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mercredi 12 août 2009

Festival off d’Avignon 2009 : Mattei Visniec , Le Mot Progrès dans la bouche de ma mère … Metteur en scène Jean -Luc Paliès


J'aime beaucoup le travail de Jean-Luc Paliès, metteur en scène. Je garde un très beau souvenir de son Vita Brevis d'après le roman de Jostein Gaarder et de Dom juan d'origine un texte de Tirso de Molina-Louise Doutreligne. C'est pourquoi, je n'ai pas voulu rater le spectacle qu'il présente cette année au festival d'Avignon.
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Le Mot Progrès dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux de Matei Visniec que Jean Luc Paliès met en scène avec la Compagnie Influenscènes, est une pièce qui aborde des sujets graves que l'auteur ne veut pas traiter en demi-teintes. Au contraire la charge est lourde et si le père, personnage principal de l'action, cherche le cadavre de son fils en creusant avec une pelle le sous-sol des Balkans passablement encombré par les morts de toutes guerres d'antan ou d'aujourd'hui, c'est avec une pelleteuse, si j'ose l'expression, que Matei Visniec s'attaque à toutes les formes de totalitarisme, le communisme, d'abord, mais aussi le capitalisme qui, sous le couvert de la démocratie, broie les individus, exploite leurs peines et fait commerce de leurs chagrins. La critique poussée jusqu'à la caricature est violente et la démesure qui ne laisse pas d'être tragique n'en est pas moins comique, un rire grinçant, dénonciateur, qui fait mal pourtant..
La pièce se déroule dans deux lieux différents :  les Balkans où un couple revient prendre possession de sa maison dans un village ravagé par la guerre. Le communisme a été chassé remplacé par la capitalisme le plus inhumain, la paix est rétablie mais le père et la mère n'en ont cure. Ce qu'ils veulent, la mère surtout, c'est pouvoir retrouver les restes de leur fils, Vibko, prisonnier politique exécuté d'une balle dans la nuque, pour pouvoir faire leur deuil. La tâche n'est pas aisée dans un pays où s'entassent par strates des milliers de squelettes anciens ou nouveaux, véritable danse macabre que leur fils mort  commente joyeusement.
La mise en scène qui fait intervenir des musiciens sur la scène souligne le tragique du récit tout en mettant en valeur la noirceur du comique. J.L Paliès met en évidence, en effet, les rapports que l'auteur entretient avec la mort considérée comme une farce macabre et  traitée  par la dérision. Les deux acteurs, Jean-Luc Paliès, en père ivrogne et douloureux poursuivi par les marchands de reliques et Katia Dimitrova en mère douloureuse, en proie à une idée fixe, sont très convaincants. J'ai cependant regretté que le jeu du fils (Philippe Beheydt) ne soit pas plus poussé dans la dérision et la démesure. Surtout  lorsqu'il affirme très bien s'amuser avec ses petits "amis" morts comme lui, ou encore lorsqu'il décrit dans un texte à la fois lyrique et fantastique tous les peuples de l'Europe venus mourir dans cette bonne et riche terre des Balkans. Trop de sagesse, trop de retenue dans la conception de ce rôle de revenant qui semble passer "sa mort en vacances", en évidente contradiction avec l'horrible réalité vécue par les survivants.
Le second lieu où Ida, la soeur de Vibko, se prostitue tout en envoyant de l'argent à ses parents, est Paris.  Paris avec sa mafia, ses réseaux de souteneurs qui font commerce des filles des pays de l'Est, Paris et sa prétention à la liberté, l'égalité, la fraternité, qui laisse prospérer dans l'hypocrisie la plus totale les marchands d'esclaves de notre temps. Placée sous le signe d'Almodovar par le jeu des lumières et des couleurs, les costumes, la mise en scène s'appuie sur les acteurs, le travesti, le souteneur, la patronne, pour déclencher le rire et accentuer encore la violence de la satire. Le moment où la patronne chasse Ida en l'accusant de racisme, par exemple, est d'un comique appuyé et d'une logique absurde qui ne manquent pas de force.
Paliès joue sur l'opposition entre les deux lieux en créant des univers tout à fait opposés : aux costumes sévères et aux lumières sombres du premier, s'opposent les couleurs vives et les vêtements affriolants du second.  Mais que l'on ne s'y trompe pas, si les deux univers paraissent  différents, ils se ressemblent en fin de compte dans leur inhumanité. Un spectacle de qualité.
 Le Mot Progrès dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux
De Matéï Visniec
mise en scène par Jean-Luc Paliès
Influenscènes
Théâtre de l'Oulle

du 7 au 26 Juillet 2009 à 11H

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