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dimanche 6 janvier 2019

Bilan mois de Novembre et Décembre 2018

John Gwen

Partie en voyage puis très occupée par la famille pendant les fêtes, je n'ai pas eu le temps de faire le bilan de mes lectures du mois de Novembre et du mois Décembre. Je les récapitule ici.

Dany Laferrière : Le goût des jeunes filles


 

 

 

 

 

 




Carl Safina : Qu'est-ce qui fait sourire les animaux ?
 

 

 

 

 

 

 

 




Montaigne et la mort : Tombe et cénotaphe
 




Denis Diderot : Jacques le fataliste

Denis Diderot : Madame de la Pommeraye dans Jacques le fataliste
 






 

 

 

 

 

Sénèque : Thyeste au festival d'Avignon 2018 Mise en scène Thomas Joly
 
Thyeste de Sénèque mise en scène par Thomas Joly festival d'Avignon juillet 2018
Honoré de Balzac : L'auberge rouge
 

Dany Laferrière : Tout bouge autour de moi
 

 

 

 

 

 

  

 

 

Olivier Adam : Personne ne bouge


 Au mois de décembre, j'ai envoyé quelques photographies de mon voyage à Malte
Malte : Les chevaliers hospitaliers de la Saint Jean de Jérusalem 
 


 

 

 

 

 


Balzac : Le colonel Chabert
 


Et enfin les derniers venus* dans notre foyer accueillant

* Oui, ils finiront par nous mettre dehors !


samedi 17 novembre 2018

Denis Diderot : Jacques le fataliste

 
Jacques le fataliste  de Denis Diderot est une oeuvre complexe, étonnante pour son temps au niveau de la construction et de la forme, audacieuse et prérévolutionnaire au niveau des idées… et je me demande comment je vais pouvoir me dépatouiller de ce texte si riche pour écrire un billet. Je me lance !

Le maître et le valet
Jacques est un valet. Il voyage avec son Maître, un noble raisonneur, un tantinet philosophe, qui est assez familier avec son serviteur, lui laisse un (petit) espace de liberté et attend de lui d’en être non seulement servi mais surtout distrait ! Il faut dire que cela va bien à Jacques qui est un bavard impénitent et qui n’aime rien tant que conter.

Un roman picaresque car de nombreuses aventures vont arriver aux deux personnages, blessures de guerre,  rencontres dans des auberges, vols de leurs affaires et de cheval, amours tumultueux, enlèvement par des bandits, séjours en prison…

Un roman philosophique : le Fatalisme
Jacques est fataliste comme son auteur. Il pense que tout est écrit là-haut sur le Grand Livre et quoi que l’on fasse, ce qui doit arriver arrivera.
« Tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas est écrit là-haut. Savez-vous, monsieur quel que moyen d’effacer cette écriture ? Puis-je n’être pas moi ? Et étant moi, puis-je faire autrement que moi ? Puis-je être moi en un autre ? »
Ce qui n’empêche pas Diderot de se moquer de son double, ce fataliste toujours en pleine contradictions, qui ne devrait avoir peur de rien puisqu’il n’y peut rien, mais qui tremble autant que les autres, tout philosophe qu’il soit.
"C’est que faute de savoir ce qui est écrit là-haut, on ne sait ni ce qu’on veut ni ce qu’on fait, et qu’on suit sa fantaisie qui tourne tantôt bien, tantôt mal. »

Une critique de la religion et de la noblesse : En ce sens, il rejoint les idées des philosophes des Lumières et annonce la révolution. On y voit la critique des hommes d’église, et il y affirme son anticléricalisme  à pluiseurs reprises.
"...tous les prédicateurs voudraient qu’on pratiquât leurs leçons, parce que nous nous ne trouverions mieux peut-être; mais eux à coup sûr...  La vertu…"

L'athéisme ou tout au moins les doutes de Diderot y apparaissent.
Ainsi quand Jacques prie :  « Toi qui as fait le grand rouleau quel que tu sois, et dont le doigt a tracé l’écriture qui est là-haut, tu as su de tous temps ce qu’il me fallait; que ta volonté sois faite. Amen »
Le Maître
 Est-ce que tu ne ferais pas mieux de te taire.
Jacques
Peut-être que oui, peut-être que non. Je prie à tout hasard… »

les dames du bois de Boulogne de Robert Bresson  Maria Casarès : madame de Pommeraye

 L’inégalité sociale et de l’inégalité entre les sexes (madame de Pommeraye ICI. )
Le maître est incapable de se passer de son valet aussi bien sur le plan matériel pour l’assister dans tout ce qu’il fait mais aussi sur le plan moral. Sans lui, il s’ennuie, dépérit. Il sait pourtant être humain :
« Le Maître
Je te veille. Tu es mon serviteur quand je suis malade ou bien portant; mais je suis le tien quand tu te portes mal.
Jacques
Je suis bien aise de savoir que vous êtes humain; ce n’est pas trop la qualité des maîtres envers leurs valets. »

  Mais cela ne l’empêche pas de manier le bâton et d’en caresser le dos de Jacques quand il est contrarié. Jusqu’au jour où Jacques dira non, refusera d’obéir, et proclamera sa valeur en tant qu’homme et sa dignité… Ce n’est pas lui qui gagnera !

« Jacques
Un jacques ! Un jacques, Monsieur, est un homme comme un autre.
Le Maître
Jacques, tu te trompes, un Jacques n’est point un homme comme un autre.
Jacques
C’est quelque fois mieux qu’un autre.
Le Maître
Jacques vous vous oubliez. Reprenez l’histoire de vos amours et souvenez-vous que vous ne serez jamais qu’un Jacques. »

Jacques, son maître et l'aubergiste
Des récits en abyme : Jacques le fataliste est très souvent interrompu par des contes d’inspirations diverses, récits dans le récit : ainsi ceux des amours ruraux, plutôt licencieux à la mode du XVIII siècle,  où Jacques révèle comment il a été déniaisé, de ces récits que que l’on se raconte entre hommes dans une complicité un peu graveleuse. Et il y a alors peu de différence entre l’homme du peuple et celui de la noblesse. Mais un rappel de la part du Maître quand Jacques se croit son pair :
« Vous ne savez pas ce que c’est que le nom d’ami donné par un supérieur à un subalterne. »
Des contes sur la noblesse qui traite de passions terribles comme celles de madame de Pommeraye dont j’ai parlé dans ce billet, mais aussi celle du Maître dupé par un de ses prétendus amis et une gourgandine, obligé d’assumer l’éducation d’un enfant qui n’est pas de lui.

