Le titre du livre de Elizabeth McGregor La jeune fille au miroir vert fait allusion à un personnage d’un étrange tableau de Richard Dadd, peintre de l’époque victorienne, intitulé The fairy feller’s master stroke.
Cet artiste est en fait au centre du roman : on le voit peindre dans l’asile où il est enfermé, c’est lui qui rapproche, dans le présent, les deux personnages, Catherine et John, unis par l’amour de l’art.
Catherine, en effet, est une experte en art, à la recherche de tableaux et d’objets pour sa galerie de vente. L’engouement de Catherine pour Richard Dadd a son origine dans une visite à la Tate Galery quand elle aperçoit le tableau dont le personnage donne son titre au roman. Elle devient, au cours de ses études, une spécialiste de Richard Dadd.
Peu après son divorce elle rencontre John, un architecte, dont elle va tomber amoureuse. Lui aussi a des liens profonds avec le peintre victorien. Le personnage détient des secrets sur Dadd, ce qui va permettre de piquer la curiosité de Catherine et aussi du lecteur.
Le roman est construit en alternance entre le présent et l’époque victorienne qui permet de découvrir la vie et l’oeuvre de cet artiste hors norme.
Richard Dadd
Photo de Richard Dadd à l'asile |
Richard Dadd, atteint de troubles mentaux, a passé la majeure partie de sa vie dans un asile où il a été interné en 1844 après avoir tué son père. Il obéissait à la voix d’Osiris qui lui ordonnait de le tuer. C’est à l’asile qu’il a continué son oeuvre. Il y peint des personnages étranges du monde des fées et du Petit Peuple mais aussi des portraits, des scènes illustrant les pièces de Shakespeare, des paysages, souvenirs de ce voyage en Orient, en particulier en Egypte, d’où il n’est revenu que pour sombrer dans la folie. Toute son oeuvre porte l’empreinte du meurtre initial et reflète l’univers mental qui est le sien, soit qu’il cherche à s’en échapper, soit que ses fantasmes et ses visions le hantent.
Le roman est un témoignage de la vie dans un asile dans le milieu du XIX siècle et de l’impuissance de la psychiatrie qui n’en est qu’à son balbutiement. Le bain froid qui laisse le malade transi et à moitié noyé est une thérapie bien inefficace mais est une des moindres violences que subit Richard Dadd. Dans le premier établissement, il est enfermé dans une cage, la nuit, et laissé pendant la journée, entassé avec tous les autres, dans un couloir long de trente mètres éclairé seulement pas une fenêtre à chaque extrémité!
« Prisonnier de ces cages résonnant de hurlements, de ce labyrinthe de couloirs et de cellules où divaguaient les âmes, profitant du rai de lumière qui tombait de minuscules fenêtres placées haut sur le mur, Dadd a peint la Syrie, Louxor, Damas. »
C’est aussi à une plongée dans l’oeuvre de cet artiste, à l’analyse de ses tableaux, que Elizabeth McGregor nous convie. Elle met en lumière les relations entre la maladie mentale du peintre et les thèmes qui le hantent.
Pour ma part, c’est cet aspect du roman que j’ai vraiment apprécié. L’histoire du couple contemporain m’a moins intéressée si ce n’est dans leurs rapports avec l’artiste victorien.
Pour ma part, c’est cet aspect du roman que j’ai vraiment apprécié. L’histoire du couple contemporain m’a moins intéressée si ce n’est dans leurs rapports avec l’artiste victorien.
De quelques tableaux commentés par Elizabeth McGregor
The fairy feller’s master stroke.
Richard Dad : The fairy feller’s master stroke. |
C’était un petit tableau, d’une trentaine de centimètres environ, d’un vert intense, intitulé The fairy Feller’s Master Stroke. Juste sous le centre du tableau se tenait un homme de dos, qui soulevait une hache. Par terre devant lui, on distinguait une tache ovale au-dessus de laquelle la lame de la hache dessinait un rectangle doré, l’un des seuls détails de vert et brun.
