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mardi 30 mars 2021

Jules Verne : Un drame en Livonie

 

Et oui, il s’agit bien d’un auteur français pour illustrer  le mois de littérature des pays de l’Est, français, Nantais ou Amiénois  ? selon les dires des uns et des autres… mais ne ranimons pas les vieilles querelles ! Ceux qui sont concernés me comprendront !  


Roman français donc mais qui se passe en Europe de l’Est comme le titre vous l’indique  :  Un Drame en Livonie.

Qu’est-ce que la Livonie à la fin du XIX siècle ? C’est un ensemble qui n’a pas cessé d’évoluer mais qui au XIX siècle  regroupe autour de la Baltique une partie de l’Estonie, de la Lettonie et le duché de  Courlande. Le pays a été germanisé et les Germains tiennent le haut du pavé, nobles, bourgeois richissimes et influents, les Lettons et les Estoniens n’occupant que des postes subalternes. Riga en est la capitale.  C'est la description qu'en fait Jules Verne.
L’écrivain place l’action en 1876  sous le règne du tsar Alexandre II. Aussi quand ce dernier  décide de « slaviser » ces régions, si l’on en croit Jules Verne, les slaves livoniens vont être de tout coeur avec les slaves russes, contre la domination germaine. Dans ce roman, d’ailleurs, les allemands sont antipathiques et les russes tout le contraire !  Et si vous vous demandez pourquoi, sachez que Jules Verne  publie Un Drame en Livonie en 1905  mais l'écrit en 1894, peu après que vient d'être signé le pacte Franco-Russe (de 1892 à 1917), qui unit la Russie et la France autour d’une promesse d’assistance mutuelle en cas d’agression de l’Empire allemand et austro-hongrois. Voilà pour les méchants allemands !

Le kabak de la Croix-rompue

Le récit commence comme un grand roman d’aventure où le Héros enveloppé de mystère traverse des pays enneigés, des lacs gelés, brave des tempêtes, s’arrache aux crocs des loups affamés, se cache des soldats qui le poursuivent le jour et l’obligent à marcher de nuit. Il franchit la frontière de Livonie, son pays, mais il ne pourra y trouver aucun refuge. On sait qu’il s’est échappé des mines de Sibérie et qu’il veut gagner la Baltique pour pouvoir fuir en bateau à Revel ou à Pernau.

D’un autre côté, à Riga, chez les Nicolef, une famille modeste, une jeune fille, Ilka, attend son fiancé, Vladimir Yanof, depuis des années. Celui-ci a été déporté en Sibérie par le tsar pour des raisons politiques. Ils ont promis de s’attendre. Son père Dimitri est professeur.  Elle a un frère, Jean, qui fait des études à l’université de Dorpat. Un jour, son père part en voyage en secret. Pendant ce temps, un horrible crime a lieu dans une auberge sordide, nommée Le kabak de la Croix-rompue.  Un employé de banque est assassiné et l’argent qu’il transportait disparaît. On accuse un voyageur mystérieux dont la chambre jouxte la sienne. Une enquête a lieu. L’on découvre qu’il s’agit de Dimitri Nicolef et que celui-ci ne semble pas vouloir ou pouvoir se défendre. Ainsi, il refuse de dire quelle était sa destination.  Mais ses enfants et ses amis ont foi en son innocence.
Ici, la trame policière prend une tournure très sombre car le roman est aussi politique. Il se trouve que Dimitri Nicolef, Livonien d’origine russe, devait se présenter aux élections contre le banquier Johausen qui est Livonien allemand. Si bien que la population prend fait et cause pour ou contre Dimitri selon qu’elle est allemande ou slave, et non dans un esprit de justice.
 

Le récit est très plaisant et agréable en suivre, l’intrigue policière fait frémir, et Le kabak de la Croix-rompue n’a rien à envier à l’auberge rouge, avec un petit côté désuet que j’aime beaucoup même si le lecteur actuel anticipe et éprouve moins de surprise, je suppose, que le lecteur de l’époque ! Encore que… !  L’action est rondement menée ! 