Madame de Pommeraye et le marquis d'Arcis
La structure de l'oeuvre et l'intervention de l'auteur  : Et puis, il y a ce que l’on peut considérer comme le plus étonnant dans cette oeuvre, c’est la présence d’un narrateur qui arrête le récit des amours de Jacques au moment où il devient intéressant, qui interrompt la conversation, la diffère, nous entraîne d’une digression à une autre pour enfin revenir à notre sujet ! Un narrateur qui n’est autre que l’auteur et qui nous fait sentir qu’il est le maître tout puissant de la narration, qu’il peut même ne jamais nous révéler la fin, s’il lui plaît.
Et moi, je m'arrête parce que je vous ai dit des personnages tout ce que j'en sais : et les amours de Jacques ? Jacques a dit cent fois qu'il était écrit là-haut qu'il ne finirait pas l'histoire, et je vois que Jacques avait raison. Je vois lecteur, que cela vous fâche; eh bien, reprenez son récit où il l'a laissé, et continuez-le à votre fantaisie...

 Il m’a plusieurs fois impatientée, cet écrivain encombrant, personnage qui  s'amuse au jeu du chat et de la souris avec nous ! Mais ces interventions sont essentielles dans Jacques le fataliste qui se révèle une réflexion sur la création romanesque : quel est le rôle de l’auteur ?  Celui-ci n'est-il pas ici à l'égal de Dieu celui qui écrit le Grand livre ? Et puisque que nous sommes dans un roman qui pose le problème de la fatalité, quelle liberté est laissée aux héros ? Et de même, autre question soulevée par le genre romanesque quels sont les rapports du roman avec le vrai ?
 Il est bien évident que je n’écris pas un roman, puisque je néglige ce qu’un romancier ne manquerait pas d’employer. Celui qui prendrait ce que j’écris pour la vérité serait peut-être moins dans l’erreur que celui qui le prendrait pour une fable.

 Ce qui entraîne la question du point de vue : Le récit est parfois raconté par Jacques, parfois par son maître parfois par l’auteur et les jugements sur la société alternent selon les personnages. Ce qui permet une multiplicité de la vision, il n'y a pas une vérité mais plusieurs. On voit avec cela que Denis Diderot n’a rien à envier au roman français moderne !

Quelques citations :
Denis Diderot de Fragonard

« Il y a longtemps que le rôle de sage est dangereux parmi les fous. (…) Jacques, vous êtes une espèce de philosophe, convenez-en. Je sais bien que c’est une race d’hommes odieuses aux grands, devant lesquels ils ne fléchissent pas le genou; aux magistrats, protecteurs par état des préjugés qu’ils poursuivent ; aux prêtres qui les voient rarement au pied de leurs autels… »

****

Elle disait plaisamment de la religion et des lois que c’était une paire de béquilles qu’il ne fallait pas ôter à ceux qui avaient les jambes faibles.

 ****

« Jacques
On ne fait jamais tant d’enfants que dans les temps de misère.
Le Maître
Rien ne peuple comme les gueux. »

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« Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui arrive de bien ou de mal ici-bas était écrit là-haut. »

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« Nous croyons conduire le destin mais c’est toujours lui qui nous mène »

jeudi 15 novembre 2018

Denis Diderot : Madame de la Pommeraye dans Jacques le fataliste


J'ai relu Jacques le fataliste dont je me souvenais à peine après tant d'années car je voulais aller voir le film Mademoiselle de la Joncquières adaptée du livre de Denis Diderot sur l'histoire de madame de la Pommeraye. Et j'ai raté le film ! Mais j'ai lu Diderot ! 


Dans Jacques le fataliste de Denis Diderot, de nombreux récits viennent ponctuer le cours du voyage de Jacques et de son maître. L’histoire de madame de la Pommeraye couvre une cinquantaine de pages. Presque un petit roman. Le sujet en est la vengeance amoureuse.

De quoi s’agit-il ? Monsieur des Arcis fait des avances à Madame de Pommeraye, riche veuve, qui résiste à son amour tant elle a un mauvais souvenir des liens conjugaux et des rapports entre hommes et femmes. Connue pour être vertueuse mais amoureuse, elle finit par s’abandonner à lui et devient sa maîtresse. L’idylle ne dure qu’un temps car monsieur d’Arcis a besoin de chair fraîche et renouvelée, si j’ose dire.  Madame de Pommeraye, tout en feignant de ne pas être touchée par cet abandon, décide de se venger. Elle n’aura de cesse de faire épouser à son amant une jeune fille, Mademoiselle Duqênoi, tombée dans la pauvreté et prostituée par sa mère. Elle les fait passer l’une et l’autre pour des femmes chastes, croyantes et honnêtes. Le charme et la « vertu » supposée de la jeune fille finissent par avoir raison du marquis. Il épouse. Sa maîtresse lui révèlera alors de quel ruisseau sort la jeune épousée.

Mme de La Pommeraye et Mr des Arcis
Voilà un récit dont le cynisme et la cruauté sont bien dignes d’un Choderlos de Laclos ! Mais ce qui ne l’est pas, c’est la fin imaginée par Diderot. Le marquis pardonne à sa femme et tous deux trouvent le bonheur dans un amour réciproque. C’est un dénouement qui choque à l'heure actuelle et encore plus au XVIII siècle mais pas pour les mêmes raisons ! 
A notre époque, le reproche adressé à Diderot est de terminer ce récit en tombant dans un romanesque de bas étage, pour midinettes ! comme je l’ai lu dans les critiques du film ou du livre.
Mais au XVIII siècle, non seulement il était inconcevable qu’un marquis se mésallie en épousant une courtisane mais qu’il soit heureux avec elle était tout simplement scandaleux! Ce que nous prenons, nous, pour une bleuette à cause de cet happy end, est, en fait, incroyablement audacieux et provoquant de la part de Diderot, inimaginable pour la mentalité de l’époque !

