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dimanche 20 septembre 2015

Moscou : Blaise Cendrars, En ce temps-là...



En ce temps-là, j’étais en mon adolescence
J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J’étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance
J’étais à Moscou dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
Que mon coeur tour à tour brûlait comme le temple d’Ephèse ou comme la Place Rouge de Moscou quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j’étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu’au bout.
Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare croustillé d’or, 

Avec les grandes amandes des cathédrales, toutes blanches

Et l’or mielleux des cloches...

Un vieux moine me lisait la légende de Novgorode

J’avais soif

Et je déchiffrais des caractères cunéiformes

Puis, tout à coup, les pigeons du Saint-Esprit s’envolaient sur la place

Et mes mains s’envolaient aussi avec des bruissements d’albatros

Et ceci, c’était les dernières réminiscences

Du dernier jour

Du tout dernier voyage

Et de la mer.
Pourtant, j’étais fort mauvais poète.

Je ne savais pas aller jusqu’au bout.
J’avais faim

Et tous les jours et toutes les femmes dans les cafés et tous les verres

J’aurais voulu les boire et les casser

Et toutes les vitrines et toutes les rues

Et toutes les maisons et toutes les vies

Et toutes les roues des fiacres qui tournaient en tourbillon sur les mauvais pavés

J’aurais voulu les plonger dans une fournaise de glaive

Et j’aurais voulu broyer tous les os

Et arracher toutes les langues

Et liquéfier tous ces grands corps étranges et nus sous les vêtements qui m’affolent...

Je pressentais la venue du grand Christ rouge de la révolution russe...

Et le soleil était une mauvaise plaie 

Qui s’ouvrait comme un brasier

En ce temps-là j’étais en mon adolescence

J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de ma naissance

J’étais à Moscou où je voulais me nourrir de flammes

Et je n’avais pas assez des tours et des gares que constellaient mes yeux

                                                  Blaise Cendrars  La prose du Transibérien


Monastère de Novodiévitch : chapelle

16 commentaires:

  1. Merci Claudia de prendre le temps de nous faire partager ces beau voyage en Russie, le poème Cendrars est magnifique, c'est un plaisir de le relire. Je ne pansais pas qu'il y avait autant de tableaux "français" da,s les musées russes... Toujours est-il que je me régale à te lire, j'en prends plein les mirettes ! Bises et gros bisous à Wensounet... J'ai trouvé ton mail dans ma boîte gmail, je ne l'oublie pas... :)

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    1. Merci de ta visite ; je suis heureuse que le voyage te plaise!

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  2. La dernière photo est particulièrement réussie, avec ses dorures et ses reflets. Et c'était inévitable de te retrouver dans les pas de Cendrars !

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  3. superbes photos .. et avec les mots en prime... magique!

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  4. Quel texte! Belles photos! ces bulbes sont fascinants, couleurs et reflets...

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  5. Que c'est beau le Cendrars- et les photos sont magnifiques. La coupole vue sous cet angle ressemble à une casque d'un soldat allemand du XlXe s, qui brille au soleil.

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    1. Ce poème est beau et l'on comprend que les coupoles , la beauté provoquent cette exaltation, cette fougue chez l'adolescent.

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  6. Une lecture qui ne peut mieux coller à ces images.

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    1. Mais pas de photos de la place Rouge couverte d'échafaudage; cela n'aurait pas collé!!

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  7. Réponses
    1. Une petite question pratique, Claudialucia : comment passer rapidement d'un billet au suivant ?

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    2. Il faut cliquer en haut du billet à droite pour fermer celui-ci et cliquer sur la vignette de ton choix pour ouvrir la suivante
      Si cela ne te paraît pas assez rapide tu peux cliquer sur Magazine, en haut, dans la bande noire sous le titre Ma Librairie, PUIS cliquer sur Classique et là tu verras les billes se dérouler plus rapidement. Mais il y a un petit temps de décalage pour le chargement des images. Alors? je ne sais pas si c'est mieux.

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    3. J'aime ce mouvement, cet élan de l'adolescence, cette découverte exaltée!

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