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mardi 21 octobre 2025

Joel Dicker : La Très Catastrophique Visite du Zoo

 


Comment expliquer cette très catastrophique visite du zoo, visite de la classe de Joséphine accompagnée de son institutrice Mademoiselle Jennings et du directeur de son école ? C’est ce que la petite Joséphine, va expliquer à ses parents. 

Tout a commencé quand leur classe « spéciale » a été  intentionnellement inondée et que les six élèves et leur institutrice ont dû intégrer l’école voisine des « enfants normaux ».

 Mais qui a pu commettre cet acte criminel, l’inondation de l’école spéciale et pourquoi ? Les enfants décident de mener l'enquête,  aidés par la grand-mère de Giovanni, qui adore les histoires policières.

Cela n’ira pas sans mal et sans incidents ! Chacun de ses enfants, par ailleurs attachants, ayant des problèmes et n’entrant pas dans le moule et la logique des adultes. L’intégration dans la nouvelle école n’est pas évidente.  

Le récit mené par la fillette qui présente les évènements de son point de vue, naïf, logique jusqu’à l’absurde, se veut léger et amusant. Et c’est vrai que l’on peut rire de l’avalanche d’incidents qui s’enchaînent et submergent les adultes, le policier, le père Noël et ce sympathique Directeur qui fait  son possible pour que les élèves de l’Ecole Spéciale se sentent à l’aise et surtout leur maîtresse, la belle Mademoiselle Jennings. 

J’ai bien aimé certains passages qui m’ont fait sourire comme lorsque le directeur s’efforce de faire comprendre aux élèves ce qu’est la démocratie ou lorsque les enfants font tout, lors de cette fameuse visite au zoo, pour que Mademoiselle Jennings tombe amoureuse du directeur. Mais malgré tout j’ai eu du mal avec cette fausse naïveté. J’avais pourtant aimé Le Petit Nicolas à l’époque de sa parution mais, là, il m’a semblé que je lisais un livre pour enfants. Comme il arrive souvent avec ce procédé,  je me disais que le second degré ne pouvait pas être perçu par les enfants et qu’il était trop simpliste pour s’adresser aux adultes.

 La quatrième de couverture évacue le problème en affirmant : «  Et c’est justement le tour de force de ce livre, mêlant plusieurs niveaux de compréhension, qui émerveillera lecteurs de tous âges et tous horizons. ». C’est possible, si l’on veut lire ce roman juste pour s’amuser.  Mais il m’a laissée sur ma faim car l’écrivain aborde des sujets sérieux comme l’école inclusive, par exemple, mais en le délayant dans les bons sentiments alors que, tout au moins en France,  c’est un sujet  beaucoup plus complexe. Finalement, j’ai été partagé entre l’amusement, parfois, et l’agacement, souvent, pour ce roman qui reste superficiel.

 

samedi 18 octobre 2025

Challenge Bulgarie : Bilan Final

Sofia
 

 Au sommet de la colonne, la sculpture en bronze d’une femme représente Sophie (Sofia en bulgare) : une couronne de lauriers dans sa main droite et une chouette en équilibre sur son bras gauche, elle incarne la sagesse (Sophia en grec) et le destin.

 *

 Voici le bilan final du Challenge pour la Bulgarie ! Vous avez été dix à y participer en comptant Sacha qui a initié un autre challenge bulgare au mois de Septembre et le bilan est de 50 livres dont certains titres reviennent plusieurs fois. Je ne peux parler de tous mais au moins de ceux qui ont remporté le plus de lecteurs : Viktor Paskov, Kapka Kassabova, Maria Kassimova-Moisset, Theodora Dimova sont en tête.

 

Les auteurs contemporains 

 


Ce sont les auteurs contemporains qui ont été les plus lus avec en tête Viktor Paskov (1949-2009)  et sa ballade pour Hoenig qui revient six fois. S'il a été unaniment salué par tous, Sacha, pourtant, émet quelques réserves tout en reconnaissant ses qualités :

Fanja : Une belle surprise côté Bulgarie. Un roman court qui tourne la tragédie en comédie et y mêle beaucoup de tendresse et un soupçon de fantastique, avec des personnages qui savent rester dignes dans la pauvreté extrême. Une belle histoire d'amitié et de solidarité, de passion aussi, autour de la musique et de l'art de la lutherie. 