« Ah! si vous pouviez lire au fond de mon coeur  et voir combien mes fautes passées sont loin de moi; combien les moeurs de mes pareilles me sont étrangères ! La corruption s’est posée sur moi; mais elle ne s’y est point attachée. », plaide la jeune femme en s’adressant à son mari.

Ce que Diderot veut nous dire, c’est que la jeune fille, dans la misère, souffrait de ce que sa mère exigeait d’elle pour gagner leur vie. Pourquoi n’aurait-elle pas droit au pardon ? Impensable au XVIII siècle! C’est ce qu'affirme d’ailleurs le Maître  alors que Jacques prend la défense de mademoiselle Duqênoi.
Une histoire d’amour entre un noble et une courtisane ne peut, pour être acceptée, que mal se terminer, comme celle du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut. Manon part au bagne et meurt ! Une morale édifiante pour la  la bonne société !
Au XIX aussi, pour que la dame au camélia/Traviata soit absoute et fasse pleurer les foules, il faut au moins qu’elle meure de consomption et après s’être sacrifiée !

Quant à madame de Pommeraye,  c’est l'auteur lui-même qui en prend la défense quand on dit qu’elle est « une femme horrible » « scélérate ».

«  Sa vengeance est atroce mais elle n’est souillée d’aucun intérêt ».

Non seulement, explique Diderot, elle a sacrifié toute sa vie au marquis

  Elle jouissait de la plus haute considération dans le monde, par la pureté de ses meurs : et elle s’était rabaissée sur la ligne commune. »

mais elle s’est pliée à toutes ses fantaisies pour lui plaire. Et c’est elle (et non lui!) qui a eu à supporter les  humiliations, les sourires ironiques, les insinuations discourtoises chuchotées dans son dos, quand le monde apprend qu’elle a pris un amant : 

«  Elle avait supporté tout l’éclat scandaleux par lequel on se venge des imprudentes bégueules qui affichent l’honnêteté »

 Finalement, c’est toujours la femme que l’on blâme, qu’elle aime, qu'elle soit abandonnée ou qu’elle se venge. Mais qui est le vrai coupable ? demande le narrateur.
Madame de Pommeraye est une femme libre, fière et indépendante qui a agi selon les moyens que lui permettaient la société et son rang.  Elle est riche.  Elle peut se venger. La critique sociale est implicite dans ce récit. On y voit le mépris des nobles envers leurs inférieurs et combien les humbles ne sont que des marionnettes sans âme pour les Grands. Madame de Pommeraie est machiavélique. C'est une manipulatrice sans scrupules, certes, mais à qui la faute ?

« Et j’approuverai fort une loi qui condamnerait aux courtisanes celui qui aurait séduit et abandonné une honnête femme : l’homme commun aux femmes communes »

Féministe, Diderot ?




Je n’ai pas vu le film d’Emmanuel Mouret mais je constate que mademoiselle Duquênoi s’y nomme Joncquières et qu’elle est le personnage éponyme du film. Alors que dans la nouvelle de Diderot, madame de la Pommeraye est le personnage principal. Pourquoi ce changement de point de vue ?  Il y a une explication ? Question à ceux qui ont vu le film.

Je commenterai Jacques le fataliste dans les jours qui suivent.

vendredi 19 octobre 2018

Marivaux et Marilyn Mattei : Les Préjugés / Le préjugé vaincu et Fake


Cette année, j’ai suivi le festival d’Avignon de Juillet 2018 avec autant de plaisir que les années précédentes mais je n’ai pas eu le temps d’écrire des billets. J’ai tout de même envie de parler ici de quelques spectacles, ce que je ferai sporadiquement, ne serait-ce que pour m’en souvenir et vous parler d’auteurs, d’acteurs, de metteur en scène qui méritent bien que l’on aille les voir. Si je le peux, je vous donnerai les dates des représentations en France en 2019. 
Les préjugés, pièce composée de deux textes courts, un de Marivaux Le préjugé vaincu, un autre contemporain Fake de Marylin Mattei, est un spectacle proposé aux adultes mais aussi aux adolescents à partir de 13 ans.
Qu’ils se nomment Angélique, Lisette, Dorante Lépine ou bien Théo, Hector, Léna et  Mina, ils sont amoureux et même si trois siècles les séparent, ils se ressemblent, ô combien ! Et c’est ce qu’il y a de plus bluffant dans cette confrontation, le sentiment amoureux est toujours le même chez de très jeunes gens et procurent les mêmes délices et surtout les mêmes affres, les mêmes questions, les mêmes troubles et angoisses, entre peur et désir, consentement et refus, d’une époque à l’autre… Quant aux préjugés, s’ils sont différents, ils sont pourtant toujours présents.

Marylin Mattei et Marie Normand : l'auteure et la metteuse en scène
Dans le texte contemporaine qui commence le spectacle, la langue est proche de celle des adolescents du XXI siècle et de leurs préoccupations. Les préjugés sont là aussi, moins avoués, plus complexes, subordonnés aux réseaux sociaux, aux SMS, à Facebook, qui propagent les fausses nouvelles, qui décident de la réputation d’une fille, de l’exclusion de l’un ou de l’autre. Il y a les jeunes branchés, qui dominent, qui sont populaires, et les autres, les marginaux, ceux dont on se moque. La société n’est pas plus tendre que celle du XVIII et si les raisons sont différentes, ceux qui n’entrent pas dans le moule sont exclus. La conclusion de cette comédie à la fois vraie et légère provoque un éclat de rire. L’auteure Marylin Mattei connaît bien les adolescents si l’on en juge par la justesse du ton et des sentiments. Nul doute que les potaches de France et de Navarre ne s’y retrouvent et ne s’identifient à leurs semblables !


