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vendredi 21 février 2025

Connie Willis : Le Grand Livre


 

Vous aimez l’Histoire avec un grand H ? Vous aimez le Moyen-âge? Vous aimez l’aventure et l’extraordinaire ? Vous souhaitez voyager dans le Temps, vivre dans le futur ou dans le passé ? Alors ce livre est pour vous : Le Grand Livre de Connie Willis.

Nous sommes en 2054. Kivrin est étudiante en histoire à l’université d’Oxford et va être expédiée à l’époque médiévale par le directeur du laboratoire de Recherche, Mr Gilchrist, qui n’hésite pas à risquer la vie de son étudiante dans un tel voyage pour satisfaire ses ambitions personnelles. Et ceci, contre l’avis de James Dunworthy, chargé de l’organisation des voyages temporels. Pour lui, le Moyen-Âge est une période trop élevée sur l’échelle des risques et Kivrin lui paraît trop fragile :« Une fille qui mesurait moins d’un mètre cinquante, aux cheveux blonds tressés en nattes. Elle ne semblait même pas assez âgée pour pouvoir traverser une rue toute seule ». Mais elle souhaite ardemment partir et Dunworthy ne peut s’opposer à Gilchrist. Et puis, après tout, le XXI siècle n’est-il pas dangereux, lui aussi ?

«  Au Moyen-Âge, au moins, on ne risquait-on pas de recevoir une bombe sur la tête. »

Krivin a bien été préparée et partira le 22 décembre 2054 dans l’Oxfordshire du 14 au 28 décembre 1320. Le 28 décembre, elle retrouvera la porte temporelle à l’endroit où celle-ci l’a déposée.
Le docteur Mary Arhens lui a fait toutes sortes de vaccins, choléra, peste, typhoïde... Elle a aussi renforcé son système immunitaire même si l'on sait sait que la grande peste, la Mort Noire qui a d’abord touché l'Asie, le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord, avant de ravager la population européenne, n’arrivera en Angleterre qu’en 1348. Badri, l’ingénieur chargé de la machine à voyager dans le temps, est très compétent. Et le départ a lieu malgré les inquiétudes de James Dunworthy.



Mais…  dans la ville du XXI siècle qui se prépare à fêter Noël se déclare alors une épidémie liée à un virus inconnu. Krivin, elle se retrouve au Moyen-âge, est recueillie par une famille noble mais une erreur de calcul la plonge en pleine épidémie de peste en 1348. Le roman se déroule donc en alternance sur les deux périodes. 


Breughel l'Ancien : le triomphe de la Mort


Au Moyen-âge, nous faisons connaissance du père Roche, de dame Eliwys, épouse de sir Guillaume, et de leurs filles, Rosemonde (12 ans) Agnès ( 5 ans). Kivrin doit affronter la peste, soigner les pestiférés, sans savoir si elle pourra revenir dans le présent. Parviendra-t-elle à sauver Rosamonde et Agnès ? Retrouvera-t-elle son époque ? Elle va prouver qu'elle est capable de "traverser la rue toute seule" !  La description de la peste est cauchemardesque et nous immerge dans une époque terrifiante. Le XIV siècle est, en effet, ressuscité avec ses superstitions, ses ignorances et ses peurs, sa vie religieuse, ses croyances à la sorcellerie, avec le manque d’hygiène et la misère, la puanteur, la maladie, avec la mort omniprésente….  


Panneau de la chapelle de Lanslevillard (XVe siècle), en Savoie, La peste noire de 1348

Au XXI siècle malgré l’épidémie et les progrès de la médecine, la pandémie fait rage. James Dunworthy se dévoue pour lutter contre la maladie, pour essayer de sauver Kivrin perdue dans l'époque médiévale,  et pour s'occuper de Colin Templer (12 ans), petit-neveu du docteur Arhens, personnage attachant. Colin et l’étudiant William Meager, ce dernier bourreau des coeurs, doté d’une mère abusive et bigote, apportent une touche de fraîcheur et de dérision au récit. Par exemple, lorsque madame Meager pour réconforter les malades leur lit des pages de l’Ancien Testament !  

« A son réveil, Mme Meager se dressait au-dessus de lui, bible au poing.
-Il vous enverra maux et afflictions, entonna- t-elle dès qu’elle le vit ouvrir les yeux. Et toutes les maladies et toutes les fièvres jusqu’à votre destruction. »
« - je constate que madame Meager ne ménage toujours pas ses efforts pour remonter le moral des troupes. Je présume que le virus prendra bien soin de l’éviter. »
 

Malgré la situation dramatique, à la recherche des origines du virus et d’un vaccin, certaines situations nous font rire !

Un livre addictif qui mêle aventures palpitantes, tragiques, et humour bienvenu, nous amène très loin dans l’imaginaire. A lire absolument si vous aimez ce genre de lecture ! Moi, j’aime et je pense que je lirai d’autres livres de Connie Willis ! Le livre a été récompensé par quatre prix. 


Les pavés de l'hiver chez Moka (702 pages)




jeudi 20 février 2025

Jean-Louis Milesi : Flamboyante Zola


 

Flamboyante  Zola de Jean-Louis Milesi. Voilà un livre qui rend bien justice à madame Zola. 

J'ai vu, en 2023, une pièce de théâtre au Festival d'Avignon, Les Téméraires, sur Zola et Meliès et leur lutte contre l'anti-dreyfusisme, une pièce qui montrait bien la place tenue, entre autres, par  madame Zola.  J'ai lu aussi le Zola de Henri Troyat bien trop patriarcal pour accorder une place importante à madame. Il me reste encore  à découvrir le livre Madame Zola d'Evelyne Bloch-Dano. 

Ce livre consacré à madame Zola, commence par la nouvelle qui va être une blessure indélébile et un coup de tonnerre dans la vie conjugale d’Alexandrine  : une lettre anonyme qui lui est adressée et qui lui révèle que son mari a une double vie, qu’il a eu une fille Denise et un fils, Jacques, avec son ancienne lingère Jeanne Rozerot ! La douleur de madame Zola est si violente qu’elle en perd presque la raison, éprouve des envies de meurtre, en tombe malade et sa vie s’effondre.

 

Le déjeuner sur l'herbe de Manet

Par des retours en arrière, le lecteur est introduit dans la vie passée de Gabrielle, c’est ainsi que la jeune fille se faisait appeler à l’époque, quand elle posait comme modèle pour les peintres impressionnistes. C’est elle qui figure au second plan dans Le déjeuner sur l’herbe Manet. Elle est issue d’une classe sociale défavorisée, laissée à la rue par ses parents, exécutant des petits métiers dès son plus jeune âge pour survivre. Elle a eu une fille illégitime qu’elle  a été obligée d’abandonner faute de moyens financiers et qui meurt peu après. Elle fait la connaissance d’Emile Zola par l’intermédiaire de Cézanne et se marie avec lui. Son origine sociale lui vaut moqueries et condescendance de la part de la « bonne » société parisienne et de certains amis de son mari.


Le déjeuner sur l'herbe de Manet (détail) Gabrielle, future madame Zola


Peu à peu, le portrait de madame Zola prend de la netteté et nous découvrons une femme blessée mais forte, courageuse, intelligente, qui se tient dans l’ombre du Grand Homme et lui est indispensable. Elle n’est pourtant pas effacée, fière, le verbe haut, et tient tête à toutes les difficultés, et même aux avanies que Zola lui inflige, encore une fois, avec son dernier livre des Rougon-Macquart où le docteur Pascal, le double de Zola, met en scène son adultère avec Jeanne.
 Flamboyante, madame Zola !  C’est elle qui, encourage Zola et le soutient lorsqu’il lance son J’accuse, qui lui reste fidèle quand de nombreux amis le trahissent, qui affronte l’adversité quand les menaces de mort pèsent sur lui et sur elle, qui organise la vente aux enchères pour payer les dettes et les frais de justice quand il est accusé de traîtrise, qui planifie son exil à Londres, et se montre d’une grande générosité envers les enfants, avant comme après la mort de son mari.

Jean-louis Milesi nous présente -comme probable bien que non prouvé- l’assassinat de Zola, après son retour d’exil, par le fumiste Henri Buronfosse. Il n’y a pas eu d’enquête véritable et on a tout fait pour étouffer l’affaire. Ce qui est certain, c’est que  l’ouvrier, notoirement antisémite, était sur le toit voisin de la maison des Zola la veille de sa mort. Il aurait eu la possibilité de boucher la cheminée qui a provoqué la mort d’Emile Zola par intoxication à l’oxyde de carbone. Alexandrine a survécu.

