD, livre jeunesse, etc.), d’Europe de l’Est. Lorsque vous aurez rédigé votre critique, comme vous le faites avec n’importe quel autre texte, il ne vous restera plus qu’à préciser que celle-ci a été rédigée dans le cadre du célébrissime mois de mars. Enfin, n’oubliez pas de venir partager votre article chez Goran ou bien chez Eva et Patrice. Si vous le préférez, vous pouvez aussi utiliser nos contacts via ces liens (ici et ici.). Début avril nous rédigerons un article récapitulatif. Par ordre alphabétique voici la liste des pays acceptés :
– Albanie
– Biélorussie
– Bosnie-Herzégovine
– Bulgarie
– Croatie
– Estonie
– Hongrie
– Lettonie
– Lituanie
– Moldavie
– Monténégro
– Pologne
– République de Macédoine
– République tchèque
– Roumanie
– Russie
– Serbie
– Slovaquie
– Slovénie
– Ukraine
Si vous avez des questions, n’hésitez pas à nous les poser. Toujours est-il que nous vous espérons tout aussi passionnés et passionnants que l’an dernier ! Et surtout que ce Mois de l’Europe de l’Est vous apportera de merveilleuses découvertes littéraires. Enfin, nous rappelons que vous pouvez utiliser notre visuel afin d’illustrer vos articles. Par avance, merci de faire vivre ce mois de mars qui ne serait pas possible sans votre participation.
Voici pour rappel le lien vers le bilan du Mois de l’Europe de l’Est 2018 qui avait rassemblé 22 blogueurs et 99 billets !
A très bientôt
Eva, Patrice & Goran