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dimanche 10 octobre 2010

Poetry, un film coréen de Lee Chang Don

Mija dans Poetry de Lee Chang Dong (source)
Poetry, film coréen de Lee Chang Dong a obtenu le prix du scénario à Cannes 2010.
Mija est une vieille dame qui élève seule le fils de sa fille et elle a bien du mal! Le garçon s'est rendu coupable d'un viol collectif qui a poussé la victime au suicide. La seule préoccupation des pères des jeunes gens est que leur fils échappe à la justice en achetant le silence de la mère de la jeune fille.  Mija, atteinte de la maladie d'Alzheimer, toujours bien mise, éprise de  beauté (elle s'est inscrite à un cours de poésie) va devoir faire face à cette situation.
Au cours d'un échange épistolaire avec Miriam (voir son blog carnet de voyages  et sa critique ici )nous n'avons pas été d'accord sur notre façon de recevoir le film.
Miriam : J'aimerais bien que tu me dises ce que tu as trouvé décevant dans Poetry, moi j'ai bien aimé, j'ai trouvé l'actrice extraordinaire et puis cette recherche de beauté dans une existence aussi banale, dans un décor banlieusard m'a intéressée.

Claudia : Tu me demandes pourquoi je n'ai pas aimé Poetry ?
Certes, l'actrice est excellente mais j'ai trouvé que le film avait des longueurs dues à un scénario qui n'était pas dominé, qui n'était pas très clair (oui, je sais il a eu le prix du scénario à Cannes mais ce n'est pas un critère absolu)
Que veut démontrer le réalisateur?  Il dénonce une société horrible, ou la femme et les humbles - ceux qui n'ont ni l'argent, ni le pouvoir- ne peuvent bénéficier d'aucune justice, une société corrompue ou tout s'achète même la mort d'une enfant. La dénonciation, c'est le sens que paraît avoir le film, car, au final, je n'ai pas trop compris quel était son but; le scénario est tellement plein de contradictions et de faiblesses au niveau de la psychologie des personnages que je suis restée perplexe!
Face à l'horreur, il met une vieille femme, la grand mère d'un des violeurs. Celle-ci est d'un milieu pauvre, ce qui la place à l'opposé des familles riches et sans morale. Elle aime la poésie et par conséquent paraît représenter le point de vue moral ou tout au moins critique de cette société, sinon, à quoi servirait d'avoir fait de Poetry - la recherche du beau, de l'idéal-  le thème central du film?
Or, il n'en est rien. Ce personnage, de qui l'on attend beaucoup, a une manière de se comporter peu cohérente et au final elle agit comme les autres sans faire preuve de plus de sens moral. C'est une femme qui est dépassée par son petit-fils, qui ne sait ni l'éduquer, ni réagir. Ce que l'on peut comprendre ! Elle est âgée et le garçon est immonde!  Par contre, on pouvait espérer que sa réaction serait assez forte en apprenant ce qu'il a fait pour l'amener à se dresser contre tous ceux qui veulent étouffer l'affaire; or elle réagit à peine, continue à écrire ses poèmes. Si elle cherche a réveiller la conscience du garçon en lui présentant le portrait de la jeune fille, elle accepte par contre que, face au portrait, il se mette à regarder la télé comme si cela ne le concernait pas! Une grand mère peut être dépassée mais jusqu'à un certain point! Elle peut adorer le fils de sa fille, de là à ne pas réagir quand celui est un criminel!!
Au contraire  le scénario nous la montre agissant comme les riches, décidée à payer comme les autres. Elle va même jusqu'à satisfaire les besoins sexuels d'un handicapé afin de pouvoir le faire chanter pour obtenir de l'argent, ce qui est, on en conviendra, j'espère, est assez méprisable. On voit mal où est "la dignité" de cette vieille femme dont parle la critique du Monde !! Donc, ce personnage prétendument épris de beauté, que l'on veut nous montrer différente, sensible, n'est pas convaincante psychologiquement puisqu'elle fait le contraire de ce que ferait toute personne ayant le moindre sens moral. De plus ces agissements impliquent un machiavélisme et un esprit calculateur qui ne sont pas crédibles pour quelqu'un qui perd la mémoire, atteint de la maladie d'Alzheimer! Or je ne sais pas trop ce que cette maladie ajoute au propos sinon d'introduire un thème à la mode et de justifier qu'elle paraisse oublier la mort de la jeune victime pour se concentrer sur la poésie! Mais comme elle souffre d'Alzheimer seulement quand ça arrange le réalisateur et pas à d'autres moments, l'intrigue ne tient pas debout. La poésie du coup devient quelque chose de plaqué, de convenu (en plus les cours du poète, quelle horreur!), du pour faire "chic" qui ne me touche absolument pas.
De même le personnage de la mère de la jeune fille n'est pas traitée d'une manière cohérente. La mère apparaît comme une très belle personne quand la vieille dame la rencontre dans son champ, un paysanne qui a du mal à joindre les deux bouts, c'est vrai, mais courageuse et digne, très affectée par le viol et le suicide de sa fille. Puis d'un seul coup, on la voit accepter l'argent qu'on lui propose, marchander la mort de sa fille. Là aussi on ne sait où va le scénario, ce qu'il veut dire : c'est quelqu'un de bien d'abord puis d'infect après! Il faudrait choisir! Rien n'est valable au niveau de l'histoire (le commissaire qui joue au volant avec la grand-mère quand il vient arrêter son petit-fils, ridicule!!) et de la psychologie.
Décidément, ce  film m'a irritée, alors que j'adore d'autres films coréens, en particulier ceux de Kim Ki Duk!


Miriam
Je n'ai pas vu la grand mère comme une belle personne éprise de beauté face à des personnages repoussants. Je l'ai plutôt considérée borderline, sans autorité sur son petit fils caricatural adoré et pourtant horrible, essayant de maintenir une apparence digne alors qu'elle faisait un travail humiliant, personnage complexe dans un monde difficile, cherchant la beauté dans une banlieue banale au mieux.
la poésie n'est pas non plus idéalisée, les réunions "poétiques" sont parasitées par des grivoiseries navrantes, réunions de paumés!
Deuxième réflexion: la féministe en moi n'a pas tilté.
L'horreur du viol, les marchandages des parents, le silence des enseignants, la complicité de la grand mère... tout cela aurait dû me révolter. Un mauvais point pour moi!
Cette société infecte et repoussante (je te cite), Brillante Mendoza l'avait mieux exprimée dans un scénario plus univoque. Mais je ne sais  pourquoi, un scénario touffu qui part dans tous les sens n'est pas toujours pour me déplaire. La réalité elle-même est tellement complexe....

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