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vendredi 19 août 2022

Edward Carey : Petite




Quel drôle de roman ce « Petite », d’Edward Carey, écrivain et dramaturge anglais ! L’histoire qu’il nous raconte paraît par moments si farfelue, si folle, si morbide, qu’elle en devient comique malgré la noirceur,  laissant le lecteur pantois ! Bref,  elle ne semble pas réelle !

Preuve que la réalité dépasse l’imagination et de beaucoup, parfois !  Car Petite a existé et son époustouflante histoire nous est retracée après de sérieuses recherches de l’écrivain. Nonobstant les remplissages que peut se permettre tout roman historique pour combler les vides, le récit s’appuie donc sur des bases solides.
 D’ailleurs vous connaissez tous, ce bout de femme minuscule : Anne-Marie Grosholtz, née en Alsace en 1761, partie à Berne avec sa mère pour servir le docteur Philippe Curtius, vivant à Paris pendant la révolution et mourant à Londres, mondialement connue de nos jours sous le nom de Madame Tussaud.

Ainsi, vous allez tout apprendre sur l’art de la cire !  Cependant, que les secrets de fabrication des portraits ou masques mortuaires en cire vous intéressent ou non, je vous défie bien de vous ennuyer en lisant ce roman !
 

L’humour noir baigne ces pages illustrées de petits dessins savoureux : nous suivons la Petite à Berne munie de sa poupée en bois Marta et du mandibule en métal de son père mort à la guerre  après avoir perdu le sien ( je parle de son mandibule!). « Je dois , à présent confesser une chose :  si j’affirme avoir hérité de son menton, c’est parce que je le suppose. N’ayant jamais vu cet homme, j’avais voulu m’approprier son profil afin d’être sûre, chaque jour, que j’étais bien sa fille, qu’il était bien mon père »
Commence alors le premier portrait (fabuleux) de ce roman qui en présentera beaucoup et d’abord le docteur Curtius, incapable de prononcer un mot à force de vivre en tête en tête avec des morceaux de corps humains qui traînent un peu partout dans la maison : "une langue, sans doute humaine, sur une table à tréteaux. Que faisait-elle là ? Où était son propriétaire?" mais pas que des langues!  Intestins, vessies, cervelles, foies, pancréas … envoyés par l’hôpital et que le docteur moule dans la cire pour des représentations scientifiques. C’est là que Petite commence à apprendre le métier et  c’est pourquoi, à la mort de sa mère, elle suit son maître à Paris où les nobles et riches bourgeois vont adorer se faire « tirer le portrait » en cire, mode qui entraîne Petite jusqu’à Versailles, auprès d’Elizabeth, la soeur du roi !

Tout au long du récit, nous voyons défiler des personnages étonnants : celui de la veuve Picot, la logeuse de Curtius, de son fils Edmond, et de son mari, le vénérable et vénéré Monsieur Picot, (mort), mais présent sous la forme d’un mannequin (pas en cire) vermoulu, qui tombe en morceaux et qu’il faut rapiécer de temps à autre !
Mais apparaissent aussi devant nous des personnages célèbres, Voltaire, Rousseau, Franklin …  Et puis avec  la Révolution et le règne de la Terreur pendant lequel Petite ne doit son salut qu’à son art de mouler les têtes coupées nous faisons connaissance de Louis XVI, Marat, Maximilien Robespierre, et autres « portraits », un peu particuliers, ceux-là, et plutôt hallucinants !

 
 Le roman tient un peu du roman picaresque quant aux tribulations de l’héroïne, orpheline de père puis de mère, maltraitée par la logeuse dont son maître est amoureux. Héroïne picaresque, aussi, quant aux vicissitudes de sa position, aux hauts et aux bas de son existence, quant aux injustices qu’elle subit, à son habileté à survivre et même à s’imposer dans un monde ou les nobles ont tout pouvoir sur vous, même celui de vous loger dans un placard au coeur du plus somptueux palais du monde…
C’est un roman d’aventures à la coloration particulière, d'une noirceur incroyable, qui donne une étrangeté au récit et où, pourtant, l'on rit !  Mais c’est aussi une vision de l’Histoire en marche entre la cruauté et la morgue des Grands et l’horreur sanglante d’une Révolution qui aurait pu être une libération des humbles mais dérape dans l’excès et la démesure. Enfin, au-delà de l’humour noir, c’est la tragique histoire d’une enfant pauvre et seule, puis d’une femme malmenée par la vie, qui a su grâce à ses dons de portraitiste et son imagination échapper à la misère et à la folie des hommes.

