C’est ainsi que la vie s’est arrêtée de Corinne Wargnier est un roman à l’atmosphère étonnante. Le lecteur a l’impression de pénétrer dans un no man’s land, un endroit entre parenthèses ou vivent ou plutôt végètent des personnages réunis dans la pension de famille de Tessa. Pourquoi sont-ils là? En vacances? et pourquoi dans cette ville dont le nom a un consonance italienne mais qui semble située nulle part, un lieu morne, sans beauté, englué dans l’immobilisme, noyé dans la poussière, accablé par la chaleur. Le lecteur plonge dans un monde qui semble devoir beaucoup à ce sentiment de l’absurdité de la vie que l’on retrouve chez Beckett, Buzzati ou le Camus de L’étranger. Le récit m’a paru aux premiers abords très (trop?) classique et je me suis dit que tout allait dépendre de la manière dont il était traité. Je vous rassure tout de suite, je l’ai aimé, je me suis laissé emporter progressivement par toutes ces tranches de vie, ces personnages de chair et de sang qui se débattent face à la solitude, la peur de vieillir, face au deuil des êtres qu’ils ont aimés, de leur jeunesse, de leur amour, de leurs espoirs.
Le roman présente deux parties : La première Chez Tessa enferme les voyageurs dans le huis clos de la pension avec juste quelques échappées dans le jardin ou vers la ville mais qui ne sont en rien libératrices. L’attente s’installe : il s’agit d’aller voir la mer mais la sortie est sans cesse différée par la nécessité de réparer le minibus qui doit les y amener.
Peu à peu nous nous intéressons à ces personnages dont certains sont attachants avec leurs tourments, les souffrances, leur passé qui se révèlent à nous : ainsi Armand Faulkner, vieil acteur vieillissant dont la carrière décline, qui dresse un bilan de sa vie; Lucie, la jolie jeune femme brune en mal d’amour, Alix engagée dans une liaison adultère et son amant Mattias, les Wright, couple bizarre et pathétique, et Tessa, courageuse et secrète.
Les personnages apparaissent selon des points de vue différents, chacun d’entre eux observant l’autre, étranges dans un univers où le sens se dissout ou le temps est suspendu. La plus étonnante et la plus lucide de ces observations est celle de Gab (Gabryel, le fils de Tessa), simple d’esprit. Le monde représente pour lui une énigme indéchiffrable. Ainsi l’absurdité du comportement humain est soulignée, non sans ironie, par celui qui n’est pas considéré comme «normal » : « Au début j’étais étonné. Mais maintenant je suis habitué. Et en réfléchissant bien, je me dis que c’est dans l’ordre des choses. Parce que les gens sont bizarres et souvent incompréhensibles. »
Ce n’est pas surprenant, donc, que le roman se termine, dans l'épilogue, par les mots émouvants de Gab : « C’est ainsi que la vie s’est arrêtée qui donne son titre au roman.
Dans la seconde partie du roman, La route de l’océan, les personnages partent enfin à la découverte de cette mer toute proche -nous dit-on- et pourtant si lointaine. Le lecteur pourrait attendre une libération, un souffle bénéfique, une respiration joyeuse. Mais il n’en est rien! J’ai même eu l’impression au niveau de l’intérêt du roman que l’histoire piétinait. Impression passagère! Au contraire, dans une sorte de crescendo, l’écrivaine nous mène sûrement, au cours de ce voyage dans lequel les tensions s’exacerbent, vers un dénouement inattendu, une fin tragique qui procure un sentiment de tristesse mais qui, curieusement, donne un sens à ces vies.
L’écriture de Corinne Wargnier, précise, élégante, crée une sensation d’accablement liée à tous les sens, la chaleur écrasante, la sueur, l’étouffement, la brûlure du soleil, l’aveuglement de la lumière. J’ai beaucoup aimé cette auteure et sa maîtrise dans la manière de conduire le récit en apparence immobile mais qui va son chemin et finit par nous surprendre et nous secouer, libérant l’émotion qui est en nous.
Je mets ce roman en livre en voyageur. Cela vous permettra de le découvrir ainsi que cette jeune édition Sur le Fil qui vient d’ouvrir ses portes en 2015 près de Toulon.Voir ICI
Bonjour Claudia. Je suis très intéressé par ce roman. Tu cites Dino Buzzati, alors...Bonne journée.
RépondreSupprimerJe te l'envoie cette semaine.
Supprimerle livre ne me tente pas mais je note le nom de l'éditeur, c'est bien d'en découvrir de nouveaux
RépondreSupprimerTu verras,je pense qu'ils ont des titres qui pourraient t'intéresser. Et puis tu es une dénicheuse de nouvelles éditions.
SupprimerJe ne suis pas vraiment attirée par l'histoire, mais je vais faire comme Dominique, aller voir la maison d'Edition.
RépondreSupprimerVa voir et si le style te plaît (il est très bien écrit)tu sais qu'il est en livre voyageur.
SupprimerUn nouvel éditeur à suivre, je suis allée faire un tour sur leur site, où on peut lire des extraits en ligne.
RépondreSupprimerL'atmosphère particulière de ce roman-ci ne me déplaît pas, à feuilleter d'abord pour voir si le style invite vraiment à la lecture.
Tu me fais signe Tania si tu le veux. Je l'envoie à Eeguab et ensuite je le fais circuler.
RépondreSupprimerpour une fois je passe
RépondreSupprimerEt oui, je sais , tu es débordée mais il te plairait!
SupprimerCurieuse de ce titre, j'ai aimé lire ton billet. Je ne vais toutefois pas te demander de le faire voyager jusqu'à ma camapagne...
RépondreSupprimerIl va partir à la fin de la semaine chez Eeguab, alors si le coeur t'en dit, ta campagne n'est pas si loin!
SupprimerJe serais curieuse de le découvrir d'après ce que tu en dis. S'il veut bien venir jusqu'au bout du monde... ;-)
RépondreSupprimerJe t'ajoute à la liste, Bretonne!
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