Parmi elle on distinguait des pirates, des nains, des libellules, des visages et des mains difformes;
des pieds minuscules, des jambes grotesques, des ailes repliées dans le
dos de certains personnages. Des satyres embusqués dans le sous-bois
touffu : un homme assis presque sous la lame. Des courtisans de toute
espèce -insectes, êtres humains- étaient réunis autour d’un
couple royal.
Elle relut le titre. The fairy Feller’s Master Stroke. Le coup de maître du coupeur de fées.
L’espace
d’un instant, elle se demanda si le vieil homme était la victime, avant
d’apercevoir la forme sombre sur le sol. C’était une noisette ou une
faine placée de sorte que la hache la casse en deux en tombant. Coup de
maître, en effet, que de la fendre en un seul geste.
Richard Dad : The fairy feller’s master stroke.détail |
Richard Dadd : Murder |
Il avait peint ces deux esquisses à quelque séjours d’intervalle. Elles étaient inséparables, mêlées, attachées l’une à l’autre dans son esprit. Murder, le meutre, avait été facile à peindre. Son pinceau courait sur la toile. Caïn se tenait au-dessus du corps d’Abel, un bâton à la main, leur deux corps n’en faisant pratiquement qu’un.
Voici
de quoi il n’avait jamais pu parler, pas même à Mr Hood qui s’était
montré si compréhensif pour son travail. Son père et lui étaient unis
comme les deux frères de la bible, une union scellée à jamais par un
moment terrible. Il se tenait au-dessus du corps de son père, attaché à lui à plus d’un titre par les liens du sang. Il pensait souvent à cela : la main sur le poignard, le poignard contre la gorge.
Ainsi vont les liens familiaux : étrangler, unir, tuer.
Ainsi vont les liens familiaux : étrangler, unir, tuer.
Contradiction
Richard Dadd : Contradiction (détail) Titiana |
Il n’arrivait pas à l’aimer. Sa Titiana était statique, bouffie d’avidité, repue de désir physique. (…) Elle incarnait la colère, était au coeur du différent entre le roi et la reine des fées. Il la détestait avec de plus en plus de force, éprouvait un besoin grandissant de se libérer d’elle. Et pourtant elle vivait là au centre de son esprit, vêtue d’une robe jaune d’or et d’une cape à traîne et incarnait toutes les difformités, tous les détails, tous les objets qui étaient venus le posséder. Il voulait se libérer d’elle. Il voulait se précipiter dehors et respirer l’air frais.
Richard Dadd : Contradiction |
La vie de Richard Dadd
Richard Dadd |
"Richard Dadd est né à Chatham, Kent, en Angleterre. Son père était un chimiste. Ses dons pour le dessin s dès son plus jeune un âge, l'a conduit à l'Académie royale des beaux-arts à l'âge de 20 ans. Avec William Powell Frith, Augustus Egg, Henry O'Neil et d'autres, il fonde La Clique, dont il a été généralement considéré comme le principal talent.
En juillet 1842, Sir Thomas Phillips,
l'ancien maire de Newport, a choisi Dadd pour l'accompagner, en tant que rapporteur, lors d'une expédition de l'Europe à la Grèce,
Turquie, sud de la Syrie et enfin l'Egypte. En novembre de la même
année, ils ont vécu une épuisante expérience de deux semaines dans le sud de la
Syrie, passant de Jérusalem à Jordan et retour à travers le désert
d'Engaddi. Vers la fin de décembre, alors qu'il voyageait le Nil en
bateau, Dadd a subi un changement de personnalité dramatique,
délirant et devenant de plus en plus violent. Il croyait être sous l'influence
du Dieu égyptien Osiris lui-même. Son état a été d'abord fait penser à coup de
soleil.