Un livre passionnant et surprenant !


Challenge  Un pavé pour l'été blog  Sur mes Brizées : Edward Carey  Petite Pocket  554 pages
 


mercredi 17 août 2022

Valérie Perrin : Changer l'eau des fleurs

 

"Mes voisins de palier n'ont pas froid aux yeux. Ils n'ont pas de soucis, ne tombent pas amoureux, ne se rongent pas les ongles, ne croient pas au hasard, ne font pas de promesses, de bruit, n'ont pas la sécurité sociale, ne pleurent pas, ne cherchent pas leurs clés, leurs lunettes, la télécommande, leurs enfants, le bonheur.(...)

Ils sont morts.

La seule différence entre eux, c'est le bois de leur cercueil : chêne, pin ou acajou"


J’ai découvert le roman de Valérie Perrin, Changer l’eau des fleurs, après avoir vu au Festival d’Avignon le spectacle adapté du texte littéraire sur la scène du théâtre du Chêne noir.
Avec ses 672 pages, le livre est incontestablement un pavé et comme je l’ai lu au mois de Juillet, voici donc mon premier pavé de l’été pour le challenge de Brize.


L’adaptation au théâtre de cet énorme livre en une heure et quinze minutes par Caroline Rochefort et Mikaël Chirinian est une gageure. Comment réussir à faire tenir en si peu de temps toute cette longue histoire ?  Et bien, en ne conservant que les personnages principaux et en se focalisant sur leur histoire. Du coup l’action est resserrée, efficace, pleine de surprises et d’émotions, effets que renforce la qualité des trois interprètes : Violette, personnage attachant que l’on découvre peu à peu (Caroline Rochefort, nomination Molière de la révélation féminine), son amoureux Julien et son ex-mari Philippe, tous les trois excellents comédiens qui font passer sous le rire tout le tragique de ces vies brisées qui cherchent à se reconstruire…

Changer l'eau des fleurs festival d'Avignon 2022


Le roman, lui développe : Violette est gardienne d’un cimetière. Elle a été abandonnée par son mari Philippe Toussaint qui a toujours vécu à ses crochets avant de s’enfuir sans laisser d’adresse. Pourtant même ce personnage quand il apparaîtra nous révèlera une autre face de sa personnalité. Elle rencontre, dans sa loge, Julien Seul, un policier taciturne, venu déposer les cendres de sa mère, Irène, sur la tombe d’un homme que lui, son  fils, ne connaît pas. Ce sont les dernières volontés de  la défunte. De quoi en être chamboulé ! Mais Violette connaît Irène et celui qu’elle a aimé, et l’histoire de ces deux disparus se dévide à côté de la sienne, en parallèle ou parfois imbriquée l’une dans l’autre  !


A travers le récit de son passé qu’elle nous raconte peu à peu et qui révèle, malgré l’humour, ses manques et ses souffrances, nous voyons le quotidien de Violette, les  visites des habitués qui se confient à elle et qu’elle réconforte, les liens amicaux qu’elle tisse avec les fossoyeurs, Elvis, Nono, Gaston, avec le père Cédric, personnages haut en couleur,  les fleurs qu’elle cultive avec amour, les chats qu’elle recueille avec tendresse, les enterrements et le déroulement des cérémonies dont elle note tous  les détails.  Autour d’elle, la présence de tous ces morts dont  elle conserve les traces, seul moyen de ne pas les laisser disparaître. Le Souvenir, une lutte contre la Mort.
 L’histoire de Violette s’entremêle à celle des autres. L’enchevêtrement des vies de chacun, le passage sans ordre chronologique du passé au présent et inversement, l’absence voulue de tout ordre, auraient pu donner un récit complexe et lourd. Or, il n’en est rien ! Tout paraît se rejoindre et se résoudre dans une seule histoire fluide qui coule comme si rien ne venait l’interrompre. C’est une des grandes réussites de l’écrivaine. Elle parvient à donner cette impression de simplicité et d’unité. Le style est poétique, limpide.

