Victor Hugo vient de mourir ! Oui, je sais, ce n’est pas un scoop ! Et nous savons tous que le décès du poète en 1885 et ses obsèques ont eu un retentissement national et international immense et ont suscité une énorme émotion tant auprès du gouvernement que du peuple. Mais ce que nous savons moins et Judith Perrignon va nous en faire un compte rendu animé au cours d’un récit bouillonnant de vie, de drames et de fracas, c’est tout ce qui tourne autour de cet événement, toutes les implications politiques, religieuses, humaines de cet événement hors du commun : la Mort du Poète ! Ce petit livre très réussi nous mène donc d’étonnement en étonnement.
Dès l’annonce de sa fin prochaine, des milliers de personnes se pressent auprès de sa demeure, hommes politiques, célébrités, membres du gouvernement, grands de ce monde, mais aussi les obscurs :
"Viennent tous ceux qui ne laisseront aucune trace. Ils ne sont pas les moins tristes, ces ouvriers et ces ouvrières s’arrêtant un instant sur le chemin du travail et demandant sous la porte du petit hôtel : Comment va-t-il?"
Dans les jours qui suivront le décès « C’est la marée montante devant la maison du poète. La foule est de plus en plus considérable. »
Les implications religieuses
Le Panthéon |
Bien avant sa mort, lorsque sa fin est annoncée, le combat idéologique de l’Eglise commence ! Il s’agit d’obtenir que Victor Hugo fasse amende honorable et demande les derniers sacrements. Il faut le récupérer sur son lit de mort pour montrer au peuple que le poète s’est repenti et a regretté sa conduite anticléricale.
« Si Hugo persiste à refuser l’extrême-onction, quel dangereux signal envoyé aux foules et au reste du monde. »
Or, si sa foi en Dieu est vive, Hugo a toujours méprisé les prêtres, ceux qui sont du côté des puissants et des riches, insensibles à la misère et aux souffrances du peuple. Jusqu’à son dernier souffle, il a répété : « pas de prêtre » !
« Un mot de lui, un prêtre auprès de lui, et ce sont les Lumières qui s’éteignent, les dévotions qui se vengent, chacun le sent, le sait, chacun tire le mourant pour le faire tomber de ce côté. »
L’enjeu est immense ! Aussi lorsque l’évêque Freppel se présente en confesseur pour forcer la porte du moribond, les parents et amis de Hugo l’empêchent d’accéder jusqu’à lui. Plus tard, quelques jours après sa mort, lorsque le cadavre de Hugo mal embaumé se couvrira de taches obligeant à la fermeture prématurée du cercueil, les représentants de l’église feront courir le bruit que Dieu s’est détourné de lui et l’a puni ! La bataille ne s’arrête pas là et continue avec la laïcisation de l’église Sainte Geneviève définitivement enlevée au culte pour devenir le Panthéon qui accueillera le grand homme mais tout ceci non sans remue-ménage et scènes de comi-tragédie aigre-douce.
Les implications politiques
Les Funérailles de Victor Hugo : arrivée du cortège au Panthéon |
Les enjeux politiques sont nombreux et si différents que l’on l’impression d’une toile d’araignée aux fils inextricablement enchevêtrés dans laquelle chacun s’empêtre et cherche à tirer le cadavre à soi. De l’extrême droite à l’extrême gauche, même les royalistes, même les Bonapartistes, c’est « l’unanimité nationale » il faut rendre les honneurs au Grand Homme mais…
La République embourgeoisée, dévoyée par son culte de l’argent, s’inquiète, voit le spectre de la révolution s’agiter devant elle.. Qui sait ce que vont faire les ouvriers ? Comment contenir le peuple?
Et les autres ? Les anarchistes veulent défiler avec le drapeau noir marqué du vers de Hugo : « Le peuple a sa colère et le volcan sa lave qui dévaste d’abord et qui féconde après » ; les communards avec le drapeau rouge sur lequel sera inscrit Amnistie. Même si ces derniers en veulent à Hugo de ne pas les avoir soutenus au moment de l’insurrection, ils lui sont redevables de l’asile qu’il a donnée chez lui aux membres de la Commune vaincue, de son intervention pour sauver Louise Michel et de ses demandes d’amnistie réitérées en faveur des communards. Des rumeurs d’attentat circulent; la tension monte. La cavalerie tire sur la foule composée d’anarchistes, de communards, des tailleurs en grève, de la chambre syndicale des menuisiers qui s’était réunie dès le premier dimanche au cimetière du Père Lachaise pour une journée du souvenir. Morts rapidement enterrés, nombreux blessés. Le gouvernement a gagné son épreuve de force avant même que commencent les commémorations de deuil officielles !