Même si l’auteur s’appuie sur les fait historiques, la correspondance des époux et des  extraits de journaux, l'écrivain revendique son livre comme un roman, non comme une biographie… Et c’est ainsi qu’on le lit, avec plaisir et intérêt.

dimanche 16 février 2025

Merja Mäki : Quand les oiseaux reviendront

 


Décidément, avec les auteurs finlandais et par l’intermédiaire de la fiction, je suis en train de découvrir l’Histoire de la Finlande et en particulier l’histoire du XX siècle et de la guerre de 1940 de roman en roman.
Vous vous souvenez qu’Olivier Norek avait raconté la guerre d’endurance et la résistance acharnée des soldats finlandais en 1939 contre l’assaillant soviétique dans Les guerriers de l'hiver.
Avec Merja Mäki, Quand les oiseaux reviendront, nous sommes en Carélie du Sud et Alli et sa famille font face chaque jour aux bombardements ennemis soviétiques. Alli, envoyé à la ville pour apprendre le métier de guérisseuse, comme le veut sa mère, s’est bien vite enfui pour retourner chez ses parents et sa petite soeur. La famille vit dans une ferme au bord du lac Lagoda en Carélie du sud où son beau-père est pêcheur. C’est aussi ce que veut faire Alli mais ce métier n’est pas fait pour les femmes et elle se heurte à la désapprobation et à la colère de sa mère. Son Frère Aatos est mort au front, son  jumeau Tuomas continue le combat mais laisse derrière lui une jeune épouse enceinte, Silvi.

 Mais l’armistice est signé en mars 1940 et la famille apprend qu’une partie de la Carélie du Sud est annexée par les soviétiques et que toute la population est déplacée et doit fuir. La famille ira en train rejoindre le frère du beau-père d'Alli et celle-ci se propose de mener le bétail à pieds et en traîneau. Elle est accompagnée par sa belle-soeur Silvi. Elle veut prouver qu’elle n’est pas la rêveuse que voit en elle sa mère et qu'elle est très capable de réussir cette longue et harassante équipée. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a du caractère et du courage ! C’est un beau personnage assez complexe avec ses faiblesses et ses défauts, son entêtement parfois, qui fait aussi sa force !

Le roman est un roman d’aventures où l’on voit Alli secondé par Silvi affronter des kilomètres dans la neige et le froid. C’est aussi un livre sur l’exil, sur le déchirement de devoir quitter son pays natal et de le laisser aux envahisseurs, même si l’espoir demeure, Alli est certaine qu’elle sera de retour au pays quand les oiseaux reviendront. Un livre aussi sur la tristesse de l’exil, l’humiliation d’être reçue en quémandeuse, en étrangère, dans son propre pays, la Finlande restée indépendante. La Carélie a l’air plus archaïque, plus pauvre que ceux qui accueillent les exilés. Cette région est encore proche des traditions, des croyances magiques, le vocabulaire, la prononciation des mots sont différents. Loin de rencontrer de la compassion, les exilés sont traités avec mépris et considérés comme des « semi-russes » alors qu’ils viennent de tout perdre, justement, à cause des russes !
Mais il y a bien d’autres thèmes dans ce riche roman. La faim, la misère en particulier des enfants. Les souffrances de la guerre avec son lot de blessés et les mourants. Les rapports mère et fille souvent violents. Alli est rejetée par sa mère. Il y a aussi la condition féminine en train d’évoluer. En Carélie, les femmes « ne devaient pas se montrer trop hardies sans quoi le maître de maison perdait tout crédit aux yeux du village». Dans sa nouvelle vie Alli voit des jeunes femmes s’affirmer en devenant infirmières, indépendantes et libres. C’est ce que souhaite ardemment Alli qui affronte toutes sortes de défis. Y parviendra-t-elle ?
 Le roman est bien écrit avec sobriété dans l’expression des sentiments et la nature y est présente à la fois belle et rude avec son lac si grand que les pêcheurs l’appellent la mer, sa myriade d’oiseaux sauvages, ses hivers rudes dans les forêts enneigées.

« L’île de Haavus s’élevait en pente raide au niveau de la falaise de Haukka.
Arrivée au sommet, j’eus l’impression que le vent me transperçait de part en part et formait un tourbillon glacé dans mon ventre. La falaise plongeait presque verticalement vers la glace en contrebas. J’avais observé les récifs de nombreuses fois depuis le bateau, et ils m’avaient toujours donné l’impression qu’ils s’apprêtaient à me tomber dessus et à m’écraser sous leur poids.
En bas, la mer étincelait sous le clair de lune. La glace craquait sous l’effet du gel. »

 

 

Les quatre saisons de pavés chez Moka ICI

 


 

jeudi 13 février 2025

Paul Saint Bris : L’allègement des vernis

 

J’ai vu ce titre L’allègement des vernis de Paul Saint Bris bien souvent dans les blogs et j’ai eu envie de le lire car tout ce qui a trait à la peinture m’intéresse!

 

Vinci La Joconde

 

A l’heure où l’on parle beaucoup de la Joconde et de la saturation du Louvre en terme de visiteurs, l’Etat décide qu’il faut améliorer la rentabilité du musée par tous les moyens ! Pour cela, est nommée à la présidence des relations publiques du musée une jeune cadre dynamique « décomplexée », Daphné qui s’ingénie à rendre l’établissement plus attirant en misant sur le sensationnel, appliquant à l’art les mêmes techniques que dans l’industrie cosmétique et l’hôtellerie dont elle vient !
Pauvre Aurélien, conservateur du département des Peintures du Louvre, section Renaissance !  Déjà, il vit un divorce difficile, maintenant il subit les assauts des jeunes loups publicitaires dans son musée, puis « les stars de la pop" se pressent au Louvre "pour tourner leurs clips, les créateurs de mode pour organiser leur défilé, les géants de la Silicone Valley pour y nouer de fabuleux et juteux partenariats.". Mais ce n'est pas tout,  Daphné suggère que l’on pourrait alléger les vernis de la Joconde qui ont jauni et qui nuisent à la visibilité de l’oeuvre. Quelle publicité pour le Louvre au niveau international ! La presse de tous les pays va s’emparer de l'évènement !  Voilà qui va réveiller, entre autres, les Italiens qui croient dur comme fer que le tableau acheté, pourtant, à Léonard de Vinci par François Premier, leur appartient.

Toucher à la Joconde ! Ceci ne fait pas l’affaire d’Aurélien qui freine (mais en vain) des deux pieds.  Mais puisqu’il ne peut l’éviter, alors il confiera le tableau à son ami Gaetano, un restaurateur italien en qui il a toute confiance. Pauvre Gaetano ! A son tour, il est sous les feux des projecteurs. Comment travailler sereinement alors que la planète s’arrête de tourner à chacun de ses gestes et qu’il est surveillé à chaque moment de l’allègement des vernis ! C'est frustrant pour quelqu’un qui se considère comme un génial créateur ! 

 

Le Gaulois blessé

Il y a aussi un certain Homero, danseur raté, préposé au ménage dans le musée du Louvre, imaginant des chorégraphies sur son autolaveuse autour des statues de Sylène portant Dyonisos ou du Gaulois blessé (il y a des moments assez déjantés ! Je n’aime pas ce terme mais là il convient très bien !). 

 

Vinci : La dame à l'hermine


Quant à la suite et au dénouement, je vous les laisse découvrir, sachant qu’ils ne manquent pas d’humour !

Le livre est intéressant à plusieurs titres et d'abord parce que l'on y rencontre des oeuvres du musée à travers le regard d'Aurélien; celui-ci n'aime pas particulièrement la Joconde et lui préfère La Vierge aux rochers ou la Dame à l'Hermine. Je le comprends, j'ai vu ce dernier tableau à Cracovie et c'est une merveille. Mais ce n'est pas Vinci que le conservateur a choisi pour sujet de thèse mais Andrea del Sarto.

 Et puis, si l’on est novice comme moi, l’on y apprend beaucoup sur les techniques de restauration. Par exemple, le restaurateur Robert Picault a transposé La Charité d’Andrea del Sarto et plus tard, en 1773, le Saint Michel de Raphaël  « du panneau de bois pulvérulent qui lui servait de support, au prix d’une patience infinie, puis il l’a marouflée sur un châssis entoilé d’un coutil au point serré », comme s’il s’agissait d’une décalcomanie,  sauvant ainsi ces oeuvres d’une disparition programmée. ( voir ici)


La charité d'Andrea del Sarto


J'aime bien aussi la vision de l'écrivain sur les Bobos parisiens, les politiques, les publicistes ou les visiteurs narcissiques qui se photographient devant les tableaux. Et serait-ce un  roman à clefs? On y trouve même un portrait d'une ministre de la culture qui ressemble fort à Roselyne Bachelot.  (Mais c'est mon opinion personnelle qui n'engage que moi! ). A travers les personnages d’Aurélien et d'Homero, Paul de Saint Bris dresse un état des lieux assez ironique et désabusé sur les enjeux des lieux muséaux, victimes d’une société où l’art n’est plus ce qui importe, mais ce qu’il faut consommer, et qui sont gérés comme des startups.. 

