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lundi 5 février 2024

Mayra Santo-Febres : La maîtresse de Garlos Gardel

 

Dans La maîtresse de Garlos Gardel de Mayra Santo-Febres, écrivaine portoricaine, Micaela Thorné, une femme âgée, devenue gynécologue et phytologue, raconte la rapide liaison qu’elle a eue avec Carlos Gardel, surnommé le roi du Tango, quand elle était une jeune fille étudiante à l’école d’infirmière dans l’île de Porto Rico.
Nous sommes en 1935 qui est l’année de la mort de Carlos Gardel dans un accident d’avion, l’année aussi où Micaela va vivre avec lui une passion brûlante qui durera vingt-sept jours, période à la fin de laquelle elle est congédiée par l’impresario du chanteur comme une vulgaire chaussette ayant fini de servir ! Heureusement, comme il la vire rapidement, elle pourra valider son diplôme d’infirmière et plus tard continuer des études de médecine. Comme si, pour "suivre son propre chemin", il fallait absolument "le parcourir sans l'aide d'un compagnon". C'est la question qu'elle se pose face aux livres qui se rappellent à elle pendant sa liaison amoureuse et qui lui annoncent "des aventures différentes" :

La seule façon d'aller au bout de ces aventures-là est-elle toujours solitaire ? Libre d'attaches sentimentales ?

Carlos Gardel


Bien sûr, ce roman nous fait connaître la vie du célèbre chanteur né en France à Toulouse ou en Argentine, ou encore en Uruguay.  Le  récit nous explique le mystère autour du lieu de la naissance de celui qui vécut une enfance pauvre et violente en Argentine avant de triompher sur la scène. Il y a aussi une réflexion intéressante sur la danse elle-même qui naît dans les bas quartiers des grandes villes hispaniques et conquiert les classes sociales supérieures désireuses de s'encanailler surtout après l'anathème jeté par le Pape qualifiant le tango comme la danse du Diable !  Il y a aussi un passage sur la beauté de la tristesse et de la nostalgie, que l'on peut peut-être comparer à la "saudade" du  Fado portugais ?

 La tristesse est cette note qui s'étire comme un bandonéon. Elle fait grandir l'appel quand la distance se relâche, grandir la voix quand l'objet du désir est loin. C'est de là que viennent ce soupir et cette cassure dans la voix. C'est vers ce lieu-là qu'il faut tendre, faire battre le cœur, pour que la nostalgie atteigne ce qu'on a perdu et le fasse revivre dans la poitrine.

 
Bien sûr, Carlos Gardel est une personnalité célèbre et il est intéressant d'en savoir plus sur lui mais je l'ai trouvé antipathique et il m’a irritée comme m’a ennuyée la soumission de Micaela, personnage fictionnel autrement intéressant pourtant, dans sa conquête du savoir et sa recherche de l'indépendance. Bref ! je n’ai pas particulièrement apprécié cette histoire d’amour torride, assez classique finalement, l’un dans le rôle de « l’étalon » latin, l’autre dans le rôle de la fille noire éprise jusqu’à risquer de mettre sous éteignoir son intelligence et à perdre sa dignité.
Car Micaela est noire et, à ce titre, elle subit le racisme déclaré ou larvé de la société et de ses pairs, les autres étudiantes. Si elle peut envisager de poursuivre des études, ce qui est impensable dans le milieu où elle vit, c’est grâce à sa grand-mère, la « sorcière », guérisseuse, dont la connaissance des plantes médicales est si poussée que pour connaître ses secrets, un médecin, le docteur Roberts, parraine la jeune fille et lui fait obtenir une bourse. C'est donc une double lutte que mène Micaela, échapper au déterminisme social et se libérer en tant que femme amoureuse.
C’est ce que j'ai aimé dans ce roman ainsi que le personnage très fort de la grand-mère avec toutes les connaissances médicales qui ont trait aux plantes comme celle, mystérieuse, appelée le Coeur-de-vent, plante sorcière dont Micaela devenue médecin percera le secret scientifique.

"De la famille de l’Uncaria Tormentosa, connue dans ce pays sous le nom de Coeur-de-vent, la plante et son champignon contiennent des doses adaptogèniques d’hormones végétales, ainsi que d’autres composés qui peuvent être isolés pour traiter d’autres maladies."
"J’ai travaillé sur la plante pendant des décennies, classant ses constituants, mesurant sa composition."
 

De plus le roman est bien écrit avec de belles descriptions animées et vivantes de la vie dans les quartiers populaires et des paysages de l’île.

Les Mogotes (Cuba)


"J’ai regardé par la vitre. Les mogotes de calcaire défilaient les uns après les autres. Tout était vert. Nature dense et sauvage. J’ai commencé à déchiffrer la campagne. Malgré l’enchevêtrement d’arbres et de feuillages, je parvenais à identifier des hibiscus, un chêne cabelassier, des cèdres, un palmier royal, des acajous sur lesquels grimpaient du lierre, des Bromélies. Elles étaient bien là, les plantes, elles régnaient. Certains vivaient des autres, griffant le ciel en quête de plus de lumière. D’autres donnaient de l’ombre et des fruits tandis que des millions de feuilles se transformaient en excroissances, pour donner leur jus. "

LC avec Ingannmic  ICI



7 commentaires:

  1. Pas sur que je suive... J'ai vraiment du mal avec cette littérature!

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  2. Ah oui, comme le fait remarquer Keisha sur mon blog, nous n'avons pas du tout axé nos comptes-rendus sur le même point de vue. J'ai trouvé que Gardel n'était finalement qu'un personnage secondaire de l'histoire, et si on peut trouver en effet que Micaela, pendant ces 27 jours, est "soumise", il me semble qu'elle n'attendait rien de cette liaison qu'elle savait éphémère, et qui lui a permis de faire une "parenthèse" à un moment de sa vie où elle avait une décision difficile à prendre pour son avenir. J'ai adoré ce roman !

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  3. J'ai lu vos deux billets l'un à la suite de l'autre et c'est intéressant de voir vos perceptions différentes. Il y a des aspects qui m'intéresseraient, à vrai dire surtout la trajectoire de la jeune femme, mais peut-être moins Gardel et son entourage.

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  4. Oh, oui, la grand-mère est formidable ! Je rejoins par ailleurs Ingannmic : pour moi, Gardel est secondaire. D'ailleurs, le titre me semble choisi avec malice, comme un pied de nez à l'Histoire qui préfère retenir les tombeurs de ces dames plutôt que les femmes indépendantes qui font avancer la science.

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  5. Tu es moins enthousiaste qu'Ingannmic mais tu n'as pas été sensible non plus aux mêmes aspects du roman. Vos avis sont finalement complémentaires

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  6. cela fait deux fois que je croise ce roman sur la blogosphère aujourd'hui avec des avis qui se rejoignent et me donnent une envie mitigée de lire ce roman .

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  7. il me semble avoir vu un spectacle à Avignon il y a quelques années sur sa vie, que j'avais bien aimé mais qui au final ne m'a pas laissé grand souvenir, mais pas sûre que roman soit idéal pour en savoir plus!

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