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samedi 6 septembre 2014

Annabel Lyon : Aristote, mon père




Je viens de lire le roman de l'écrivaine canadienne, Annabel Lyon, intitulé : Aristote, mon père. C'est la suite, - même si l'on peut le lire indépendamment- , de Le juste milieu  où l'on rencontre déjà Aristote, sa fille Pythias et sa concubine Herpyllis. Mais je n'ai pas lu ce dernier et voilà qui répond un peu à une première frustration : j'aurais aimé que le roman approfondisse le portrait d' Aristote et  et développe sa  philosophie mais.. cela a dû être fait dans le roman précédent.
  
En fait, Aristote, mon père, raconte la fin de vie du philosophe et comme le titre l'indique donne la place primordiale à sa fille Pythias dite Pytho.
L'auteure a pris pour point de départ un passage du testament d'Aristote qui concerne sa fille : Lorsque ma fille aura l'âge requis, on la donnera en mariage à Nicanor. Mais à la mort d'Aristote, qu'adviendra-t-il de Pythias si Nicanor, son cousin parti à la guerre, ne revient pas?

Aristote, macédonien, qui a été le professeur d'Alexandre, vit à Athènes où il a créé son école Le Lycée. Il jouit d'une grande renommée, réunit tous les grands esprits de la ville chez lui et se préoccupe de l'instruction de sa fille Pythias. Celle-ci est intelligente, curieuse, a soif d'apprendre et se révèle une élève brillante qui connaît toute l'oeuvre de son père et est capable de tenir tête dans les discussions aux plus grands savants. Mais elle est de sexe féminin et la société grecque voit d'un mauvais oeil une fille accéder au savoir.  Quand celle-ci devient femme, le père adopte un lointain cousin, Jason, surnommé Myrmex, "petite fourmi", qui lui a été envoyé par la famille. Sans jamais cessé d'aimer Pytho, il va l'écarter des études et reporter son attention sur le garçon..
Cependant les Athéniens, vaincus par Alexandre et plein de rancoeur contre les Macédoniens, le considéreront toujours comme un étranger, lui et sa famille. Aussi à la mort de l'empereur, Aristote est obligé de quitter la ville sous les huées et les jets de pierres des Athéniens. C'est l'exil qui se terminera par la mort d'Aristote et c'est aussi  la fin de la première partie.  Les deux autres parties sont consacrées aux épreuves subies par Pythias, laissée seule, sans argent, dans un univers hostile aux femmes où, en l'absence de mariage, elle ne peut emprunter que trois voies : Prêtresse, sage femme et prostituée. Je vous laisse découvrir ce qu'il advient d'elle.

Disons tout de suite que mon avis est mitigé sur ce roman.
 La première partie,  à Athènes, celle de l'accession de Pytho au savoir m'a intéressée. j'aurais aimé, cependant, plus de détails sur les méthodes pédagogiques d'Aristote et sur ce qu'il enseignait, j'aurais voulu que l'érudition de Pythias soit plus apparente moins anecdotique même si les embryons d'idées qu'elle présente sont intéressants :
- J'ai appris des choses sur le changement dans l'espace, le temps, la substance. J'ai appris des choses sur le mouvement. J'ai appris des choses sur l'être éternel et parfait, celui que papa appelle le moteur immobile

- Sur Dieu, intervient Krios.

-Sur Dieu comme nécessité métaphysique, dis-je. Lointain, détaché, perdu dans la contemplation

-Vous l'avez vraiment encouragée à s'épanouir dit Krios à mon père

- Ca commence à devenir un problème, rétorque papa.


Mais l'auteure décrit bien la civilisation grecque. Elle nous fait part de nombreux détails qui nous éclairent sur les rites religieux et funèbres, sur la vie quotidienne, le marché, la nourriture, sur la condition féminine, les règles, le mariage et surtout elle essaie avec succès de faire revivre les mentalités. Elle décrit la place qu'occupe la femme dans la société et son infériorité déclarée par rapport aux hommes.n Ainsi, on voit comment Herpyllis, la concubine d'Aristote, qui lui a donné un fils Nicomaque, n'est pas reconnue et conserve son statut de servante, d'inférieure, non aux yeux d'Aristote, mais de la bonne société. On comprend alors combien, malgré ses limites, Aristote était un homme éclairé et ouvert pour l'époque.
j'ai pourtant moins apprécié les deux autres parties du roman sur les tribulations de Pythias après la mort de son père. D'abord qu'est devenue son érudition? En quoi la fille d'Aristote est-elle différente de n'importe quelle jeune fille tombée dans l'indigence? L'histoire m'a paru alors décousue tant au point de vue du style que du récit, rapide et parfois peu convaincante. De plus je ne comprends pas Pytho, Mirmex est très antipahique et sa psychologie est à peine esquissée. Les autres personnages, Herpillys,  Nicomar, les esclaves disparaissent. Et je n'ai eu aucune empathie envers ceux qui restaient. J'ai donc été déçue par cet aspect du roman.