Le catafalque de Victor Hugo à L'Arc de Triomphe |
Et la République prend des mesures : Le drapeau noir et le drapeau rouge seront interdits. Les funérailles auront lieu le lundi 1er Juin 1885, un jour où les ouvriers seront au travail et non le dimanche. Si bien que les ouvriers, ceux que Victor Hugo a passé sa vie à défendre, ne seront pas présent à l’enterrement de leur poète. Mais, le dimanche 31 Mai, précédant la cérémonie, ils pourront défiler devant le catafalque du poète exposé à l’Etoile, une journée interrompue d’hommages qui se terminera la nuit par une orgie dans les rues de Paris. Qu’importe ? La police ferme les yeux. Il vaut mieux que les misérables bafouent les bonnes moeurs plutôt que l’ordre bourgeois !
Arrivée du cortège rue Soufflot |
Et c’est ainsi que Hugo « n’est plus que le héros impuissant de ses obsèques ». Le défilé sera immense : deux millions de personnes. Les derniers arriveront au Panthéon quatre heures après la mise au tombeau du poète.
Le gouvernement est satisfait, le ministre Targé, le préfet, les commissaires de police, les membres du parlement sont rassurés : « la foule chantait, les ouvriers étaient parqués dans leurs ateliers, les drapeaux colorés étaient confisqués et le plus applaudi des chars étaient celui de l’Algérie » préfigurant la lutte coloniale qui allait s’ouvrir pour « conquérir, pomper, pomper, écraser et voler ». Et non comme certains veulent bien nous le faire accroire aujourd’hui encore, par altruisme et pour doter les Algériens de routes et des bienfaits de notre civilisation !
Le lendemain le journal La Bataille titrait : On a fait au poète des Misérables des obsèques de Maréchal. On ne dégrade pas mieux un homme ».
Documenté, précis, cultivé, vivant, ce petit livre m’a donné beaucoup de plaisir et, ce qui ne gâche rien, il a parfois des accents hugoliens. Jugez plutôt !
« La République ce jour-là étouffait l’homme révolté. La phrase était en cage. »
Le
2 août 1883, Victor Hugo avait remis à son ami Auguste
Vacquerie, dans une enveloppe non fermée, les lignes
testamentaires suivantes, qui constituaient ses dernières volontés pour
le lendemain de sa mort.
Je donne cinquante mille francs aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard.
Je refuse l'oraison de toutes les églises; je demande une prière à toutes les âmes.
Je crois en Dieu.
Je donne cinquante mille francs aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard.
Je refuse l'oraison de toutes les églises; je demande une prière à toutes les âmes.
Je crois en Dieu.
VICTOR HUGO.
J'étais persuadée que tu l'avais lu dès sa parution ! J'ai l'intention de le lire, je crois qu'il est sorti en poche d'ailleurs, ce qui sera plus facile à mettre dans mon sac.
RépondreSupprimerC'est parce qu'il est sorti en poche que je l'ai acheté et lu dans la foulée. Vraiment très intéressant et qui éclaire d'un autre jour, l'image d'Epinal que l'on bien voulu nous donner.
SupprimerAh! le challenge Victor Hugo bouge! je note ce livre. Quel Victor Hugo pour cet été en Lecture commune
RépondreSupprimerOui, je m'y remets. Et je vais faire une récapitulation du challenge et donner quelques titres à lire en LC.
Supprimerje l'ai sur mon étagère mais je ne me presse pas, tu rends la lecture très tentante
RépondreSupprimerUn livre sur une étagère, chez soi, est un livre lu !
SupprimerJe n'ai lu que livre sur Garouste (l'Intranquille) de Judith Perrignon mais j'avais noté son talent et j'avais repéré celui-ci ! Le savoir en Poche est une bonne chose ! ;) Bisous Claudia, sans oublier Wensounet ! ^-^
RépondreSupprimerMerci bises à toi aussi. Je n'ai pas lu Garouste, par contre !
SupprimerQuelle belle conclusion!
RépondreSupprimerJe pensais "un million" en fait c'était deux!
Très intéressant, merci.
Dans ce livre on dit deux mais moi aussi j'ai lu un ... Alors ?
SupprimerJe veux le lire depuis sa sortie, et maintenant, il est en poche... Dire que mon grand-père avait deux ans à la mort de Victor Hugo (ce que me on père me disait quand j'étais toute petite, ça m'a marquée)
RépondreSupprimerJ'adore Hugo mais ce livre ne me tentait pas. Je vais peut-être changer d'avis car je vois que tu as vraiment apprécié. PS : J4adore ton fond de blog MAGNIFIQUE ! J'ai reconnu l'artiste qui l'a photographié !
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