Mais le ton se fait de plus en plus grave et la narration n’est pas exempte de drames et de souffrances. S’agit-il d’une horrible erreur judiciaire ou Dimitri est-il coupable ?  A Riga, la maison des Nicolef est prise d’assaut par la foule qui veut le lyncher. Les affrontements entre allemands et russes entretiennent une tension énorme partout et dans l’université de Jean Nicolef, la violence entre étudiants des deux camps est toujours prête à éclater.  
Jules Verne en profite pour égratigner, malgré ses prises de position pro-russes, la justice du Tsar qui supprime la peine de mort pour les criminels mais pas pour les opposants politiques. De plus, Il condamne les pratiques barbares de ce pays qui soumet les condamnés à la torture. Il analyse la société de la Livonie en soulignant les inégalités sociales, tout en passant un peu la brosse à reluire en faveur de l’administration russe qui remédiera, suggère-t-il, à ces injustices ! Bref ! il attaque et ménage en même temps le pouvoir du tsar. Il est prudent, ce qui ne l’empêche pas de s’insurger contre la misère des paysans dans un plaidoyer pour ces malheureux.
J’ai aimé aussi découvrir la Livonie, ses paysages (oui, je sais dès qu’on parle neige, lac gelé, embâcle,  loups, je m’y crois ! ) et ses villes Riga, Dorpat, Revel, sous la plume de Jules Verne. J’irai bien me balader par là-bas…  mais pas au kabak de la Croix-rompue !

Université impériale de Dorpat

Dorpat est une ancienne cité universitaire d’Estonie qui porte le nom actuel de Tartu. Jules Verne explique que la bibliothèque de l’université est riche  trente mille volumes, qui font d’elle l’une des plus importantes universités d’Europe.
Dorpat est pittoresquement bâtie sur une colline qui domine le cours de l’Embach. De longues rues desservent ses trois quartiers. Le touristes y visitent son observatoire, sa cathédrale de style grec, les ruines d’une église ogivale.


 Pernau  est un ville d'Estonie nommée Parnu actuellement  C’est là que le fiancé de Ilka doit embarquer pour échapper à la police du tsar.
 

Tallinn, capitale de l'Estonie
 

Il est souvent question de Revel dans le roman. Il s'agit de Tallinn, capitale actuelle de l’Estonie.



Et oui, je suis obligée, en ce début de semaine, de publier chaque jour un livre, lundi, mardi, mercredi,  puisqu'il m'en reste trois pour boucler le mois de l'Europe de l'Est ! Donc, à demain encore!

4 commentaires:

  1. Comme j'aime Jules Verne ! Mais celui-ci, je ne l'ai pas lu... Comme quoi, ces grands auteurs sont toujours à découvrir encore plus !

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  2. ah là tu frappes fort j'aime Jules Verne depuis toujours et je comprends bien la bagarre Amiens/Nantes
    je l'ai largement relu même sans faire de billet, j'ai mes préférés : le Capitaine Hatteras par exemple
    je ne connaissais pas du tout ce récit mais j'ai la version numérique de ses oeuvres je vais donc tapoter et sélectionner cette historie

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  3. Ca me tente beaucoup car je lis un Verne de temps en temps... Trois livres, trois jours :-) Quelles lectrice !

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  4. J'ai beaucoup lu Jules Verne, mais en me contentant de relire certains livres. Il faudrait que je découvre celui-ci (ainsi que Le coup de grâce, de Marguerite Yourcenar, qui se passe en Livonie voisine).
    A l'école, à Nantes, il y a longtemps, nous avions beaucoup travaillé sur "notre" auteur local, Jules Verne. Je ne savais pas que les amiénois le considéraient aussi comme le leur!

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