Pages

PAGES

samedi 26 novembre 2022

Marie-Christine Helgerson : Louison et monsieur Molière

 

Louison et Monsieur Molière de Marie-Christine Helgerson est un livre paru aux éditions Flammarion jeunesse dans la collection Les plus belles lectures du collège (à partir de 11 ans) .
Ma petite-fille doit le lire pour sa classe, elle est en cinquième. C’est un livre court (126 pages) d’un niveau facile. Il me semble qu’il pourrait être aussi présenté en primaire, CM1 ou CM2. Il est suivi d’un dossier sur Molière et le théâtre de son temps. 

Jeanne-Olivier Bourguignon épouse de Jean Beauval


Louison est la fille de Jean Pitel de Beauval et Jeanne Beauval, tous deux acteurs dans la troupe de Molière au Palais Royal devenu depuis la Comédie française ou La Maison de Molière. (voir le site de le Comédie française ICI
Louison n’est pas jolie et sa mère, belle comédienne remarquée par le roi, ne l’aime pas et la tient à l’écart. Mais la fillette rêve de monter sur scène et de jouer dans la troupe de Molière qu’elle admire et qui mange souvent à la table de ses parents. C’est pourquoi elle est très motivée pour apprendre à lire et très vite avec sa nourrice Frosine comme complice, elle connaît par coeur toutes les répliques des pièces du dramaturge. Un jour, elle joue à faire la morte pour attirer l’attention ses parents, et c’est si convaincant que Molière décide d’écrire un rôle pour elle. Ce sera celui de Louison, l’adorable et espiègle petite fille menacée du fouet par son papa, dans Le malade imaginaire

 (extrait scène 2 acte II)

ARGAN.— N’avez-vous rien à me dire?

LOUISON.— Je vous dirai, si vous voulez, pour vous désennuyer, le conte de Peau d’âne, ou bien la fable du Corbeau et du renard, qu’on m’a apprise depuis peu.

ARGAN.— Ce n’est pas là ce que je demande.

LOUISON.— Quoi donc?

ARGAN.— Ah! rusée, vous savez bien ce que je veux dire.

LOUISON.— Pardonnez-moi, mon papa.

ARGAN.— Est-ce là comme vous m’obéissez?

LOUISON.— Quoi?

ARGAN.— Ne vous ai-je pas recommandé de me venir dire d’abord tout ce que vous voyez?

LOUISON.— Oui, mon papa.

ARGAN.— L’avez-vous fait?

LOUISON.— Oui, mon papa. Je vous suis venue dire tout ce que j’ai vu.

ARGAN.— Et n’avez-vous rien vu aujourd’hui?

LOUISON.— Non, mon papa.

ARGAN.— Non?

LOUISON.— Non, mon papa.

ARGAN.— Assurément?

LOUISON.— Assurément.

ARGAN.— Oh çà, je m’en vais vous faire voir quelque chose, moi.

Il va prendre une poignée de verges.

LOUISON.— Ah! mon papa.

ARGAN.— Ah, ah, petite masque, vous ne me dites pas que vous avez vu un homme dans la chambre de votre sœur?

LOUISON.— Mon papa.

ARGAN.— Voici qui vous apprendra à mentir.

LOUISON se jette à genoux.— Ah! mon papa, je vous demande pardon. C’est que ma sœur m’avait dit de ne pas vous le dire; mais je m’en vais vous dire tout.

ARGAN.— Il faut premièrement que vous ayez le fouet pour avoir menti. Puis après nous verrons au reste.

LOUISON.— Pardon, mon papa.

ARGAN.— Non, non.

LOUISON.— Mon pauvre papa, ne me donnez pas le fouet.

ARGAN.— Vous l’aurez.

LOUISON.— Au nom de Dieu, mon papa, que je ne l’aie pas.

ARGAN, la prenant pour la fouetter.— Allons, allons.

LOUISON.— Ah! mon papa, vous m’avez blessée. Attendez, je suis morte.

Elle contrefait la morte.