En résumé, le livre présente des moments intéressants qui sont liés à la vision historique que nous donne l'auteure mais j'ai moins adhéré à l'aspect fictionnel et l'analyse des personnages m'a paru insuffisante.. 





Merci à la librairie dialogues et aux Editions Quai Voltaire

mercredi 29 janvier 2014

Tracy Chavalier : La dernière fugitive



Avec La dernière fugitive, Tracy Chavalier signe un livre charmant, vivant et chaleureux. Nous suivons son héroïne Honor Bright, une jeune anglaise, quaker, qui émigre aux Etats-Unis avec sa soeur Grace. Celle-ci doit se marier avec un anglais installé dans l'Ohio mais elle meurt dès son arrivée. Honor continue seule le voyage pour rejoindre le fiancé de Grace mais elle  s'aperçoit bien vite qu'elle n'est pas vraiment la bienvenue.
Nous sommes en 1850 et  c'est l'occasion pour  Tracy Chevalier de nous présenter ce pays en pleine ébullition, toujours en mutation, et les problèmes liés à l'esclavage. Si Honor trouve un mari assez rapidement dans la personne d'une jeune fermier, Jack Haymaker, le bonheur n'est pas au rendez-vous dans la ferme où règne en maîtresse de maison Mistress Haymaker, la mère de Jack. Et lorsque Honor découvre l'existence du "chemin de fer clandestin" qui aide les esclaves en fuite à passer au Canada, Honor se met en danger et toute sa famille avec, pour venir en aide aux malheureux.  Elle se heurte aussi Donovan,  un chasseur d'esclaves sans scrupules. Des thèmes qui ne peuvent laisser indifférents.

Eastman Johnson : Esclaves fugitifs (source Wikipédia)

Comme d'habitude Tracy Chevalier crée un personnage féminin attachant et qui n'a pas froid aux yeux, doté d'un courage certain. Honor sait prendre son destin en main malgré sa fragilité apparente et l'épreuve qu'elle vit en se retrouvant seule après avoir quitté son pays et sa famille à tout jamais. Sans renoncer à sa foi et à son éducation quaker, elle tire son épingle du jeu et fait preuve d'un grand pragmatisme quand il s'agit de se chercher un prétendant. Nous sommes loin de la romance traditionnelle! De plus, la jeune anglaise comme les autres héroïnes de Tracy Chevalier, a un don particulier qui lui permet de se débrouiller dans la vie : elle coud avec minutie et adresse de splendides quilts en patchwork aux motifs traditionnels, à une époque où ces courtepointes représentaient souvent la dot indispensable de la jeune fille à marier et avaient une valeur symbolique dépassant ainsi le simple objet utilitaire.


Motif traditionnel : l'étoile de Bethléem (source)

Tracy Chevalier s'est très bien documentée sur ses différents sujets, les quakers, l'Amérique abolitionniste et le chemin de fer clandestin, les mentalités, l'Ohio et bien sûr les quilts pour lesquels elle a poussé sa recherche jusqu'à en fabriquer un elle-même! Elle nous fait voyager dans l'espace et le temps sans jamais laisser ses connaissances prendre le dessus et alourdir l'action. Elle sait faire vivre ses personnages, notamment, à côté de Honor, son amie Belle, modiste dans la ville de Wellington, tout en évitant les pièges du sentimentalisme et de l'eau de rose!
Pas un chef d'oeuvre, non, mais une lecture très agréable!

Voir le billet de Dominique ICI 
Chez Hélène 



vendredi 11 octobre 2013

Richard Russo : Ailleurs Rentrée littéraire





Richard Russo a écrit Ailleurs après la disparition de sa mère. C'est l'occasion pour lui de nous présenter les rapports douloureux et complexes qu'il a entretenus envers cette mère, mentalement malade, qui a élevé seule son fils, s'attachant d'autant plus à son indépendance qu'il était difficile alors pour une femme de s'affirmer en tant que telle. Il dresse un portrait surprenant de mère abusive mais aussi de femme courageuse et malheureuse, rêvant d'un monde "ailleurs", encourageant son fils à aller de l'avant, lui insufflant l'amour de la lecture, le désir de se libérer de la pauvreté en étudiant, en écrivant, mais s'attachant à lui sans lui laisser la place de respirer.

