Caspar David Friedich
Quand on lit George Sand, on a toujours l'impression de la redécouvrir tant les genres qu'elle explore sont différents. Avec Mauprat, nous sommes en plein romantisme, un roman gothique avec une histoire d'amour et de mise à l'épreuve, des nobles sinistres perpétrant leurs méfaits derrière les fortifications de leur château, des brigandages, des meurtres... L'intrigue complexe est celle d'un feuilleton, les méchants que l'on espérait morts resurgissent au moment où on les avait un peu oubliés pour faire le mal, l'héroïne échappe de peu à la mort, le héros est injustement accusé d'un crime. Bref! l'aventure est au rendez-vous et c'est ainsi que le livre peut-être lu au premier degré, ce qui est très plaisant!
L'intrigue :
Bernard Mauprat, après la mort de ses parents, est confié, tout jeune à son grand père,Tristan, de la branche aînée des Mauprat surnommée Coupe-jarret, un vieillard qui, avec ses huit fils, fait régner la terreur dans la région de La Varenne, aux confins La Marche et du Berry. L'enfant est élevé au château de la Roche-Mauprat par Tristan et ses oncles, cruels et impitoyables, en particulier l'aîné, le perfide Jean de Mauprat. Il y subit des sévices tout en s'endurcissant au mal, assistant aux rapines de ses oncles, à leurs exactions de toutes sortes, tortures, crimes, viols. C'est en vain que son grand oncle, l'honorable Hubert de Mauprat de la branche cadette qui n'a qu'un seule fille essaie de le soustraire à cette néfaste influence pour en faire son fils adoptif. Bernard grandit, devient complice de brigandage, de pillage mais refuse la cruauté des Mauprat Coupe-Jarret lorsqu'elle s'exerce sur des femmes et des enfants. Il a dix-sept ans lorsque sa cousine Edmée qui s'est perdue dans la forêt est amenée prisonnière au château. Bernard tombe amoureux de sa cousine et décide de la sauver en s'échappant avec elle mais il lui fait promettre qu'elle n'appartiendra jamais à un autre homme que lui. Commence alors une nouvelle vie chez son grand oncle Hubert de Mauprat, commencent alors l'apprentissage de la civilisation... et la découverte du véritable amour!
Récit d'aventures, Mauprat est aussi un roman où l'on retrouve tous les thèmes sérieux chers à l'écrivain.
George Sand écrit ce livre au moment où elle se sépare de son mari, un moment douloureux où elle a tout loisir de réfléchir à ce que doit être la base d'un mariage solide. C'est ce qui explique son envie de peindre un amour exclusif, éternel et fidèle avant, pendant et après le mariage.. Elle s'élève ainsi contre la société qui rabaisse cette institution sacrée (le mariage), en l'assimilant à un contrat d'intérêts matériels. (Préface 1851)
L'histoire d'amour entre Edmée et Bernard rappelle celle du roman courtois. Le héros est mis à l'épreuve pendant sept ans avant de mériter sa bien-aimée. Comme dans un roman chevaleresque, le héros doit gagner le coeur de la femme qu'il aime, dominer ses pulsions et ses instincts même si les exploits qui lui sont demandés sont d'un tout autre ordre que ceux d'un chevalier du Moyen-âge. Bernard doit surmonter des difficultés adaptées à son époque. Il devra, par exemple, accepter d'apprendre à lire et à écrire, il lui faudra se cultiver en fréquentant les philosophes des Lumières et acquérir les manières d'un homme du monde. Il découvrira aussi que la femme n'est pas un objet sexuel, qu'elle a droit au respect et que l'amour véritable se fonde sur l'estime et la tendresse. George Sand aborde ici le thème de l'éducation mais, si elle est rousseauiste et admire l'Emile, contrairement à Rousseau, elle est persuadée que l'homme n'est pas naturellement bon et que l'éducation a une fonction civilisatrice. Ce n'est d'ailleurs pas sans difficulté que Bernard parviendra à s'élever.
L'histoire d'amour entre Edmée et Bernard rappelle celle du roman courtois. Le héros est mis à l'épreuve pendant sept ans avant de mériter sa bien-aimée. Comme dans un roman chevaleresque, le héros doit gagner le coeur de la femme qu'il aime, dominer ses pulsions et ses instincts même si les exploits qui lui sont demandés sont d'un tout autre ordre que ceux d'un chevalier du Moyen-âge. Bernard doit surmonter des difficultés adaptées à son époque. Il devra, par exemple, accepter d'apprendre à lire et à écrire, il lui faudra se cultiver en fréquentant les philosophes des Lumières et acquérir les manières d'un homme du monde. Il découvrira aussi que la femme n'est pas un objet sexuel, qu'elle a droit au respect et que l'amour véritable se fonde sur l'estime et la tendresse. George Sand aborde ici le thème de l'éducation mais, si elle est rousseauiste et admire l'Emile, contrairement à Rousseau, elle est persuadée que l'homme n'est pas naturellement bon et que l'éducation a une fonction civilisatrice. Ce n'est d'ailleurs pas sans difficulté que Bernard parviendra à s'élever.
