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lundi 25 mai 2020

Jack London : L'amour de la vie


L’amour de la vie de Jack London est une nouvelle du Grand Nord telle que je les aime. Nul mieux que Jack London n’a su rendre la magnificence de cette nature hostile et sauvage mais aussi ramener l’homme à ce qu’il est, minuscule face à ces immensités, faible face à la force de la nature.
Pourtant, et c’est ce qui peut paraître paradoxal, l’être humain aussi dérisoire soit-il, confronté à la toute puissance de la nature lui oppose une résistance qui force l’admiration.

Il regarda les os nettoyés et polis, encore rosés de cellules de vie qui n’étaient pas encore mortes. Etait-ce possible qu’il subisse le même sort un jour ? C’était ça la vie? Une chose vaine et fugitive. Seule la vie fait souffrir, il n’y a pas de souffrance dans la mort. Mourir, c’était dormir, c’était la fin, le repos. Alors pourquoi n’était-il pas satisfait de mourir ?

L’amour de la vie pousse l’homme à se dépasser, à faire fi de la souffrance, à accomplir des exploits qui ne semblent pas réalisables.
C’est ce qui arrive à ce chercheur d’or lorsqu’il est abandonné par son compagnon de voyage, Bill, et laissé seul, sans munitions, sans provisions, blessé à la cheville en traversant une rivière, devant un immense parcours à accomplir.

Alors, il détourna son regard et lentement contempla le cercle du monde dans lequel il restait seul, maintenant que son compagnon était parti …Toujours debout dans l’eau laiteuse, il se sentit tout petit comme si l’immensité pesait sur lui avec une force écrasante, et le broyait brutalement de son calme terrifiant.

Parcourir ces étendues désertes de neige et d'eau, c’est d’abord prendre conscience de la solitude et du silence. Dans ce pays où règne le froid et les bêtes sauvages, des allumettes deviennent un trésor prodigieux que l’on compte comme un avare, quitte à se débarrasser de son or qui pèse trop lourd et ralentit la marche.
Et puis la faim, qui affaiblit, qui rend fou. Certains passages sont marquants comme celui de la rencontre de l’homme avec un loup malade, trop faible pour l’attaquer, tous deux misant sur la mort de l’autre pour pouvoir manger, face à face hallucinant où l’humain et la bête sont au même niveau dans une lutte pour survivre.

Alors commença une tragédie farouche comme jamais il n’y en eut : un homme malade qui rampait, un loup malade qui boitait. Deux créateurs traînant leurs carcasses mourantes à travers la désolation, l’une à la poursuite de la vie de l’autre.

Et pourtant personnage n’est pas présenté comme un héros et ses exploits ne sont ni glorifiés, ni exaltés. Jack London décrit cet amour de la vie comme un instinct de survie qui se met en place lorsque l'homme dépasse ses limites plutôt que comme une réflexion guidée par la volonté.

J’ai retrouvé ici le grand Jack London, celui qui m’a fait rêver au Canada pendant toute mon enfance et m’a donné le goût des pays nordiques, de la neige et du froid. On peut dire aux amateurs de nature writing que l’écrivain l’a été avant que le terme en soit inventé ! Avis aux amateurs !

Je me suis donc intéressée au périple que le personnage accomplit, ce qui n'a pas été facile avec les cartes que j'ai trouvées sur le net.

Le lac du Grand Ours  / La rivière Coppermine qui se jette près du Golfe du Couronnement

Avec son compagnon, il devait atteindre le fleuve Dease jusqu’au Lac du Grand Ours, traverser le lac pour gagner la rivière Mackenzie  où il pourrait se chauffer et se nourrir. En fait, il devait se diriger vers le sud-ouest et il s'égare en allant vers le nord-est.


Mais il était éloigné de la chaîne du Dease pour s’engager dans la vallée de Coppermine. Cette mer  éblouissante, c’était l’océan Arctique; ce bateau un baleinier égaré à l’est de l’embouchure du Mackenzie et ancré dans le Golfe du Couronnement. Nous sommes dans le Nunavut. Il se rappelait la carte de la Compagnie de la Baie d’Hudson, qu’il avait consultée il y a longtemps. 

L'Océan Arctique vu de l'embouchure du fleuve Coppermine, au milieu de la nuit, 20 juillet 1821

 Collection du Musée national des beaux-arts du Québec





Voir Nathalie : l'appel de la forêt

Miriam : L'amour de la vie

31 commentaires:

  1. Ah je pense que j'aimerais bien celui-là ! Je ne l'avais ni en numérique ni en papier. J'ai lu l'Appel de la forêt, mais j'ai programmé le billet pour demain.

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    1. J'espère que le livre t'a plu. C'est un de ceux que j'ai tant aimé. Pas encore relu.

