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mercredi 10 décembre 2014

Victor Hugo : Bug-Jargal



Un premier roman


Bug-Jurgal est le premier roman de Victor Hugo écrit en 1818 à la suite d’un pari avec ses camarades de classe. Il avait alors seize ans! Remanié en 1826, ce livre de jeunesse témoigne d’un  génie précoce et contient déjà en germe les thèmes du grand Victor Hugo même si l’on sent qu’il n’est pas encore- et pour cause- parvenu à maturité.

Burg-Jargal raconte la révolte des esclaves de Saint-Domingue en 1791. Le narrateur est le capitaine Léopold d’Auverney. Pendant les guerres révolutionnaires, il fait le récit à ses amis officiers de ces évènements auquel il a été étroitement lié. Cette narration devait appartenir à un recueil intitulé Contes sous la tente, chaque officier devant à son tour raconter une histoire pour meubler les longues nuits de bivouac. Projet abandonné par l’auteur.

Burg-Jargal sauve Marie illustration de Jean-Alphone  de Beaucé

Le récit


Léopold est le neveu d’un riche colon de Saint Domingue, maître dur et implacable qui possède de nombreux esclaves. Léopold n’approuve pas l’esclavage mais il ne se préoccupe pas trop du sort des malheureux, préférant ne pas voir ce qui se passe, car il nage dans le bonheur . Il va bientôt épouser sa cousine, Marie, la fille de son oncle. Un jour ,Pierrot, un esclave de la plantation, amoureux de Marie, sauve la vie de la jeune fille attaquée par un crocodile. Mais peu de temps après, il est emprisonné et condamné à mort pour avoir tenu tête à son maître. Léopold rend visite à Pierrot dans sa prison et devant la noblesse des sentiments du jeune noir et son courage, il devient son ami, son « frère ». Il s’aperçoit bien vite que Pierrot, fils du roi du Congo, jouit d’un grand prestige auprès de ses semblables. Le jour du mariage de Marie et Léopold, la révolte des esclaves éclate. Pierrot en sera l’un des chefs incontestés sous le nom de Bug-Jargal. Mais d’autres hommes ambitieux se disputent le pouvoir, en particulier le cruel et sanguinaire Jean Biassou. L’amitié entre Burg-Jurgal et Léopold d’Auverney pourra-t-elle survivre alors que le noir a enlevé Marie dont on ne retrouve plus les traces? Léopold tombé aux mains de Biassou échappera-t-il à la vengeance du nain, Habibrah, complice de Biassou et chapelain des révoltés?

Le récit est bien mené et se lit avec plaisir même s’il n’est pas terminé. Si nous savons dès le début que Bug-Jargal et Marie sont morts, nous n’apprenons ce qu’il advient du capitaine d’Auverney, de sa fidèle ordonnance, le sergent Thadée, et de Rask, le chien fidèle de Bug-Jargal, que par des  notes ajoutées en 1826 à la fin de l’ouvrage.

Jean Biassou

 Préjugés racistes et anti-révolutionnaires


Victor Hugo n’est pas encore le républicain que nous connaissons, il est anti-révolutionnaire. Il se déclare contre l’esclavage mais, à l’exclusion de Bug-jargal qui fait preuve d’humanité envers ses victimes, il dépeint les révoltés comme des sauvages fanatiques et superstitieux, des rebelles sanguinaires. Et il se laisse aller à des préjugés raciaux anti-noir à maintes reprises. Son héros n’aime pas voir les esclaves souffrir mais n’intervient à aucun moment pour améliorer leur sort.  Pourtant, dans un souci de justice, Hugo a à coeur de présenter les deux points de vue, celui de l’esclave et celui du maître, dénonçant ainsi l’iniquité de l’esclavage. A d’Auverney, naïf, qui pense que le nain Habibrah doit avoir de la reconnaissance envers son maître qui le traitait bien, celui-ci répond qu’il n’éprouve que la haine envers quelqu’un qui l’humiliait chaque jour en se moquant de sa disgrâce physique.

Le nain Habibrah

On reconnaît dans ce premier roman des personnages qui peuvent servir d’ébauche et seront développés dans d’autres grands romans. Le nain Habibrah, difforme, hideux, peut évoquer le Quasimodo de Notre-Dame de Paris, Le Gwinplaine de L’Homme qui rit, ou le Triboulet de Le Roi s’amuse, la figure du révolté Bug-Jargal fait partie de la longue liste des héros hugoliens en lutte contre l’injustice, Hernani, Ruy Blas, ou le révolutionnaire Gauvain de Quatre-vingt-treize… Léopold, prisonnier de Biassou attend son exécution dans sa prison comme dans Le dernier jour d’un condamné.
Certaines scènes préfigurent aussi celles des grands romans : Le combat de d’Auverney contre le nain  qui cherche à l’entraîner dans le gouffre est celui de Gilliatt contre la pieuvre dans Les travailleurs de la mer.