À son retour au printemps 1843, il a été diagnostiqué comme sain d'esprit et a été accueilli par sa famille pour un repos dans le village de campagne de Cobham, Kent. En août de la même année, après avoir acquis la conviction que son père était le diable, Dadd le tua avec un couteau et s'enfuit pour la France. En route vers Paris, Dadd a tenté de tuer un autre touriste avec un rasoir, mais a été maîtrisé et arrêté par la police. Dadd avoue le meurtre de son père, est ramené en Angleterre, où il est enfermé au département criminel de l'hôpital psychiatrique de Bethlem (également connu sous le nom de Bedlam). Là, puis à l'hôpital de Broadmoor nouvellement créé, Dadd a été pris en charge et encouragé à continuer la peinture par les Drs William Wood et Sir W. Charles Hood, médecins éclairés.
Dadd souffrait probablement d'une forme de schizophrénie paranoïde. Il semble avoir été génétiquement prédisposé à la maladie mentale ; deux de ses frères et sœurs étaient atteints de la même façon, alors qu'un troisième avait « un accompagnateur privé » pour des raisons inconnues." (source : wikipédia)
À son retour au printemps 1843, il a été diagnostiqué comme sain d'esprit et a été accueilli par sa famille pour un repos dans le village de campagne de Cobham, Kent. En août de la même année, après avoir acquis la conviction que son père était le diable, Dadd le tua avec un couteau et s'enfuit pour la France. En route vers Paris, Dadd a tenté de tuer un autre touriste avec un rasoir, mais a été maîtrisé et arrêté par la police. Dadd avoue le meurtre de son père, est ramené en Angleterre, où il est enfermé au département criminel de l'hôpital psychiatrique de Bethlem (également connu sous le nom de Bedlam). Là, puis à l'hôpital de Broadmoor nouvellement créé, Dadd a été pris en charge et encouragé à continuer la peinture par les Drs William Wood et Sir W. Charles Hood, médecins éclairés.
Dadd souffrait probablement d'une forme de schizophrénie paranoïde. Il semble avoir été génétiquement prédisposé à la maladie mentale ; deux de ses frères et sœurs étaient atteints de la même façon, alors qu'un troisième avait « un accompagnateur privé » pour des raisons inconnues." (source : wikipédia)
études de son voyage en Orient |
Elle fait froid dans le dos cette histoire, il doit y avoir des passages très durs. C'est un peintre que je ne connaissais pas.
RépondreSupprimerLa vie du peintre est terrible mais l'auteure ne la raconte pas comme un thriller. Ce qui l'intéresse c'est l'oeuvre artistique et les corrélations existant avec le meurtre du père.
SupprimerLire le roman pour découvrir ce peintre - son oeuvre et sa personnalité hors du commun.
RépondreSupprimerTon billet suscite la curiosité.
Oui, la découverte du peintre m'a beaucoup plu! J'ai trouvé l'histoire du couple plus conventionnelle et plus plate.
SupprimerMerci de nous faire connaître un livre et l'oeuvre du peintre que je ne connaissais pas du tout!
RépondreSupprimerMoi non plus je ne le connaissais pas!
SupprimerTrès intéressant. Je ne connaissais pas ce peintre. Doué ! Je n'aurais pas aimé le croiser.
RépondreSupprimerEuh! Quelle horrible maladie mentale!
SupprimerJe l'avais déjà repéré chez Malice ! J'aimerai bien découvrir ce livre. Est-ce qu'il est en grand format ?
RépondreSupprimerOui, c'est un livre assez grand ; je l'ai pris à la bibliothèque.
SupprimerJe ne connaissais pas non plus, mais je le note. Ce livre et cet artiste m'ont l'air très intéressant !
RépondreSupprimerTout ce qui a trait à l'artiste me plaît beaucoup.
SupprimerOui pour répondre à Maggie ! C'est un livre que l'on m'a offert. Je ne sais pas si il existe en poche.
RépondreSupprimerPour ma part ce fut une très belle découverte, surtout la connaissance de cet artiste ;-)
Comme toi, cet artiste victorien, sa vie, l'analyse de son oeuvre, m'ont beaucoup plu.
SupprimerC'est un bon souvenir de lecture. Billet très fouillé, comme d'habitude.
RépondreSupprimerMerci!Comme toi cela a été une découverte et j'espère voir son oeuvre un jour, à la Tate!
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