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    2. Voilà mon billet en demi teinte sur l'Appel de la forêt : https://chezmarketmarcel.blogspot.com/2020/05/il-savait-attendre-son-heure-avec-une.html

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  2. J'ai bien envie de repartir dans le grand nord pour ma prochaine lecture de l'auteur. "Construire un feu" et maintenant cette nouvelle sont dans mes priorités (sans doute après le Mois anglais).

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  3. Ah, merci chère Claudialucia pour toutes ces lectures de London, chaque billet est passionnant et donne envie de lire tout cet auteur ! Je me suis enfin décidée, Martin Eden sera lu pour le 20/07, dans le cadre d'une LC, et je pense continuer avec Le peuple de l'abîme, car je viens de réaliser qu'il faisait partie des textes présents dans la compilation "Bouquins" que j'avais achetée il y a quelques mois..

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  4. Je lis peu de nouvelles, mais celle-ci semble très intéressante, je retiens ce titre, ce face à face avec le loup... Bonne semaine, Claudialucia.

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    1. La nouvelle, ce n'est pas ce que je préfère mais quand tu lis London, forcément, tu lis des nouvelles, il en a écrit tellement. Et c'est là que tu t'aperçois que c'est un genre littéraire qui vaut le coup.

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  5. Pas trop dur comme ambiance? C'est un roman?

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    1. C'est une nouvelle. Disons que ce n'est pas tendre ! Un writing nature qui n'idéalise pas les rapports de l'homme avec la nature, c'est le moins que l'on puisse dire mais qui les respecte! C'est réussi!

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  6. je suis encore plus en retard, je l'ai téléchargé, pas commencé....

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    1. Ce n'est pas grave; Je te lirai plus tard ! A bientôt !

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  7. C'est la nouvelle dont je t'ai parlée... Bravo d'avoir reconstitué le contexte avec l'itinéraire du voyage projeté. Je ne sais pas comment certaines personnes arrivent à survivre à des situations extrêmes, au delà du désespoir, les ressources qu'elles troub=vent en elles même pour se dépasser. L'abandon de ce qui n'est pas utile et qu'on est pourtant venu chercher car au fond seulement compte d'être vivant. Dur retour à la vie ensuite. Comment serons nous nous-même lorsque nous serons revenus à une vie débarrassée de l'angoisse d'une mort impalpable mais si présente ?

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    1. Jack London montre que l'homme est au même niveau que l'animal. C'est ce qu'il y a de plus primitif en lui qui le pousse à continuer. C'est le contraire de ce qu'affirme Saint Exupéry survivant lui aussi à l'extrême : "Ce que j'ai fait, aucune bête ne l'aurait fait" !

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  8. J'ai toujours eu envie de le lire et n'ai pourtant jamais sauté le pas. C'est un tort, je le sens bien!
    Daphné

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    1. Allez ! un petit pas à faire pour lire Jack London et cette nouvelle est une bonne façon de commencer.

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  9. C'est plutôt dans cette veine-là que j'ai envie de découvrir Jack London, en tout cas pour commencer.

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    1. Cette veine là : l'amour de la vie, le silence blanc, construire un feu... et bien sûr les romans Croc blanc, l'appel de la forêt.

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  10. Quel beau billet avec l itinéraire en plus. J ai souligné les mêmes citations . Je viens de terminer la nouvelle je suis encor sous le choc

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  11. Petit à petit, à chaque étape de votre lecture de Jack London, mon envie de le relire se précise…

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    1. C'est un écrivain qui vaut le coup d'être découvert même si tout n'est pas égal dans son oeuvre... mais il a tellement écrit!

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  12. J'avoue que je n'ai pas trop aimé et que je ne suis pas un grand fan de Jack London en dehors de Martin Eden. (Goran : https://deslivresetdesfilms.com)

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  13. Tout n'est pas bon dans London mais quand il réussit, c'est un magnifique conteur.

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  14. Moi aussi, c'est le London que j'aime aussi. Je le lirai aussi :-)

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  15. Tu en parles si bien, j'aime tant la nature (moins le froid;-)), je le note bien sûr!
    Merci pour les illustrations aussi, bonne journée.

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    1. Je suis très frileuse et je n'aime pas le froid mais paradoxalement j'aime tous les pays où règnent le froid et la neige. Et quand je dis que London y est pour beaucoup, c'est vrai. Toute mon enfance de grande lectrice a été nourrie par les récits de cet écrivain et aussi James O. Curwood.

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  16. En tout cas, si certain(e)s d'entre nous hésitaient encore à rejoindre ton challenge Jack London, ils vont être convaincus avec ce billet magnifique. Les extraits sont particulièrement bien choisis ! Merci.

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