Il haïssait l’idée que les visiteurs montent quatre à quatre les escaliers parcourent au pas de course la Grande Galerie pour s’agglutiner sur la vitrine de Monna Lisa en négligeant ses malheureux voisins de cimaise, les Véronère, Titien et Bassano. Il détestait ce paradoxe qui faisait de La Joconde à la fois le tableau le plus célèbre au monde et le moins regardé. Il maudissait le fait qu’une fois leur pulsion rassasiée ces mêmes visiteurs ne se retournent pas pour contempler à quelques mètres de leur soeur si fameuse les autres chefs d’oeuvre de Léonard, désespérément seuls malgré leur immense intérêt pictural."

mardi 11 février 2025

Ian Manook : Heimaey

 


«  Quoi ? Vous croyez vraiment que ce pays est un pays de certitudes ? Une île à cheval sur deux plaques tectoniques. Cent trente volcans dont au moins trente systèmes actifs. Certains sous le plus grand glacier d’Europe. Vingt-cinq mille tremblements de terre par an. A quelle certitude voulez-vous vous accrocher ? ».

Le roman policier de Ian Manoook, Heimaey, nous entraîne dans une virée en Islande sur les plus grands sites naturels. Ces merveilles de la nature, le français Jacques Soulniz, amoureux de l’Islande, entreprend de les faire  visiter à sa fille, Rebecca, pour renouer avec elle des liens plutôt distendus. Rebecca, Beckie pour les intimes, est le type même de l’ado « chieuse », « emmerdeuse », et autres joyeusetés, mais néanmoins aimée !
Il cherche à retrouver les impressions et les souvenirs du voyage qu’il a fait lui-même quand il était jeune, en 1973, après l’éruption de Leldfell. L’aventure s’est terminée tragiquement sur la petite île de Heimaey, par la mort de la seule femme qu’il ait jamais vraiment aimée, Abbie, tombée accidentellement d’une falaise. Mais ce passé ne risque-t-il pas de ressurgir ? Ce voyage avec Rebecca, loin d’être idyllique, va provoquer bien des ennuis, révéler bien des dangers, semer des cadavres sur la route, et prendre un tournant tragique quand Rebecca disparaît.

Islande : Ile Heimaey Ici

 

Si le suspense est bien mené mais parfois un peu long, ce que j’ai aimé surtout, ce sont les descriptions de ces paysages dont Ian Manook sait rendre à la fois la beauté, la force tellurique avec ses émanations gazeuses, ses fumerolles, ses coulées de lave solidifiées. « La beauté du diable » écrit Manook à propos de l'Islande.

« Quand Beckie ouvre la portière, le hurlement continu du souffle et l’odeur de soufre bousculent aussitôt tous ses repères. Elle sent jusque dans son corps le grondement de la vapeur sous terre qui siffle soudain comme une turbine en fusant à l’air libre. Son râle rauque résonne dans le sol.
- c’est le cri de Gunna, dit Soulniz en forçant la voix, une sorcière dont le fantôme hantait la lande et qu’un prêtre a réussi à jeter dans la solfatare il y a quatre cents ans. Depuis, elle hurle de fureur d’y être prisonnière. »


Les descriptions du pays permettent de « voir » l’île, de la comprendre, d’en saisir les beautés, les mystères avec son petit peuple invisible, ses trolls que l'on ne doit pas déranger, mais aussi les démesures. 

 Te voilà dans un pays où les routes contournent certains rochers parce que les elfes du Peuple Caché y vivent peut-être et où on découvre encore de nouvelles cascades, et dans le même temps on y chasse la baleine avec des harpons explosifs dont la charge perce l’animal pour y enfoncer un tripode qui se déploie dans son corps et le ferre à mort. Comme quoi on peut aimer quelque chose d’odieux et de généreux à la fois.

Si l'on ne connaît pas le pays, ces pages donnent envie de le découvrir et, si on le connaît, je ne peux que supposer que c'est avec plaisir qu'on refait le voyage !

Les marins n’aiment pas la mer. Ils aiment naviguer, mais ils n’aiment pas la mer. Pour quelques mers d’huile dociles, combien de houles fourbes, de grains, de tempêtes et de vagues scélérates. La mer est une maîtresse trompeuse qui prend les hommes et les bateaux par le ventre - et les engloutit. Les autres  marins du monde disent que le vent sème la tempête, mais les Islandais le savent : C’est du gouffre de la mer que surgit la tempête. De ses entrailles. Du fond vengeur que leurs chaluts raclent et pillent. Les tempêtes sont des vengeances. Des sursauts de bête qu’on assassine. »

Par contre, je n’ai pas trop adhéré aux personnages que je ne trouve pas toujours crédibles au point de vue psychologique. Souzny, par exemple, qui laisse sa fille partir à l’âge de quinze ans, après la mort de sa mère, et ne s’occupe pas d’elle pendant trois ans, tout en la gardant à l’oeil selon son expression, sous prétexte de respecter sa liberté. Cela ne me paraît pas être l'attitude d'un père aimant et responsable. Puis lorsqu’elle a dix-huit ans, il essaie de rattraper le temps perdu ? Je sais bien qu’il n’est pas fûté et, en cela, ce n’est pas un personnage très sympathique, (il cogne avant de réfléchir !) mais je ne peux pas croire à ce comportement. La loi aurait placé l’enfant si le père s’était montré à ce point déficient. Que penser aussi de Galdur qui non seulement participe à un trafic de cocaïne mais encore est assez bête pour voler les trafiquants et fait tuer, involontairement, il est vrai, Arnald, son frère jumeau. Rien, aucun chagrin, pas un regret, à peine un début de réflexion, il continue à vivre, s’amuser comme s’il n’était rien arrivé, et est toujours présenté au cours du récit comme « un gamin », innocent, un peu trop léger, comme s’il avait seulement chapardé des cerises dans l’arbre du voisin. Kornélius est aussi un drôle de flic mais lui, au moins se fait virer de la police, ce qui paraît normal ! Ces invraisemblances psychologiques nuisent à l’intérêt du récit. Vous allez me dire que ce sont des détails ? Peut-être, mais ils m'ont gênée. Et c’est dommage car l'écriture est belle !

jeudi 6 février 2025

Eric-Emmanuel Schmitt : La lumière du Bonheur


 

J’ai pris « en marche » si j’ose dire La traversée dans le temps que propose Eric-Emmanuel Schmitt dans La Lumière du bonheur mais il semble que l’on peut les lire de manière indépendante.
L’écrivain imagine le voyage d’un homme Noam qui se découvre immortel et toujours jeune et qui voyage  à travers les millénaires de la préhistoire à nos jours.

Le premier livre s’intitule Paradis perdus (fin du néolithique et déluge)  

Le second La porte du ciel ( Babel et la civilisation mésopotanienne)

Le troisième Soleil sombre (l’Egypte et Moïse).

Enfin le quatrième La lumière du Bonheur nous amène dans la civilisation grecque au temps de Périclès. J’ai eu plaisir à retrouver et à côtoyer rien moins que Sappho, la Pythie de Delphes, ( Vous aurez du mal à interpréter ses oracles !) Hippocrate, (Mais oui, avec Noam, vous conseillerez Hippocrate pour la rédaction de son fameux serment),  Périclès  et Aspasie, et, bien sûr, Socrate pour ne citer qu’eux… Plaisir à participer aux jeux Olympiques avec Noam, à assister aux représentations de pièces de théâtre, à vivre la démocratie grecque très particulière ( qui, comme on le déplore, ne concerne ni les esclaves ni les femmes ! ) à livrer la guerre aux Perses et à vous confronter aux Dieux…

Le roman d'Eric-Emmanuel Schmitt est donc une manière agréable de revisiter la Grèce antique, l’auteur connaît bien son sujet, des notes en bas de page vous invitent à aller plus loin.

Par contre, je n’ai pas trop adhéré à ce personnage immortel, Noam et encore moins à Noura, immortelle elle aussi, et à leur relation entre amour et haine. Ils ne sont pas assez, à mon goût, des personnages mais restent des prétextes. Peut-être me manquait-il finalement la lecture des premiers volumes ?

mardi 4 février 2025

Emily St John Mandel : La mer de la tranquillité

 

 

Dans  le roman d'Emily St John Mandel, La mer de la tranquillité, Edwin se promenant les bois de Caiette, au nord de l’île de Vancouver, entend une berceuse interprétée par un violon accompagné d’un bruit non identifiable. Nous sommes en 1912 et le jeune homme qui entend ces sons bizarres, Edwin St John St Andrew, est britannique, fils cadet d’une noble famille descendant de Guillaume le Conquérant, envoyé par son père au Canada. A Caiette, Edwin rencontre aussi un prêtre sorti de nulle part et qui disparaît de même. Des expériences inexplicables qui vont se renouveler à travers les siècles !