Sacha : "Portrait de la vie quotidienne d’un quartier très pauvre où chacun tente de survivre et de ne pas sombrer dans la folie, cette Ballade pour Georg Henig recèle de magnifiques passages sur la vie de quartier, l’amitié et la solidarité, comme sur l’art de la lutherie. Si je lui ai trouvé des longueurs et une certaine lourdeur psychologique (Victor Paskov semble prisonnier de la nostalgie, y compris d’un temps qu’il n’a pas connu lui-même), j’ai été sensible à ce vibrant hommage aux artistes/artisans d’art et à cette immersion dans la Bulgarie d’après-guerre. "

 


 Kapka Kassabova ( née en 1973) revient six fois, appréciée par tous, mais c'est Miriam qui semble être une inconditionnelle de cette écrivaine et qui a lu le plus de titres de l'auteur :  Elixir, Lisière, l'Esprit du lac, Anima. 

 Lisière, Alexandra : Kapka Kassabova sait aussi capter l'attention du lecteur. Lisière est un récit riche d’informations géographiques, historiques, culturelles et ethnographique que j'ai eu grand plaisir à découvrir. Mais c’est surtout l’humain qui interpelle dans cet ouvrage. Ces destins brisés par les guerres idéologiques, religieuses, économiques… On est choqué par les cruautés des uns et bluffé par la capacité de résilience de autres. 

 Anima, Miriam : "Anima raconte la vie pastorale dans ces montagnes des Balkans. Vie pastorale où le nomadisme est encore très prégnant : nomadisme des origines, nomadisme des Roms, et tout simplement transhumance annuelle à la recherche des pâturages d’estive. L’autrice situe les différentes tribus nomades dans cette mosaïque de populations qui constitue les Balkans. Bulgares, mais aussi turcophones, hellénophones. En filigrane, le souvenir des tapis, des yourtes venus d’Asie Centrale ou d’Anatolie. 

 


Ensuite  Maria Kassimova-Moisset  : Rhapsodie balkanique a été lu 5 fois mais il n'a pas fait l'unanimité

Enthousiaste: 

Patrice  : "C’est un roman très fort, un témoignage à valeur universelle sur les préjugés, le poids de la religion, des conventions, mais aussi un livre mettant en scène des personnages forts auxquels il est difficile de ne pas s’attacher. Une très belle découverte pour cette rentrée littéraire et une vraie maîtrise pour un premier roman."

OU non

Anne-Yes "C’est une lecture qui aurait du me plaire et qui pourtant m’a ennuyée. Je n’ai pas accroché, sans que j’arrive vraiment à pointer pourquoi. La fin m’a parue abrupte."

Ingammic : "Le récit se construit par fragments au fil d’allers-retours temporels, et est régulièrement entrecoupés d’intermèdes où l’auteure entretient des conversations imaginaires avec ses personnages, inspirés de ses ascendants -Miriam était sa grand-mère paternelle. (...). Ces passages m’ont agacée, en me donnant l’impression que Maria Kassimova-Moisset s’imposait dans le texte pour fournir des explications superflues sur sa démarche, interrompant mon immersion dans l’intrigue." 

 

 

Theodora Dimova : Les dévastés a été citée trois fois et Sacha a aussi lu  Mère.  

Miriam :  Hommes exécutés, femmes en deuil, déportées… une réalité bien triste. Et pourtant je suis restée scotchée à écouter leur voix, à imaginer leurs histoires. Un roman très touchant, très sensible.

Sacha : Surtout, j’ai été soufflée par la plume de Théodora Dimova (et sa traduction de toute beauté). Les dévastés est à lire d’urgence !