ARGAN.— Holà. Qu’est-ce là? Louison, Louison. Ah! mon Dieu! Louison. Ah! ma fille! Ah! malheureux, ma pauvre fille est morte. Qu’ai-je fait, misérable? Ah! chiennes de verges. La peste soit des verges! Ah! ma pauvre fille; ma pauvre petite Louison.

LOUISON.— Là, là, mon papa, ne pleurez point tant, je ne suis pas morte tout à fait.

ARGAN.— Voyez-vous la petite rusée? Oh çà, çà, je vous pardonne pour cette fois-ci, pourvu que vous me disiez bien tout.

LOUISON.— Ho, oui, mon papa.

ARGAN.— Prenez-y bien garde au moins, car voilà un petit doigt qui sait tout, qui me dira si vous mentez.

LOUISON.— Mais, mon papa, ne dites pas à ma sœur que je vous l’ai dit.

ARGAN.— Non, non.

LOUISON.— C’est, mon papa, qu’il est venu un homme dans la chambre de ma sœur comme j’y étais.

ARGAN.— Hé bien?

LOUISON.— Je lui ai demandé ce qu’il demandait, et il m’a dit qu’il était son maître à chanter.

ARGAN.— Hon, hon. Voilà l’affaire. Hé bien?

LOUISON.— Ma sœur est venue après.

ARGAN.— Hé bien?

LOUISON.— Elle lui a dit: «sortez, sortez, sortez, mon Dieu sortez, vous me mettez au désespoir».

ARGAN.— Hé bien?

LOUISON.— Et lui, il ne voulait pas sortir.

ARGAN.— Qu’est-ce qu’il lui disait?

LOUISON.— Il lui disait je ne sais combien de choses.

ARGAN.— Et quoi encore?

LOUISON.— Il lui disait tout ci, tout çà, qu’il l’aimait bien, et qu’elle était la plus belle du monde. (...)

Louison aura donc le privilège d’interpréter le rôle qui porte son nom et de donner la réplique à Molière lui-même ! Mais, comme on le sait, Molière mourra à la quatrième représentation de la pièce et la carrière de Louison s’arrête jusqu’à ce que….

Louison Beauval Pitel épouse Beaubour Ici
 

Ce roman a le mérite de présenter  le Paris du XVII siècle, le théâtre et Molière à travers la vision d’une enfant qui vit une passion. On y voit Jean-Baptiste Poquelin à un stade avancé de sa maladie, crachant le sang, entouré par Madeleine Béjart qui est au petit soin pour lui mais qui disparaît avant lui, alors qu’Armande, son épouse, indifférente, le fait souffrir. On le voit attristé par la mort de son fils s’attacher à la petite Louison et écrire pour une enfant un rôle étonnant de vérité, et rare dans le théâtre français. On y apprend que les comédiens ont mauvaise réputation et sont excommuniés par l’église, ne pouvant être enterrés en terre consacrée.  

Bref! une présentation du XVII siècle et du théâtre de Molière dans un style simple, direct à la portée de jeunes lecteurs qui pourront s’identifier à Louison tout en découvrant l’homme et l’oeuvre à travers le personnage de Molière.

Jean Baptiste Poquelin


7 commentaires:

  1. Belle lecture 'jeunesse' pour nos élèves!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cette collection est intéressante pour les jeunes élèves, en effet !

      Supprimer
  2. un point de vue original. Les vieilles dames peuvent peut être apprécier?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les grands mères, oui, pour partager avec leur petite-fille ! Sinon, à notre âge , on n'y apprend rien de nouveau. Le livre est une initiation au théâtre du XVII et à Molière pour de jeunes élèves. Mieux vaut lire une biographie de Molière !

      Supprimer
  3. à noter pour les CDI! Bon dimanche!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Toute la collection me paraît bien, du moins ce que j'en ai vu, à des niveaux divers

      Supprimer
  4. J'ai essayé de l'offrir à ma nièce, elle est sans doute encore un peu jeune... J'ai pas eu de retour (si ce n'est un courrier de remerciement sans doute co-écrit avec papa-maman...)!
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

    RépondreSupprimer

Merci pour votre visite. Votre message apparaîtra après validation.