En 2020, Mirella voit une vidéo tournée par son amie Vincent quand celle-ci était jeune où le phénomène se reproduit et elle rencontre un journaliste qui semble intéressé par la vidéo. Soudain elle reconnait un homme qu’elle a vu quand elle était enfant, arrêté par la police, et qui a crié son nom Mirella alors qu’elle ne le connaissait pas. En 2203 nous nous retrouvons en train de faire une tournée de promotion d’un livre avec l’écrivaine Olive qui vit dans une colonie lunaire. Il y est question d’une pandémie interplanétaire bien pire que le covid 19 et d'un personnage qui porte la prénom de son héros Gaspery.. Enfin en 2402, les colonies lointaines sont peuplées depuis plus d’un siècle, celles de la lune sont désormais vétustes.  Un certain Gaspery Roberts est envoyé dans l’espace-temps pour remonter les siècles par sa soeur Zoey, physicienne de génie. Il doit enquêter sur les anomalies qui se sont produites mais il a interdiction d’interférer dans la marche du temps.

Nous retrouvons donc les personnages à différentes époques de leur vie et obtenons la réponse à nos questions sur cet étrange phénomène perçu dans les bois et sur bien d’autres choses aussi ! Ainsi, Zoey voudrait avoir la réponse à cette question qui l’angoisse, le monde dans lequel elle vit est-il une simulation? Voilà que vous pensez vivre une vie réelle et vous n’êtes, en fait, qu’une invention, qu’un programme, l’expérimentation d’un informaticien démoniaque. La réponse qui est donnée ne manque pas d’humour !

 Se pose aussi la question morale : Gaspery laissera-t-il le cours du temps se dérouler même si cela implique la mort des êtres qu’il a devant lui ? Est-ce juste ? N’y a-t-il pas un devoir de compassion ? La solidarité humaine ne prévaut-elle pas sur les lois ?
Si le roman est de science-fiction, il ne s’intéresse pas à l’aspect technique mais à l’aspect humain, à la psychologie des personnages, à leur vie, leurs sentiments.

1912 :  Ainsi le personnage d’Edwin, dix-huit ans, est un personnage fragile malgré son côté provocateur. Il ose exprimer en présence de ses parents et des invités ce qu’il pense de l’impérialisme britannique qu’il juge oppressant.
« Guillaume le conquérant, c’était il y a mille ans. Nous devrions quand même être capables de nous montrer un peu plus civilisés que le petit-fils dément d’un pillard viking.
son père prit la parole sur un ton posé :
«  Chacun des privilèges dont tu as bénéficié en ce monde, Edwin, a découlé d’une manière ou d’une autre du fait que tu descends, comme tu l’as exprimé avec tant d’éloquence « du petit-fils dément d’un  pillard viking ».
- Bien sûr, dit Edwin. Ca pourrait être pire. Il leva son verre «  A Guillaume le bâtard ».

 Le personnage d’Olive, écrivaine de roman post-apocalyptique, sent le vécu non seulement dans les questions que lui posent les lecteurs permettant de réfléchir au genre littéraire qu'elle écrit. "Pour ma part,  je suis convaincue que si nous nous tournons vers la fiction post-apocalyptique, ce n'est pas parce que nous sommes attirés par le désastre en soi, mais parce que  nous sommes attirés par ce qui, dans notre esprit, risque fort de se produire. Nous  aspirons à un monde moins technologique."

Mais aussi parce qu’en 2203, désolée de vous le dire, les femmes ne sont pas encore sorties du patriarcat ! Olive qui fait la promotion de son livre trouve toujours sur sa route un imbécile (homme) pour lui reprocher de travailler au lieu d’être près de sa fille ou (femme) pour encenser le père qui est si « gentil » de garder son propre enfant comme si ce n’était pas naturel ! Nul doute qu’Olive ne soit autre qu’Emily St John et que celle-ci ait dû faire face à ce genre d’ânes bâtés !

"J'ai une fille dit Olive

- Quel âge ?

- Cinq ans.

- Qu'est-ce que vous faites ici alors ?

-Eh bien, c'est ce qui me permet  de subvenir à ses besoins" répondit Olive de sa voix la plus suave. Elle fut tentée d'ajouter : " Ducon, je sais que tu ne poserais jamais cette question à un homme..."

 
Je dois dire en conclusion que ce roman est très agréable et m’a donné envie de lire d’autres titres de cette auteure. Il paraît que l'on retrouve ici certains personnages de ses livres antérieurs. Ils sont d'ailleurs attachants, leur histoire est bien contée et les questions soulevées sont intéressantes.

dimanche 2 février 2025

Michael Crummey : Les adversaires

 

 

 

 

 

 

 

Le titre Les adversaires de l’auteur canadien Michael Crummey donne le ton du roman : Il s’agit bien, en effet, d’un combat  impitoyable, celui que mènent  Abe Strapp et la Veuve Caines,  les deux propriétaires d’importantes pêcheries dans le village de Mockebeggar sur l’île de Terre-Neuve et sur la côte. Qu’ils soient frère et soeur ne diminue pas leur haine réciproque ni les coups bas qu’ils sont prêts à porter si l’occasion s’en présente. Le livre s’ouvre sur un chapitre étonnant où la Veuve Caines empêche le mariage de son abruti de frère avec une pauvre fille de quatorze ans et si l’on s’en réjouit pour la petite, on verra bien vite que la Veuve Caine n’est guidée par aucun altruisme.

Abbe est un imbécile, incapable de réfléchir, de se concentrer, incapable de gérer l’entreprise dont il a hérité par son père. Il dilapiderait bien vite sa fortune si son parrain Clinch, le Sacristain de l'église protestante, ne veillait au grain. Abe Strapp est orgueilleux et susceptible, grossier, vulgaire, dépravé, misogyne, violeur,  patron d’une maison close, meurtrier quand il lui plaît. Et c’est pourtant lui qui va devenir juge de paix et dominer par la peur, la menace de la corde et les châtiments physiques tous les habitants de la région. La Veuve Caines est incontestablement intelligente, réfléchie, instruite, artiste, et aussi froide, sèche, égoïste, calculatrice mais elle doit faire avec l’infériorité sociale que lui confère son appartenance au sexe « faible ». C’est peut-être pour cela qu’à la mort de son mari, elle s’habille avec des vêtements masculins, tenue qu’elle ne quittera pas. A la limite, entre deux maux, je  suis sûre que, s’il le fallait, n’importe quel lecteur préfèrerait la Veuve !  Mais le choix serait-il judicieux ? QUI de l’un ou de l’autre va l’emporter ? Qui est le plus dangereux ?

Et puis, il y a les enfants auxquels on s’attache, Seulemonde et sa soeur Bride dont le père est tué par Abe et qui travaillent tous deux chez la Veuve. Le jeune garçon admire la Veuve et lui voue un véritable culte, Bride se méfie d’elle. Lazare, un jeune délinquant qui a eu une enfance malheureuse, découvre l’affection et la foi dans une famille Quaker. Dominique, un petit noir haïtien cherche la liberté.

 



Le roman décrit la vie dans cette île de Terre-Neuve, rythmée par le travail lié à la pêche, le départ des flottilles, leur retour avec les cales pleines de morues, les saloirs, le séchage, la dureté de cette vie et la pauvreté. Le froid intense, la glace paralysent toute vie l’hiver, les tempêtes emportent tout sur leur passage, les épidémies font rage et lorsque la pénurie s’installe, quand la pêche ne donne plus, la misère s’exacerbe. Et ces côtes ne sont pas, de plus, épargnées par les flibustiers assez inénarrables eux aussi ! C’est une époque où les enfants travaillent comme des adultes, où les filles sont mariées à onze ans, où elles meurent en couches à quinze ans.

Tout ceci compose un roman noir, rude, terrible, mais captivant, parfois truculent avec l’installation d’un bordel tenue par une mère maquerelle surnommée L’Abbesse, personnage hors du commun. C’est brillant et passionnant et le dénouement est à l’image de ce qui précède.

vendredi 31 janvier 2025

Todd Strasser : La Vague et Martin Niemöller : Quand ils sont venus me chercher...

 

 EN MEMOIRE  :

 Pour célébrer le quatre-vingtième anniversaire de la libération d'Auschwitz.