Le portrait de cette mère étouffante, exigeante, sujette à des crises d'angoisse liées à une maladie inconnue alors, suscite à la fois l'exaspération et la compassion. Elle a jusqu'à la fin de sa vie affirmer ne faire qu'un avec son enfant en niant qu'il puisse avoir une identité personnelle, en cherchant à exclure toutes autres relations, s'immisçant même dans ses rapports de couple. Elle a ainsi poussé le jeune homme à se différencier d'elle, a affirmé ce qu'il avait d'unique. Richard Russo analyse avec finesse les rapports d'amour-répulsion existant entre eux mais apparaissent aussi les remords de ne pas avoir compris la maladie de sa mère. Avec Ailleurs, il explore ainsi toute la gamme de sentiments liés à la disparition de sa mère, tristesse, regrets, haine et rejet, culpabilité, un sujet d'autant plus sensible que nous y serons tous inévitablement confrontés.

Le livre est aussi l'occasion de présenter ce qu'était la vie dans la petite ville provinciale  de Gloversville près des Adirondacks, une ville autrefois prospère, célèbre par la fabrication des gants, sacs, chaussures en cuir. Le grand père de Russo y fabriquait artisanalement des gants de toute beauté avant que l'industrie mécanique ne transforme radicalement la production puis périclite et que les usines ne ferment leur porte.

Se dessine ainsi la vie d'un enfant de milieu modeste dans une petite ville sans avenir, morne, terne, de l'Etat de New York. Comment de cette relation mère-fils conflictuelle, de l'abandon d'un père égoïste, de ce milieu ouvrier sans espoir, Richard Russo a tiré un terreau assez riche pour devenir le grand écrivain que nous connaissons, c'est ce qu'il nous fait découvrir.  Un très beau roman plein d'émotion.



 Livre voyageur


vendredi 22 juillet 2011

Tracy Chevalier : Prodigieuses créatures


De qui est-ce? Ce petit jeu de l'été a été initié par  Mango et repris par Cagire et par moi, Claudialucia.
Ce jeu de qui est-ce? - juste pour le fun- consiste tout simplement à retrouver l'auteur et le titre du roman célèbre dont je présente un extrait. Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) ou me laisser des indices dans les commentaires sans révéler l'auteur, indices qui me permettront de savoir si vous avez vu juste et d'aider ceux qui ne savent pas. On ne gagne rien sinon le plaisir et je cite le lendemain les noms de ceux qui ont trouvé l'énigme. Bon, je sais, il suffit d'un clic sur la toile pour trouver la réponse mais je sais aussi que si vous aimez jouer comme moi, vous vous plairez à deviner le nom de l'auteur et du roman  par vous-même  d'abord, le plus vite possible ensuite et c'est juste dans ces secondes-là que réside le plaisir de trouver pour soi uniquement la bonne réponse : retrouver le titre d'un roman comme on retrouve le nom d'un ami  ancien qu'on n'a pas vu depuis très longtemps... Bref, on joue ici avec sa mémoire  et puis on me le dit, comme ça, par amitié!  
  
Nouvelle énigme pour ce vendredi

Nabussan, aimé, l'adora; mais elle avait les yeux bleus et ce fut la source des plus grands malheurs. Il y avait une ancienne loi qui défendait aux rois d'aimer ce genre de femme que les grecs ont appelées depuis boopies. Le chef des bonzes avait établi cette loi il y avait plus de cinq mille ans; c'était pour s'approprier la maîtresse du premier roi de l'île de roi de Serendib que ce premier bonze avait fait passer l'anathème des yeux bleus en constitution fondamentale d'Etat. Tous les ordres de l'Empire vinrent faire à Nabussan des remontrances. On disait publiquement que les derniers  jours du royaume étaient arrivés, que l'abomination était à son comble, que toute la nature était menacée d'un évènement sinistre; qu'en un mot Nabussan, fils de Nussanab, aimait deux grands yeux bleus. Les bossus, les financiers, les bonzes et les brunes, remplirent le royaume de leurs plaintes.



Réponse à l'énigme de Jeudi

                                            

Et voilà les gagnantes : Aifelle, Maggie, Gwenaelle, Lystig et Mango.

