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jeudi 28 avril 2016

Raymond Lacroix : Un soir de Septembre à Tihuiten

Paysage de la Nouvelle-Calédonie (source)

Il y a quelques jours j'ai participé à une jeu poétique venu du Québec. Il s'agissait de partager son amour de la poésie avec d'autres personnes, inconnues ou non, dont on nous indiquait l'adresse mail, en envoyant un de nos poèmes favoris. Je vous ai d'ailleurs sollicités, chers amis blogueurs! Il faut croire que le jeu a voyagé puisque j'ai reçu, quant à moi, une poésie de la Nouvelle-Calédonie, Un soir de Septembre à Tihuiten, de Raymond Lacroix, envoyée par Régine G. que je remercie ici.

 Raymond Lacroix : Voir sa biographie ICI "La mort d’un poète : Raymond Lacroix n’est plus" parue en Mars 2005 à l'occasion de son décès.

 Un soir de Septembre à Tihuiten est un sonnet de facture classique qui montre l'influence française mais ce que j'ai le plus apprécié, c'est évidemment de découvrir l'île et sa culture.

 Un soir de Septembre à Tihuiten

La cascade aux roseaux bourdonne son glouglou
Bordant la tarodière en pente évanescente
Près des billons fumants, le danseur dans la sente
Scande un rythme oublié de l'antique pilou.

C'est l'heure vespérale ou règne le Tabou.
Du banian défeuillé la roussette s'absente;
Sur la brise des monts que l'érythrine hante
Les grincheuses du soir descendent en vol flou.

Des brouillards indécis s'enrobent sur la chaîne.
Un bramement résonne et déferle à la plaine;
La sylve en harmonie entonne sa chanson;

Le chant lent des notous retentit dans la gorge
Puis s'égrène aux grands pans que partout l'écho forge;
Mais tout âme bientôt s'apaise à l'unisson.

Raymond Lacroix

Le pilou est la danse traditionnelle kanake. Elle tient son nom des missionnaires français en Nouvelle-Calédonie. Les pilous marquent les grandes cérémonies mais aussi des événements plus mineurs : il existe des "pilous de guerre", des "pilous de deuil", ou encore de simples pilous d'adieu lors du départ d'une personne d'importance. Généralement, une tribu invite des tribus amies. La tribu invitante fournit la nourriture, les tribus invitées apportent des présents. Le chef de la tribu invitante prononce un discours. Une cérémonie a lieu. La danse consiste à tourner selon une spirale, hommes et femmes séparés, au son des instruments qui marquent la cadence, tambours en bambou et tambourins en écorce frappés l'un contre l'autre. Les hommes portent leurs armes, alors que les femmes portent des rameaux ou des bâtons. Les guerriers simulent des combats.
La dernière partie est une boria, danse totalement différente, mêlant les genres, en une sorte de piétinement lourd et rythmé, « réplique et préfiguration de cette occupation des défunts » (Leenhardt, Do Kamo, 112). La foule gesticule, martèle le sol, pilonne, écrase, en mesure.
Chaque danse invente sa propre chorégraphie. (source Wikipédia)

Rendue célèbre lors de l'exposition coloniale de 1931 à Paris où les kanaks amenés de leur île furent présentés comme des sauvages cannibales, la danse a connu un vif succès dans la bonne société parisienne qui l'avait adoptée et..  adaptée!  Les autorités françaises et l'église catholique considéraient cette danse comme indécente. Elle fut interdite en 1880 mais les cabarets continuèrent à l'offrir aux touristes. 





Le banian ou figuier de l'Inde se propage sur de grandes étendues grâce à ses racines aériennes qui se développent quand elles touchent la terre. Il  peut atteindre une taille gigantesque..
 
Banians (source)
 Les billons : désigne spécifiquement le monticule de terre allongé dans lequel sont cultivées les ignames. Les billons des anciennes cultures d'ignames des Mélanésiens étaient particulièrement importants, hauts de plus de 1 mètre, larges de 3 m, ils s'étendaient sur plusieurs dizaines de mètres en plusieurs rangs et permettaient d'obtenir des ignames atteignant plus d'un mètre de longueur. (source)

 
L'érythrine, crête de coq

 Voici aussi les explications données, à la suite de ce poème, par  Pierre de Saint Steban, commissaire général de la Marine  et que vient compléter Régine G. qui nous a fait découvrir ce sonnet.  

La tarodière est un lieu planté de taros, plantes tropicales de la famille des aracées, dont les tubercules sont comestibles.
 
Le taro (source)
 
Le taro (source)

 Les grincheuses sont les roussettes, grosses chauves-souris  dont la chair très fine est très appréciée des Calédoniens de toute origine et dont les poils tressés servent à faire des colliers et des bracelets.

 
Roussette de Nouvelle-Calédonie (source)

La chaîne, c'est ainsi qu'est appelée la montagne calédonienne.


La chaîne : la montagne calédonienne (source)

Les notous sont de gros pigeons autochtones, en voie de disparition parce que trop chassés.
Le bramement : les marins ont laissé des cerfs et des biches sur le territoire pour se réapprovisionner en viande fraîche dans leurs longs périples, ils ont fait de même avec les dindons qui aujourd'hui ont des pattes très, très hautes! On chasse toujours les cerfs et les dindons (moins prisés). Il n y avait aucune viande sur le territoire.

 
Paysage de Nouvelle-Calédonie (source)
"La Nouvelle-Calédonie, écrit Régine, pays paradisiaque tant que l'ambition et la politique ne s'en mêlent pas! Habitants multicolores, les marins ont laissé des enfants, certains a la "retraite" ont pris femme sur le territoire marin : italiens, anglais, danois, allemands, français, prisonniers politiques, mais aussi paysans aventureux, indochinois, chinois, réunionnais(qui ont apporté... les arbres à fleurs!), pieds noirs, antillais.... Chacun a trouvé sa place même si on titille la vieille culpabilité coloniale, ce n'est pas le petit blanc qui a fait fortune aux dépends du Canaque!


Dans le cadre La poésie du Jeudi Chez Asphodèle