La Vague de Todd Stasser est un roman paru en 1981 adapté d’un téléfilm d’après l’expérience bien réelle menée dans une classe de terminale à l’école de Cubberley à Palo Alto en Californie par un professeur d’Histoire en 1969. En 2008 sortit aussi un film portant le même titre de Dennis Gansel en Allemagne.

Selon le professeur  qui a raconté l’expérience: « Il s’agit de l’évènement le plus  effrayant que j’aie jamais vécue en une salle de classe, »

Ben Ross le professeur charismatique d'un lycée enseigne la seconde guerre mondiale à ses élèves et leur présente un film sur les camps de concentration. Les élèves, bouleversés par les images, s’étonnent qu’aucun allemand n’ait réagi et que tous aient suivi Hitler, adhéré à ses idées.

« Comment  les Allemands ont-ils pu laisser des millions d’êtres humains innocents se faire assassiner? »*

Ben Ross les invite à une expérience :  dans un premier temps il les fait « jouer » à observer une discipline stricte puis à répéter les trois slogans :  La Force par la discipline, la Force par la communauté, la Force par l’action. Il en profite d’ailleurs pour leur faire apprendre leurs leçons ! Au début, les jeunes gens  s’amusent mais peu à peu ils se piquent au jeu et ceci d’autant plus qu’une énergie nouvelle les anime, un sentiment de force, de pouvoir, une solidarité inédite naît entre eux de cette expérience.

« Les élèves sentaient une nouvelle fois monter en eux l’impression de puissance et d’unité qui les avait envahis la veille » « 

Bientôt, le professeur leur fait adopter un logo, une vague, et un geste qui ressemble à celui exécuté par Musk pendant la cérémonie d’investiture de Trump.

"Rappelez-vous, au sein de la Vague, vous êtes tous égaux. Personne n’est plus important ou plus populaire que les autres, et personne ne doit se sentir exclu du groupe."

Robert, l'un des élèves, souffre-douleur de la classe est l’un des plus enthousiastes dès le début. Désormais il fait partie du groupe car tous sont solidaires.  Serait-ce un des effets positifs de cet engouement ?

"Si tu étudies les personnes qui rejoignent les sectes, tu verras qu’il s’agit presque toujours de gens mal dans leur peau et dans leur vie. Pour eux, la secte est une façon de changer, de recommencer à zéro, comme une renaissance ".

Mais tous les adhérents de la Vague ne sont pas des exclus, loin de là :  L’équipe de foot, les élèves des autres classes viennent rejoindre le groupe, des cartes de membre sont distribués, portant le logo de ralliement.

« La Vague n’était plus une simple idée, ni même un jeu. Mais un mouvement qui avait pris corps grâce à ses élèves. C’étaient eux la Vague, et Ben comprit qu’ils pouvaient agir seuls, sans lui, s’ils le voulaient. »

Et bientôt il y un glissement vers l’intolérance. Ceux qui ne veulent pas adhérer à la Vague sont rejetés,  harcelés par les autres et même frappés. Laurie et David ainsi que les membres de la rédaction du journal  du lycée cherchent pourtant à résister et vont avertir le professeur que le mouvement prend de l’ampleur et risque de conduire au désastre.

"Ben commençait à comprendre à quel point sa « petite expérience » s’avérait bien plus sérieuse que ce qu’il avait imaginé. Ils étaient prêts à lui faire une  confiance aveugle, à le laisser décider à leur place sans hésiter une seconde - ce constat l’effrayait. Si le destin des hommes était de suivre un chef, raison de plus pour que les élèves retiennent cette leçon : Il faut toujours tout remettre en question, ne jamais faire confiance aveuglément à quelqu’un. Autrement…"

 Lui-même s’est laissé prendre un moment à ce jeu, il est si agréable d’être écouté, respecté, obéi, d’avoir un tel pouvoir sur ses élèves … mais c’est au détriment de la liberté individuelle et de la réflexion. Il lui faut alors tout arrêter et faire comprendre la leçon aux enfants.

Vous aurez appris que nous sommes tous responsables de nos propres actes et que nous devons toujours réfléchir sur ce que nous faisons plutôt que de suivre un chef aveuglément; et pour le restant de vos jours, jamais au grand jamais, vous ne permettrez à un groupe de vous dépossédez de vos libertés individuelles ».

 La vague est  un témoignage romancé à partir des écrits du professeur et du téléfilm. Ce n'est pas un grand texte littéraire mais une démonstration. Il est simple à lire et je pense qu'il constituerait une bonne base de lecture pour des élèves de 4 ième et 3 ième d'autant plus qu'il parle de l'univers scolaire. Pour ceux de la seconde à la terminale les oeuvres de Jorge Semprun, Primo Levi, sur ce sujet, sont évidemment plus complexes et plus littéraires.

La mort est mon métier de Robert Merle est aussi un livre riche et passionnant qui vient corroborer la démonstration de La Vague

"Il a bien des façons de tourner le dos à la vérité. On peut se réfugier dans le racisme et dire : les hommes qui ont fait ça sont des allemands. On peut aussi en appeler à la métaphysique et s'écrier avec horreur, comme un prêtre que j'ai connu : "Mais c'est le démon ! mais c'est le Mal !"
Je préfère penser, quant à moi, que tout devient possible dans une société dont les actes ne sont plus contrôlés par l'opinion populaire.
"Qu'on ne s'y trompe pas : Rudolf Lang n'était pas un sadique. Le sadisme a fleuri dans les camps de la mort, mais à l'échelon subalterne. Plus haut, il fallait un équipement psychique très différent.
Il y a eu sous le Nazisme des centaines, des milliers, de Rudolf Lang, moraux à l'intérieur de l'immoralité, consciencieux sans conscience, petits cadres que leur sérieux et leurs "mérites" portaient aux plus hauts emplois. Tout ce que Rudolf fit, il le fit non par méchanceté, mais au nom de l'impératif catégorique, par fidélité au chef, par soumission à l'ordre, par respect pour l'Etat, bref en homme de devoir : et c'est en cela justement qu'il est monstrueux.

 https://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2011/06/gitta-sereny-au-fon-des-tenebres-un.html

 

 

Martin Niemöller : Quand ils sont venus me chercher ...

 

Martin Niemöller


* J'espère que le professeur d’histoire a tout de même expliqué à ses élèves qu’il y a  eu des opposants au régime hitlérien et que ce sont eux, qui, dans les années 1930, ont été envoyés les premiers dans les camps de concentration. C’est d’ailleurs ce que nous dit le texte du pasteur de l’église protestante, Martin Niemöller.
"Martin Niemöller passa 8 ans en camp de concentration sur ordre de Hitler auquel il s'était opposé à partir de 1934. Ancien officier nationaliste de sous-marin allemand durant la Grande Guerre, devenu pasteur par refus de tuer des innocents, il est au début attiré par les thèses du parti nazi mais réalise très vite la perversion du national-socialisme et organise, avec Dietrich Bonhöffer, la dissidence anti-régime et la résistance d'une partie de l'église allemande. Arrêté en 1937 et enfermé à Sachshausen puis Dachau, il sera libéré par les Américains en avril 1945." (wikipédia)


Quand ils sont venus chercher les communistes, 

je n’ai rien dit, 

je n’étais pas communiste.


Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, 

je n’ai rien dit, 

je n’étais pas syndicaliste.


Quand il sont venus chercher les sociaux-démocrates, 

je n'ai rien dit,

 je n'étais pas social-démocrate.

 

Quand ils sont venus chercher les Juifs, 

je n’ai rien dit, 

je n’étais pas juif.
 

Puis, quand ils sont venus me chercher, 

il ne restait plus personne

 pour protester.

