Pages

dimanche 11 décembre 2011

Un livre, un Jeu : réponse à l'énigme n° 14 Emily Brontë, les hauts de Hurlevent




Les Hurlevents, c'est ainsi que nous avons appelé les oscarisés de la semaine : Aifelle, Keisha, Sabbio, Eeguab, Dasola, Lireau jardin, Pierrot Bâton, Asphodèle, Jeneen, Gwen, Dominique, Miriam. Bravo à tous!

 Les hauts de Hurlevent de Emily Brontë et de William  Willer


Le roman d'Emily Brontë Les hauts de Hurlevent paraît en 1847 la même année que Jane Eyre mais il obtient un succès moins retentissant que celui de sa soeur Charlotte. Les lecteurs  victoriens sont choqués par le manque de bienséance du roman et l'absence de morale des personnages. La critique juge qu'il s'agit d'un roman peu "chrétien".


Au retour d'un de ses voyages, Mr Earnshaw  ramène  dans son domaine un jeune garçon de six ans, Heathcliff,  qu'il a trouvé abandonné dans un rue de Liverpool. Hindley, son fils aîné n'apprécie pas la présence du nouvel  arrivant, tandis que Catherine la cadette se lie rapidement d'amitié avec Heathcliff. Le  temps passant l'amitié se transforme peu à peu en amour. A la mort de Mr Earnshaw, la propriété passe sous le contrôle de Hindley qui fait de Heathcliff un domestique et lui inflige des humiliations constantes. Hindley est marié mais son épouse meurt peu de temps après la naissance de son fils, Hareton. Quant à Catherine, malgré son lien indéfectible envers Heathcliff, elle est rebutée par le caractère frustre et les mauvaises manières. du jeune homme. Elle accepte la demande en mariage de son riche voisin Edgar Linton, pensant ainsi soustraire Heathcliff aux mauvais traitements de son frère. Heathcliff  s'enfuit. Lorsqu'il revient après avoir fait fortune, il est bien décidé à se venger.  Catherine et lui se revoient et s'avouent leur amour  mais la jeune femme meurt après avoir donné le jour à une fille, Cathy. Heathcliff désespéré met au point sa vengeance. Il ruine Hindley et s'empare des Hauts de Hurlevent, séduit la soeur d'Edgar  qu'il se plait à maltraiter. De ce triste mariage naît un fils, Linton. Une fois Edgar disparu, Heatcliff va continuer à exercer sa vengeance sur les enfants nés de ces unions malheureuses. 

Le roman dont l'action se déroule dans le décor réaliste du Yorkshire où vit la jeune écrivaine, dans ces landes, désertes et glacées, ces "moors" battues par le vent qu'elle affectionnait, est un récit qui s'apparente au romantisme par bien des aspects et d'abord par ce paysage désolé. Romantique aussi ce thème de l'amour passion, où la fusion entre deux êtres qui s'aiment est telle que Catherine peut affirmer : "Je suis Heathcliff", un amour plus fort que la mort, où le fantastique semble côtoyer la réalité. Cette présence de la vie après la mort qui hante Heathcliff après la disparition de Catherine et le pousse à exhumer le cadavre de sa bien-aimée a fait qualifier le roman de "gothique". Mais le récit en refuse toutes les facilités et tous les ressorts mélodramatiques. Certes, le jeune homme est un héros romantique qui semble porter le mal en soi. On pense à  Byron,  amant de sa demi-soeur, qui épouse une femme qu'il se plaît à faire souffrir. Mais la cruauté de Heathcliff s'explique par les brimades et les humiliations qu'il a subies et par la violence naturelle de son caractère. De victime, il devient bourreau. Si Heathcliff est cruel, démesuré dans sa passion, si ses actes peuvent  apparaître comme fous, il n'est pas un "démon" comme semble le penser ses ennemis. Il est habité par un désir de vengeance qu'il assouvira non seulement sur ceux qui lui ont fait du mal mais aussi sur ceux qui sont innocents et ne l'ont jamais humilié. Ainsi le roman n'est pas gothique et s'il est romantique, il est aussi bien autre chose, inclassable, unique, défiant les interprétations qui sont souvent multiples. Les Hauts de Hurlevent est une tragédie sauvage, féroce, habitée par la haine où l'amour est indissociable de la mort, cette mort qui s'est acharnée sur Emily lui enlevant sa mère, sa soeur Anne et son frère...  Elle-même meurt un an après la publication de son roman et son agonie, nous dit sa soeur Charlotte, fut terrible "consciente qu'elle était de sa fin, déchirée, haletante, ne voulant pas quitter une vie heureuse et cependant résolue". Catherine a la même réaction de révolte face à sa propre mort.

Comme il est terrible d'affronter la mort avec ces visages de glace (...) elle s'agita tellement que son égarement fébrile devint de la folie et qu'elle se mit à déchirer l'oreiller avec ses dents..."

