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lundi 26 septembre 2016

Diane de Margerie : A la recherche de Robert Proust



A la recherche de Robert Proust de Diane de Margerie paru chez Flammarion pour la rentrée littéraire 2016 part d’un constat : le petit frère de Marcel, Robert, (moins deux ans les séparaient) n’existe pas dans La Recherche du temps perdu. Le narrateur Marcel y est devenu fils unique. Certaines scènes familiales qui impliquaient Robert, comme celle décrite dans Contre Sainte Beuve à propos d’un chevreau, transposée dans La Recherche du temps perdu, n’ont désormais, qu’un acteur, lui-même.

Diane de Margerie scrute donc les rapports entretenus par les deux frères depuis leur enfance à travers des photographies, des témoignages, des lettres de l’auteur ou de ses amis, et des études littéraires. Mais bien sûr, La Recherche est à  la base de cet essai. L’analyse révèle l’intimité de Marcel et de son frère, nous dit qui se cache derrière les personnages de l'oeuvre et éclaire d’un jour nouveau le roman.


Robert et Marcel Proust

Marcel a sans conteste reçu un choc à la naissance du petit frère, lui qui avouera  plus tard dans une lettre à un ami qu’il  est « jaloux à chaque minute  à propos de rien ». Sa maladie, son asthme qui se déclarera à l’âge de neuf ans, peut être considéré comme une manière de capter l’attention et les soins maternels. Marcel réagit en étant d’une douceur quasi maternelle envers son frère, en protégeant son cadet durant la petite enfance comme s’il voulait prendre la place de la mère, manipuler son affection. Puis les deux frères s’éloignent l’un de l’autre à l’adolescence et bientôt le petit frère va se marier, devenir chirurgien et plus tard entretenir un rapport inversé avec Marcel, fragile, malade, qu’il appelle alors « mon petit ». Trahison originelle qui tue chez Marcel le mythe de  de la fraternité… et de la famille car son père lui aussi médecin, en entretenant une complicité étroite avec Robert, exclut Marcel, considéré comme « nerveux » « hypersensible ».

"Le mot trahison qui revient des dizaines de fois dans La Recherche évoque irrésistiblement pour moi l’époque où Marcel s’est trouvé comme « remplacé » par la naissance d’un second fils, puis l’inévitable détachement quand le petit frère quitte la protection de l’aîné en même temps que ses boucles et ses jupes. "

Proust en conclut que les liens familiaux ne peuvent qu’être brisés à cause des trop grandes ressemblances qui divisent les familles. Or, comme le constate Diane de Margerie, le parallèle entre les frères Proust s’accompagnent d’abord de forts contrastes :
Si tous deux ont une grande intelligence, une vive curiosité intellectuelle, l’égocentrisme de Marcel tourné vers lui-même, sa maladie, ses intérêts, son oeuvre, contraste avec le dévouement, le désintéressement, l’ouverture de Robert ouvert aux autres pour soulager leurs souffrances.
Pourtant, malgré ces différences, les frères ont des points communs. Tous les deux s’intéressent au détail, à l’anormalité, aux relations entre le corps et l’esprit, l’un à travers « le scalpel de l’écriture », l’autre « à travers le bistouri ». Tous deux ont pour intérêt commun : « de décortiquer l’âme et le corps » « d’étudier la maladie -  la maladie  de l’amour comme celle de la chair. ».

Il faut constater d’ailleurs l’importance des termes de médecine dans l’oeuvre de Marcel qui a été initié par la fréquentation des milieux médicaux à la table de son père et le nombre de médecins qui peuplent La Recherche, comme le docteur Cottard ou le docteur du Boulbon, Marcel s’inspirant de praticiens qu’il a fréquentés. On constate aussi une défiance de l’écrivain pour la médecine et les médecins -il refusera de se faire soigner-. Dans La recherche les portraits ironiques qu’il brosse d’eux lui permettent de régler ses comptes avec son père et son frère, et montrent la supériorité de l’homme d’art sur l’homme de science : " La résurrection possible, l’espoir d’immortalité ne sont permis qu’à l’artiste".  Ainsi la mort de Bergotte « il était mort. Mort à jamais? Qui peut le dire? »

Enfin si Robert est absent de La Recherche, constate Diane de Margerie, il y figure pourtant sous les traits d’un personnage Robert de Saint Loup qui apparaît tout au long du roman.

« Oui, Saint Loup est vraiment le frère idéal auquel Marcel-le-narrateur peut songer à loisir à travers le silence observé sur le frère réel. »

Voilà donc un aperçu de ce court essai (150 pages) intéressant et riche, que je n’ai fait que résumer. Il y est aussi question, bien sûr, des rapports entre les perceptions corporelles et la mémoire, de la différence entre le souvenir et la mémoire, de la culpabilité envers la mère, de l'homosexualité, de Céleste qui fut la garde malade et l’amie de Marcel, des similitudes entre Flaubert et Marcel, entre les frères Proust et les frères James (Henry et William) et de bien d’autres personnages réels ou fictifs côtoyés ou créés par Marcel Proust… Un régal!

12 commentaires:

  1. Ah mais ça à l'air très prometteur :-) ! Pourquoi ne l'as-tu que survolé ? Tu ne sembles pas avoir de réserves ...

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    1. Je ne l'ai pas survolé à la lecture, bien sûr, mais en écrivant ce billet. Ce que je veux dire c'est que le livre est riche et que je ne veux pas tout dire.. il faut bien laisser aux lecteurs le plaisir de la découverte.

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  2. J'ai entendu une interview de Diane de Margerie à la radio, c'était passionnant. Je n'avais même pas pensé avant que Marcel Proust avait un frère !

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    1. C'est vrai! On le voit comme fils unique parce qu'il l'est dans La Recherche! Mais Robert a même été son exécuteur testamentaire. C'est lui qui a fait publier l'oeuvre posthume de son frère.

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  3. Tu me connais, ce livre m'attire forcément (et, oui, dans la Recherche, le narrateur est fils unique et bien couvé!)

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    1. Je peux le mettre en voyageur pour celles qui le veulent.

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  4. Ma lecture de la Recherche date de mon adolescence (il y a 50 ans) il faut que j'y retorune avant les exégèses

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    1. Moi aussi, aussi je te propose que l'on s'y remette ensemble en partant du premier en 2017. Qu'en penses-tu?

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  5. Ouh la la ! Que cela me tente...... C'est dit, aujourd'hui, je passe à la librairie. Merci. Bonne journée.

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    1. Je l'ai feuilleté, pris le temps de lire quelques passages, et.... je l'ai reposé. Je suis sûre que c'est un texte de qualité, un livre intéressant mais, finalement, est-ce que j'ai envie d'en savoir plus sur Marcel ? Non.... Mais quelqu'un, à côté de moi à la librairie m'a vue passer du temps avec, la pris après moi et l'a emporté.
      Merci. Bon dimanche.

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    2. Parfois l'on préfère lire le texte de l'auteur sans rien savoir de plus, c'est vrai ! Mais j'ai été intéressée parce que parler du frère de Marcel, c'est aussi parler de l'oeuvre.

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