 


 
  

Elitza Guieorgieva les cosmonautes ne font que passer :  ce roman a été cité trois fois

Alexandra : Les cosmonautes ne font que passer est un ouvrage plus profond qu’il n’y parait au premier abord. C’est un roman initiatique sur la perte de l’innocence. Il y a l'avant (avant l’effondrement des régimes communistes en Europe et la fin de la dictature en Bulgarie) et l'après (qui n’est pas très emballant non plus).

Keisha : "Voilà un livre qu'on ne lâche pas, au ton décontracté et malicieux, dévoilant sans appuyer les réalités des changements en Bulgarie et le passage de l'enfance à l'adolescence de l'héroïne dont on ne connaît pas le nom, tiens. Cela se savoure comme un bonbon acidulé, tout en souriant et parfois soupirant. "

 


Rene Karabash : Vierge jurée trois lecteurs

Passage à l'est : "Ces deux aspects – le style, la structure – rendent le roman bien plus intéressant et riche que ne le fait le résumé qui m’avait d’abord donné l’impression qu’il s’agissait d’un livre de fiction sur la condition féminine dans une société autre – et plus archaïque – que celle de la France

 


Yordan Raditchkov : Les récits de Tcherkaski  (2)

Patrice "Si je ne suis pas forcément ce genre de lecteur qui se laisse porter par le côté magique de certaines nouvelles, j’ai apprécié le style et la construction de celles-ci, certains éléments de l’histoire se répétant d’une nouvelle à l’autre. Sa façon de décrire les paysans et le milieu dans lequel ils vivent vaut à lui seul le détour. "

 


 

 Abraham Wagenstein  (2)

Claudialucia : "Ainsi nous apparaît ce vieux quartier de Plovdiv, avec le pittoresque de ses populations mêlées, avec ses commerces débordants de denrées orientales, et le peuple si divers, si bariolé, le grand père et ses amitiés, ses disputes et ses réconciliations, toute une vie chaleureuse et dense évoquée dans un style prolixe, vivant, plein de sève." 

  


 

Anton Dontchev : (2) avec un beau roman historique Les Cent frères de Manol

Miriam "J’ai aimé ces personnages nombreux, ces contes, ces mythes, tragédie  sans  cesse recommencée. J’ai aimé ce récit complexe loin du manichéisme où même le pire tortionnaire révèle son humanité et les héros, leurs faiblesses."

Keisha est seule à avoir lu Le roi d'argile de Dobromir Baïtchev qu'elle nous recommande : "une lecture coup de coeur pour moi et à remercier l'éditeur j'ai laissé traîner ce livre sur les étagères près de deux ans, honte à moi, mais une fois commencé, je ne l'ai pas lâché."  Seule aussi Fanja a lu Gieorgui Gospodinov ; seul Patrice avec Albena Dimitrova Sacha  avec Zinaïda Polimenova ;  Passage à l'Est avec  Sevda Sevan  : "Cette légèreté de la touche de l’autrice dans l’agencement du récit marque également son rapport à l’Histoire, qui est toujours présente mais sans être particulièrement incarnée par les personnages." et un policier Claudialucia avec Elena Alexieva.

 

Les auteurs classiques 

 

Ivan Vazov

 

 Les écrivains classiques sont beaucoup moins représentés Yordan Yovkov  (1880-1937)  et Ivan Vazov  ( 1850-1927)

 


 

Yordan Yovkov : Un compagnon

Sacha : "Yordan Yovkov nous fait vivre l’absurdité de la guerre et nous émeut grâce à ce cheval qui ne paie pas de mine, mais qui s’attire le respect et l’affection des hommes par sa loyauté sans faille. C’est un récit intemporel et touchant qui méritait bien cette mise en valeur éditoriale et qui donne envie de lire d’autres nouvelles de Yovkov."

