Pages

PAGES

mercredi 8 juin 2022

Anthony Trollope : Le domaine de Belton


Le domaine Belton : le récit

Clara Amedroz est la fille du propriétaire du château de Belton, Bernard Amadroz. Ce dernier vient de perdre son fils qui s’est suicidé après avoir ruiné son père par une vie dissolue. A la mort du vieillard, le domaine doit donc revenir à un cousin Will Belton, qui gère sa propre propriété avec profits, sans hésiter à participer lui-même aux travaux des champs. Un paysan ?  Ce dernier tombe amoureux de la jeune fille et veut l’épouser mais elle lui préfère le capitaine Frederic Aylmer, membre du parlement, beaucoup plus raffiné et cultivé. Fiancée au capitaine, elle s’aperçoit bien vite qu’on la reçoit dans cette noble famille sans enthousiasme car elle n’a pas de dot et son futur mari se montre assez froid avec elle. Elle comprend aussi que sa  future belle-mère exigera d’elle une obéissance absolue. Clara se révolte… 

 Encore un roman sur l'émancipation féminine

Même s’il paraît léger et rapide à priori, ce roman n’en est pas moins une lecture agréable et finalement pleine d’intérêt,  qui permet la découverte des moeurs de l’époque et présente une analyse des personnages toujours aussi fine.
Et tant pis si Henry James a jugé ce livre sévèrement ! Si l’on creuse un peu, l’on s’aperçoit que Anthony Trollope est très en avance sur le thème de l’émancipation de la femme. Clara est capable de tenir tête à son fiancé Frederic Aylmer et surtout à la mère de celui-ci qui prétend régenter la vie de sa future bru. Quant à Frederic, snob et rigide, il est partagé entre son amour (tiède) pour Clara et son désir d’épouser une femme fortunée. 

Lady Almey, orgueilleuse, pleine de morgue et formaliste, critique souvent Clara et condamne, en particulier, l’amitié de Clara pour une femme qu’elle juge immorale et infréquentable. Or cette femme Mistress Askerston a été mariée avec un homme qui la maltraitait. Elle s’est séparée de lui et a vécu avec le colonel Askerton avant de l’épouser à la mort de son premier mari. Un scandale ! Elle est donc perdue de réputation, ne peut être reçue dans le voisinage et n’a pour seule amie que Clara. Celle-ci lui reste fidèle malgré les interdits de lady Aylmer. C’est un preuve d’amitié et de solidarité. L’histoire parallèle et apparemment secondaire de Mistress Askerton me paraît tenir une place primordiale dans la roman. Il faut se replacer dans l’époque pour comprendre  le courage qu’il fallait à Clara pour prendre cette décision qui met à mal ses espoirs de mariage et risque de la compromettre elle aussi.
Encore donc un roman « féministe » avant la lettre même si Trollope a lui-même des préjugés sur ce que doit être la femme parfaite, capable «  de se laisser guider avec douceur et fermeté » par son mari  à condition qu’il soit « le meilleur des maris »!!

Humour et dérision

L’écrivain manie l’humour et la dérision (tendre) envers ses personnages, Will et Clara qu’il aime bien ! Il les observe avec indulgence comme un père ses enfants ! Il intervient dans l’action, s’adressant aux lecteurs, les faisant juges des maladresses de l’un (Will Belton, sympathique, généreux, dévoué, mais un peu rustaud et irréfléchi) et de l’aveuglement de l’autre (Clara ne sait pas discerner ses véritables sentiments et se révèle pleine de contradictions ). Le lecteur est ainsi complice de l’auteur et s’amuse avec lui de l’imbroglio amoureux, tout en sachant que cette situation traitée avec humour pourrait être tragique pour cette jeune fille sans fortune. Les femmes de cette classe sociale n’ont pour avenir que le mariage et elles n’ont pas toujours le choix.  Pour avoir droit au bonheur, à la liberté de ses sentiments mais aussi de la pensée, il faut que Clara sache résister à la pression sociale, aux conventions, à la peur de la précarité. Il lui faut donc beaucoup de caractère, de volonté, d’intelligence et de lucidité pour repousser les préjugés de son époque et pour s’en sortir. Le statut de la femme n’est donc pas très enviable à l’époque victorienne.

Clara est un personnage attachant, on aime sa révolte et on est reconnaissant à Trollope de l'avoir créée et d'amener à une réflexion sur la femme !  Will Belton, malgré la maladresse de ses manières, se révèle un noble caractère.

L'écrivain a préféré traité l'histoire comme une comédie. Tout est bien qui finit bien pour eux mais... pas dans le meilleur des Mondes !

Voici trois autres romans de Trollope déjà commentés dans mon blog  :
 

Miss Mackenzie

John Bull sur le Guadalquivir

Phineas Finn

6 commentaires:

  1. Tu me redonnes grande envie de relire l'auteur!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tant mieux ! Il est intéressant et très prolixe; ce qui fait que l'on ne le connaît pas vraiment lorsqu'on n'a lu, comme moi, que cinq ou six livres de lui.

      Supprimer
  2. Tu me donnes envie de renouer avec l'auteur dont je n'ai lu que "Miss Mackenzie" qui m'a laissé peu de souvenirs.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il y a deux scènes très fortes et marquantes dans MIss MacKenzie au niveau de la critique sociale. Sinon, moi aussi il faudrait que je le relise.

      Supprimer
  3. Je n'ai jamais rien lu de cet auteur... Je feuilletterai, à l'occasion. Merci !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Un auteur intéressant mais tous ses romans ne sont pas au même niveau. Il semble que je n'ai pas encore lu ses chefs d'oeuvre.

      Supprimer

Merci pour votre visite. Votre message apparaîtra après validation.