 

mercredi 29 janvier 2025

Jorge Semprun : Le grand voyage

 

 

 EN MEMOIRE

Nathalie  propose du 27 Janvier au 3 février d’écrire un billet sur les camps de concentration en mémoire des quatre-vingts ans de la libération du camp dAuschwitz : voir Ici

 

Jorge Semprun

 

Dans Le grand voyage paru en 1963, Jorge Semprun, le grand écrivain espagnol exilé en France en 1940, résistant communiste, arrêté en septembre 1943, raconte son voyage dans les wagons plombés et son expérience des camps de concentration à Buckenwald. A son retour d’Allemagne, il a senti qu’essayer d’écrire sur cette terrible époque attentait à sa santé mentale. Ce n’est que longtemps après qu’il trouve la force d'écrire et de dire toute l’horreur des camps et, pour la première fois, seize ans après, il révèle le sort des enfants juifs polonais arrivés au camp « dans le froid de l’hiver qui a été le plus froid de cette guerre-là. »

« Un jour dans un de ces wagons, où il y avait des survivants, quand on a écarté l’entassement des cadavres gelés, collés souvent les uns aux autres par leurs vêtements raides, on a découvert un groupe d’enfants juifs… Les SS se sont déployés en arc de cercle et ils ont poussé devant eux, sur la grande avenue, cette quinzaine d’enfants juifs. Ils ont lâché les chiens et ils se sont mis à taper sur les enfants pour les faire courir, pour faire démarrer cette chasse à courre sur la grande avenue, cette chasse qu’ils avaient inventée, ou qu’on leur avait demandé d’organiser, et les enfants juifs se sont mis à courir, sous les coups de matraque, houspillés par les chiens sautant autour d’eux, les mordant aux jambes, sans aboyer, ni grogner, c’étaient des chiens dressés, les enfants se sont mis à courir sur la grande avenue, vers la porte du camp. Et les enfants couraient, avec leurs grandes casquettes à longue visière, enfoncées jusqu’aux oreilles, et leurs jambes bougeaient de façon maladroite comme au cinéma quand on projette des films muets, comme dans les cauchemars ou l’on court de toutes ses force sans avancer d’un pas, et cette chose qui vous suit et qui va vous rattraper, elle vous rattrape, et vous vous réveillez avec des sueurs froides, et cette chose, cette meute de chiens et de SS qui courait derrière les enfants juifs, eut bientôt englouti les plus faibles d’entre eux, ceux qui n’avaient que huit ans, peut-être, ceux qui n’avaient plus la force de bouger, qui restaient piétinés, matraqués par terre, et qui restaient étendus au long de l’avenue, jalonnant de leurs corps maigres, disloqués, la progression de cette chasse à courre, de cette meute  qui déferlait sur eux. Et il n’en resta bientôt plus que deux, un grand et un petit, ayant perdu leurs casquettes dans leur course éperdue, leurs yeux brillaient comme des éclats de glace dans leurs visages gris, et le plus petit commençait à perdre du terrain, les SS hurlaient derrière eux et les chiens ont commencé à hurler, l’odeur du sang les affolait, et alors le plus grand des enfants a ralenti sa course pour prendre la main du plus petit qui trébuchait déjà, et ils ont fait encore quelques mètres, ensemble, la main droite de l’aîné serrant la main gauche du petit, droit devant eux, jusqu’au moment où les coups de matraques les ont abattus, ensemble, face contre terre, leurs mains serrées à tout jamais. »

 

Voir aussi :

Jorge Semprun :  Le fer rouge de la mémoire

Jorge Semprun et Baudelaire dans Quel beau dimanche !  Ô mort , vieux capitaine...

Jorge Semprun : L'écriture et la vie

 

Voir Nathalie  : En Mémoire  et Prises de vue clandestine dans les camps nazis de Christophe Cognet


 Voir Sandrine : Vivre avec une étoile de Jiri Weil

Patrice : Vivre avec une étoile de Jiri Weil

 

 

jeudi 23 janvier 2025

David Park : Voyage en territoire inconnu

 

Dans Voyage en territoire inconnu de l'écrivain irlandais David Park, Tom part de Belfast pour aller chercher Luke, son fils, en Angleterre, à l’université de Sunderland, car le trafic aérien est paralysé par une vague de froid polaire à trois jours de Noël. Il est hors de question de laisser Luke seul et malade dans sa colocation déserte. Sa femme Lorna et sa fille l’attendront à la maison. C’est sur des routes enneigées et verglacées que Tom se lance dans ce long périple, traversée en ferry jusqu’à l’Ecosse puis direction vers l’Est jusqu’en Angleterre. Ce voyage à travers des régions rendues méconnaissables par la neige, territoire inconnu qui semble tout droit sorti d’un cauchemar, est aussi un voyage intérieur, où Tom resté seul face à ses pensées et ses regrets.

"Je pénètre en territoire gelé, bien que je ne puisse dire à quel pays il appartient. (…) Tout est caché même les secrets que je serre fort pour les empêcher de trouver la lumière; le monde s’étend si loin à l’infini que je ne peux le réduire à un seul cadre, et si je plisse les yeux, c’est seulement pour me protéger des rafales de neige." 

 
 Tom affronte une fois encore ses angoisses de père, ressasse ses défaillances, tourne et retourne son sentiment de culpabilité, "the strange land » de la paternité, avec toutes ses questions angoissantes, qu’ai je-fait, qu’aurais-je dû faire ?  Pourquoi ? Où est mon erreur ?, les relations de père à fils mais aussi du fils qu’il a été envers son père. Et dans ces longues heures de route, se joue tout simplement la question du courage nécessaire pour affronter la vie, de la tentation de céder,  la question de la vie et de la mort. Où trouver la force de continuer quand l’ordre des choses a été rompue ?

"Toute chose doit avoir un but et je dois découvrir le mien, ou alors céder aux exhortations de ce territoire gelé, m’abandonner à la fatigue et poser la tête sur son doux oreiller de neige."

Quelques rencontres viennent rompre la solitude et apporter une touche humaine, chaleureuse bien qu’éphèmère, Agnès, la vieille dame partie faire des courses, qu’il raccompagne et qui lui donne un chocolat pour son fils, Rosemary, victime d’un accident qu’il assiste en attendant les secours. Et peu à peu au cours du voyage, par bribes, se dévoile la tragédie qui a frappé la famille.
Si l’ensemble baigne dans une sorte de tristesse voilée, étouffée, semblable aux paysages estompés par la neige, il y a ces moments de bonheur partagés quand les enfants sont tout petits et cette idée, si vraie, si juste, que tout parent doit avoir un jour expérimenté, « cette impression  de voir le monde pour la première fois. Le voir à travers des yeux d’enfants. » Et il n'est pas étonnant qu'il soit souvent question de regard dans le roman puisque Tom est photographe.

 

L'ange du Nord de Antony Gormley à Gateshead

Il y a de très beaux passages qui apportent du réconfort, comme la visite à l’ange dominant la ville de ses grandes ailes déployées, qui, pour Tom et bien qu’il ait perdu la foi, est une promesse d’espoir, de rédemption.

 « … photographier l’ange. Je veux saisir sa dimension, sa puissance, l’envergure des ses ailes, je veux emporter cette image partout où j’irai dans l’avenir. ». 

Et si son métier, en dehors de la photographie alimentaire qui parfois l'ennuie, est pour lui un moyen de s’exprimer, la somme de tout ce qu’il a vu, qu’il a lu, qu’il a éprouvé, il faut pourtant comme le lui demande Lorna à la naissance de son fils, qu’il accepte de regarder son fils avec ses yeux, non à travers un appareil photographique : « Avec mes yeux. Uniquement avec les yeux. Un petit garçon qui franchit les pierres du guet, les paupières fermées. Un garçon qui manque me bousculer dans sa hâte à entrer dans le salon le matin de Noël. Ses cadeaux pour sa mère et son père, emballés n’importe comment- une paire de gants en laine pour moi, du parfum pour Lorna… ». C'est le regard de l'amour enfin dépouillé de  culpabilité.

Un très beau livre, à la fois sobre et plein d’émotion. 


Voir Kathel : ICI

mardi 21 janvier 2025

Sarah Penner : La petite boutique aux poisons

 

 

La petite boutique aux poisons de Sarah Penner. Voilà le genre de lecture facile destinée aux esprits fatigués et qui ont envie de se divertir avec ce polar historique. Divertir ? Ouep ! En un  sens … mais je conseille tout de même à ces messieurs de se méfier ! Car nous allons rencontrer une empoisonneuse Nella  bientôt secondée par une admiratrice et disciple Eliza (12 ans). Une femme bien sous tout rapports puisque sa loi n° 1 est de ne jamais s’attaquer aux femmes et d’aider celles-ci à se débarrasser des maris gênants, croqueurs de dot,  infidèles, violents, désagréables ! Bref ! Une entreprise qui travaille pour le bien public et féminin ! Nous sommes en 1791 dans l'arrière-boutique obscure d’un quartier de Londres non moins obscur en train de manipuler de mystérieuses fioles gravées d’un écusson représentant un ours et avis aux maris ! Tenez-vous bien !

De nos jours, à Londres, Caroline venue des Etats-Unis est désemparée. Elle et son mari s’apprêtaient à faire ce voyage pour célébrer leur anniversaire de mariage lorsque Caroline apprend qu’il lui est infidèle. Elle part seule et se retrouve dans la capitale sans grande envie de visiter la ville, trop malheureuse pour cela. C’est le moment de faire le point et de s’apercevoir qu’elle a sacrifié tout ce qui était important pour elle en se mariant !
C’est alors qu’un homme l’aborde pour lui proposer une séance de mudlarking dans les boues de la Tamise à marée basse :
« Il fut un temps où les fouilleurs qu'on appelle mudlarks, récoltaient les pièces, des bijoux, des céramiques, pour ensuite les vendre. C'est de ça que parlent les romans de l'époque victorienne. Les gamins des rues récupéraient ce qu'ils pouvaient pour essayer d'acheter un bout de pain. Mais aujourd'hui, nous ne sommes là que pour le plaisir. Vous pouvez conserver ce que vous trouvez, c'est la règle.

