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jeudi 28 mai 2015

Emile Zola : Le Paradou, le jardin magique de La Faute de l'abbé Mouret illustré par Gwenaëlle Péron

Gwenaelle Péron*: Jardin gyvernesque sur le site du peintre
Gwenaelle Péron*: Jardin gyvernesque source

 
Le livre de Evelyne Bloch Dano : Jardins de papier m'a donné envie de redécouvrir Le Paradou, ce jardin magique peint par Emile Zola dans La Faute de l'abbé Mouret. J'ai lu ce roman quand j'étais au collège et je me souviens avoir été charmée, ravie, enivrée par le jardin qui y est décrit. 
Le Paradou. Il porte bien son nom, le Paradou, puisqu'il s'agit d'un jardin d'avant la chute, un Eden luxuriant, redevenu sauvage, qui a oublié la main de l'homme pour se lancer à la conquête du ciel. Les Arbres se sont développés, les fleurs les plus belles comme les plus vénéneuses se sont épanouies dans toute leur flamboyante beauté! Tout est germination, appel à la vie, tout est une invite à  l'amour.
C'est dans ce paradis que l'abbé Serge Mouret et Albine se rencontrent, c'est dans ce Paradou aux lourds parfums sensuels que l'abbé déchiré entre l'amour de Dieu et la sensualité va commettre la faute. Le livre est une critique implicite du catholicisme qui fait de la sensualité un péché, refusant ainsi les lois de la nature et prônant la mortification de la chair : Serge a failli en mourir, Albine en mourra.

Evelyne Bloch-Dano reproche à Zola l'aspect souvent artificiel de ses évocations qui serait lié, dit-elle, à un excès de recherches documentaires. Il n'en reste pas moins que Zola, inspiré par les peintres impressionnistes et certainement par le Giverny de Monet, met en valeur les jeux d'ombre et de lumière, la fulgurance des couleurs et des nuances, les transparences du ciel, réussissant à "faire de certains passages de véritables tableaux poétiques en prose". E. Bloch-Dano

 

Le Paradou (extraits) 

 

Gwenaëlle Péron les dunes de Saint Anne la Palud  peintre contemporain
Gwenaëlle Péron : (source)

 
Une mer de verdure, en face, à droite, à gauche, partout. Une mer roulant sa houle de feuilles jusqu’à l’horizon, sans l’obstacle d’une maison, d’un pan de muraille, d’une route poudreuse. Une mer déserte, vierge, sacrée, étalant sa douceur sauvage dans l’innocence de la solitude. Le soleil seul entrait là, se vautrait en nappe d’or sur les prés, enfilait les allées de la course échappée de ses rayons, laissait pendre à travers les arbres ses fins cheveux flambants, buvait aux sources d’une lèvre blonde qui trempait l’eau d’un frisson. Sous ce poudroiement de flammes, le grand jardin vivait avec une extravagance de bête heureuse, lâchée au bout du monde, loin de tout, libre de tout.
C’était une débauche telle de feuillages, une marée d’herbes si débordante, qu’il était comme dérobé d’un bout à l’autre, inondé, noyé. Rien que des pentes vertes, des tiges ayant des jaillissements de fontaine, des masses moutonnantes, des rideaux de forêts hermétiquement tirés, des manteaux de plantes grimpantes traînant à terre, des volées de rameaux gigantesques s’abattant de tous côtés.
 

Gwenaëlle Péron : La cascade bleue (source)

 
La grotte disparaissait sous l’assaut des feuillages. En bas, des rangées de roses trémières semblaient barrer l’entrée d’une grille de fleurs rouges, jaunes, mauves, blanches, dont les bâtons se noyaient dans des orties colossales, d’un vert de bronze, suant tranquillement les brûlures de leur poison. Puis, c’était un élan prodigieux, grimpant en quelques bonds: les jasmins, étoilés de leurs fleurs suaves; les glycines, aux feuilles de dentelle tendre ; les lierres épais, découpés comme de la tôle vernie; les chèvrefeuilles souples, criblés de leurs brins de corail pâle; les clématites amoureuses, allongeant les bras, pomponnées d’aigrettes blanches. Et d’autres plantes, plus frêles, s’enlaçaient encore à celles-ci, les liaient davantage, les tissaient d’une trame odorante. Des capucines, aux chairs verdâtres et nues, ouvraient des bouches d’or rouge. Des haricots d’Espagne, forts comme des ficelles minces, allumaient de place en place l’incendie de leurs étincelles vives. Des volubilis élargissaient le cœur découpé de leurs feuilles, sonnaient de leurs milliers de clochettes un silencieux carillon de couleurs exquises. Des pois de senteur, pareils à des vols de papillons posés, repliaient leurs ailes fauves, leurs ailes roses,prêts à se laisser emporter plus loin, par le premier souffle de vent. Chevelure immense de verdure, piquée d’une pluie de fleurs, dont les mèches débordaient de toutes parts, s’échappaient en un échevellement fou, faisaient songer à quelque fille géante, pâmée(...)
 

