Pages

PAGES

samedi 21 janvier 2017

Michel Bernard : Deux remords de Claude Monet

La capeline rouge de  Claude Monet portrait de Camille l'épouse de Calude Monet
La capeline rouge Claude Monet
Il (Monet) avait ressorti La capeline rouge (Camille) de sous la couverture et les empilements qui la préservaient du regard de sa seconde femme, et l’avait accrochée en bonne place, au milieu d’un mur de son atelier, à hauteur de son regard. Chaque jour après le petit déjeuner, après le déjeuner, en été après le dîner, quand il entrait dans l’atelier, il voyait la petite silhouette dans la neige, derrière la vitre de leur maison d’Argenteuil, tourner sa tête vers lui, au-dessus de la bouche ronde que le froid avait pâlie, les deux petites taches noisette et bleutées de ses yeux plonger dans les siens.

Lorsque Claude Monet, quelques mois avant sa disparition, confirma à l’État le don des Nymphéas, pour qu’ils soient installés à l’Orangerie selon ses indications, il y mit une ultime condition : l’achat un tableau peint soixante ans auparavant, Femmes au jardin, pour qu'il soit exposé au Louvre. À cette exigence et au choix de ce tableau, il ne donna aucun motif. Deux remords de Claude Monet raconte l’histoire d’amour et de mort qui, du flanc méditerranéen des Cévennes au bord de la Manche, de Londres aux Pays-Bas, de l’Île-de-France à la Normandie, entre le siège de Paris en 1870 et la tragédie de la Grande Guerre, hanta le peintre jusqu’au bout.»  quatrième de couverture
Gallimard  La table ronde Michel Bernard.


Michel Bernard, en écrivant ce livre d’amour et d’admiration sur Monet ne signe pas une nouvelle biographie du peintre mais brosse un tableau des débuts de l’impressionnisme et peint la grandeur de l’Art lorsqu’il exige un tel don de soi de la part de l’artiste. 
Monet, l’homme inquiet, en proie au doute et au remords, est un artiste dont l’exigence par rapport à son art est totale. L’art est pour lui source de bonheur et plénitude mais tout autant d’angoisse et de doute.
Quels sont donc ces deux remords dont il est question dans le titre un peu mystérieux?

 Frédéric 

Femmes au jardin de Claude Monet avec Camille Monet et Frédéric Bazile
Femmes au jardin de Claude Monet
Le premier remords me paraît très clairement décelable car sa source prend naissance dans la première partie de l’oeuvre intitulée : Frédéric. D’une manière un peu déroutante quand on s’attend à une étude sur Monet, le livre commence avec le peintre Frédéric Bazile, un météore dans le ciel des impressionnistes. Disparu trop jeune mais très doué, le peintre n’a pu atteindre la renommée de ceux qui lui ont survécu, ses amis Monet, Renoir. Fils d’une riche famille de Montpellier, il reste indissolublement lié à Monet dont il était l’ami mais aussi l’aide et le soutien financier pendant les périodes de vaches maigres.
Cette première partie raconte la quête entreprise par Gaston Bazile, le père de Frédéric, sur le champ de bataille pendant la guerre de 1870 contre les prussiens pour retrouver le corps de son fils. C’est un des moments très forts du roman.
Si Frédéric était engagé volontaire, Monet, lui, avait fui la guerre, refusant de s’engager et s’était exilé en Angleterre. « Rien  n’aurait pu empêcher cette tête de lard, ce fou de couleurs, fier, obstiné, sûr de sa main et de son destin; Rien, ni la guerre, ni l’opinion des autres. »
On comprend  alors que la mort de Frédéric hantera la vie de Claude.
Quand son ami lui avait acheté Femmes au jardin, le regret de Monet de se séparer de son tableau avait été atténué par la certitude qu’il s’en allait chez un connaisseur, un camarade à l’oeil clair et la main sûre, un artiste.

Camille

Claude Monet : la dame en robe verte  Camille,  modèle et épouse de Monet
Camille ou la dame en robe verte de Claude Monet
 Dans la seconde partie, Camille qui posa pour La Femme à la robe verte, premier grand succès du peintre, fut d’abord le modèle de Claude Monet, avant de devenir sa femme.  Camille fut le grand amour de l'artiste et lui donna par sa force de caractère, son humeur égale, sa compréhension, la sérénité nécessaire pour poursuivre son oeuvre. Cette période de bonheur fragile, avec la naissance des enfants et le partage d’un amour commun, est traversé  par les orages de la Commune et les difficultés financières, les dettes, le harcèlement des créanciers. P5354 la robe verte
Et puis la longue maladie de Camille, son dépérissement inéluctable, ses souffrances…  L’angoisse de Claude Monet , « sa répulsion instinctive de la mort » , la peur de se trahir devant elle, l’éloignent de celle qui sera toujours son grand amour.  Le second remords de Monet?

