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dimanche 3 novembre 2013

Giuseppe Tomasi Lampedusa : Le Guépard


Les gagnants de l'énigme n° 74 sont : Aifelle, Asphodèle, Dasola,Dominique de A sauts et à gambades, Dominique de Nuages et vents, Kathel, Keisha, Miriam, Nathalie, Shelbylee, Somaja.; bravo à toutes!

Les réponses : Le guépard de Giuseppe Tomasi Lampedusa et Le Guépard de Visconti


Giuseppe Tomasi, duc de Palma, de Montechiaro, prince de Lampedusa est né à Palerme en 1896. Il meurt en Rome en 1957, un an avant la parution de son livre Le Guépard, d'abord refusé par les éditeurs, et qui fut publié à titre posthume.
Dans Le Guépard Lampedusa raconte l'histoire de sa famille et plus précisément de son arrière-grand-père, Giulo Fabrizio di Lampedusa qui lui inspire le personnage de son livre Don Fabrizio Salina, prince sicilien. Les armes de son aïeul était un lion léopardé que Lampedusa transforme en guépard d'où le titre du roman devenu depuis un classique.
L'adaptation du livre par Visconti avec Burt Lancaster dans le rôle du prince, Alain Delon dans celui du neveu Tancredi et Claudia Cardinale incarnant Angelica, la fille du paysan enrichi, Don Calegaro, devenu notable, a encore accru la renommée de l'oeuvre littéraire.
Le récit divisé en huit parties, commence en 1860 et s'étend sur plusieurs années pendant le Risorgimento qui vit les troupes garibaldiennes combattre en Sicile et l'unification de l'Italie. La mort du prince survient en juillet 1883. En Mai 1910, on retrouve les filles du prince, dont Concetta qui a été amoureuse de Tancredi, dans leur palais de Salina.

La fin d'un monde

Burt Lancaster dans le rôle de don Fabrizio Salina
Ce qui intéresse Lampedusa aussi bien que Visconti c'est la peinture d'une société aristocratique en pleine décadence, consciente de sa fin et qui voit avec une certaine nostalgie disparaître un monde fondé sur des valeurs qui lui sont chères, catholicisme, fidélité au roi, ordre social, honneur et conscience de la grandeur de la noblesse. C'est pourquoi le récit est toujours placé sous le point de vue du prince jusqu'à sa mort. Mais Don Fabrizio a vite compris que ce changement était inéluctable et il ne va rien faire pour l'en empêcher. Bien au contraire, il va soutenir son neveu Tancredi qui se place du côté des révolutionnaires car dit-il, "il faut que tout change pour que rien ne change".
Si nous ne sommes pas là nous non plus, ils vont nous arranger la république. Si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change.
Autrement dit, il faut être du côté de ceux qui vont posséder le pouvoir après la révolution et qui remplaceront les autres. La noblesse doit s'adapter, quitte, s'il le faut, à faire alliance avec eux : c'est pourquoi Tancredi avec l'aide du prince épousera la riche Angelica qui, en échange du titre de princesse, lui apportera la fortune de son père. Le pouvoir n'est plus celui de la noblesse du nom mais celui de l'argent, l'idéal étant de posséder les deux. Tancredi fera une longue carrière politique par la suite.

La mort

Tancredi (Alain Delon) et Angelica (ClaudiaCardinale) visitant le palais du prince

La décadence de la race, la fin d'un époque, sont étroitement associées à l'idée de la mort, toujours présente dans le roman.  Allégorique. Dès le début, la mort prend une forme hideuse et repoussante avec le cadavre du soldat venu mourir, les entrailles à l'air, dans le jardin du prince, manque de goût le plus évident. Une fin absurde pour le roi et pour une classe qui ne se soucieront jamais de lui si ce n'est parce qu'ils sont dérangés par la puanteur de cette mort. Allégorie d'une classe sociale, le peuple, qui sera toujours le perdant.

On n'avait plus parler du mort, en effet; au bout du compte, les soldats sont des soldats justement pour mourir en défendant le roi. Mais l'image de ce corps éventré réapparaissait souvent dans ses souvenirs comme si elle demandait qu'on lui donne la paix de la seule manière possible pour le Prince : en dépassant et en justifiant son extrême souffrance par une nécessité générale. Parce que mourir pour quelqu'un ou pour quelque chose d'accord, c'est dans l'ordre des choses; il faut pourtant savoir pour qui ou pour quoi on est mort

Métaphorique : Quand Tancredi et Angelica, avant leur mariage, visitent les partie abandonnées du vaste palais de Salina avec ses fresques, ses dorures ou ses stucs gagnés par l'humidité, la moisissure, ses meubles décrépits, ses tentures de soie déchirées, tachées, ses pièces vides qui gardent le souvenir de tortures et de sang, qui semblent la proie des fantômes…
 Au cours du bal dans la sixième partie, la mort symbolique du prince et de la société apparaît : le prince pris d'un malaise, se met à part et observe les jeunes femmes qu'ils trouvent laides, "incroyablement petites", il les compare à des guenons, les hommes ne débitent que des platitudes; il voit en eux la dégénérescence de sa race. Un instant l'invitation d'Angelica et la danse qu'il partage avec elle, la sensualité qui émane d'elle, lui redonne l'impression d'être jeune. Mais une impression éphémère..  il est à noter d'ailleurs que Visconti arrête son film à ce moment-là car tout est dit. Le bal est d'ailleurs l'apogée du film, un moment cinématographique inoubliable et l'interprétation de Burt Lancaster est sublime et pleine d'émotion contenu mais palpable..