Le texte de Marivaux qui suit, nous le connaissons, avec cette belle langue du XVIII, si élégante quand ce sont les maîtres qui la parlent, et la finesse de l’analyse des sentiments. Angélique refuse d’épouser Dorante qu’elle aime mais qui n’est pas noble. Son père, le marquis, bien loin de s’opposer au mariage, serait fort aise d’accueillir Dorante, riche bourgeois et jeune homme brillant et prometteur mais le préjugé nobiliaire est trop fort pour Angélique. Il faudra toute la ruse et la malice des serviteurs Lisette et Lépine qui, amoureux eux aussi, ont tout intérêt à ce que leurs maîtres s’accordent.
Le décor reste le même, représentant d’abord le lycée, le CDI, la cour de l’école où se rencontrent les élèves, puis, avec Marivaux, l’intérieur du château d’Angélique. Les jeunes comédiens s’habillent sur scène dans une joyeuse et tumultueuse chorégraphie, endossant les costumes du XVIII. Ils rendent sympathiques et attachants leurs personnages qu’ils interprètent avec entrain dans l’un et l’autre texte. La mise en scène de Marie Normand est pleine d’énergie, de vivacité et d’empathie envers les amoureux et souligne le propos avec beaucoup d’humour. Elle met en évidence par la similitude de la gestuelle et des rapports amoureux, l’universalité de la nature humaine à travers les âges.

Les Préjugés : Fake de Marilyn Mattei  et le préjugé vaincu de  Marivaux

 Créé à Mirecourt en mai 2016, ce spectacle a été déjà représenté soixante-quinze fois et emporté l’adhésion enthousiaste de plus de 10 000 spectateurs en ville, en banlieue, et dans les territoires ruraux. Avec ce spectacle, la compagnie "Rêve général ! " est pour la première fois présente à Avignon.

    •    Metteuse en scène : Marie Normand
    •   Interprète(s) : Ulysse Barbry, Bruno Dubois, Martin Lenzoni, Clotilde Maurin, Apolline Roy
    •    Régisseur général : Jean-Luc Malavasi
    •    Régisseur : Paul Laborde-Castex
    •    Responsable billetterie et réseaux sociaux : Elisabeth-Anne Defontaine
    •    Chargé de production / diffusion : Jean-Michel Flagothier


Tournée : Du 1 au 15 décembre 2018, tournée dans la Communauté d’Agglomération d’Épinal (88) 26 janvier 2019, La Courée à Collégien (77) du 19 au 21 mars 2019 (4 représentations), Comédie de l’Est, CDN de Colmar (68)


LA CASERNE DES POMPIERS pendant le festival d'Avignon reçoit les spectacles de l'EST de la France. Voilà les spectacles que j'y ai  vus en 2018.


 Loin et si proche

 Vu avec ma petite fille  
Où vont les objets perdus ?
Nous avons tous vécu ce moment où l’on se demande : « Où a bien pu passer ma deuxième chaussette préférée ? »
Chaque jour, nous perdons quelque chose : des clés, l’équilibre, une dent, la mémoire, la tête parfois…
 







 Romance
Vu avec ma petite fille 
Sur le chemin qui nous mène de l’école à la maison, notre regard s’ouvre sur le monde. Jour après jour, au fil de notre imagination, le quotidien bascule dans la grande aventure. On rencontre un Inconnu au grand cœur, un Oiseau, un Farfadet, une Reine, une Sorcière… Un sort est jeté et le monde se renverse ! Déjouant alors mille embûches, il faudra coûte que coûte retrouver le chemin de la maison pour que le jour puisse à nouveau se lever.
En adaptant Romance, l’imagier étonnant et inventif de Blexbolex (Pépite d'or du salon de Montreuil 2017), la SoupeCie déploie avec effervescence un vaste univers de machineries, d’images découpées et projetées, de marionnettes et de trouvailles visuelles. 





Possession

Possession est une forme marionnettico-magique, où l'on plonge au milieu de ce qui se tapit dans les recoins de nos pensées les plus noires... Un temps suspendu où la folie et l’étrange prennent corps, sous les traits d’Antonin Artaud. Une convocation à rencontrer son fantôme, de l’autre côté du miroir... 









Rêve de printemps

Jeune ressortissant de Platoniun, A est fasciné par la Terre. Il rejoint la France et entame des études universitaires. Le rêve de l’étrange étranger à la peau bleue se frotte à la réalité des terriens.
Métaphore contemporaine, cette fable construite en miroir et imaginée au travers du prisme de la jeunesse aborde des questions essentielles : l’acceptation de l’Autre dans sa différence, l’ouverture aux mondes.








Voir aussi les pièces vues au théâtre ARTEPHILE ICI

jeudi 23 juillet 2015

Le mariage de Figaro de Beaumarchais mise en scène de Agnès Régolo au théâtre des Halles

Le mariage de Figaro : Kristof Lorion le comte/ Guillaume Clausse Figaro

Le mariage de Figaro mise en scène par Agnès Régolo au théâtre des Halles est un spectacle dont on sort heureux.
D’abord parce que la mise en scène est au service de la pièce pour éclairer ses différentes facettes. En effet, sans oublier l’aspect de la comédie et tout en nous faisant rire de ce jeu de dupes qui se déroule devant nous, Agnès Régolo éclaire le sens politique, révolutionnaire et féministe de la pièce. Le jeu des acteurs, tous très bons, y compris dans les rôles secondaires, met en valeur un texte qui n’a pas vieilli et qui est toujours tellement actuel, la puissance et le pouvoir d’oppression ayant juste changé de mains et de forme!
Ah! qu’il est bon d’écouter et de savourer les paroles de Figaro, homme du peuple, qui porte la parole révolutionnaire et dont le comédien Guillaume Clausse  fait entendre les accents de la révolte, de la colère contenue mais prête à éclater : « ah! monsieur le comte parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie » « Vous vous êtes donnés la peine de naître et rien de plus ».  Quant au comte, Kritof Lorion, il est, le noble, tout puissant, avec ses accès de colère, ses brusques démonstrations d’autorité devant qui tout le monde plie : un grand seigneur méchant homme, sous un aspect qui se veut débonnaire! On peut rire de lui quand il se fait berner mais on le redoute!

