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vendredi 8 mai 2020

Jack London : Le vagabond des étoiles


Le vagabond des étoiles de Jack London, d’abord publié en feuilleton, paraît en 1915. Il est le dernier roman mais aussi le dernier acte militant de l’écrivain socialiste qui dénonce l’horreur de la peine de mort et l’hypocrisie d’une société chrétienne qui bafoue l’un des premiers commandements : « tu ne tueras point ». L’écrivain connaît le milieu pénitentiaire américain, ayant lui-même été incarcéré pour vagabondage.

Non, je n’ai vraiment aucun respect pour la peine capitale. Et ce n’est pas seulement une mauvaise action pour les chiens penseurs qui l’exécutent, moyennant salaire. C’est une honte pour la société qui la tolère et paie pour elle des impôts.

Dans ce roman, en effet, Jack London s’insurge contre le système judiciaire et carcéral à la solde de la société capitaliste. Il dénonce les violences, les injustices, les maltraitances, humiliations, coups, privation de nourriture, isolement, qui sont monnaie courante dans les prisons, et, en particulier, l’usage de la camisole de force. Les représentants de la loi qui l’appliquent sont des tortionnaires qui ne valent pas mieux que les prisonniers qu’ils méprisent. Et que dire de ceux qui font les lois ?

La Californie est un pays civilisé, ou du moins qui s’en vante. La cellule d’isolement à perpétuité est une peine monstrueuse dont aucun état, semble-t-il n’a jamais osé prendre la responsabilité !

Le personnage fictif qui sert à Jack London pour rendre compte de cet univers des prisons est Darrell Standing, un éminent agronome, professeur d’université, incarcéré pour meurtre passionnel. Il purge une peine de trente ans d’emprisonnement mais va être victime d’un complot, mené contre lui par un détenu, qui lui attire la haine du directeur prison et l’amènera à être arbitrairement condamné à mort. Celui-ci, avec la complicité des gardiens mais aussi du médecin des prisons, livre Darrell à la camisole de force et l’amène ainsi aux antichambres de la mort. Le tortionnaire n’obtiendra aucun aveu puisque le professeur est innocent mais il permet au personnage de s’échapper par cet apprentissage de la mort, au-delà de la prison, dans les étoiles, en retournant dans ses vies antérieures. A côté de ce personnage fictif, Jack London, introduit des personnages ayant existé, comme Jack Oppenheim et Ed Morell, de son vrai nom Ed. Merrit, qui ont subi, dans la réalité, le destin de Darrell Standing.

Le roman bascule alors vers le fantastique avec l’évocation de toutes les vies de Darrell Standing au cours des siècles précédents.

« Ceux qui m’ont enfermé pendant quelques misérables années m’ont ouvert, sans le vouloir, l’immensité des siècles »

Il conte les aventures mouvementées du personnage à toutes les époques, que ce soit sous Louis XIII en France, dans une caravane de pionniers en plein désert américain, en Corée aimé par une princesse de haut rang, comme Viking et centurion romain chez Ponce Pilate au temps de Jésus Christ, en Robinson dans une île déserte, et en homme des cavernes dans la dernière réincarnation.
J’ai trouvé que le début du roman était répétitif, un peu long à se mettre en place. Peut-être est-ce l’effet feuilleton, (?), l’écrivain devant retourner un peu sur ses pas d’une semaine à l’autre pour rappeler à ses lecteurs ce qui précédait. C’est ma première impression. Ensuite nous partons avec lui dans les vies antérieures qui sont autant de récits vivants et imaginatifs. Selon mes goûts, je les aurais aimés plus développés, plus étoffés. C’est ce qui me laisse sur ma faim parfois. Mais London n’est pas le maître du roman fleuve, c’est un auteur de récits courts, la plupart du temps, et c’est là qu’il réussit.

Ces récits, outre amener les lecteurs dans les régions de l’imaginaire, ont un autre but. C’est la camisole de force qui permet à Darrell Standing de tenir tête à ses bourreaux et d’être spirituellement (tandis que son corps s’étiole), supérieur à eux, consacrant la victoire de l’esprit sur la matière. Il ne s’agit pas d’une conversion religieuse puisque en dédicace de son roman, Jack London écrit à sa mère qu’il ne croit pas que l’esprit survive à la matière : « Je crois que l’esprit et la matière sont si intimement liés qu’ils disparaissent ensemble quand la lumière s’éteint. ».
Il s’agit plutôt d’une affirmation philosophique qui correspond à l’homme et l’écrivain qui a toujours mis en valeur dans sa vie comme dans ses romans, la force de la volonté, donc de l’esprit, capable de surmonter les faiblesses physiques et les souffrances du corps.

« Plus je me remémore ces faits, plus j’estime qu’un être humain doit être doué d’une force d’âme sans égale, pour survivre sans devenir fou à la brutalité de pareils spectacles qui vous côtoient sans répit, à l’iniquité de semblables procédés dont on est soi-même et sans trêve la victime. »

Le roman a donc un double message : Tout en démontrant la supériorité de l’esprit sur le corps, il dénonce avec force les iniquités du système judiciaire et carcéral américain dont il souligne l’inhumanité et l’absurdité.
Parmi le public qui assiste à l’exécution note Jack London : « Quelques-uns avaient l’air d’avoir bu, et deux ou trois autres étaient déjà malades à l’idée de ce qu’ils allaient voir. Il semble plus facile d’être pendu que de regarder une pendaison.
Grâce à Jack London, nous dit-on dans la préface,« l’usage de la camisole de force et le droit de condamner à mort un détenu indiscipliné seront abolis. »

Rappel : LC Jack London

Pour le 25 Mai : L'amour de la vie

ou si vous l'avez déjà lu un autre, au choix


LC avec Marilyn 

Le vagabond des étoiles

Adaptation BD Riff Reb  du Vagabond des étoiles


LC avec Myriam ICI  Le vagabond des étoiles



7 commentaires:

  1. Ces lectures autour de Jack London sont toujours aussi passionnantes... je ne m'y suis pas encore mise, mais cela ne saurait tarder..

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    1. Oui, c'est ce qui est intéressant ! lire tous ensemble permet de montrer la diversité de l'oeuvre de London. A bientôt !

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  2. Merci encore. Oui, c'est passionnant ces lectures et relectures.
    Bon week end.

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  3. Un grand livre. J'ai beaucoup aimé le fait qu'il interpelle les Californiens sur ce qu'ils veulent ignorer. Il y a un passage où des élus viennent enquêter et ne voient rien de problématique puisque tout est mis en scène. Quel scandale !

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    1. Oui ! Si les prisonniers disent la vérité, ils sont ensuite sévèrement punis.

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  4. Je ne savais pas que les détenus pouvaient finalement être condamnés de façon aussi arbitraire à la peine capitale. Quel témoignage fort !

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