Giorgione : portrait de Ludovisi |
Dans les Mémoires de Giorgione, Claude Chevreuil raconte, à partir des quelques données biographiques glanées dans la Vie des meilleurs peintres, sculpteurs, architectes de Vasari, la vie du grand peintre vénitien, Giorgio de Castelfranco, plus connu sous le pseudonyme de Giorgione : Le Grand George, l'unique, le seul.
On sait peu de choses sur ce peintre qui reste, à la fois par sa vie et par ses oeuvres, l'un des plus mystérieux de la Renaissance. D'origine modeste -ses parents sont paysans- il est né près de Venise à Castelfranco, vraisemblablement en 1477. Il est mort de la peste en 1510 au moment où il atteignait la pleine maîtrise de son art à l'âge de 33 ans.
Il vint à Venise très jeune pour devenir apprenti du plus grand maître vénitien de l'époque, Giovanni Bellini. Très doué, il crée son propre atelier où il enseigne à de nombreux élèves et, en particulier, au Titien qui devient vite un rival.
Laura, une courtisane, a joué un grand rôle dans sa vie et a servi de modèle à la majorité de ses figures féminines. En dehors de Bellini, il a subi l'influence de Léonard de Vinci, de Dürer, peintres qu'il a pu rencontrer à Venise.
Lui-même a ouvert la porte à une nouvelle manière de peindre. Amoureux du mystère et de l'ésotérisme, il crée un oeuvre difficile qui présente de multiples possibilités d'interprétations et qui sera appréciée non du grand public, comme celle de son élève Le Titien, mais d'un petit nombre d'amateurs éclairés et érudits.
A partir de ces données, Claude Chevreuil écrit un roman qui redonne vie au Giorgione en comblant par l'imagination les lacunes de sa biographie. Le tout donne un livre intéressant, documenté, où l'invention est toujours vraisemblable et étayée par des connaissances solides. C'est une manière bien agréable de découvrir la Venise du XVIème siècle, ses personnages célèbres, ses artistes, et d'accéder aux clefs qui nous ouvrent l'oeuvre du Giorgione. Le peintre qui se sait atteint de la peste écrit ses mémoires l'intention de son élève le plus cher Sebastiano del Piombo.
Une des oeuvres qui assura la célébrité du peintre est le rétable de la Vierge à l'enfant commandé par Constanzo Tuzio pour le tombeau de son fils, le condottiere Matteo. La Vierge y est entourée de Saint François d'Assise et de Saint Nicaise. Tous les personnages du tableau doivent regarder en direction de Matteo. C'est la seule contrainte donnée au peintre par le père en deuil.
J'ai érigé ma Vierge sur un trône comme sur un nuage, explique Le peintre dans le roman de Claude Chevreuil. Là était une nouveauté : jamais Bellini n'avait autant surélevé la Madone jusqu'à donner l'impression d'un recul infini, d'un isolement dans l'espace (...) mon intention : les saints ont été impuissants à empêcher la mort terrestre de mateo, Marie l'accueille avec douceur dans sa haute paix céleste.
Quelques tableaux du Giorgione
Ce portrait saisissant de réalisme est peut-être celui de la mère de Giorgione.
Les deux oeuvres les plus mystérieuses du Giorgione sont les Trois philosophes et La Tempête
Le tableau des Trois philosophes qui a été peint pour son ami Taddeo Contarini présente les Rois Mages au moment où ils guettent l'apparition de l'Etoile au sommet du mont Victorialis. La scène se déroule près d'une grotte où Adam et Eve ont commencé leur vie terrestre après avoir été chassés du Paradis.
Fidèle à son goût du secret et à la demande du commanditaire Taddeo Contarini, Giorgione va peindre ce sujet en cherchant à brouiller les cartes, pour que celui-ci ne soit pas lisible par tous. La grotte est couronnée par les feuilles de lierre qui évoque le Salut et par les feuilles de figuier qui est l'Arbre du Bien et du Mal, le péché. Les trois troncs de l'arbre mort (importance du nombre trois) représentent l'Arbre du Paradis qui s'est desséché après le péché originel, le massif d'un vert profond, à côté, est l'Arbre de Vie qui annonce le Salut. Giorgione représente ses mages comme des astronomes scrutant et analysant le ciel. Le plus jeune, assis, regarde la caverne à l'intérieur de laquelle se reflète l'Etoile. Le peintre lui a prêté ses traits. Il tient un compas, une équerre et des feuillets. Le plus grand avec un turban devait représenter dans la première esquisse du tableau, le mage noir. Mais, en quête d'hermétisme, Giorgione lui rend sa pâleur; il devient soit un astronome arabe, soit un philosophe oriental. Le plus âgé qui devait porter une coiffe riche et exotique à l'origine est coiffé d'une simple capuche dans la peinture définitive. Les mages sont ainsi dépouillés de leur condition royale. Ils symbolisent les trois âges de l'Homme en quête de la connaissance : Ils représentent le genre humain atteignant la connaissance du divin grâce à la science et à la philosophie, note Claude Chevreuil. Le sujet traditionnel, n'est pas aboli, mais dépassé et porté à son niveau le plus élevé.
Son goût du secret culmine dans La Tempête qu'il a peint pour Gabriele Vendramin et qui a donné lieu à des dizaines d'interprétations.
Giorgione a voulu y peindre Le baptême du Christ. Une interprétation très originale. c'est la première fois que l'on représente La Vierge nue. Marie a les traits de Laura et donne le sein au Christ.
Le personnage sur la gauche avec son bâton est Saint Sébastien. Il est vêtu d'une manière élégante et non de peau de bête comme le veut la tradition.
La ville est Jérusalem. L'éclair représente la fin de l'idôlatrie, le début de la vraie religion. Les deux colonnes brisées sont les emblèmes de deux vies brisées elles aussi, celle de Jésus crucifié à lâge de 33 ans, celle de Saint-Jean Baptiste décapité à l'âge de 28 ans.
commentaires enregistrés lors de la publication de ce billet dans mon ancien blog :
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Nous nous sommes données le mot pour nous plonger dans la peinture, j’aime bien les bio de peintres, je n’en ai pas lu beaucoup : vinci, michel ange mais j’aime et je note celle ci car Giorgione est un peintre qui m’intrigue
Rédigé par : Dominique | le 01 juin 2009 à 07:53 | Répondre | Alerter | Modifier
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Oui, les bio romancées des peintres nous permettent de mieux comprendre leurs oeuvres mais aussi d’imaginer cette vie foisonnante et brillante de la Renaissance.
J’ai lu aussi et avec beaucoup de plaisir :
Puissant et solitaire de Stone Irving sur Michel Ange
L. de Vinci de Serge Branly
La Passion Lippi de Sophie Chauveau (elle a aussi écrit le rêve Botticelli que je n’ai pas lu.)
Au temps où la Joconde parlait de Jean DiWo sur Antonello de Messina
Il y aussi :
Le roman de léonard de Vinci de Dimitri Merejkovski (pas lu) mais que j’aimerais bien découvrir un jour.
Rédigé par : claudialucia | le 01 juin 2009 à 14:34 | Répondre | Alerter | M