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mercredi 9 juillet 2014

Heinrich Von Kleist : Le prince de Hombourg au festival d'Avignon



source     Le prince de Hombourg à la cour d'Honneur du Palais des Papes

Le Prince de Hombourg de Kleist mis en scène par Giorgio Barberio Corsetti m'a déçue car  les acteurs, à l'exception du comédien qui interprète l'électeur Palatin, ne m'ont pas paru dominer les difficultés de cette immense scène de la Cour d'Honneur, on les entend à peine et ils paraissent pour la plupart écrasés par la majesté des lieux. Quant au metteur en scène, il  m'a semblé sacrifier le sens à l'esthétique.
Ce spectacle, en effet, utilise la vidéo et la musique pour créer des effets d'une  grande beauté :  superbe instant, celui où le prince monté sur un cheval de lumière se lance fougueusement dans la bataille, la façade du palais des Papes éclaboussée de taches de sang et de traînées de feu qui suggèrent la violence de la guerre. Visions de cauchemar, les masques grotesques dont l'image projetée sur le mur s'anime, menaçante, quand le prince de Hombourg est jugé en cour martiale.. Moment de grâce, arrêt sur l'image, une voix pure s'élève, suspendue, chantant le poème de Verlaine, le ciel est par dessus le toit au-dessus de la prison du prince.

Mais une fois que s'efface cette beauté ponctuelle, j'ai parfois eu l'impression que la recherche esthétique était ce qui importait le plus à Giorgio Barberio Corsetti et qu'il ne répondait pas toujours aux questions que posent la pièce et, en particulier, le personnage du prince de Hombourg.  Il faut dire que celui-ci est complexe. Voilà un héros romantique, prince et fils adoptif de l'électeur Palatin, officier, amoureux de sa cousine, qui est prisonnier des codes d'honneur de sa classe sociale mais ne paraît pas capable de les assumer. Il est en train de dormir, en pleine crise de somnambulisme, quand ses soldats, eux, sont prêts à partir pour la bataille, il rêve lorsqu'on lui donne des instructions militaires. Plus tard, il n'est pas assez discipliné pour dompter son impatience et il se lance à l'assaut de l'armée ennemie sans en avoir reçu l'ordre. Il est à la fois courageux, fougueux, passionné lorsqu'il s'agit de combattre mais se révèle lâche lorsqu'il est condamné à mort pour désobéissance; il est pris d'une peur panique au point qu'il s'humilie, pleure, supplie, renie son amour, ses engagements, pour avoir la vie sauve; l'honneur n'a plus aucun sens pour lui. Mais il est aussi capable de noblesse et après s'être ressaisi, il finit par obéir au code d'honneur de son rang; enfin quand il est gracié… il s'évanouit!  Que de paradoxes, quelle étrange comportement aux antipodes du héros romantique de Victor Hugo, de Hernani par exemple, qui, lui, est "une force qui va"!  On comprend pourquoi les contemporains de Kleist ont crié au scandale : ce héros romantique est plutôt un anti-héros et nous-mêmes, spectateurs, nous nous interrogeons sur l'étrangeté de ce personnage, sur sa ressemblance avec Kleist qui a démissionné de l'armée et s'est donné la mort peu de temps après parution de sa pièce.

Face à ce personnage, on a l'impression que le metteur en scène est hésitant et oscille entre satire et sérieux. Ainsi, pour souligner le caractère rêveur du prince, G. B. Corsetti le fait jouer presque parodiquement, ce qui provoque le rire, comme s'il voulait tourner le personnage en dérision.  Dans la grande scène ou le prince est pris d'une terreur sans nom devant la fosse ouverte qui va être la sienne et refuse la mort, il y a un tel refus de l'émotion que le si beau texte de Kleist est sacrifié, presque murmuré, en partie inaudible, comme si les acteurs se parlaient à eux-mêmes sans se soucier du spectateur.  Le prince finit pas ne plus nous intéresser et l'ennui surgit là où l'on devrait être touché.
 
Je lis dans France -Info  la phrase suivante : "Très clairement, Giorigio Barberio Corsetti s'est affranchi du texte de Kleist écrit en 1810.".  Très franchement, si c'est un compliment, je me demande bien pourquoi car enfin pourquoi choisir de mettre en scène un texte si on n'a pas envie de le mettre en valeur?


Challenge théâtre chez Eimelle


4 commentaires:

  1. Quel dommage ! il était tellement attendu ce spectacle.

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    1. très attendu , oui! mais je suppose qu'il y a des gens qui ont aimé. C'est mon ressenti!

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  2. Aller au spectacle pour n'éprouver que de la déception... pfff... quel dommage ! L'hologramme est beau.

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    1. Visuellement très beau! Dans la cour d 'Honneur on est malheureusement souvent déçu , c'est un lieu d'une difficulté extraordinaire; les voix passent mal, l'acteur y est écrasé , le metteur en scène a du mal à remplir l'espace. Mais quand c'est réussi, c'est hors du commun!

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