La construction du roman est complexe puisqu'il y a plusieurs narrateurs :  Mr Lockwood qui a loué une maison à Heathcliff, nous donne une vision assez impressionnante des personnages  qu'il découvre quand, perdu dans la neige, il est contraint de rester une nuit aux Hauts de Hurlevent. Heathcliff y vit avec Cathy, Hareton, des êtres qui semblent unis par la haine, Nelly et Joseph.  Puis la servante Nelly  raconte par un long retour dans le passé, l'histoire tragique de Heathcliff et de Catherine. Nelly est le personnage clef du roman car elle seule a une vision complète de ce qui est arrivé et elle connaît tous les protagonistes de l'histoire; elle est la soeur de lait de Hindley et est rentré toute jeune au service la famille Earnshaw. Elle est souvent la confidente  de l'un ou de l'autre. Même Heathcliff se confie à elle par moments.
Complexe aussi la structure du roman qui met en parallèle deux couples semblables, Catherine et Heathcliff et Cathy et Hareton comme un reflet de la même histoire, les amoureux de la deuxième génération vont-ils reproduire ce qui est arrivé à  la première? Pourquoi cette symétrie qui crée un effet miroir? Emily Brontë veut-elle dire que la vie est un éternel recommencement? que l'on ne peut échapper à son destin? Certes le dénouement paraît heureux entre Cathy et Hareton mais il ne reflète aucun optimisme sur la nature humaine de la part d'Emily. Heathcliff abandonne ses idées de vengeance et laisse libres les jeunes gens non par bonté mais parce qu'il est las, il n'éprouve plus de joie à assister à la destruction des êtres qu'il asservit.

Un livre/Un film
Le film est une version simplifiée et écourtée du roman. Le réalisateur ne retient que l'histoire de la première génération. Il affadit le caractère de Heathcliff en insistant surtout sur son statut de victime pour le rendre plus sympathique, il adoucit la brutalité du personnage dont les crises de colère mettent en danger de mort Hindley ou Isabelle,  il occulte les scènes de nécrophilie impossibles à faire passer à l'écran à cette époque-là (1939). Le personnage de Nelly devient lisse, c'est une servante au grand coeur, plus âgée et qui a toujours servi et aimé sa maîtresse avec dévouement. Dans le roman elle a le même âge que Hindley, 14 ans à l'arrivée de Heathcliff qu'elle rejette, elle aussi. Elle dit à plusieurs reprises qu'elle n'aime pas Catherine. Là encore son attitude laisse place à de nombreuses interprétations.  Quant à la Catherine du film, il faut reconnaître que Merle Obéron est une interprète très convaincante, orgueilleuse, exaltée, partagée entre son amour pour Heathcliff et ses sentiments envers son mari. Laurence Olivier est un Heathcliff adulte plein de morgue et de ressentiment. S'il a gagné en distinction en revenant au pays après avoir fait fortune, il reste rude et replié sur lui-même. Le film n'a donc pas la complexité du roman mais Wyler a su y faire passer un souffle, celui d'une passion dévastatrice qui emporte tout sur son passage.




10 commentaires:

  1. Passionnante cette histoire, cette noirceur, la symétrie des deux générations... il faudrait peut-être qu'enfin je le lise!
    J'ai beaucoup aimé son incursion dans un des tomes de Jasper Fforde, avec Heathcliff plus infect que jamais, c'était savoureux :)

    RépondreSupprimer
  2. Tes articles sont splendides parce que pleins d'info sans jamais être ennuyeux
    je m'installe confortablement pour te lire en grossissant le texte à l'écran histoire d'être bien installée

    Un roman sauvage comme les personnages, commes la lande, lu et relu et relu en compagnie de mes trois filles , le film quant à lui est plutôt decevant à mon goût

    je pense que je ferai bientôt une écoute du livre audio je n'ai pas pu résister :-)

    RépondreSupprimer
  3. très beau billet, comme toujours. Comme Sabbio, j'attends que tout le monde soit parti acheter le pain et hop ! cladialucia et wens, tranquille !!!
    ça m'a donné envie de lire la vie des soeurs Bronté, je ne sais pas s'il existe une bio...Le livre est superbe en tout cas, vraiment incroyable...mais qu'il m'avait dérangée ado !!!bon dimanche

    RépondreSupprimer
  4. A lire ton résumé, je comprends pourquoi il me reste un malaise tant d'années après la lecture. Cette violence et cet archarnement à la vengeance brrrrrrrrr ...

    RépondreSupprimer
  5. @ Sabbio : oui, lis-le et donne-nous ton avis. C'est un des grands classiques de la littérature anglaise et un roman assez déroutant surtout si l'on pense à la jeunesse et à l'inexpérience de cette jeune fille qui ne connaissait rien à l'amour.

    RépondreSupprimer
  6. Merci Dominique, mes filles l'ont lu aussi. C'est vrai que le film est affadi, simplifié par rapport au roman mais il n'est pas mauvais (sans être exceptionnel.)

    RépondreSupprimer
  7. @ jeneeen : Oui, c'est un livre dérangeant mais le relire est une bonne expérience. j'ai lu une bio des trois soeurs Brontë Malheureusement je ne sais plus le nom de l'auteur. Il en existe plusieurs.

    RépondreSupprimer
  8. @ Aifelle : Tu as raison c'est un livre qui continue à nous secouer. Alors tu imagines à l'époque victorienne! En plus ce qui me frappe de la part d'une fille de pasteur c'est que les personnages ne peuvent attendre aucun secours, aucun apaisement de Dieu. Leur foi (mais sont-ils croyants? je parle de Catherine et de Heathcliff)ne leur est d'aucun secours. Il y a, en eux, une sorte de désespoir et même de déréliction.

    RépondreSupprimer
  9. Un de mes livres préférés! Je n'ai pas vu l'adaptation dont tu parles mais deux autres une bbc et l'autre avec Juliette Binoche que j'avais beaucoup aimé

    RépondreSupprimer
  10. J'ai lu Charlotte mais pas Emily... Je ne sais pas pourquoi, je n'en ai jamais éprouvé l'envie! Sans doute parce que je préfère les histoires d'amour aux histoires de vengeance... ;-)

    RépondreSupprimer

Merci pour votre visite. Votre message apparaîtra après validation.