La mise en scène met aussi en relief le statut des femmes quelle que soit leur classe sociale, chacune soumise, souvent maltraitée, abandonnée, trompée, la servante plus encore que la grande dame, la pauvre encore plus que la riche mais toutes dépendantes du pouvoir de l’homme. Elisa Voisin et Sophie Lahayville font merveille dans le rôle respectif de Suzanne et de Rosine mais si elles sont solidaires lorsqu’il s’agit de s’opposer aux hommes, la classe sociale de l’une et de l’autre n’est jamais oubliée. Quant à Catherine Monin elle attire l’attention dans le rôle de Marceline  à qui la mise en scène donne une importance particulière; c’est la première fois que je perçois avec autant d’acuité la force de son discours qui va très loin dans la dénonciation du sort réservé à la femme..

J’ai cependant éprouvé un peu de surprise dans le choix du comédien, Nicolas Gény, qui interprète Chérubin car Agnès Regolo rompt avec la tradition qui veut que ce très jeune homme soit souvent joué par une femme ou bien par un presque adolescent s’éveillant à l’amour. Ici, le comédien qui l’incarne est plus âgé que le rôle; cela choque un peu au début jusqu’au moment où l’on s’aperçoit de l’effet comique que cela produit quand la comtesse dit  « un enfant », le comte répond « pas tant que ça »! D’autre part ce choix accentue aussi l’ambiguité du trouble de la comtesse vis à vis de son « filleul »!

 Si l’on ajoute à ce plaisir de la mise en scène et du jeu d’acteurs une jolie scénographie, un rythme enlevé, une musique contemporaine et le vaudeville du dénouement amusant et sérieux à la fois, vous comprendrez que ce spectacle est un régal.



mardi 21 juillet 2015

Le prince travesti de Marivaux mise en scène Daniel Mesguish au Chêne Noir



Dans Le prince travesti  de Marivaux, le prince de Léon décide sous le nom d’emprunt de Lélio, simple gentilhomme, de visiter le monde. La princesse de Barcelone s’éprend de lui et charge Hortense, sa parente, de  parler pour elle et de lui servir de messagère. Mais Hortense reconnaît en Lélio celui qui l’a sauvée jadis et qu’elle n’a pu oublier. Il en est de même pour le jeune homme. Tous deux s’aiment même si Hortense lutte contre cet amour pour ne pas trahir sa maîtresse, souveraine assez ombrageuse dont elle a peur. Quant à Arlequin, valet de Lelio, il est acheté par un ministre de la princesse et prêt à trahir son maître.

Dans cette pièce, chacun porte un masque et n’est pas ce qu’il paraît être. Le prince de Léon a pour réplique le roi de Castille qui lui aussi a pris un déguisement pour observer la princesse dont il a demandé la main. Chacun avance masqué; chacun épie l’autre voire le trahit. 
Sur scène, des miroirs qui reflètent les personnages et les multiplient, témoignent de ces faux-semblants. Revêtus de somptueux costumes, les acteurs interprètent cette comédie des apparences.
Mais j’ai été déçue par la mise en scène de Daniel Mesguish que j’ai trouvée trop lourde : et d’abord  avec cet accompagnement musical qui ponctue les scènes comme des coups de tonnerre avec une insistance irritante comme si le spectateur n’était pas capable de comprendre l’importance de ce qui est dit ; ensuite, avec le jeu trop précieux, trop appuyé voire mélodramatique de certains acteurs comme celui de la suivante Hortense ou encore avec le comique franchement trop répétitif du domestique Arlequin qui ne cesse de s’aplatir sur la scène pour mieux nous faire comprendre sa servilité. Cela pourrait être un peu plus subtil. Je n’ai pas retrouvé la retenue, la nuance, la finesse (et la profondeur) de la langue et de l’analyse psychologique de Marivaux et j’ai préféré le jeu plus sobre de Lelio et de la princesse ( même si je n’ai pas compris le revirement de cette dernière présentée comme cruelle et redoutable et qui d’un seul coup fait preuve de clémence au dénouement..).
En un mot, le spectacle ne m'a pas convaincue.






jeudi 8 août 2013

Festival Off d'Avignon : Mon Nom est rouge de Orhan Pamuk/; Le mariage de Figaro de Beaumarchais/ Jean hervé Appéré


Mon nom est rouge Orhan Pamuk Compagnie Papierthéâtre

Mon nom est rouge Orhan Pamuk à La Caserne des pompiers par la compagnie Papierthéâtre .

J'ai lu Mon nom est rouge, le long roman de Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature, il y a quelques années et j'ai donc éprouvé l'envie d'aller voir cette adaptation à La Caserne des pompiers par la compagnie Papierthéâtre .

Le récit se déroule dans l'empire ottoman du XVI° siècle. L'intrigue peut être considérée comme policière puisqu'il y est question d'un cadavre jeté au fond d'un puits qui parle aux lecteurs/spectateurs pour mieux guider la recherche. Mais il est aussi tout autre chose! Il présente une histoire d'amour et  surtout il est une réflexion sur les différences fondamentales entre l'art occidental et l'art oriental, sur l'influence de l'un, l'occidental, sur l'autre, et les passions exacerbées que ces interférences déchaînent puisque cela peut aller jusqu'au crime.

Le théâtre de papier et d'ombres présente une belle recherche esthétique, les personnages sont des formes découpées qui évoluent dans des décors de papier. Le spectacle est accompagné par la musique d'un maître iranien mais l'animation reste limitée et répétitive. Le découpage de ce roman complexe en tableaux ne permet pas une mise en scène dynamique. J'ai trouvé l'ensemble assez lent et ennuyeux. Seules les interventions d'un des acteurs présentant les réflexions sur l'art mises en scène d'une manière originale, relancent l'intérêt et rompent la monotonie de ce spectacle.