 

 

 Ivan Vazov : sous le joug

Je(claudialucia) suis la seule à l'avoir lu. Je le recommande chaudement surtout si vous allez en Bulgarie. Vous trouverez Ivan Vazov partout, les plaques des noms des rues, les portraits dans les musées, les statues sur les places, c'est le nom du grand théâtre de Sofia. J'ai eu l'impression que ne pas connaître Ivan Vazov en Bulgarie, c'est comme ne pas connaître Victor Hugo en France !  

Claudialucia : "Tous les ingrédients sont là pour faire de ce roman un plaisir de lecture, émotion, aventures, héroïsme, trahisons, dangers, amitié, amour et rire mais aussi connaissance d’un peuple, de ses coutumes et ses croyances, rencontre de ses héros et de ses disparus, de sa révolte contre le joug ottoman qui le soumet, de la souffrance d'une répression injuste et sanguinaire.  Un beau roman. "  

 

Sofia : Théâtre Ivan Vazov
  

Et ne pas oublier "notre" Jules Verne avec Le Pilote du Danube et Kereban le têtu

 

*** 

Anne-Yes 

 Rhapsodie balkanique de Maria Kassimova-Moisset

 

Claudialucia

 Challenge Bulgarie : Littérature Histoire Art qui se joint à moi ?

Les Héros nationaux bulgares : Hristov Botev, Vassil Levski, Hadji Dimitar

Sofia la cathédrale Nevsky et le musée des icônes

Sofia : les édifices religieux : églises, mosquée, synagogue 

 Les peintres bulgares  : Vladimir Dimitrov-Maïstora dit Le Maître et Radi Nedelchev 

 Les peintres bulgares de Plovdiv  (1) : Vladimir Dimitrov Le Maître et Radi Nedelchev

Les peintres bulgares de Plovdiv (2) : Dimiter Kirov et Georgi Bojilov-Slona

Каракачани : En Bulgarie, les karakatchans, un peuple nomade d'origine grecque
 
 Le monastère de Rila

Elena Alexieva : Le prix Nobel  

Theodora Dimova : les dévastés 

Anton Dontchev : Les cent frères de Manol

 Elitza Guieorgieva : Les cosmonautes ne font que passer

Kapka Kassabova : Elixir 

Victor Paskov : Ballade pour Georg Hanig

Yordan Raditchkov  : Le poirier/ Les noms

Yordan Raditchkov : les récits de Tcherkaski

Ivan Vazov : sous le joug

Jules Verne : Le pilote du Danube 

Jules Verne : Kereban le têtu 

Yordan Yovkov Un compagnon mon billet 

Yordan Yolkov Soirée étoilée mon billet

 Wagenstein Abraham : Abraham Le poivrot (1)

Wagenstein Abraham : Abraham le Poivrot :  Plovdiv (2)

 

Fanja

Le pays du passé de Gueorgui Gospodinov 

 Paskov  Viktor : La Ballade de Goerg Henig


Ingammic 

Rhapsodie balkanique de Maria Kassimova-Boisset 

 

Alexandra Je lis je blogue
 

Elitza Guieorgieva : Les cosmonautes ne font que passer 

 Kapka Kassabova : Lisière

Viktor Paskov Ballade pour Georg Henig  

 

Keisha : 

Le roi d'argile de Dobromir Baïtchev

 Elitza Guiergieva :  Les cosmonautes ne font que passer

Miriam 

Carnets bulgares 

 Monastère de Rila (1)

 Monastère de Rila Les fresques (2)

 Monastère de Rila : promenade et musée (3)

Theodora Dimova : Les dévastés 

Anton Dontchev : Les cent frères de Manol

Kapka Kassabova Elixir ou la vallée de la fin des temps

Kapka Kassabova : L'esprit du lac 

Kapka Kassabova : Lisière 

Kapaka Kassabova : Anima 

Rene Karabash : La vierge jurée 

Marie Kassimova-Moisset :  Rhapsodie balkanique 

Alexandre Levy : Carnets de la Strandja : d'un mur à l'autre 1989-2019 

Paskov Victor : La ballade pour Georg Henig

Jules Verne : Kereban le têtu 

Jules Verne : Le pilote du Danube 

Angel Wagenstein :  Adieu Shangaï

Angel Wagenstein : Le pentateuque ou les cinq livres d'Israel

  