Les prodigieuses créatures de Tracy Chevalier sont les fossiles que découvre Mary Anning en fouillant la plage et les falaises de Lyme, sur la côte du Dorset. Pour la jeune fille, issue d'une famille d'ouvrier modeste, il s'agit d'un gagne-pain puisqu'elle revend ses trouvailles aux touristes de passage mais cette recherche devient une véritable passion. Mary Anning va faire la connaissance de Elizabeth Philpot passionnée elle aussi par la recherche des fossiles de poissons dont elle fait collection. Bien que de milieu différent, les deux femmes, la bourgeoise et l'ouvrière, vont se lier d'amitié, un sentiment qui traversera des orages, certes, mais sera plus forte que les conflits et les rivalités amoureuses. Dans ce passage, c'est Elizabeth Pilpot qui présente son amie.
Il faut savoir tout d'abord avant de continuer la lecture que Mary Anning et Elizabeth Philpot ont existé ainsi que certains autres personnages comme le Colonel Birch, le professeur William Buckland..  même s'il s'agit aussi d'une oeuvre de fiction. Suite ici

samedi 19 février 2011

Tracy Chevalier : Prodigieuses créatures


Les prodigieuses créatures de Tracy Chevalier sont les fossiles que découvre Mary Anning en fouillant la plage et les falaises de Lyme, sur la côte du Dorset. Pour la jeune fille, issue d'une famille d'ouvrier modeste, il s'agit d'un gagne-pain puisqu'elle revend ses trouvailles aux touristes de passage mais cette recherche devient une véritable passion. Mary Anning en saura bien vite autant et même plus que tous les doctes savants qui s'approprient les fossiles  qu'elle a trouvés pour quelques livres et se font un nom en parlant de leur découverte.  Sur la plage, dans le froid, l'humidité et le vent, Mary Anning va faire la connaissance de Elizabeth Philpot passionnée elle aussi par la recherche des fossiles de poissons dont elle fait collection. Bien que de milieu différent, les deux femmes, la bourgeoise et l'ouvrière, vont se lier d'amitié, un sentiment qui traversera des orages, certes, mais sera plus forte que les conflits et les rivalités amoureuses.
Il faut savoir tout d'abord avant de continuer la lecture que Mary Anning et Elizabeth Philpot ont existé ainsi que certains autres personnages comme le Colonel Birch, le professeur William Buckland..  même s'il s'agit aussi d'une oeuvre de fiction.
Le thème essentiel du roman est celui de la révolution scientifique que représente la découverte de ces fossiles. Ceux-ci prouvaient que la Création ne s'était pas fait en sept jours comme le disait la Bible et que les espèces animales n'avaient cessé d'évoluer depuis leur création, certaines disparaissant, incapables d'adaptation. C'était remettre en cause l'infaillibilité de Dieu. Bref! Ces découvertes montraient que les théories darwiniennes étaient fondées scientifiquement. Le bouleversement des mentalités que cela impliquait, le scandale au niveau de l'Eglise, le malaise éprouvé même chez les scientifiques dérangés dans leurs croyances religieuses furent énormes à l'époque! Il suffit pour l'imaginer de constater que des théories obscurantistes,  anti-darwiniennes, sont encore remises à l'honneur aux Etats-Unis de nos jours pour comprendre l'importance de Mary Anning et de ses découvertes dans l'évolution des sciences!
Dans le roman, nous vivons les recherches, les attentes, les interrogations de la jeune fille avec la même curiosité qu'elle! Nous sommes aussi avides de savoir ce que sont ces formes nouvelles, monstrueuse, étranges qu'elle arrache à la pierre. Ces fossiles géants, Mary et les gens autour d'elle, les appellent invariablement "crocodiles" mais ils se révèlent, une fois étudiés, des espèces disparues comme le ptérosaure ou l'ichtyosaure
Un autre thème tient à coeur à Tracy Chevalier, c'est celui de la condition de la femme en ce début du XIXème siècle.
Elizabeth Philpot, célibataire sans beauté et sans fortune est obligée de vivre à Lyme, loin de Londres, pour des raisons économiques. Elle n'a aucune liberté, dépendant de son frère en toutes choses, une fois que ses parents ont disparu. L'on sent bien l'ombre de Jane Austen qui vient planer ici, Jane Austen qui vivait à la même époque que Elizabeth et qui est passée à Lyme en 1824. D'une manière générale, la femme considérée comme inférieure, n'a pas la liberté de voyager seule, de sortir dans la rue non accompagnée. Elle n'est pas admise, quel que soit son intérêt,  aux rencontres de la Geological Society, elle est jugée inapte à donner son avis sur les fossiles alors qu'elle en connaît plus que certains hommes qui lui donnent des leçons. C'est ce que ressent souvent Elizabeth Philpot qui, appartenant à un milieu social plus élevé que celui de Mary, acquiert, cependant, le droit d'être entendue. Alors que Mary Anning est méprisée, méconnue. Il faudra attendre  une publication de Cuvier en France en 1825 pour que son nom soit pour la première fois prononcé! C'est dans le combat qu'elle mène pour faire reconnaître Mary, qu'Elizabeth va prendre conscience qu'elle peut être indépendante et qu'elle n'a pas à être traitée comme une éternelle mineure!
Un bon roman dont la lecture présente de nombreux centres d'intérêt.

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