D'Auverney retient le nain Habibrah suspendu dans l'abîme


Dans ce premier roman VH fait preuve dès 1818 d’un talent certain qui va aller en se confirmant d’année en année  jusqu'à son apogée en 1830 lors de la bataille d’Hernani, faisant de lui le chef de file du mouvement romantique.

Lecture commune avec :Laure,  Magali, Margotte, Miriam



18 commentaires:

  1. Comme d'habitude, un beau billet très complet. Tu es sévère pour les préjugés raciste de VH, j'y ai vu toute une finesse de ne pas idéaliser les combattants de la liberté tout en condamnant l'esclavage. Les passages qui m'ont d'abord choquée se réfèrent à des épisodes qui se sont réellement passés : célébration vaudou, ruse du latin pour asseoir le commandement.

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  2. Il y a plus que la volonté de ne pas idéaliser les combattants de la liberté, ce n'est pas l'allusion au vaudou ou à l'emploi du latin qui me choquent ; ce sont les termes qu'ils emploient à propos des noirs et la défense des blancs qui apparaît parfois. Et jamais il ne condamne explicitement l'esclavage, les mauvais traitements , oui! Enfin quand il y a un noir que l'on peut admirer, il faut qu'il soit noble, fils de roi!

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  3. Un peu de mal a le lire mais j'ai tenu en partie par respect pour l'age auquel Victor Hugo a ecrit Bug-Jurgal. Incroyable! Mais le recit m'a paru un peu lent. Qu'importe la fin raccourcie comme tu l'expliques, tout etait dit. J'a bien senti les prejuges raciaux...

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    1. Ce n'est pas encore le grand VH mais...ila eu le temps d'évoluer en tant qu'écrivain.

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  4. Même si comme tu le dis un rien de racisme persiste chez VH cela montre à quel point un homme peut évoluer et devenir le grand démocrate qu'il fut, c'est plutôt réconfortant me semble t-il

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    1. Tout à fait d'accord avec toi! C'est l'évolution qui est importante. Note bien que malgré certains préjugés, il envisage l'amitié entre un blanc et un noir (Léopold et Bug-jargal ) comme possible mais là interviennent les préjugés de classe : à condition qu'ils soient tous les deux nobles!

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  5. Merci pour cette chronique très détaillée et pour les illustrations que tu as déniché ! Pour l'amitié entre Léopold et Bug-Jargal, Léopold n'est pas toujours à la hauteur, ce qui rend d'ailleurs si impressionnant le personnage de Bug-Jargal, fidèle à ces idéaux jusqu'au bout et malgré tout. Je vois que vous Miriam et toi avez eu une lecture assez fine de ce texte. De mon côté, j'étais un peu frustrée (mais c'était prévisible) de ne pas retrouver, déjà, le grand Victor Hugo...

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    1. C'est vrai, c'est le noir qui est plus fidèle en amitié que le blanc.

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  6. Je ne connaissais absolument pas ce titre de Victor Hugo ... merci pour la découverte même si je pense lire d'autres titres avant celui-là ...

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    1. Oui, ce n'est évidemment pas son meilleur roman et si tu n'as pas l'intention de lire Tout Hugo, tu peux faire impasse!

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  7. J'ai eu bien du mal à me passionner pour ce roman... même si j'ai adoré y trouver les grands personnages en gestation !
    Beau billet chez toi, très complet :-)

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    1. Oui les personnages en gestation, les thèmes, et mêmes certaines scènes... c'est pas cela que vaut ce roman.

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  8. Je ne connais pas Victor Hugo aussi bien ... mais ça me donne envie de le connaître mieux. Merci pour cette lecture partagée :-)

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    1. Oui, mais si tu veux découvrir VH , ne commence pas par celui-là.

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  9. Très intéressant le parallèle entre ce roman de jeunesse et ses autres écrits. Et très intéressant aussi de voir qu'un jeune homme de son temps qui a grandi avec les préjugés habituels d'une époque a pu se forger ses propres opinions et devenir le défenseur de libertés que l'on connaît.

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    1. Oui, l'évolution de Victor Hugo est passionnante; Il est fils d'un officier de l'Empire et 16 ans devait être proche des idées politiques de son père.

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  10. Bonsoir Claudia ! Pour une fois que je venais voir ton énigme... il n'y en a pas ce week-end !
    J'ai peu lu Hugo et ce titre m'était inconnu. Je n'aimerais pas que le nain Habibrah, celui de l'illustration, vienne me visiter dans mes rêves !
    Marie et Pierrot sont morts alors ?! dommage.
    Bise

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  11. Mieux vaut ne pas le rencontrer, en effet! Le nain Habibrah n'est pas seulement laid mais redoutable. On dirait la pieuvre de Giliatt!

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