Passage  à L'Est :

 Quelque part dans les Balkans  :  Sevda Sevan

Rene Karabash : Vierge Jurée

Patrice  

Albena Dimitrova : Nous dînerons en français

Yordan Raditchkov : les récits de Tcherkaski 

 Maria Kassimova-Moisset : Rhapsodie balkanique

Sacha  

 Sacha initie un challenge bulgare dans son blog : voir ici

 Theodora Dimova : Les dévastés

Theodora Dimova : Mères 

Rene Karabash : Vierge jurée

Maria Kassimova-Moisset : Rhapsodie balkanique

Viktor Paskov : La Ballade pour Georg Henig

Zinaïda Polimenova : Nucleus, ce qui reste quand il n'y a plus rien

  Yordan Yovkov : Un compagnon





 

chez Sacha

 

mercredi 15 octobre 2025

Theodor Fontan : Frau Jenny Treibel

 


Pour le challenge du roman naturaliste en Europe, j’ai choisi  de lire un écrivain allemand très connu en Allemagne et beaucoup moins en France, Theodore Fontane. C'est ce que déplore Claude David dans la préface du livre édité chez Robert Laffont. Ce volume présente quatre romans de cet auteur dont celui que j’ai lu, Frau Jenny Treibel paru en1892. 

Effectivement je ne connaissais pas Fontane et même pas de nom ! Claude David explique que l'écrivain appartient à une famille huguenote française qui chercha refuge en Allemagne après la révocation de l’Edit de Nantes et qui forme à Berlin une « colonie » restée unie au XIX siècle. Son oeuvre romanesque, dix-sept romans, commencée à l’âge de soixante ans s’achève lorsqu’il en a presque quatre-vingts en 1898. 

J’ai eu du mal à saisir toutes les allusions qui concernent les particularités historiques et les idées politiques d’une Allemagne divisée qui commence à s’unifier après la victoire de 1870 sur les Français à Sedan. Par exemple, est-ce que Fontane critique les Hambourgeois parce qu'il est contre l'unification? On nous dit qu’il est prussien et berlinois de coeur. Or, il ne cesse de critiquer la rigidité des Hambourgeois, l’éducation conventionnelle et étouffante qu’ils donnent aux filles, leur affectation, leur snobisme vis à vis des anglais à qui ils veulent ressembler : « So english ! ». 

Le récit

Theodor Fontan


Nous sommes à Berlin dans les années 1885 après la destitution de Bismarck. L’énorme indemnité payée par la France après la défaite de Sedan et les territoires annexés apportent richesse et puissance aux Allemands, amenant au pouvoir une classe bourgeoisie souvent inculte, matérialiste, mais riche, comme la décrit Fontane dans Frau Jenny Treibel.  

Jenny Triebel, fille de boutiquier, a épousé un riche conseiller commercial, Triebel, fabricant de produits chimiques, qui se lance dans la politique. Madame a désormais cinquante ans et deux fils : Otto qui travaille dans le commerce du bois et qu’elle a marié à une riche Hambourgeoise Héléna, et Léopold, un « gamin » de 25 ans, entièrement soumis à sa maman et qu’elle entend bien marier selon son choix.

Face à eux, une autre famille, Willibald Schmidt, universitaire et sa fille Corinna. Autour de ces derniers gravite « le groupe de sept sages », société constituée de professeurs qui se réunissent pour des échanges intellectuels et partager un bon repas. Marcel, un jeune professeur d’archéologie, amoureux de sa cousine Corinna, est soutenu par le père de la jeune fille. 
Or l’intelligente, fantasque et spirituelle Corinna a décidé d’épouser Léopold Triebel malgré la volonté de sa mère Jenny, et bien qu’elle considère le jeune homme comme un gentil benêt; elle n’a, d’ailleurs, pas plus de considération pour la famille Triebel. Elle veut sortir de sa classe sociale pour accéder aux plaisirs que donne la richesse et va tout faire pour séduire Léopold. 

