Marta et Arthur de Katja Schönherr
Quand Marta se réveille cette nuit-là et qu’elle constate la mort d'Artur, son non-époux ( car il ne voulait « surtout pas l’épouser » ), le lecteur a quelques raisons de s’étonner. Non seulement Marta diffère le moment d’appeler son fils au téléphone mais elle a l’air de ne pas trop croire à cette mort et de souvent la remettre en cause. La voilà qui essaie de recouvrir son mari allongé dans le lit sous une couche de sable et de le déguiser en dieu de la mer en le munissant d’un trident. L’on apprendra qu’il déteste le contact du sable. Et pendant la journée et les deux nuits qui suit cette mort, se déroule le récit de cette haine qui unit le couple depuis quarante ans, et de toutes les cruautés mesquines qui ont jalonné leur vie.
Marta est une jeune fille bien malheureuse. Elle n’a pas connu son père. Sa mère boit, reçoit ses amants, la brutalise et la jette dehors le jour de ses dix-huit ans. C’est peut-être pour cela que Marta, flattée qu'un adulte s'intéresse à elle, a une relation sexuelle avec Artur, ce professeur plus vieux qu’elle, qu’elle a connu sur les bancs du lycée, lui, stagiaire-professeur et elle élève en dernière année. Outre que cet homme, froid, tatillon, étroit d’esprit, sans chaleur humaine, s’intéresse de trop près aux très jeunes filles, elle n’en est même pas amoureuse ! C’est contraint et forcé qu’il l’accueille chez lui quand elle est à la rue, puis qu’il est acculé à la vie commune lorsqu’il lui fait un enfant.
On ressent d’abord beaucoup d’empathie envers cette jeune femme dont le mari ne se dérange même pas pour aller la chercher à la maternité, elle et leur bébé, après son accouchement et semble préférer ses poissons à son fils.
"Les deux mains appuyées sur les genoux, Artur fixait les poissons d'un air absent. Cette odeur inhabituelle montait à la tête de Marta. Elle s'assit quand même à côté d'Artur, avec son ventre évidé. Elle retira sa veste, ouvrit son chemisier et essaya d'allaiter. Le bébé ouvrit une bouche vorace. Artur ne faisait pas attention à eux. On aurait dit un personnage en cire."
Artur témoigne d'une méchanceté qui fait mouche, l'indifférence et les mots faisant plus mal que les coups. D’autre part, quand l’enfant grandit, il paraît, lui aussi, aussi dur que son père à qui il ressemble. Pourtant, l’attitude de la mère envers lui quand il est plus grand, est dérangeante. Et quand Michaël, prévenu de la mort de son père arrive chez Marta, il apporte un autre éclairage au personnage. Est-elle vraiment une victime ? Et l’on finit par se poser la question de savoir si Marta a glissé vers la démence et à quel moment. N’a-t-elle pas aussi un peu « aidé » à la mort « naturelle » d’Artur ?
Ce premier roman est extrêmement maîtrisé. L’écrivaine manifeste beaucoup d’habileté dans la conduite du récit. Elle nous englue dans la grisaille de l’âme humaine, dans le désespoir sans révolte, et la non-existence. Elle nous aiguille aussi sur des voies différentes qui nous obligent à revenir sur nos certitudes. C’est extrêmement dur et cette lecture m’a fait souffrir même si je reconnais le talent de Katja Schönherr et, peut-être, justement à cause de ce talent !
A lire ton billet et celui de Kathel, j'ai eu de la chance avec "la famille Ruck" où l'humour permet de supporter l'histoire. Les personnages ne m'ont pas paru aussi sombres non plus. Je vais laisser passer du temps avant de lire Marta et Arthur ... peut-être.
RépondreSupprimerOui, là, il n'y a pas d'humour. C'est noir et tellement triste !
Supprimerje passe mon tour pour le moment, envie de moins noir, mais il a l'air très réussi!
RépondreSupprimerDisons que c'est un livre à lire... mais quand on sait qu'on pourra le supporter.
SupprimerIl me semble avoir vu ce roman sur plusieurs blogs récemment. Je vois que tu es enthousiaste mais iil me semble avoir lu des avis plus mitigés.
RépondreSupprimerEnthousiasme ? Oui, bien sûr, c'est un bon livre !
SupprimerExcuse-moi d'être un peu directe : je trouve que tu en dis beaucoup sur ce roman. Je ne pense pas que j'aurais aimé savoir tout ça avant de le commencer.
RépondreSupprimerMon billet est resté plus en surface, mais sans pouvoir dire que j'ai aimé, tant ce roman est sombre, j'ai été assez impressionnée pour avoir envie de lire le roman suivant de Katja Schönherr.
Non, ne t'excuse pas, tu as raison de dire ce que tu penses mais je n'avais pas l'impression d'en avoir dit trop. Je pense que je lirai d'autre roman d'elle, moi aussi, mais pas tout de suite ! Il me faut avaler celui-ci !
SupprimerGrisaille ou noirceur ? Je ne me sens pas prête à lire ça, même si ton billet attise ma curiosité.
RépondreSupprimerOui, c'est une écrivaine à connaître, un bon livre mais je l'ai ressenti comme très noir ! Disons que cela la nature humaine n'y est pas vue d'une manière optimiste !
Supprimerje suppose que ce n'est pas ce roman qui peut me remonter le moral qui en ce moment n'est pas terrible : grisaille de novembre , nouvelles internationales, et nationale !!!
RépondreSupprimerLà tu as raison; Ce roman ne remonte pas le moral !!
SupprimerCela a l'air bien glauque! Même avec beaucoup de talent j'ai du mal à suivre deshéros antipathiques.
RépondreSupprimerglauque , oui ! Des existences gâchées. Un roman qui remue !
SupprimerJ'ai lu tout récemment La famille Ruck, mais il ne m'a pas assez convaincue pour me donner envie de lire d'autres romans de cette autrice. Je changerai peut-être d'avis plus tard. Je n'avais pas détesté non plus.:)
RépondreSupprimerDans la famille Ruck, d'après Aifelle, il y a de l'humour. Là, j'ai beau cherché, non !
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