Dans le roman, le bal est la mort annoncée du prince. Mais sa mort survient ensuite dans la septième partie qui lui est entièrement consacrée. Enfin, c'est dans la huitième partie, vingt et un ans après la disparition du prince, que sonne réellement et définitivement le glas de la famille Salina, avec la dépouille naturalisée de Bendico, son chien bien-aimé.   Concetta qui l'avait conservée jusque là comme une relique décide de s'en débarrasser : 

Quelques minutes plus tard ce qui restait de Bendico fut jeté dans un coin de la cour que l'enleveur de la voirie visitait chaque jour : au cours de son vol par la fenêtre sa forme se recomposa un instant : on aurait pu voir danser dans l'air un quadrupède à longues moustaches et la patte droite antérieure semblait lancer une imprécation. Puis tout s'apaisa dans un petit tas de poussière livide.

La Sicile
La Sicile tient bien sûr un grand rôle dans le roman. Elle est  à l'image du prince, magnificente dans sa grandeur et sa beauté,   mais immuable, incapable d'évoluer. Ses richesses sont des témoins de civilisations disparues, c'est une terre qui englue celui qui y vit, elle porte la mort en elle, le passé y paraît pétrifié. La langue de Lampedusa se fait sensuelle, lourde, chargé d'odeurs et de chaleur pour l'évoquer.

Cette violence du paysage, cette cruauté du climat, cette tension perpétuelle de tout ce que l'on voit, ces monuments du passé, magnifiques mais incompréhensibles, parce qu'ils sont construits par d'autres et se dressent autour de nous comme des fantômes grandioses et muets ; tout ces gouvernements débarquant en armes d'on ne sait où, immédiatement servis et détestés, toujours incompris, ne se manifestant que par des œuvres d'art énigmatiques pour nous et par des impôts qui vont grossir ailleurs des caisses étrangères ; tout cela, oui, tout cela a formé notre caractère, qui reste ainsi conditionné par les fatalités extérieures autant que par une terrifiante insularité.

L'amour

Don Fabrizio et Angelica : la dernière valse

L'amour entre Tancredi et Angelica s'étale au grand jour avec la bénédiction du prince; il s'agit surtout de sensualité, de désir et non de sentiment profond. Angelica est trop ambitieuse pour se donner entièrement même à Tancredi qui lui plaît pourtant; Tancredi est ébloui par la beauté de la jeune fille mais il ne perd jamais de vue qu'elle a une dot fabuleuse. Mais il y a deux sentiments amoureux qui restent cachés, refoulés. Celui de Concetta qui aime son cousin Tancredi et est sacrifiée par son père qui préfère son neveu Tancredi à tous ses autres enfants et favorise le mariage avec Angelica au détriment des sentiments de sa propre fille. Et l'amour du Prince pour Angelica qui apparaît (encore une scène fantastique due au talent de Burt Lancaster) au moment du bal quand la jeune fille vient l'inviter à danser.

*

Angelica, Le prince, Tancredi

Un roman passionnant, tellement riche que l'on ne saurait l'épuiser! Le prince de Lampedusa, noble hautain et fier de sa race, colérique et dominateur, mais aussi intelligent et humain parce que toujours en proie au doute, est contre toute attente    attachant (pourtant il incarne pour moi toutes les valeurs que je n'aime pas); la nostalgie dans laquelle baigne le roman; la connaissance de la Sicile, de ses paysages mais aussi de son caractère intime, de ses types façonnés par le climat et la misère; le fond historique, houleux, vague impétueuse où tout semble basculer, où le peuple peut enfin concevoir des espérances qui  seront vite étouffées dans l'oeuf par les classes dirigeantes; l'humour qui par éclairs fugitifs semble contrebalancer la mort toujours présente; la nostalgie où baigne le roman, tout, je dis bien tout, fait de ce roman un chef d'oeuvre. Vous n'avez pas lu ? faites-le vite!



Samedi 9 Novembre l'énigme du samedi Un livre/un film aura lieu chez Eeguab

Challenge italien chez Nathalie



14 commentaires:

  1. J'ai énormément aimé le film, vu et revu ; par contre je n'ai pas lu le roman, une lacune à réparer.

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  2. Tiens! il serait peut être temps derevisionner le film ou de relire le livre, vu, revu, relu, re-relu...

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    1. Il y a tout ce que l'on a à découvrir et puis, c'est vrai, il faudrait avoir le temps de voir et de revoir...

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  3. Le roman est superbe ! Je le relirai bien d'ailleurs.

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    1. C'est ce que dit Miriam mais bon comme on ne peut tout faire; n'oublie pas que l'on doit relire ensemble 93 de Hugo!

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  4. Un film que j'ai vu et revu mais à chaque fois avec plaisir en y découvrant d'autres aspects ... En revanche je n'ai lu le livre qu'une fois, il y a bien longtemps... Ton billet est magnifique, complet !

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    1. Merci ; le roman est du genre à me prendre à la gorge; je suis très sensible à ce sentiment de nostalgie qui règne dans tout le roman.

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  5. pour une fois que j'avais trouvé c'est pour un film fastueux que ton billet met bien en valeur

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  6. voilà qui donne très envie de revoir le film!

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    1. Je l'ai revu moi-même pour cette énigme avec plaisir.

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  7. Un livre découvert en 1981 que j'aime énormément pour toutes les raisons énumérées ci-dessus.

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