Après avoir été une enfant de l’assistance malheureuse, après avoir été mal mariée et avoir perdu ce qu’elle avait de plus précieux et ce qui donnait un sens à sa vie,  (je ne vous en dis pas plus pour vous laisser le découvrir) Violette retrouve le bonheur. C’est ce qu’elle affirme :
« Je déguste la vie, je la bois à petites gorgées comme du thé au jasmin mélangé à du miel. Et quand arrive le soir, que les grilles du cimetière sont fermées et la clef accrochée à ma porte de salle de bains, je suis au paradis .
Pas le paradis de mes voisins de palier. Non. »


Trop de bons sentiments dans ce roman ?  Trop d’optimisme dans ces rencontres avec une humanité bienveillante ?  Ma foi, après avoir subi ce que la vie a de pire, on ne peut que souhaiter à Violette un peu de bonheur ! Un beau roman !


challenge Pavé de l'été : blog Sur mes brizées

Changer l’eau des fleurs Valérie Perrin Livre de poche  672 pages


Récapitulatif challenge Pavé de l'été 2022

jeudi 7 juillet 2022

Paris, Les Tapisseries du Musée de Cluny : Musée national du Moyen-âge (2)

La dame à la licorne : la vue
 
 

 A tout seigneur, tout honneur ! Pour présenter les tapisseries du musée Cluny, commençons par la Dame à la Licorne. 

 Les tapisseries de La dame à la licorne

Les six oeuvres sont installées dans une salle plongée dans une semi-obscurité. Seuls quelques spots éclairent délicatement les scènes en réveillant le chatoiement des couleurs. Ce qui est fait pour une meilleure préservation des tapisseries crée une atmosphère particulière. Les visiteurs s’assoient, admirent, se lèvent pour s’approcher afin  d’apprécier les détails. Ils prennent leur temps ! Ils parlent peu et bas. C’est un moment de recueillement comme s’’il n’y avait plus de mots pour célébrer la parfaite beauté.

Les cinq premières tapisseries représentent les cinq sens. La sixième, A mon seul désir, pose un problème d’interprétation. La dame paraît reposer un collier dans un coffret  comme si elle abandonnait les plaisirs liés au corps. Certains spécialistes l’ont interprété comme un renoncement aux sens, d’autant plus que la dame est la seule sur les six à avoir les cheveux courts comme si elle avait fait don de sa chevelure à son amant, selon une lecture courtoise ? Ou bien peut-on  voir cette scène comme une allégorie d’un sixième sens spirituel qui serait celui du coeur et de l’âme?
Sur le pavillon on peut lire une inscription, A mon seul désir,  devise de la famille lyonnaise les Le Viste que l’on reconnaît à l’étendard, aux armoiries de gueules rouges et à la bande d’azur, bleue, marquée de trois croissants de lune argentés.

La salle des dames à la licorne
 

Ces six tapisseries sont tissées au début du XVI siècle, probablement de 1484 à 1538 et leur origine est incertaine. Elles sont dites millefleurs - C’est un art très à la mode à cette époque - car le fond est composé de nombreuses petites plantes et fleurs dont chacune a une signification. 
Ainsi, dans les tapisseries de La dame à la licorne, on peut voir la violette, fleur du désir et de la modestie, la rose symbole de l’amour terrestre, le lys symbole de la pureté, la jacinthe, symbole de la vertu et de l’endurance, la pâquerette, fleurs de Pâques ou fleur de Vénus, et bien d'autres encore, la pensée, le jasmin, le muguet ...

La dame à la licorne : L'odorat (détail)
 

Ce sont les fleurs qui permettent de symboliser le sens de l'odorat. La suivante offre des fleurs à la dame qui confectionne une couronne.

 Les animaux sont nombreux dans les six tapisseries. La licorne, symbolise la pureté. Certains, comme le singe, permettent d'établir de quel sens il s'agit.  Dans l'une, un singe hume les fleurs pour confirmer le sens de l'odorat , dans l'autre, le goût, il mange des douceurs et l'oiseau posé sur la main de la dame picore le bonbon qu'elle lui tend pour indiquer que le sens est le goût.

 

Le singe  : le goût (détail)


Les arbres stylisés sont l’oranger, le houx, le chêne et le pin. Tous ont un rôle symbolique car au Moyen-âge toute représentation écrite ou imagée part du réel mais possède toujours une signification cachée, liée à l’imaginaire, porteuse d’un sens symbolique qu’il faut savoir déchiffrer, ce qui vrai d’ailleurs dans toutes les civilisations et peut changer selon les époques ou non. 
 Le chêne signifie la fermeté, la fidélité, le bonheur, le houx, plante du Christ, protège la maison, le pin est le symbole de la permanence, l’oranger est l’arbre de la connaissance du paradis ou de la fécondité.

