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dimanche 27 février 2022

Isabelle Allende : L’île sous La mer


Après le Le royaume de ce monde d’Alejo Carpentier, écrivain cubain, (billet ici), j’ai lu L’île sous La mer d’Isabelle Allende, écrivaine chilienne, tous les deux réunis dans mon blog par l’époque historique qu’ils explorent dans leur livre, la révolte des esclaves à Saint Domingue, la déclaration de l’indépendance suivie de la création de la République d’Haïti.

Toussaint Louverture

Le roman d’Alejo Carpentier commence dans les années 1750 en racontant la jeunesse de Mackandal, un esclave noir dont la révolte échoue et qui meurt sur le bûcher en 1758. La première partie du roman d’Isabelle Allende débute en 1770 et finit en 1793, quelques années après la grande révolte de 1791 qui chasse les grands propriétaires terriens de leur domaine. On y rencontrera aussi Mackandal dans un retour en arrière et nous suivrons les étapes complexes de la lutte pour la libération de l’île avec tous les grands noms cette époque historique, Dutty Boukman, Toussaint Louverture, Jean Jacques Dessalines, et en écho, les bouleversements de la révolution française et l’arrivée de Bonaparte au pouvoir.
La seconde partie se passe en Louisiane de 1793 à 1810 à la Nouvelle-Orléans  vendue par la France aux américains ) ou se sont réfugiés les anciens maîtres de Saint Domingue qui, d’ailleurs, acquièrent des terres, y font travailler les esclaves ramenés d’Haïti et même en achètent d’autres. Le Monde n’a pas trop changé pour eux finalement !

Cérémonie vaudou du Bois Caïman menée par Boukman

Dans le récit, la voix de Zarité, jeune esclave vendue à l’âge de 9 ans à un maître blanc, Toulouse Valmorain, alterne avec le récit d’un narrateur extérieur qui décrit les personnages nombreux du roman et présente les riches péripéties du roman et de l’Histoire, formant une trame complexe et enchevêtrée.
Si la part de l’Histoire est importante, celle de la fiction l’est aussi beaucoup et nous suivons avec empathie le personnage de Zarité, fillette violée par son maître qui, lorsqu'elle devient mère, se voit séparée de son fils. Nous partageons avec elle l’horreur de l’esclavage, des sévices, des humiliations. Nous voyons comment les esclaves sont arrachés de leur pays avec la complicité d’Africains, comme eux, profiteurs sans scrupules qui brûlent les villages et livrent leurs « frères » noirs aux négriers. Nous les voyons traités comme du bétail, mourant sous les coups de fouet, décimés par la maladie, la faim et l’exploitation.  

Dans ce roman, si les hommes, qu’ils soient personnages historiques ou fictionnels, sont nombreux et intéressants, les femmes, surtout, esclaves ou affranchies, sont particulièrement attachantes. Isabelle Allende brosse un beau portait de Zarité, petite fille maltraitée, mère tendre et douloureuse, capable de sacrifice, d’abnégation, femme amoureuse, femme toujours courageuse et digne. Nous nous intéressons à son combat individuel pour obtenir son affranchissement et celle de sa fille Rosette. Les mulâtresses comme Violette occupe un statut à part mais sont toujours inférieures dans cette société où les blancs continuent à tenir le haut du pavé. Et puis il y a Tante Rose, la guérisseuse, la prêtresse vaudou, à la forte personnalité, qui est dotée de pouvoirs magiques et convoque les dieux et les morts à la rescousse. Le Vaudou plane sur  la révolution, secourt les réprouvés, les transporte, enflamme les esprits, et, au cours de la cérémonie du Bois Caïman menée par Boukman, déclenche la révolte.

Quant aux femmes blanches, en dehors de Pauline Bonaparte qui est un personnage fascinant, échappant aux normes de la société, elles ne sont pas épargnées. Elles sont même souvent, elles aussi, victimes : Eugénia Valmorain qui ne supporte pas le climat de Saint Domingue, est obligée de vivre dans la propriété de son mari, avec des esclaves dont elle a peur, et sombre peu à peu dans la folie. Pendant la révolution, ces femmes subissent un sort encore plus terrible que celui des hommes, violées par les esclaves avant d’être égorgées ou éventrées.

Contrairement au roman de Carpentier, L’île sous la mer, fait appel à l’empathie du lecteur, à sa participation active alors que  Le royaume de ce monde est une chronique, abrupte, sans concession des faits historiques mais avec une part de fiction. Dans L’île sous la mer ( le titre fait allusion au Paradis des esclaves morts) la part de romanesque est plus large, romanesque au sens plaisant du terme, qui nous fait vivre des aventures et nous fait partager les sentiments des personnages.

Vision historique, anti-esclavagiste, antiraciste, vision humaniste et aussi féministe, le roman d’Isabelle Allende a donc beaucoup de qualités pour captiver le lecteur. 

 

Hispaniola : Haïti et la République dominicaine

 


 

5 commentaires:

  1. Je n'ai jamais lu de roman d'Isabelle Allende, celui-ci pourrait être l'occasion de commencer.

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  2. J'ai beaucoup lu cette autrice il y a une 20aine d'années puis je l'ai un peu délaissée... à tort, comme le prouve ce très chouette billet ! Je n'ai plus qu'à organiser une 3e édition du mois latino en 2023 !!

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  3. J'ai lu deux romans d'Isabel Allende et j'ai à chaque fois apprécié son talent de conteuse. Je note celui-ci, je ne connais pas l'histoire que dans les grandes lignes.

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  4. Elle fait partie des auteurs qu'il faut absolument que je découvre :-) on me l'avait déjà conseillée évidemment

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  5. elle fait partie de mes "à découvrir aussi!"

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