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dimanche 18 mars 2018

Nicolas Leskov : Le vagabond ensorcelé


Sur un bateau qui fait route sur le lac Ladoga, au nord-est de Saint - Péterbourg, le narrateur rencontre un personnage hors du commun, Ivan Severianovitch Fliaguine, un géant habillé en moine, qui, à la demande des passagers va conter son histoire.

Lac Lagoda
Le récit est enlevé, tumultueux, et la vie de Ivan, surnommé Golovan à cause de sa grosse tête (en russe golova signifie tête), se révèle aventureuse et pleine de  vicissitudes. Rien ne lui est épargné !  Serf, au service d’un comte, il devient comme son père, cocher, mais il sera chassé du domaine pour avoir maltraité la chatte de la barina. En danger de mort, car sans passeport, il est considéré comme un serf échappé. Il se réfugiera alors dans l’armée et deviendra militaire comme « connaisseur », c’est à dire expert en chevaux. Plus tard on le retrouvera prisonnier des Tatars dans l’immensité des steppes, puis amoureux fou d’une Tsigane. Il commettra plusieurs crimes avant d’entrer au monastère et de recevoir un don de prophétie. Mais les malheurs ne s’arrêtent pas là, au sein même de la communauté religieuse, le diable vient le tourmenter et il a plus d'un tour dans son sac, le diable !

Leskov se révèle comme un grand conteur. Il nous promène dans les grands espaces de la Russie, dans les milieux sociaux qu’il connaît bien, de la noblesse aux hommes du peuple. Il dresse des portraits intéressants, pittoresques. Il brosse de la Russie ancestrale un tableau véridique mais aussi satirique, à la fois cruel et plein d’humour. La noblesse est pleine de morgue, toute puissante, et le peuple y est exploité, soumis, superstitieux, mais aussi ivrogne, débrouillard, voleur…
Le récit me rappelle parfois le roman picaresque et Golovan est une sorte de Lazarillo de Tormes mais à la manière russe et non espagnole ! Le réalisme côtoie le merveilleux chrétien avec les histoires de saints, le fantastique intervient entre miracles authentiques et  supercheries.
Pas de mysticisme ici, rien de dostoievskien ! Mais un mélange de bon sens populaire mêlé à des croyances volontiers superstitieuses, à mi-chemin entre obscurantisme, crédulité et naïveté. Golovan ne se sent pas appelé par Dieu, il n’a pas de vocation. Il accomplit sa destinée car c’est sa mère, avant de mourir, qui l’a voué au Ciel. C’est un « fils promis ».

-Quand êtes-vous entré au monastère ?
- Il n’y a pas longtemps; quelques années après la fin de ma vie tumultueuse.
-Et pour y entrer, vous avez senti une véritable vocation?
-Hum… je ne sais comment vous expliquer cela. Au fond, il faut croire que je l’ai sentie.
-Comment se fait-il alors que vous parliez ainsi, comme si vous n’en étiez pas sûr?
-Et comment pourrais-je en parler comme d’une chose certaine, alors que je suis incapable de saisir le sens de toute mon existence antérieure à ce jour?

Un petit régal typiquement russe sorti de la plume d’un écrivain considéré comme le plus russe des écrivains russes ! !

Nicolas Leskov par Valentin Serov

 Lu dans le cadre du mois de l'Europe de l'Est d'Eva, Patrice et Goran.


12 commentaires:

  1. Je n'ai jamais lu Nicolas Leskov et je sais ce qu'il me reste à faire (Goran : https://deslivresetdesfilms.com)

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    1. Tant mieux ! Leskov n'est pas connu parce qu'il a longtemps était interdit pour des raisons politiques mais c'est injuste.

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  3. voilà un billet et un résumé qui sentent bon la Russie profonde :-)

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    1. Oui,c'est la Russie profonde mais si c'est enlevé cela n'empêche pas la cruauté des rapports sociaux.

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  4. A garder en tête, car tout ce que tu écris donne envie de le lire. Depuis ma découverte de Tourgueniev, j'ai envie de me mettre à la littérature russe que j'avais jusque là pratiquement ignorée. Merci donc de ce bon conseil.

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  5. Même commentaire que pour Goran ! Le mois de l'Europe de l'Est nous apporte vraiment de belles découvertes.

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  6. quelque soit leur qualité je n'arrive pas à accrocher à ce type de récit et pourtant je suis fan de Russie

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  7. Je ne connais pas du tout cet auteur, mais comme je suis en train de me découvrir une passion pour la littérature russe, je le rajoute parmi les auteurs à découvrir.

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