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samedi 4 mars 2023

Jurica Pavicic : L'eau rouge

 

Jurica Pavicic :  L'eau rouge.  Ce 23 Septembre 1889, Silva qui va bientôt avoir dix huit ans disparaît. Rien ne sera plus comme avant pour ses parents Vesna et Jakov, pour son frère jumeau Mate et pour Gorki Šain, le policier chargé de l’enquête. Tous vont mettre leur espoir, leur énergie pour la retrouver. Tous sont hantés par cette disparition et par l’échec de leurs investigations. Ils ne sont pas les seuls à voir leur vie bouleversée. Andrijan, le fils du boulanger, qui est le dernier à avoir rencontré Silva voit aussi sa vie basculer et même si rien n’est retenu contre lui il devient un paria dans le village.
L’enquête détermine des zones sombres dans la vie de Silva, des fréquentations dangereuses liées à la drogue. Enfin un témoignage permet de penser que la jeune fille s’est enfuie emportant son passeport et de l’argent. Mate n’abandonnera pourtant pas sa quête. Ce garçon sans histoires, gentil, sérieux, laisse tomber ses études pour prendre un travail qui, de voyage en voyage, le mènera très loin à la recherche de sa jumelle, dans des pays étrangers, détruisant au passage sa vie de couple.

Mais la Croatie est pris dans les remous de la guerre en 1991 et l’enquête policière s’estompe dans la tourmente : le départ des jeunes gens au combat, la mort, la destruction. L’ancien monde disparaît dans les ravages du conflit.
Le nouveau monde qui renaît des cendres n’est pas mieux que le précédent : à la dictature communiste succèdent les groupes capitalistes maffieux qui achètent des terrains à bas prix, exerçant pression et chantage. Ils créent des constructions hideuses qui gangrènent les côtes afin de recevoir les touristes allemands, hollandais, et bientôt de tous les pays européens. Quelle aubaine ! L’ère est au profit et à la pourriture capitaliste !

Le mérite de Jurica Pavicic a été de mêler étroitement l’intrigue policière - sans jamais l’abandonner puisque nous saurons le fin mot de l’histoire - à l'histoire de quelques hommes et femmes puis à l’Histoire collective. Une fin du monde, un bouleversement à la fois à l'échelle individuelle et à l'échelle de tout un peuple. Pavicic sait mieux que personne (je viens de lire un deuxième roman de lui) parler du temps qui passe, inexorable, irrémédiable, de l’effacement de la mémoire, de la mort qui emporte tout. 

Il en sort un livre fort, empreint de mélancolie et de désenchantement, un livre dont les personnages nous interpellent et qui nous fait découvrir les traumatismes d’un pays sacrifié à la tout puissance de groupes financiers.

L'Eau rouge s'est vu décerner cinq prix  :  en 2018 le prix Ksaver Šandor Gjalski du meilleur roman croate, et en 2019 le prix Fric de la meilleure fiction. Il a obtenu en 2021 le prix Le Point du polar européen et le prix Transfuge du meilleur polar étranger, en 2022 le prix Libra' nous.

Jurica Pavičić est un écrivain, scénariste et journaliste croate, né à Split en 1965. Il collabore depuis 1989 en tant que critique de cinéma à différents journaux. Il est l’auteur de sept romans, de deux recueils de nouvelles, d’essais sur le cinéma, sur la Dalmatie et le monde méditerranéen, de recueils de chroniques de presse...




17 commentaires:

  1. 5 prix ? J'aime beaucoup les romans policiers et celui-ci, je n'en avais pas entendu parler malgré tous ses prix. Je note...

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    1. Oui, j'aime beaucoup le roman policier quand il dépasse la seule énigme pour aller plus profond, au social, à l'humain.

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  2. Je sens que ça pourrait m'intéresser, je connais peu l'histoire du coin.

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    1. Oui, c'est une manière d'aborder par l'intérieur et non en touriste les changements de la société croate.

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  3. Ce roman fait son retour grâce au mois de l'Europe de l'Est et c'est bien mérité, ainsi que tous ses prix.

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    1. C'est vraiment un bon roman et j'ai beaucoup aimé aussi celui que je vais bientôt présenter : La femme du deuxième étage.

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  4. J'ai donc la réponse à ma question (posée sur mon blog suite au commentaire que tu as laissé sur le billet "Pétersbourg") ! Je viens de le terminer, mais ne ferai paraître mon billet que vers le 20. Comme toi, j'ai aimé, c'est en effet très mélancolique (du coup j'ai apprécié la note d'optimisme finale) et j'ai trouvé le contexte intéressant, on voit bien l'évolution du pays sur la période décrite.

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    1. Oui , le contexte est intéressant et il n'est pas là seulement pour faire couleur locale, il participe au récit.

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  5. je crois que ce mois Europe de l'est va bien allonger ma liste d'envies !

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  6. J'ai l'impression que Jurica Pavicic est un auteur avec lequel il faut compter. J'avais repéré son dernier roman "La femme du deuxième étage".

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    1. Oui, d'ailleurs, j'ai lu le second dans la foulée. Et je n'ai pas été déçue ! La psychologie des personnages, la critique sociale, son analyse politique des évènements sont passionnantes

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  7. J'ai beaucoup aimé ce polar, lu à sa sortie. Un peu moins "la femme du deuxième étage", mais ça reste du très bon quand même et j'étais contente de lire sur la guerre de Yougoslavie et ses conséquences. On en entend peu parler dans les médias je trouve.

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    1. Alors que moi, j'ai préféré La femme du premier étage même si les deux sont très bons.

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  8. Un grand merci pour ta participation ! Mon épouse l'avait lue également et beaucoup apprécié pour les raisons que tu évoques.

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  9. Un policier sur fond de bouleversements historiques, voilà qui a tout pour me plaire! je note donc!

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