Et Caroline trouve… devinez ? Et oui, une fiole avec un petit ours gravé. Dès lors elle mène une enquête qui lui permet de remonter dans le temps sur les traces de l’empoisonneuse et de découvrir son histoire. Je ne vous en dis pas plus si ce n’est que, non, Caroline n’empoisonnera pas son mari, il est assez bête pour s’empoisonner tout seul !

Un livre agréable  et divertissant  qu’il ne faut pas prendre trop au sérieux ! 

lundi 20 janvier 2025

Sally Page : La collectionneuse de secrets

 


 

Je me méfie toujours un peu des romans qualifiés (en bon français) de « Feel good », aussi, c’est avec un peu de méfiance que j’ai abordé ce livre, La collectionneuse de secrets de Sally Page.  Et finalement ce livre ne manque pas d’intérêt. Alors après la lecture du dernier volume de Proust, un roman facile, optimiste, pourquoi pas ? C'est ce que je me suis dit !
 

Le personnage principal, Janice, un petit bout de bonne femme, active, intelligente et curieuse, est femme de ménage. Sa vie, pense-t-elle n’est pas intéressante, elle se considère comme une petite souris sans importance. D’ailleurs, son mari ne cesse de lui renvoyer cette image dévalorisante d’elle-même, lui qui n’est pas capable de conserver un travail et a honte que son épouse fasse du ménage !

 Aussi collectionne-t-elle la vie des autres, celle de ses clients, des gens croisés dans la rue, du chauffeur de bus … Et les histoires qu’elle nous raconte font vivre toutes sortes de personnages avec leurs difficultés, leurs chagrins, leurs inquiétudes. Ces femmes et ces hommes pris dans leur vie quotidienne sont vrais et  attachants. Un jour, une de des clientes, lui demande de faire des ménages chez Madame B, sa belle-mère, âgée de 92 ans.  La rencontre avec cette vieille dame peu commode est assez épique mais peu à peu les deux femmes s’apprivoisent et s’apprécient grâce à une histoire que madame B raconte à notre collectionneuse.

La lecture de ce roman qui présente des qualités est agréable même si je n’ai pas tout aimé : le côté résolument optimiste qui aplanit toutes les difficultés rencontrées par Janice me paraît trop loin de la réalité. Si une femme de ménage sans le sou, à la rue, pouvait s’émanciper aussi facilement, en rencontrant autant de gens prêts à l’aider, un patron prêt à lui prêter un appartement, un chevalier servant sans peur et sans reproche prêt à la défendre et à l’aimer… Bref ! si c’était aussi facile, la vie serait bien faite !  Je n’ai pas aimé, non plus, l’histoire racontée par Madame B  qui a été inspirée par une femme qui a réellement existé et a eu une liaison avec Edward III alors futur roi d’Angleterre. Je lui ai préféré les récits des personnages fictifs, plus simples, qui sont paradoxalement plus justes et plus intéressants que le personnage  réel.

Cependant, c’est un roman que j’ai eu plaisir à lire même s’il n’est pas parfait. Je suppose qu’il faut le lire un peu comme un conte et retenir ce que veut dire l’auteur : que tout être, même le plus humble en apparence, mérite d’être reconnu en tant que personne et respecté, que la vie serait plus facile avec plus de solidarité et d’amitié... 

samedi 18 janvier 2025

Fanny Abadie : Les insoumis du Blizzard

 


Les insoumis du Blizzard de Fanny Abadie est un livre de SF pour les adolescents ( à partir de 14 ans) présentant un monde post-apocalyptique. « La population mondiale, aux deux tiers anéantie, s’est réfugiée sur le continent africain». Nous sommes en 2330 et nous nous intéressons à une petite communauté qui a refusé l’exil climatique et vit à Lille, dans un grand bâtiment, la vieille bourse, au milieu d’un univers gelé, submergé par la neige et glace.
 
Le groupe, composé de 5 adultes et de six adolescents âgés de 10 à 16 ans, tente de survivre sous la direction du chef Kelsang et d’Hélène - la mère de Mirren (10 ans) et Babak (16 ans)- , qui font régner une discipline de fer avec l’aide des autres adultes dont Tamund, médecin-cuisinier. Josh (15 ans) est le dénicheur, celui qui sillonne la ville, s’introduit dans les maisons désertes à la recherche de tout ce qui peut aider la communauté, Nedja, 15 ans et sa soeur Liv (14 ans) sont proches l’une de l’autre mais un incident vient perturber leur complicité et il y a  aussi Afick que le chef considère comme son disciple. La vie des adolescents est rude, remplie de corvées, soumise à une discipline brutale, sans affection et sans joie, dans une communauté qui fonctionne un peu comme une secte.

Le monde antérieur est peu décrit et ce que l’on en apprend, c’est que la reproduction naturelle n’existaient plus, les bébés étaient conçus en éprouvettes. Cependant, étant donné les circonstances et pour la survie de la communauté, les adultes vont encourager les jeunes couples à la reproduction, après les avoir sélectionnés d’après leur génétique. Or, lorsqu’il s’agit de faire l’amour, les sentiments s’en mêlent, tout ne se passe pas comme prévu. Les adolescents se rebellent et décident de s’enfuir :
« Les patins du traîneau crissèrent et ce bruit décupla leur assurance. Les jeunes échangèrent des encouragements qui claquèrent comme des fouets.
Au-delà des immeubles défoncés par le blizzard, l’horizon, blanchi par la tempête, leur parut tout à la fois sombre et exaltant. »

Où vont-ils pouvoir se réfugier ? Quels dangers vont-ils affronter ? Parviendront-ils à s’entendre ?  Que va-t-il arriver ? C’est ce que vous ne saurez pas !  Et le lecteur reste le bec dans l’eau car, au moment où cela devient le plus intéressant, le livre s’arrête ! J’ai cherché, en vain, un deuxième tome. Mais non ! C’est fini et on reste sur sa faim ! 

jeudi 16 janvier 2025

Marcel Proust : Bilan final : livre 6 : Albertine disparue et livre 7 : Le temps retrouvé

 



Nous avons enfin terminé notre défi commun, nous, Miriam et Claudialucia : Lire les sept volumes de La Recherche du Temps perdu l’un après l’autre, dans la foulée… Le challenge lancé le 23 Mars 2024, commencé au mois d’Avril, s’est achevé en Décembre 2024. Une longue marche d’endurance.

Non, cette lecture n'a pas été facile pendant ces 9 mois, contrairement à ce que nous disent les inconditionnels de Proust, en tout cas pour moi !

 Ce que je n'ai pas aimé dans Proust

 Pourquoi la lecture m'a été parfois difficile ?

Plusieurs aspects de l'oeuvre m'ont déstabilisée, non pas la longueur de la phrase, - on s'y habitue très vite-, non pas tant le nombre de pages (plus de 3000), - je suis habituée à beaucoup lire et j'aime les gros livres bien épais dans lesquels on s'embarque pour un long voyage-, que cette impression de répétition d'un livre à l'autre ou d'un paragraphe à l'autre. Répétitions, redondances ? On a parfois envie de dire à l'écrivain : mais c'est déjà dit, on le sait, on n'est pas idiot, on a compris ! Oui, souvent je me suis ennuyée !

Ensuite il faut bien avouer que les personnages dont il parle sont odieux, que ce soit la grande noblesse ou la riche bourgeoisie, les Guermantes ou les Verdurin. Je les trouve vides, snobs, égoïstes, souvent même inintelligents et ridicules.  C'est d'ailleurs ce que dénonce Marcel Proust qui n'épargne pas la critique de ce milieu qu'il admire d'abord pour ensuite en constater la superficialité même s'il conserve malgré tout une certaine connivence avec eux  ! Après tout, c'est son milieu et quand il fréquente des gens du peuple, cela ne peut-être que ses chauffeur, cuisinière ou valet pour qui il a une certaine condescendance.  Quand vous passez des heures et des heures à lire Proust comme nous l'avons fait, cela signifie que vous passez des heures et des heures en compagnie de gens peu fréquentables, terriblement déplaisants ! Et cela ne paraît jamais finir !