Le mariage de Figaro Comédiens et compagnies au théâtre des Lucioles mis en scène Jean Hervé Appéré

La pièce de Beaumarchais Le mariage de Figaro est une pièce immense, d'une importance primordiale dans la littérature par sa critique sociale des grands, son annonce de la révolution française, mais aussi par la complexité psychologique des personnages, par sa portée philosophique. Quand Mozart la reprend pour en faire un opéra, il subit la censure de la cour de Joseph II et doit faire en sorte que le livret soit expurgé de tous les passages jugés révolutionnaires parce qu'ils remettent en cause la noblesse et la société monarchique. Qu'à cela ne tienne c'est dans sa musique que Mozart mettra tout le sens de la pièce.
La pièce présentée par Comédiens et compagnie est entrecoupée d'airs de cet opéra mais subit des coupes sombres dans les monologues de Figaro qui contiennent le sens de la pièce. Et finalement ce n'est ni la pièce, ni l'opéra qui sont représentés ici. La mise en scène de Jean Hervé Appéré gomme toute la puissance du Mariage de Figaro pour en faire un divertissement sympathique mais sans grande portée. Certes, il tire le maximum de ses acteurs mais si Figaro bouge bien et peut être comique, il n'est pas à la hauteur pour incarner le tragique de Figaro, ce personnage hors du commun, ni sa portée révolutionnaire; quant au comte  c'est un nigaud  dont on rit mais qui devrait aussi nous effrayer! Il n'a rien du grand seigneur méchant homme que Beaumarchais a imaginé. Alors, pourquoi ne pas monter une pièce plus légère? Pour moi, une grosse déception!

vendredi 18 janvier 2013

Isabelle Marsay : Le fils de jean-Jacques




Le fils de Jean-Jacques d'Isabelle Marsay est une heureuse surprise car il explore bon nombre de questions que je me suis toujours posé sans les résoudre vraiment sur Jean-Jacques Rousseau. Comment en lisant l'Emile, son traité d'éducation, peut-on accepter le fait qu'il ait abandonné ses cinq enfants? Comment ses justifications à ce sujet dans Les Confessions ou Les Rêveries d'un promeneur solitaire ne jettent-elles pas le discrédit sur sa pensée?

Cependant il est sûr que c'est la crainte d'une destinée pour eux mille fois pire et presque inévitable par une autre voie, qui m'a le plus déterminé dans cette démarche*. Plus indifférent sur ce qu'ils deviendraient et hors d'état de les élever moi-même, il aurait fallu dans ma situation, les laisser élever par leur mère qui les aurait gâtés et par sa famille qui en aurait fait des monstres. Je frémis encore d'y penser. (Les Rêveries du promeneur solitaire) * abandonner ses enfants

 Comment peut-on écrire des textes qui influenceront les générations à venir, être l'auteur du Contrat social et jouer un si grand rôle dans l'évolution du monde occidental puis agir parallèlement a contrario? Comment accorder foi au philosophe qui écrit : Pour être quelque chose, pour être soi-même et toujours un, il faut agir comme on parle; être toujours décidé sur le parti qu'on doit prendre, le prendre hautement et le suivre toujours … mais ne respecte pas ses propres préceptes! Doit-on considérer l'oeuvre et faire abstraction de l'homme? C'est une question qui se pose souvent en littérature.

Celui qui ne peut remplir ses devoirs de père n'a pas le droit de le devenir. Il n'y a ni pauvreté, ni travaux, ni respect humain qui le dispensent de nourrir ses enfants et de les élever lui-même. Lecteurs, vous pouvez m'en croire. je prédis à quiconque a des entrailles et néglige de si saints devoirs qu'il versera sur sa faute des larmes amères et qu'il ne sera jamais consolé. (L'Emile Livre 1)

Isabelle Marsay a eu la très belle idée d'imaginer ce qu'était devenu le fils de Jean-Jacques, son aîné, Baptiste Joseph-Marie, le seul dont nous ayons le nom. Une oeuvre de fiction qui nous fait découvrir ce qu'était la réalité de cette institution des Enfants-Trouvés, un mouroir où les bébés, non pas trouvés mais abandonnés légalement par leur famille, mouraient en grand nombre dès les premiers jours avant d'être confiés à des nourrices, au sein d'un foyer misérable. Là, la malnutrition, le manque de soins et d'hygiène et les sévices achevaient de les tuer. Certes, la mortalité enfantine était grande à l'époque même dans les familles où l'on prenait soin des nourrissons mais elle atteignait des records dans le cas des enfants abandonnés.
On ne craint pas d'avancer qu'on n'en trouvera pas un dixième à l'âge de vingt ans, affirme Piarron de Chamousset, conseiller du roi Louis XV, qui préconisait d'envoyer ces enfants (si coûteux pour L'Etat) en Louisiane dès l'âge de cinq à six ans pour les occuper à élever des vers à soie…. Ceux qui parvenaient à atteindre l'âge adulte pouvant aussi être enrôlés dans l'armée où on les mettait en première ligne car aucune famille ne les réclamerait!

Rousseau pouvait-il ignorer, écrit Isabelle Marsay , que 70% des nourrissons confiés à l'hospice des Enfants-Trouvés mouraient avant d'atteindre un an et que l'abandon constituait une forme "d'infanticide différé"

La réponse est dans L'Emile. Voilà comment Rousseau parle de la coutume de mettre ses enfants en nourrice dans les familles  aisées  : Depuis que les mères méprisant leur plus cher devoir, n'ont plus voulu nourrir leurs enfants, il a fallu les confier à des mères mercenaires qui, se trouvant ainsi mère d'enfants étrangers pour qui la nature ne leur disait rien, n'on cherché qu'à s'épargner des peines… Pourvu qu'il qu'il n'y ait pas de preuve de la négligence de la nourrice, pourvu que le nourrisson ne se casse ni bras, ni jambe qu'importe, au surplus qu'il périsse ou qu'il demeure infirme le reste de ses jours. (L'Emile)

 Le récit est donc très intéressant et bien mené et nous nous intéressons à Baptiste, un personnage attachant, et à tous ceux qui gravitent autour de lui comme la famille qui l'a recueilli et l'a ainsi sauvé d'une mort certaine. Parallèlement, Isabelle Marsay met en exergue de chaque chapitre des extraits de L'Emile, des Confessions, de lettres… qui forment un contre-point ironique et terrible à cette histoire qui pour être en partie fictive n'en retrace pas moins la réalité de ces 4300 enfants abandonnés chaque année, en moyenne, à l'époque de Rousseau, dans la seule ville de Paris. Ce que j'ai découvert et dont je n'avais pas pris conscience, c'est que Jean-Jacques Rousseau malgré ses justification, a été tourmenté dans sa conscience. On sait qu'il a cherché vainement à retrouver son fils aîné à la fin de sa vie même s'il n'y a pas mis beaucoup de conviction.

Merci à George de m'avoir fait découvrir ce  livre-voyageur passionnant.