Il y a aussi la « chère Schmolke », la servante des Schmidt, avec son franc parler. Cette dernière représente le peuple dans le roman et bénéficie de la sympathie de l’auteur. Elle aime Corinna qu’elle a connue enfant à la mort de la mère et a une vision très juste de la société.

Une vision sociale


L’intrigue est légère et tient en peu de mots : Corinne épousera-t-elle Léopold ou non ? Mais l’intérêt est ailleurs, dans la vision de la société et la critique en règle de la bourgeoisie, classe sociale que n’aime pas Fontane et dont il parle avec ironie. L’auteur oppose ici une classe sociale instruite, les professeurs, Schmidt et ses amis, qui, malgré leurs défauts, vanité, pédanterie et chicaneries, incarnent la culture et le savoir, et une classe moyenne, propriétaire, en train de se doter d’une immense richesse mais qui est inculte et sotte et tâche d’augmenter son pouvoir par les alliances et la politique, les Treibel. Le fameux repas que donne la famille chez eux, suivi d'un concert, est une véritable scène de comédie qui souligne les ridicules de chacun !

Treibel, monsieur le conseiller commercial, n’est pas un méchant homme mais il est conservateur et a «la bourgeoisie dans le sang», c’est dire qu’il est imbu de sa classe sociale mais aussi de lui-même.

 «  Treibel, ordinairement nerveux lorsque quelqu’un parlait longtemps, ce qu’il n’autorisait, mais dans ce cas avec une grande générosité, qu’à lui-même… »
 

 Jenny Triebel, est une femme qui se persuade qu’elle est très sensible et aimante. Elle se plaît à dire qu’elle aime la poésie qu’elle confond avec romantisme et sensiblerie. Mais elle est en réalité une femme au coeur sec, qui ne s’intéresse, en fait, qu’à l’argent et au pouvoir. Jeune fille, elle s’est fiancée avec Willibard Schmidt. Celui-ci,  très amoureux d’elle, comme elle aime à le rappeler, lui écrivait des poèmes. Mais elle le laisse tomber pour épouser le conseiller général Triebel. Le professeur s'en est consolé, mais il ne se fait plus d'illusion sur elle. Jenny est le personnage qui, avec, Héléna, la Hambourgeoise, est la moins sympathique de tous et que Fontane épargne le moins.

"C’est une personne dangereuse, et d’autant plus dangereuse qu’elle ne le sait pas elle-même; elle s’imagine sincèrement avoir un coeur sensible et surtout ouvert « au choses les plus hautes ». En réalité ce coeur n’est accessible qu'au tangible, à tout ce qui a du poids, qui rapporte des intérêts et elle ne cédera Léopold que contre au moins un demi-million, d’où qu’il vienne. "

 Willibard Schmidt, juge, le plus souvent, avec légèreté les gens qui l’entourent, il est d’une grande indulgence envers sa fille et n’intervient pas dans ses caprices. Il attend, au contraire que le bon sens reprenne le dessus, et admire Corinna pour son indépendance et son émancipation. Il pense qu’elle reviendra d’elle-même à la raison, tablant sur son intelligence, sa sincérité. L'éducation qu'il donne à sa fille est en avance sur son temps et fait de Corinna, une jeune fille "moderne". Il adopte sur tout une attitude détachée qui ne va pas de sa part sans un certain égoïsme. Rien ne le touche profondément, tout au moins à l’âge qu’il a atteint.  Mais quel humour !  Il résume la situation ainsi   : « On peut à la rigueur entrer dans une famille ducale, mais pas dans une famille bourgeoise. »  Quant à Rosalie Schmolke, la servante, elle représente le bon sens populaire et dit à propos de l’hypocrisie de Frau Jenny Triebel,  "elle a toujours la larme à l’oeil mais c’est des larmes qui ne coulent pas, elles veulent pas descendre "

J’ai beaucoup aimé la finesse psychologique des personnages et la complexité des caractères qui s’expriment essentiellement dans le discours. Les personnages de Fontane sont des bavards et possèdent le don de la parole. 