 

La dame à la licorne : L'Oranger

 

La dame à la licorne : la vue (détail)Le houx

Le peintre Jean d’Ypres, actif à Paris de 1489 à 1508 a dessiné les femmes et les animaux; Il est connu comme enlumineur au service de la reine Anne de Bretagne et comme auteur de modèles pour des vitraux ou pour des gravures illustrant des livres imprimés.


La dame à la licorne : l'ouïe


La dame à la licorne : le toucher (détail)



La sixième tapisserie : A mon seul désir


 

Les tapisseries de la vie seigneuriale

 

La tapisserie de la vie seigneuriale : le bain, la musique
 
Les tapisseries de la vie seigneuriale sont au nombre de six, tissées vers 1500 et originaires des Pays-Bas du sud. Elles présentent la vie luxueuse des nobles seigneurs, peignent la richesse  des vêtements, le raffinement des divertissements, et suggèrent une vie  brillante et insouciante, une douceur certainement idéalisée, dans un paysage millefleurs entouré d'oiseaux et autres animaux :  La promenade,  les scènes galantes, le bain, la lecture, la broderie, le départ pour la chasse, ..... Toutes sortes de détails rendent ces scènes vivantes et amusantes comme ce chat qui joue avec le fil du rouet que tient la dame dans le panneau représentant la lecture, ou la cane et ses petits qui pataugent dans la mare qui s'écoule du surplus de la fontaine dans Le Bain.


  • Musée Cluny : la broderie, le miroir, univers uniquement féminin.

 

La vie seigneuriale : La broderie, Détail : les pelotes


La vie seigneuriale La lecture  : Le chaton joue avec le fil


La vie seigneuriale : La lecture : Le seigneur lit un epoésie à sa dame

Les tapisseries des Vendanges


Musée de Cluny : Les vendanges

La tapisserie intitulée les Vendanges présente sur 4m 95 de long (hauteur 2m46)  toutes les étapes des Vendanges au Moyen-âge, de la récolte du raisin au foulage et au pressoir jusqu'à l'élaboration du vin. Les scènes semblent croquées sur le vif,  elles sont riches, les gestes sont précis,  animées de nombreux personnages de milieux sociaux différents comme en témoignent les vêtements, les seigneurs sont présents et côtoient les paysans. La tapisserie n'est pas entière et elle avait déjà été restaurée quand elle est entrée au musée de Cluny en 1930.

Musée de Cluny : Les vendanges

Les vignes sont  échalassées, les paysans coupent les  grappes avec une petite faucille, sans avoir à se baisser.

Musée de Cluny : Les vendanges : le foulage

Musée de Cluny : Les vendanges (détail)


Le départ de la chasse

Musée Cluny : Le départ à la chasse

Le seigneur part à la chasse, le faucon au poing. Il est accompagné par ses pairs à cheval, l'un tient aussi un faucon sur son poing, l'autre a lancé le sien qui s'élève dans le ciel. Son écuyer tient la monture. A l'arrière une ville entourée d'un rempart et sur la hauteur, le château. Ce qui est remarquable, c'est la somptuosité des vêtements et  l'harnachement des chevaux.


Musée Cluny Le départ de la chasse

Musée Cluny Le départ de la chasse

lundi 4 juillet 2022

Paris : Musée de Cluny : Musée national du Moyen-âge (1)



Quelle oeuvre allais-je choisir en en tête de ce billet présentant le musée de Cluny ?  Le choix était difficile ! Mais ce vitrail montrant un couple en train de jouer aux échecs l'a emporté d'abord par son originalité et sa beauté et aussi par ce qu'il nous montre du Moyen-âge.

J'ai aimé les couleurs inédites du vitrail qui délaisse le bleu traditionnel et la polychromie pour nous présenter une scène où domine le jaune, le noir et toutes les nuances du gris.  Originalité aussi dans la composition : nous sommes en l'intérieur d'un palais (décoré avec des statues de lion) mais la pièce s'ouvre sur l'extérieur par deux fenêtres : l'une découvrant la flèche d'une église, l'autre, je ne sais pas. Peut-être les arbres d'un parc ? On voit que le jaune déborde sur les fenêtres, joignant l'extérieur et l'intérieur,  comme si c'était les rayons du soleil qui donnaient sa coloration particulière au vitrail. 
Nous surprenons un couple en train de jouer. La jeune femme lève un main et attrape la manche de son mari, surprise de découvrir qu'elle a perdu, tandis que l'homme la regarde d'un oeil entendu et malicieux tout en soulevant la pièce qui va assurer sa victoire. Quel art, quelle précision, quelle vérité dans cette scène prise sur le vif ! Les vêtements somptueux nous indiquent que le couple appartient à la haute société de même que la distinction de leur maintien et de leurs manières. Leur divertissement, le jeu d'échec, montre leur raffinement. L'artiste actif à Lyon entre 1425 et 1460 pourrait être un enlumineur connu sous le nom de Maître du Roman de la Rose de Vienne, Jean Hortat ?