Claude 

Autoportrait au béret de Claude Monet 1886
Autoportrait au béret de Claude Monet
La troisième intitulé Claude est la période de Giverny, le remariage avec Alice, l’acheminement vers la cécité, la vieillesse, son amitié avec Clémenceau. Et puis le don de ces deux tableaux Nymphéas et Femmes au jardin  dont le dernier est si intimement lié à son ami Bazile et à son épouse Camille.

Ce j’ai le plus aimé dans ce livre  

Les nymphéas de Claude Monet

J’ai beaucoup aimé l’originalité de cette biographie romancée dans le choix d'un point de vue : les deux remords étroitement liés à l’oeuvre de Monet. j’ai aimé cette manière d’aborder le thème par le biais, par le détour. J’ai aimé la force des portraits de ces trois personnages centraux :  Frédéric, Camille et Claude, pris dans un enracinement inextricable entre l’amitié et l’amour, entre la vie et la mort et toujours, toujours, en rapport avec l’art qui est la source, l’énergie mais aussi la justification de la vie.
Au niveau pictural le roman nous permet aussi de connaître l’histoire de quelques oeuvres magistrales de Monet que Michel Bernard analyse avec finesse et qui nous permettent de comprendre et sentir la rapport du peintre avec les êtres et surtout avec la nature.

Merci à Aifelle pour le prêt de ce livre et sa longue patience liée à mon absence dans ce blog. 

28 commentaires:

  1. Bazille est à l'honneur au musée d'Orsay, ce livre déjà noté chez Aifelle semble une bonne incitation au voyage dans l'histoire de l'impressionnisme.

    RépondreSupprimer
  2. Cela me fait bien envie!
    Ton retour dans la blogosphère est magistral.
    Où est le challenge "l'art dans tous ses états"?

    RépondreSupprimer
  3. Ce roman est ma meilleure lecture de la rentrée je crois Je pense que je le relirai d'ailleurs. Je n'avais jamais eu l'impression d'être aussi près du grand peintre.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, ce sont des tranches de vie qui font découvrir à la fois l'artiste et l'homme. Je te le renvoie cette semaine et encore merci.

      Supprimer
  4. Tu ne nous donnes ici que l'envie de lire le livre de Michel Bernard. Quels mots!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Une lecture vraiment intéressante et avec des passages poignants : la mort de Bazile, celle de Camille. Et puis on est au coeur de l'oeuvre.

      Supprimer
  5. Réponses
    1. Merci! Au fait, tu continues le challenge dans tous les états?

      Supprimer
  6. Cela fait un moment que j'ai envie de le lire. Il faut que je trouve le temps d'aller le chercher !

    RépondreSupprimer
  7. j'ai aimé ce livre mais apparement moins qu'Airelle et toi, j'ai aimé l'écriture mais je suis restée un peu sur ma faim

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je pense qu'il ne faut pas attendre une biographie complète ou un traité sur l'impressionnisme mais juste des instantanés pour éclairer la naissance d'une autre manière peindre, des traits de caractère de l'artiste, des oeuvres liées à ces moments de vie.

      Supprimer
  8. A voir! Il est à la bibli de toute façon

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais je crois que tu n'aimes pas l'impressionnisme,je me trompe?

      Supprimer
  9. Le détour dont tu parles me semble bien plus intéressant qu'une biographie classique. Déjà noté chez Aifelle, je le trouverai à la bibliothèque, sans nul doute.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce la dépend de ton attente. Si tu veux une approche plus complète, mieux vaut une biographie.

      Supprimer
  10. Aifelle m'avait déjà donné envie avec ce titre et ton billet est superbe (tu en rajoutes une couche en somme^^) ! J'aime beaucoup "Femmes au jardin" et le tableau que tu as mis su FB...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. La capeline rouge? C'est un tableau que je n'ai jamais vu mais je l'aime énormément.

      Supprimer
  11. Joli billet ! J'aime beaucoup les livres en lien avec la peinture, je note donc ce titre de suite...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Moi aussi, dès que je vois un livre sur la peinture,je ne peux résister.

      Supprimer
  12. Ce livre est en projet dans mes lectures mais je ne l'ai toujours pas trouvé à la Médiathèque. Je l'ai écrit en suggestion d'achat, et j'attends.
    Merci pour votre dernières visites et vos gentils commentaires.
    Bonne semaine.

    RépondreSupprimer
  13. J'ai passé un très bon moment de lecture avec ce livre également. Très joli billet :-)

    RépondreSupprimer
  14. En te lisant, je n'ai qu'une envie : remonter ce livre de ma PAL le plus tôt possible ...
    Merci pour ce partage !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Allez, vite à la lecture, surtout après avoir vu l'exposition sur Bazile !

      Supprimer

Merci pour votre visite. Votre message apparaîtra après validation.