Chez George  Voir ICI

Chez George , je découvre aussi un commentaire laissé par l'auteur, Isabelle Marsay :
Merci pour le fil de vos commentaires, découverts à l’instant. Je tente de répondre à Estelle qui tente de démêler la part de fiction et de réalité. L’auteur, en l’occurrence ma petite personne, s’est fondé sur des recherches biographiques, historiques pour tenter de comprendre les paradoxes de notre éminent pédagogue.
Mon but n’est pas tant de juger Rousseau mais de donner au lecteur le maximum de clefs pour le faire et exaucer le voeu de l’auteur des « Confessions ». Le destin du petit Baptiste se fonde sur des recherches relatives au sort des enfants abandonnés, mais il n’existe que sur le papier, même si je me suis beaucoup attachée à lui!!! Excellente soirée, isabelle Marsay.

Chez Asphodèle

Chez Hélène chocolat

dimanche 14 octobre 2012

Un livre/ Un film : Choderlos de Laclos, Les liaisons dangereuses





Réponse à l'énigme n° 43
 Le livre : Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos
 Le film : Les liaisons dangereusesde Stephen Frears

Bravo à :Aifelle, Dasola, Eeguab; Jeneen; Keisha, Miriam, Pierrot Bâton, Somaja.

Merci à tous !




Le roman de Choderlos de Laclos (1741-1803) s'inscrit dans le genre littéraire très à la mode au XVIII ème siècle, le roman épistolaire :  Crébillon,  Marivaux, Rousseau, Voltaire..
Dans le roman épistolaire, il n'y a pas de narrateur, ce qui laisse au lecteur une grande liberté de choix et d'interprétation. C'est à lui de se faire une idée sur la véritable personnalité des personnages en recoupant toutes ces messages pour percevoir leur duplicité ou au contraire leur sincérité. C'est au lecteur aussi de reconstituer le récit selon la chronologie des lettres. Mais si le lecteur "travaille" beaucoup, il ne peut le faire que parce que l'écrivain maîtrise le genre. Il faut à celui-ci beaucoup d'habileté dans la rédaction de ces missives qui doivent refléter par le style, le caractère, l'âge, la position sociale de son personnage. Ainsi les lettres de la jeune Cécile de Volanges montre sa naïveté, son ignorance du monde et donc sa fragilité, tout comme celles de Mme de Merteuil laissent apparaître le calcul, le cynisme, la cruauté. Dès lors le lecteur s'aperçoit que le portrait flatteur de Mme de Merteuil par Cécile est en décalage avec celui de cette grande dame quand elle est sincère. Il s'agit donc d'un jeu social. Chacun dans la société jour un rôle et porte un masque, à part, peut-être les victimes, Cécile de Volanges et Madame de Tourvel.
De la même façon, l'auteur doit aussi dominer la construction de l'intrigue qui se met en place à travers les écrits des personnages comme un puzzle dont l'auteur seul à le dessin complet en tête. Cette variation des points de vue donne sa richesse au roman. Dans cette société mondaine du XVIII ème siècle qui privilégie la parole brillante, où l'expression du sentiment est toujours un peu ridicule et est sacrifiée à l'esprit, on comprend pourquoi le roman par lettres a eu un tel succès.

Quelques thèmes importants
Le libertinage : Le roman de Choderlos de Laclos met en scène des personnages libertins. Il faut l'entendre ici non comme une philosophie empreinte d'épicurisme et refusant les contraintes religieuses mais au sens du XVIII siècle qui est avant tout celui d'une société du paraître. Les dames du monde doivent obéir à des codes moraux. Il suffit qu'elles se montrent vertueuses pour qu'elles soient en règle avec la société même si ce n'est qu'une vertu de façade. C'est le cas de Madame de Merteuil qui peut fonctionner comme elle le fait à condition que personne ne le sache. Lorsque ses agissements seront révélés, elle perdra sa position dans le monde. Les libertins sont donc avant tout des "acteurs" qui doivent se composer un rôle et bien le tenir, ce sont aussi des manipulateurs qui tirent les ficelles en coulisse et plient les êtres fragiles à leur volonté. Ce pouvoir qu'ils exercent sur les autres leur donne un ego surdimensionné, un orgueil, un sentiment de supériorité qui les amènent à mépriser leurs victimes.
Critique de la société
Le libertinage décrit par Laclos est donc avant tout hypocrisie et mensonge. C'est de de la part de l'auteur, une critique virulente d'une société sans morale, qui n'a de souci que pour l'apparence de la respectabilité et qui a des héros à son image. On comprend donc que le roman, malgré l'immense succès qu'il eut à l'époque auprès du public, ait été jugé scandaleux. Le capitaine de Laclos a eu, en effet, quelques problèmes avec sa hiérarchie militaire! Pourtant Laclos ne ressemble absolument pas à Valmont. Non seulement, il n'est pas un séducteur mais il n'a jamais été amoureux que d'une femme, la sienne!

Critique de la condition de la femme

Les deux complices Valmont et Mme de Merteuil sont égaux dans le cynisme, l'hypocrisie et la cruauté. Mais ils ne le sont pas socialement. Valmont, lui, peut se permettre d'avoir une mauvaise réputation même si pour séduire les femmes, il dit être calomnié, il feint la vertu, la sincérité des sentiments. Mme de Merteuil, elle, doit feindre l'amabilité, la bonté, la sagesse. La révélation de ses turpitudes causent sa perte. Les deux personnages ne sont pas sur le même pied car la femme est considéré comme inférieure. Madame de Merteuil l'apprend à ses dépens. Quant aux jeunes filles, on voit comment leur éducation de jeune oie blanche dans les couvents les laisse sans défense contre les prédateurs. Maintenir une fille dans l'ignorance n'est donc pas la bonne manière de lui enseigner la vertu, semble-dire de Laclos; C'était déjà la leçon de Molière et son Agnès de L'école des femmes.
Voir Wens pour le film

dimanche 29 avril 2012

Un Livre/Un film : Madame Le Prince de Beaumont La belle et la Bête



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Nous publierons à notre retour la liste des vainqueurs
Le conte : La belle et la Bête de Madame Le Prince de Beaumont :
La pièce de théâtre :  la belle et le Bête d'Alexandre Arnoux
Le conte : La chatte blanche de madame d'Aulnoy
Le film : La belle et la Bête de Jean Cocteau ; acteur Jean Marais; chef opérateur : Alekan

Merci à tous et toutes pour votre participation ....