Musée de Cluny : les jeux du Moyen-âge

J’ai toujours aimé le musée de Cluny,  Musée National du Moyen-âge ! Or,  comme le premier jour de sa réouverture, le 12 Mai 2022, correspondait au début de mon séjour à Paris, je suis allée le re-découvrir.
Le visiteur est emmené maintenant à entrer non par l'entrée du Moyen-âge mais par une construction contemporaine qui relie et met en communication les Thermes antiques et la partie médiévale, l'hôtel des moines de Cluny. 

Musée de Cluny : thermes gallo-romains
 

Musée de Cluny : partie médiévale
 

La construction contemporaine est très réussie. J'aime beaucoup cette alliance de l’ancien et du contemporain et les chaudes couleurs des matériaux, avec ses parties pleines et lisses et ses festons ajourés comme une dentelle gothique.


Le musée de Cluny (photo du site du musée)

Le musée de Cluny détail (photo du site du musée)

 

Musée de Cluny : La  chapelle, gothique flamboyant

Musée de Cluny : La chapelle gothique flamboyant

 

Le musée rénové permet de présenter plus d'oeuvres qu'avant. J'ai été heureuse, par exemple, de revoir les tapisseries de la légende de Saint Etienne. Malheureusement elles ne sont pas mises en valeur, placées trop en hauteur dans la pièce. Mais elles n'étaient pas du tout exposées, faute de place, lors de mes précédentes visites. Je les connais surtout grâce à la magnifique exposition qui a eu lieu dans la grande chapelle du Palais des Papes à Avignon en 1997 où elles se déployaient à portée du visiteur sur toute la longueur de l'immense espace.


Musée de Cluny : Salle de la Légende de Saint Etienne; Rétable gothique tardif

La nouvelle scénographie, claire, agréable, s'organise autour d'un parcours chronologique, de l'antiquité, aux oeuvres romanes d'influence byzantine, du début du gothique, au gothique flamboyant, international, jusqu'à 1500 qui voit naître les tapisseries des dames à la licorne. Chapiteaux de colonnes, meubles, coffrets, vaisselle, sculptures, émaux, peintures, reliures de livres, vitraux ... de France, d'Italie et d'autres pays européens. Un musée d'une richesse incroyable ! Avec le musée de peinture du Moyen-âge du Petit Palais d'Avignon, le plus grand musée médiéval avec Cluny, on peut dire que la France est riche en ce qui concerne l'art médiéval.

Voici quelques uns de mes coups de coeur parmi les oeuvres du musée. 
Je présenterai les tapisseries du XVI siècle à part, dans un second billet, tant elles sont fabuleuses, belles et passionnantes à détailler .


Pilier des Nautes : Smertrios (1er siècle) provenance Notre-dame de Paris

Dans la religion Gallo-romaine, Smertrios est un dieu celte, vénéré en Gaule, identifié par les Romains comme Mars.


Reliure :  orient byzantin et lotharingien vers 900, Rhénanie XIII siècle

La vierge à l'enfant en ivoire, entourée de bustes de saints,  au centre du livre, est une oeuvre  occidentale inspirée de l'art byzantin. Au dos de la reliure, crucifixion en ivoire, art lotharingien. Au XIII siècle, un orfèvre a réemployé ces ivoires pour les réinsérer dans une reliure en argent doré, décorée d'améthystes, de cristal de roche, de jaspe et et d'agate. (Provenance abbaye de Senones)

 

Reine de jeu d'échec en ivoire aménagée en reliquaire

Provenance : Est de la France,  trésor de la cathédrale de Reims ? Fin XI-Début XII siècle

 

Les Olifants :  XII siècle

Les olifants - ainsi appelés parce qu'ils sont en fait des défenses d'éléphants (olifants en ancien français) - sont utilisés comme cors. Pour moi, ils sont toujours liés à : "Ami Roland sonnez de l'olifant, Charles l'entendra qui passe les ports..". Mais Roland n'écoutera pas les conseils de son ami Olivier ! Des olifants, " en vrai", pas seulement ceux de La chanson de Roland ! L'un d'eux qui provient de l'abbaye de Saint Arnould de Metz  est dit "cor de Charlemagne".