Et puis même les personnages principaux ne sont pas tous sympathiques. Marcel, en particulier,  avec son mépris des femmes, ses caprices d'enfant gâté odieux envers sa mère (à Venise); le sentiment qu'il a de sa supériorité (envers Albertine), son incapacité à aimer les autres, sa manière de décrier l'amitié et l'amour. Il n'aime et il ne s'intéresse qu'à lui-même ! Et que dire de Charlus ou de Saint Loup qui, imbus de leur noblesse, satisfont leur sexualité avec des enfants des classes pauvres  !


Ce que j'ai aimé dans Proust

 Ceci dit, je suis bien heureuse de les connaître tous ces personnages même si cela peut paraître paradoxal par rapport à ce qui précède. Ils sont tellement célèbres qu'ils font partie de notre patrimoine littéraire, si je puis dire, et même de notre quotidien. L'autre jour, en regardant une photographie prise par ma fille d'un mineur péruvien au regard fier et au port de tête hautain, je me suis dit spontanément : "Le duc de Guermantes  ne pourrait avoir un air plus altier ! ". Les personnages de Proust comme référence !

 Et puis j'aime Tante Léonie et "ce grand renoncement de la vieillesse qui se prépare à la mort", Françoise,  le Michel Ange de notre cuisine et son boeuf aux carottes en gelée, son franc parler, la grand-mère si aimante, si dévouée et son grand amour pour Madame de Sévigné, Albertine, l'enfant orpheline et pauvre et pour cela jeune fille méprisée qui a le désir d'apprendre, qui lit, se cultive, prisonnière d'un homme malade, jaloux, égoïste,  incapable d'aimer ! Et, bien sûr, je me suis sentie concernée, touchée par ces personnages qui nous font éprouver des émotions et nous renvoient à nous-mêmes.

 Ce que j'aime dans Proust ? C'est aussi le témoin de son temps, l'électricité, le téléphone, l'aviation, le train, la vogue des bains de mer,  l'impressionnisme, l'affaire Dreyfus, la guerre de 14 à Paris...

 Proust et la  nature, la mer, les fleurs et ces magnifiques descriptions de Combray, de Balbec. Proust l'écrivain des fleurs et ses fameuses aubépines : "leur parfum s’étendait aussi onctueux, aussi délimité en sa forme que si j’eusse été devant l’autel de la Vierge, et les fleurs, aussi parées, tenaient chacune d’un air distrait son étincelant bouquet d’étamines, fines et rayonnantes nervures de style flamboyant comme celles qui à l’église ajouraient la rampe du jubé ou les meneaux du vitrail et qui s’épanouissaient en blanche chair de fleur de fraisier. "

J'adore lorsque Marcel Proust parle de l'art, la peinture, la musique et la littérature. J'aime que certaines scènes ou certains personnages soient décrits comme des oeuvres d'art, que Swann voit  Odette  comme une fresque de Boticelli, que le docteur ressemble à un Tintoret , que Bloch soit un Gentile Bellini, ou que "sous les couleurs d’un Ghirlandajo" soit peint le nez de M. de Palancy.

Proust et l'humour :  A de nombreuses reprises j'ai noté l'humour de Proust avec, par exemple, la vieille madame de Cambremer si mélomane qu'elle bat la mesure "avec sa tête transformée en métronome"; la première rencontre avec Bloch et les parents de Marcel m'ont bien fait rire, de même le baron Charlus et ses ruses pour retenir l'attention de Morel, ou encore les tics de madame Verdurin... pour ne citer que ceux-là.

La Recherche offre des pages admirables au style splendide, au thème fort, qui marquent à la fois par leur beauté et par leur sens, des pages entières qui se détachent des autres et que l'on peut lire à part tant elles ont de force :  "Longtemps, je me suis couché de bonne heure", la page des madeleines et de la tisane, celle des pavés inégaux, de l'aquarium à Balbec, de la robe et des chaussures rouges, du petit pan de mur jaune lors de la mort de Bergotte et bien d'autres encore.

Enfin, j'ai aimé cette recherche sur le temps, sur la mémoire et le souvenir qui est notre quête à tous. Et je pense que nous avons tous éprouvé cette remontée du passé grâce à une impression sensorielle, sensation olfactive, auditive... c'est le goût de la madeleine pour Proust, la triste petite phrase musicale de Vinteuil pour Swann, le chant de la grive pour Chateaubriand, l'odeur du pays qui est dans une pomme...

Nous publions ici la récapitulation des deux derniers livres : Albertine disparue et Le temps retrouvé.


BILAN 7


Miriam


Le temps retrouvé Tansonville

Le temps retrouvé : Monsieur de Charlus pendant la guerre

Le temps retrouvé : Dans la bibliothèque du prince de Guermantes, méditation sur la mémoire et littérature



Claudialucia


Le temps retrouvé (1) Proust, Cendrars et Céline

Marcel Proust : Le temps retrouvé (2)



BILAN 6


Miriam

Marcel Proust : Albertine disparue

 une lecture annexe : Le Lièvre aux yeux d'ambre d'Emund de Waal où j'ai trouvé un personnage ayant peut être inspiré Swann
 


Claudialucia

Marcel Proust :  Albertine disparue


 Bilan 5 : La prisonnière 

 


 claudialucia

La prisonnière : Marcel (1)

La prisonnière Albertine (2)

La prisonnière : Le mythe de Pygmalion

Normandie Calvados Caen : Exposition : Le spectacle de la marchandise, Ville, art et commerce avec Zola et Proust (2)

Marcel Proust et la mode : Mariano Fortuny et Jacques Doucet

Miriam  

 La prisonnière : Emprise, jalousie et mensonges

La prisonnière : mais qui est donc Albertine ?

La prisonnière :  Une soirée musicale chez madame Verdurin

  

  Bilan 4  Sodome et Gomorrhe

 


Claudialucia


Marcel Proust : Sodome et Gomorrhe : Le Baron Charlus et l’homosexualité (1)

Marcel Proust: Sodome et Gomorrhe : Albertine et l’homosexualité (2)

Marcel Proust : Sodome et Gomorrhe l’humour (3)

 

Keisha 

 Marcel Proust : lettres à sa voisine

Keisha a déniché une correspondance rare de Proust


Miriam
 

Sodome et Gomorrhe : Le baron Charlus et Jupien

Sodome et Gomorrhe : La soirée chez la princesse de Guermantes

Sodome et Gomorrhe : Autour de Balbec et les noms des villages normands

Miriam est partie à Balbec découvrir les lieux qui ont inspiré Marcel Proust
le Grand Hôtel, la promenade sur la digue et la plage

La villa du Temps retrouvé : Marcel Proust (l'écrivain) et Marcel, le narrateur, n'ont jamais vécu dans la belle villa du Temps Retrouvé transformé en musée Belle Epoque qui contient des autographes et des tableaux des personnes ayant inspiré Proust.


Si vous avez fait d'autres lectures vous pouvez coller les liens en commentaires ici.


 Marcel Proust Bilan 3  Le côté de Guermantes

Claudialucia

Proust Le côté de Guermantes :  lucidité et pessimisme

Miriam

Proust Le côté de Guermantes :(1ère partie) Le téléphone

Proust Le Côté de Guermantes :(2ème partie) L’Affaire Dreyfus dans le salon de madame de Villeparisis

Proust Le côté de Guermantes :  (3ème partie) Un dîner chez la Duchesse de Guermantes

La Maison de tante Léonie (Musée Proust) à Illiers-Combray

 

 Marcel Proust Bilan 2 : A l'ombre des jeunes filles en fleurs

 

 

Nathalie :

Chloé Cruchaudet, d'après Céleste Albaret, « Bien sûr, monsieur Proust », 2022, édité chez Noctambule.

Chloé Cruchaudet, Céleste, tome 2 Il est temps Monsieur Proust

Laure Murat : Proust, roman familial


Marcel Proust : Bilan 1 Du côté de chez Swann

 




Aifelle


Claudialucia

 
 
Le jeudi avec Marcel Proust :  billets sur Combray
 
 
 
 

Le jeudi avec Marcel Proust :  billets sur Un amour de Swann

Evelyne Bloch Dano une jeunesse de Proust

Céleste Albaret : Monsieur Proust

Laure Murat : Proust roman familial


Dominique

Laure Murat, roman familial

Bribes et conseils aux réfractaires


Fanja

Céleste : Bien sûr, monsieur Proust BD  Chloé Cruchaudet


Keisha

Laure Murat : Proust roman familial

Brassaï : Marcel Proust sous l’emprise de la photographie


Luocine

Laure Murat, roman familial


Miriam

Présentation du challenge Marcel Proust

Du côté de chez Swann : Marcel Proust lecture gourmande

Du côté de chez Swann : l’amour de la lecture/écriture

Du côté de chez Swann :  Combray En famille

Un amour de Swann Marcel Proust


Sandrine

Du côté de chez Swann