Gwenaëlle Péron : Mercurienne (source)


 

Le soleil glissant à l’horizon trouvait toujours un nouveau sourire. Parfois, il s’en allait, au milieu d’une paix sereine, sans un nuage, noyé peu à peu dans un bain d’or. D’autres fois, il éclatait en rayons de pourpre, il crevait sa robe de vapeur, s’échappait en ondées de flammes qui barraient le ciel de queues de comètes gigantesques, dont les chevelures incendiaient les cimes des hautes futaies. Puis, c’étaient, sur des plages de sable rouge, sur des bancs allongés de corail rose, un coucher d’astre attendri, soufflant un à un ses rayons; ou encore un coucher discret, derrière quelque gros nuage, drapé comme un rideau d’alcôve de soie grise, ne montrant qu’une rougeur de veilleuse, au fond de l’ombre croissante ; ou encore un coucher passionné, des blancheurs renversées, peu à peu saignantes sous le disque embrasé qui les mordait, finissant par rouler avec lui derrière l’horizon, au milieu d’un chaos de membres tordus qui s’écroulait dans la lumière.






* Allez voir les beaux tableaux de Gwenaëlle Péron sur son site de peintures ICI

Voilà comment Gwenaëlle explique la naissance du tableau : Jardin gyvernesque dans  son billet Les chemins du hasard
Passant souvent à proximité de chantiers navals, j’aime observer la coque des bateaux en réparation. Souvent, la corrosion, les couches de peintures successives et les coquillages ont donné naissance à des mélanges de couleurs qui évoquent quelque paysage martien, fait de cratères, de coulures et d’audacieux mélanges. J’ai eu envie, pour ces essais sur papier, de partir de cette idée : peindre d’abord au hasard, par impression, au rouleau, des taches, des traits, des formes diverses. Et puis voir ensuite ce qui émergeait de cette première couche.
Plein de reflets et tout en fluidité (ça vous étonne?), c’est une sorte de jardin givernesque qui s’est doucement révélé. Une cachette sous les saules pleureurs, un lieu paisible, propice à la contemplation, mais dont on peut très bien imaginer aussi la transparence de l’eau bientôt troublée par le plongeon intrépide de l’enfant en nous. Cet être plein de rêves, éternel robinson amoureux des cabanes, qui n’attend que la bonne occasion pour surgir dans un grand éclat de rire…

30 commentaires:

  1. C'est tout simplement superbe. Les extraits et les tableaux de Gwenaëlle, que je ne découvre pas puisque je suis son site régulièrement, mais ils sont mis très en valeur dans ton billet.

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    1. Je les trouve très beaux ces tableaux et en relisant les textes sur le Paradou, les correspondances sont apparues..

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  2. Merci Claudia pour cet honneur! Je trouve que peintures et textes se répondent magnifiquement.

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    1. Non, merci à toi! j'ai beaucoup aimé les associer!

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  3. Je connais le site de Gwen bien sûr, mais là, tu magnifies les tableaux!!!!

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    1. Merci keisha! Mais c'est plutôt les tableaux de Gwen qui magnifient le texte.

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  4. Les tableaux de Gwen nous emmènent effectivement dans des jardins secrets.
    Par contre j’avoue avoir eu du mal avec la lecture de La Faute de l'abbé Mouret. A petites doses les descriptions du Paradou sont merveilleuses mais ces descriptions interminables m’ont légèrement ennuyée. J’avais plutôt envie de prendre un livre de botanique et d’étudier les fleurs et plantes que Zola décrivait pour voir à quoi elles ressemblaient. Un peintre pourtant aurait très certainement envie de prendre ses pinceaux, par exemple « Les masures faisaient des tas noirs, que coupaient les raies blanches des ruelles transversales, enfilées par la lune. »

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    1. Quand j'étais ado j'avais adoré ces description et ce roman , un de mes préférés de Zola à l'époque... Ta cirtique rejoint celle de Evelyne Bloch-Dano : l'impression de lire un livre de botanique! C'est un peu méchant pour le style de Zola mais c'est vrai que c'est un écrivain qui en fait souvent trop!