 La salle aux chapiteaux

Chapiteau  du cloître de l'abbaye de Saint Denis (XII siècle): basilics et bouquet des palmettes


Chapiteau  du cloître de l'abbaye de Saint Denis (XII siècle): griffon et chimère


Chapiteau de l'église abbatiale Sainte Geneviève


Coffret : Assaut du château d'Amour ( Début du XIV siècle)


Coffret : Assaut du château d'Amour  détail : le tournoi

Période de l'amour courtois  : Sur le couvercle de cet extraordinaire coffret, l'assaut de l'Amour est représenté par une allégorie : des femmes jettent des fleurs en guise de flèches tandis que le tournoi figure le combat amoureux. on pourrait passer des heures à le détailler !


Musée de Cluny : Mobilier et vitraux : Art de la France du Nord du XIII siècle

Dans cette très belle salle, au-dessus de ce coffre somptueux, sont présentés des vitraux caractéristiques du Nord de la France, au XIII siècle : des scènes religieuses vivement colorées insérées dans des vitraux de verre blanc.

Musée Cluny : Salle de la Sainte Chapelle statues des apôtres et vitraux


Les vitraux proviennent de la Sainte Chapelle,  déposés lors de la restauration de la verrière haute. Le musée de Cluny abrite six des douze apôtres de la Sainte Chapelle. Abimées, elles ont été restaurées. A gauche, l'apôtre Saint Jean et à droite l'apôtre "mélancolique".


Buste reliquaire de Sainte Mabille  art italien du XIV siècle

Ce buste en bois polychromé (vers 1370_1380), en provenance de Sienne, est d'une grande pureté et illustre d'une belle manière l'art italien du XIV siècle italien. Une inscription permet de reconnaître Sainte Mabille, une des onze mille vierges qui ont été martyrisées avec Sainte Ursule à Cologne.


Musée de Cluny  : L'ange de l'Annonciation art italien du XIV siècle


L'ange de l'Annonciation détail Bois(noyer)

L'ange de l'Annonciation en bois polychromé, au si doux visage, ( vers 1360_1380)  faisait face à une vierge dont la statue est perdue. Il est la réplique de l'oeuvre en marbre de Nino Pisano créée pour l'église Santa Catherine de Pise en 1360.


Musée de Cluny

 
Crucifixion France XIV siècle
 
Ce tableau (1315_1325)  est d'un artiste formé à l'art de Maître Honoré, un grand enlumineur parisien.


La présentation de Jésus au Temple  France du Nord XV siècle

La présentation de Jésus au Temple (détail)
XV siècle

La présentation de Jésus au Temple(détail)

La Vierge présente son fils sur le parvis d'une église gothique. Simeon reconnaît Jésus comme le Messie. 

Ce que j'adore dans ce tableau, ce sont les détails : au delà de la scène religieuse, évoluent des personnages vrais, réalistes comme le petit garçon qui joue avec un cheval de bois, indifférent à ce qui se passe autour de lui, la fillette qui porte deux poussins dans un petit panier,  le geste de la main qui soulève un pan de la robe, son maintien un peu raide, les yeux baissés comme si elle était pénétrée par la solennité du moment, les coiffes des dames toutes différentes, la somptuosité des étoffes et l'art de rendre le drapé, l'épaisseur, la brillance des étoffes... 

 

Vierge à l'enfant



 

Et voilà une dernière photo que j'aime parce que je la trouve mystérieuse et ne me l'explique pas. Je photographie une vitrine avec des objets et voilà qu'apparaît, à l'arrière, en gros plan, une main et une statue  qui a l'air belle, que j'aime, mais dont je n'ai plus souvenir.  Après réflexion, je suppose qu'elle est placée derrière moi et que c'est son reflet que je vois ?  Tu te souviens, Miriam ?

 

Billet 2 à venir :  Les  riches tapisseries du musée de Cluny

 

Et devinez avec qui nous étions pendant cette visite  ? Avec Miriam dont vous retrouverez le billet sur Cluny ICI