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dimanche 7 avril 2024

Théâtre : Sophocle : Antigone

 

Antigone de Sophocle Entre danse et théâtre

J’ai assisté à la représentation de Antigone de Sophocle à La Scala de Provence dans la mise en scène de Laurent Hatat  et Emma Gustaffon.

Antigone, Ismène, Polynice et Etéocle sont les enfants de Jocaste et d’Oedipe qui sans le savoir a épousé sa mère et est devenu le roi de Thèbes. Tous appartiennent à la famille de Labdacides marquée par la fatalité.
Après la mort d’Oedipe, Polynice et Etéocle se disputent le pouvoir et Polynice appuyé par les Argiens attaque Thèbes. Thèbes triomphe mais les deux frères sont morts. Créon, leur oncle, prend le pouvoir. Il ordonne d’enterrer Etéocle mais refuse toute sépulture à Polynice qu’il considère comme un traître. Antigone décide d’ensevelir son frère malgré l’interdiction. Elle sait qu’elle risque la mort. Découverte, elle est enfermée vivante et se pend. Son fiancé Hémon, fils de Créon, se suicide et la mère d’Hémon aussi.
Dans la pièce de Sophocle, Antigone juge que les lois de Dieu sont supérieures au pouvoir humain et elle se dresse contre la tyrannie de Créon. Ce dernier représente l’Hybris, l’orgueil démesuré de l’homme qui se prétend l’égal de Dieux.  Il représente ici la raison d'état supérieure pour lui au règles de la morale.
Au-delà de la signification religieuse, Antigone est devenue le symbole de tous ceux qui s’élèvent contre le pouvoir lorsqu’il est synonyme d’injustice ou d’inhumanité. Elle s’insurge contre l’illégitimité et le Mal en  politique.

Le texte traduit par Irène Bonnaud et Malika Hammou est moderne, direct et beau et résonne toujours de manière aussi actuelle quant au message qu’il fait passer depuis près de  2500 ans qu’il ne cesse de nous parler ! Il nous dit qu’il faut savoir dire non au pouvoir lorsque celui-ci est injuste. Et c’est bien sûr un message toujours vrai qui ne cesse de nous interpeller dès que nous tournons nos regards vers le présent. C’est pourquoi j’ai moins apprécié le texte moderne ajouté à celui de Sophocle pour nous « donner des exemples d’injustice et de lutte à notre époque », comme si le spectateur n’était pas capable de comprendre tout seul, comme si le texte n’était pas assez clair !

Que Sophocle ait choisi une femme pour nous montrer cette vérité n’est pas anodine. Créon ne supporte pas la désobéissance mais il l'accepte encore moins venant d’une femme !  Et ce n’est pas, non plus, inintéressant de savoir que c’est une toute jeune fille (les femmes grecques étaient mariées en moyenne vers l’âge de 14-15ans) et Antigone est sur le point de célébrer son mariage avec Hémon. J’ai d’ailleurs bien aimé l’interprétation d’Antigone toute pétrie d’indignation envers le mal, d’intransigeance envers ceux qui ne pensent pas comme elle (sa soeur Ismène ), de courage et de fragilité pourtant devant la mort. Ismène est un personnage secondaire. Elle représente ceux qui, silencieux, n’approuvent pas mais ont peur d’intervenir. Pourtant, elle ne manque pas de courage lorsqu’elle veut partager le sort de sa soeur et la comédienne qui interprète le rôle permet de souligner son importance. La majorité n’est-elle pas plutôt Ismène qu’Antigone quand il s’agit de risquer sa vie ? Par contre, l’interprétation de Créon joué par une femme m’a paru moins convaincante, pas assez naturelle, un peu trop déclamatoire. Je ne suis jamais arrivée à voir le personnage ni à ressentir de l’émotion à travers elle.
Ce que j’ai le plus apprécié dans la mise en scène, c’est le mélange entre le théâtre et la danse, le mouvement laissant place à la parole, la parole le cédant au mouvement, une danse sur une musique originale qui est très belle en harmonie avec le texte et signifiant par rapport aux évènements. La scène est couverte de fibres noires qui est à la fois la terre qu’Antigone dépose par poignées sur le corps de son frère, mais qui représente aussi le destin, les danseurs dessinant leurs évolutions, traçant des arabesques sur la noirceur du sol éclairé de rouge, troué de sang.

Antigone : Texte Sophocle


Traduction Irène Bonnaud et Malika Hammou


augmentée de textes commandés à Julie Ménard


Conception et mise en scène Laurent Hatat & Emma Gustafsson


Avec Mathilde Auneveux, Flora Chéreau, Sylvie Debrun, Bouba Landrille Tchouda, Claire-Lyse Larsonneur, Samir M’Kirech


Assistant à la mise en scène Mathias Zakhar


Création musicale Laurent Pernice


Création lumière Anna Sauvage


Régie générale et plateau Roméo Rebiere


Administration et production Henri Brigaud et Elena Le Junter


3 commentaires:

  1. Merci pour ce retour qui nous permet d'avoir une petite idée de cette représentation

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  2. Miriam : Une nouvelle Antigone? C'est une de mes pièces préférées, j'ai hâte de la découvrir (si elle est jouée près de chez moi)

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  3. Antigone traverse vraiment les âges! Quel personnage!

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