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    2. Oh! la la! Ma réponse est pleine de fautes! je dois être fatiguée!

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    3. Loin de moi la critique de Zola que j'aime bien par ailleurs (combien j'en ai lu du Zola dans ma jeunesse!), et puis cela ne concerne qu'une partie de son livre. Je ne m'y connais pas assez dans les publications de l’époque mais peut-être le livre a-t-il été publié en feuilleton dans un journal auquel cas il aurait été payé à la page…

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    4. Je ne sais pas pour Zola mais je sais que Balzac, oui, était payé à la page en tant que feuilletoniste et qu'il s'efforçait d'en écrire beaucoup!

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  5. La cascade bleue est une vraie merveille !
    Pour ce qui est de La faute de l'abbé Mouret, lu il y bien longtemps, je ne me souviens pas du tout des descriptions du jardin. Ton billet me donne envie d'y remettre le nez.

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    1. C'est vrai, cette cascade bleue est magnifique! Je n'ai pas relu le livre entièrement mais seulement des passages. Est-ce que j'aimerais encore si je le relisais maintenant?

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  6. Les peintures de Gwen vont tellement bien avec les textes, un vrai plaisir !

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  7. Je ne peux que me joindre au choeur enthousiaste de mes amies blogueuses pour dire que le texte donne une dimension incroyable aux tableaux de Gwen, c'est comme si on avait passé un révélateur ! Je les connais dans leur contexte et ils sont déjà beaux, quand on les en sort, ils deviennent magnifiques ! Le texte de Zola était approprié...

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    1. Merci! Est- ce que c'est le texte qui donne une dimension au tableau de Gwen ou le contraire, les tableaux qui ..

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  8. Merveilleux ! C'est fantastique de décrire avec mots et peintures ce lieu. Paradou... je n'ai pas lu le roman. Merci pour ce beau billet Claudia ! tu me fais découvrir de belles choses ce soir !

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    1. Merci! je ne sais pas si j'aimerais encore ce roman mais si tu le découvre, je suis curieuse de savoir ce que tu en as pensé!

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  9. Quel beau billet! associer ces jardins aux tableaux de Gwennaelle, un trait de génie!

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    1. Un génie? je me sens des ailes! Mais ceux qu'il faut féliciter, ce sont Zola et Gwen!

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  10. Je ne suis pas très sensible à ces tableaux en revanche, je suis stupéfaite de savoir qu'il existait une belle époque on lisait du Zola au collège et que les élèves appréciaient !!!!! J'ai bien envie moi aussi de lire la faute de l'abbé Mouret !

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    1. Et oui, je sais bien que tu n'aimes pas la peinture non figurative.. Non, on ne lisait pas Zola au collège à mon époque mais toutes les pièces de Racine, de Corneille, de Molière. J'adorais aussi . Pour les romans on n'étudiait que des extraits. La faute de l'abbé Mouret était donc une lecture personnelle. Par contre quand j'ai eu des élèves de troisième, je leur ai fait étudier Au bonheur des dames. Et ils avaient aimé dans l'ensemble..

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  11. magnifiques les illustrations et bravo à Gwenaëlle
    les pages sur la Paradou chez Zola m'enchantent, peu importe le livre lui-même ces pages là sont magiques

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  12. C'est une très belle idée d'illustrer ce billet avec les œuvres de Gwenaëlle ! J'aime beaucoup ce qu'elle fait, et les peintures s'insèrent subtilement avec le texte, c'est très beau !

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    1. J'aime beaucoup aussi les peintures de Gwen et il faut reconnaître qu'elles se sont imposées à moi en lisant le texte de Zola.

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  13. je vois que mon message n'est pas passé... La faute de l'abbé Mouret, quel souvenir... si tu décides un jour de lancer un challenge Zola, compte-moi d'office parmi les participants ! :))

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    1. Un challenge Zola? Je n'y avais pas pensé! Il faut dire que je l'ai tellement lu que, pour le moment, je suis passée à autre chose mais un jour peut-être, qui sait?

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  14. Quel beau billet! Entre les mots de Zola et cette peinture, que je découvre, c'est un enchantement. Décidemment, je vais relire La faute de l'Abbé Mouret... et pour l'instant je vais de ce pas admirer ces tableaux.

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