Jean Cocteau s'inspire pour réaliser La Belle et la Bête du conte de Jeanne-Marie Le Prince de Beaumont et d'une pièce de théâtre d'un écrivain belge Alexandre Arnoux (que je ne connais pas). Il emprunte certains détails au conte La chatte blanche de madame d'Aulnoy.
 Jeanne-Marie Le Prince de Beaumont est née à Rouen en 1711 dans une famille d'origine modeste. Elle épouse le marquis Le prince de Beaumont qui meurt dans un duel en 1745. Son veuvage l'oblige à gagner sa vie. En 1748, elle publie un roman Le triomphe de la Vérité et émigre en Angleterre où elle devient gouvernante d'enfants de la haute société angalise. Avec le soutien de son ami Daniel Defoe, qui l'encourage à écrire, elle fait paraître des recueils qui assurent sa célébrité. Elle  écrit des oeuvres pédagogiques et morales. Le Magasin des enfants ou Dialogues entre une sage Gouvernante et plusieurs de ses élèves de la première distinction,(Londres 1757), est un recueil de contes de fées dont La Belle et la Bête est le plus connu. Le Magasin des Adolescentes (Londres, 1760), qui lui fait suite, contient d’autres contes, des récits de la Bible et de l’histoire romaine et des conseils moraux : Elle se remarie avec M. Pichon Tyrelle un normand naturalisé anglais. Elle meurt près d'Annecy en  1780.

La Belle et la Bête conte l'histoire d'un marchand, père de trois garçons et de trois filles, dont l'une, nommée la Belle, est douce et bonne, contrairement à ses soeurs vaniteuses et méchantes. Le vieil marchand ruiné se rend à la ville où il apprend la perte du dernier de ses navires. Lors de son voyage de retour, en plein hiver, il se perd dans la forêt et découvre un château merveilleux où il est accueilli avec générosité mais sans qu'il puisse voir son hôte.. Le lendemain, au moment où il s'apprête à partir, il cueille une rose pour sa fille Belle et aussitôt une bête apparaît qui lui demande sa fille en échange de sa vie. De retour chez lui, le père conte ce récit à ses enfants et Belle accepte de partir chez la Bête pour le sauver.  Elle va vivre avec la Bête et peu à peu apprendre à l'aimer. Cet amour permettra à la Bête de se délivrer du sort jeté par une fée et de redevenir un prince.


Le conte de madame le Prince de Beaumont présente deux mondes très différents : celui de la féerie avec l'intervention du fantastique que Cocteau a exploité merveilleusement, le château enchanté, le jardin plein de roses au milieu de l'hiver et de la neige, la bague magique, le miroir qui permet de voir des scènes lointaines.

Un monde bien réel et qui est une observation de la société de son temps : un marchand ruiné par la perte de ses navires; la déchéance sociale, le bourgeois aisé devient agriculteur, des filles à marier (les soeurs de Belle) auxquelles il faut impérativement une dot, trois fils à  qui il faut donner un métier.

Le thème principal du conte est l'idée qu'il ne faut pas juger les autres sur l'apparence extérieure. Sous la monstruosité de la Bête se cache une beauté intérieure que la Belle sait discerner, apprécier et enfin aimer parce qu'elle en est digne.
La Belle et la Bête est un conte moral : La Belle qui est généreuse, bonne sera récompensée. Elle découvrira le véritable amour alors que ses soeurs envieuses, jalouses, intéressées et incapables d'aimer, seront punies et transformées en statues.

Si Jean Cocteau s'inspire principalement pour réaliser La Belle et la Bête du conte de Jeanne-Marie Le Prince de Beaumont, il emprunte certains détails au conte de La chatte blanche de madame d'Aulnoy.
 Marie-Catherine d'Aulnoy ( 1651- 1705) est l'auteur de contes merveilleux : L'oiseau bleu, La chatte blanche, La belle aux cheveux d'or,   le nain jaune, la biche au bois .... dans lesquels elle allie à la description du Merveilleux, une satire de la société française du XVII siècle.

Dans La Chatte blanche, malgré de grandes différences dans le récit, le lecteur découvre une situation analogue  à celle du  marchand magnifiquement reçu dans une demeure enchantée mais puni parce qu'il dérobe une rose. Ici, c'est un jeune prince qui est accueilli avec faste dans un riche palais mais lorsqu'il veut s'emparer d'une chaîne de diamants, il est retenu par des mains sans corps. Cocteau a pris, ici, les images des mains tenant des flambeaux et montrant le chemin à la Belle quand elle arrive dans le château de la Belle. Dans La Belle et la Bête, c'est le prince qui a été transformé en bête par une fée, dans La chatte blanche, c'est un princesse qui a été métamorphosée en chatte.


Extrait de la chatte blanche
Il revint à la porte d'or, il vit un pied de chevreuil attaché à une chaîne toute de diamants, il admira cette magnificence, et la sécurité avec laquelle on vivait dans le château: «Car enfin, disait-il, qui empêche les voleurs de venir couper cette chaîne, et d'arracher les escarboucles? Ils se feraient riches pour toujours.»
Il tira le pied de chevreuil, et aussitôt il entendit sonner une cloche qui lui parut d'or ou d'argent, par le son qu'elle rendait; au bout d'un moment la porte fut ouverte, sans qu'il aperçût autre chose qu'une douzaine de mains en l'air, qui tenaient chacune un flambeau. Il demeura si surpris qu'il hésitait à s'avancer, quand il sentit d'autres mains qui le poussaient par derrière avec assez de violence. Il marcha donc fort inquiet et à tout hasard, il porta la main sur la garde de son épée; mais en entrant dans un vestibule tout incrusté de porphyre et de lapis, il entendit deux voix ravissantes qui chantèrent ces paroles
Des mains que vous voyez, ne prenez point d'ombrage,
Et ne craignez en ce séjour,
Que les charmes d'un beau visage,
Si votre cœur veut fuir l'amour.