Le roman présente aussi un aspect documentaire très intéressant. Le récit est raconté par Bernard de Mauprat alors qu'il a quatre-vingts ans à un jeune narrateur. Le personnage parle d'une période qui se situe avant la révolution. On y voit se dérouler des évènements historiques, Bernard part rejoindre La Fayette dans la lutte pour l'Indépendance américaine. On y sent le souffle des idées nouvelles, la montée de la tempête qui va ébranler le royaume de France :
Le pauvre a assez souffert; il se tournera contre le riche, et les châteaux tomberont, et les têtes seront dépecées. Je ne verrai pas cela, mais vous le verrez; il y aura dix chaumières à la place de ce parc, et dix familles y vivront de son revenu, dit le paysan Patience dans une vision prophétique.
George Sand décrit donc les moeurs d'une époque révolue et elle peut noter les évolutions des mentalités par rapport à 1836, date de parution du roman. Elle peint trois types de nobles de province.
Le pauvre a assez souffert; il se tournera contre le riche, et les châteaux tomberont, et les têtes seront dépecées. Je ne verrai pas cela, mais vous le verrez; il y aura dix chaumières à la place de ce parc, et dix familles y vivront de son revenu, dit le paysan Patience dans une vision prophétique.
George Sand décrit donc les moeurs d'une époque révolue et elle peut noter les évolutions des mentalités par rapport à 1836, date de parution du roman. Elle peint trois types de nobles de province.
Les Mauprat Coupe-jarrets, race de ces petits tyrans féodaux dont la France avait été couverte et infestée pendant tant de siècles. La civilisation, qui marchait rapidement vers la grande convulsion révolutionnaire, effaçait de plus en plus ces exactions et ces brigandages...
Hubert de Mauprat a une haute conception du rôle du noble basé sur l'honneur et la justice mais il est imbu de sa classe et plein de préjugés de caste.
Enfin Edmée et plus tard Bernard de Mauprat influencé par les idées philosophiques, représentent tous deux une noblesse débarrassée de son orgueil ancestral et partisane d'une société plus juste. George Sand prône dans ce roman des idées égalitaires qui sont portées par les deux jeunes gens. Ainsi ils éprouvent un grand respect et un profond sympathie pour Patience, un vieux paysan illettré mais d'une extrême intelligence, véritable philosophe du peuple, qui défend les idées révolutionnaires et annonce la fin d'une noblesse qui écrase le faible. Ils mettront d'ailleurs leurs actes en accord avec leurs idées.
Mais ce qui m'a le plus étonnée dans ce roman, c'est la virulence de Sand (elle qui est si croyante) envers l'Eglise catholique. Un des personnages principaux est le curé de Briantes, ami de Patience et d'Edmée, accusé de jansénisme, ouvert aux idées philosophiques et persécuté pour ces raisons par le clergé. Le personnage dénonce l'hypocrisie religieuse des moines trappistes. Leur prieur, sous couvert de générosité et de charité chrétienne, est avant tout attiré par l'appât du gain et prend le parti de Jean de Mauprat, sorte de Tartuffe, qui feint de se convertir pour arriver à ses fins. Le ton de la critique est à la hauteur du pamphlet et possède une violence corrosive. Il est vrai que Sand prête ces mots à l'abbé janséniste mais comme nous savons que sa sympathie lui est acquise, la critique n'en est pas moins mordante.
Mais ce qui m'a le plus étonnée dans ce roman, c'est la virulence de Sand (elle qui est si croyante) envers l'Eglise catholique. Un des personnages principaux est le curé de Briantes, ami de Patience et d'Edmée, accusé de jansénisme, ouvert aux idées philosophiques et persécuté pour ces raisons par le clergé. Le personnage dénonce l'hypocrisie religieuse des moines trappistes. Leur prieur, sous couvert de générosité et de charité chrétienne, est avant tout attiré par l'appât du gain et prend le parti de Jean de Mauprat, sorte de Tartuffe, qui feint de se convertir pour arriver à ses fins. Le ton de la critique est à la hauteur du pamphlet et possède une violence corrosive. Il est vrai que Sand prête ces mots à l'abbé janséniste mais comme nous savons que sa sympathie lui est acquise, la critique n'en est pas moins mordante.
C'est là le caractère indélébile du clergé catholique. Il ne saurait vivre sans faire la guerre aux familles et sans épier tous les moyens de les spolier.
Il est même possible que Jean de Mauprat soit dévot. Rien ne sied mieux à un pareil caractère que certaines nuances de l'esprit catholique. L'inquisition est l'âme de l'Eglise, et l'inquisition doit sourire à Jean de Mauprat.
Il est même possible que Jean de Mauprat soit dévot. Rien ne sied mieux à un pareil caractère que certaines nuances de l'esprit catholique. L'inquisition est l'âme de l'Eglise, et l'inquisition doit sourire à Jean de Mauprat.
Critique qui n'a d'égale que celle qui concerne la justice
Les mots de probité et intégrité résonnent depuis des siècles sur les murs endurcis des prétoires, sans empêcher les prévaricateurs et les arrêts iniques.
Et pour conclure en quelques mots : vous l'aurez compris, j'ai adoré ce livre!