  Naturalisme ?


 Fontane dit de lui-même que sa plus grande qualité est de ne pas chercher à changer la nature humaine. Effectivement, le regard qu’il porte sur ses semblables est sans illusion mais jamais vraiment amer ou violent. On dirait parfois qu’il se tient à distance de ce qu’il observe, un peu comme un entomologue, avec curiosité, et un certain détachement souriant et léger. On voit qu'il ne s'agit pas d'un naturalisme à la Zola.  Le réalisme de Fontan est élégant. Il occulte le plus souvent les détails crus, la misère, la sexualité, le crime, même quand il parle du peuple pour lequel il éprouve de la sympathie. C'est pourquoi l'on a pu parler à son propos de "réalisme poétique".

Il y a pourtant un beau passage qui aborde le sujet de la prostitution mais toujours avec délicatesse quand le mari de Schmolke, à présent décédé, chargé de la police des moeurs, s'aperçoit que sa femme est jalouse des prostituées et lui explique dans le langage du peuple ce qu'éprouve tout homme qui a du coeur  : " Il sent ses cheveux se dresser sur la tête devant toute cette misère, tout ce malheur et, quand il en arrive certaines qui sont par ailleurs mortes de faim, ça arrive aussi, et nous savons que les parents sont à la maison à se tourmenter nuit et jour à cause de cette honte, parce que cette pauvre créature qui est souvent arrivée là d'une drôle de manière, ils l'aiment quand même, ils voudraient l'aider, lui porter secours, si aide et secours sont encore possibles, et bien, je te le dis Rosalie, quand il faut voir ça tous les jours, quand on a un coeur, quand on a servi dans le premier régiment de la Garde, quand on est pour l'honnêteté, la tenue, la santé, les histoires de séduction et tout ça, ça passe et on voudrait sortir et pleurer."

 

 

 







vendredi 10 octobre 2025

Irène Vallejo : Carthage


 

Irène Vallejo écrit avec Carthage un roman polyphonique où se mêlent les voix d’Enée et d’Elissa (Didon). C’est leur histoire que raconte l’écrivaine à partir du moment où Enée, fuyant Troie en flammes, est pris dans une violente tempête qui le rejette lui et sa flotte sur les rivages de Carthage où il rencontre la fondatrice de la ville. 

Didon, princesse phénicienne, est fille de Bélos, roi de Tyr, soeur de Pygmalion. A la mort de Bélos, Pygmalion tue Scythée, le mari de Didon. Celle-ci s’échappe avec ses partisans et fonde Carthage. Intervient aussi la voix d’Ana, fille d’une magicienne, adoptée par Didon, alors que Virgile, lui, identifie Ana comme la fille de Belos, roi de Tyr, et soeur de  Didon et Pygmalion.

Nous entendons aussi la voix d’Eros qui préside à l’amour de Didon et Enée et qui met tout en oeuvre pour qu’ils s’aiment même s’il a bien du mal avec les humains tant ceux-ci sont imprévisibles, à la fois les jouets de Dieux mais aussi leur échappant par la complexité de leurs sentiments. Peut-être leur seule échappatoire ? Car l’un des thèmes du roman est celui de la liberté humaine.

Enfin nous découvrons par un regard extérieur cette fois, le personnage de Virgile que nous voyons déambuler dans Rome, sommé par Auguste d’écrire une épopée qui racontera les hauts faits d’Enée et la grandeur de Rome. Le poème est chargé, à travers le mythe, de magnifier l’empereur qui se dit descendant du fils d’Enée, Iule ou Ascagne, petit-fils de Vénus, et de légitimer son usurpation du pouvoir. Un Virgile qui a conscience de devoir écrire un oeuvre de propagande à la gloire d’Auguste, de s’être fait acheter pour que les propriétés de son père ne soient pas confisquées, un Virgile riche, fêté, envié, mais honteux de trahir ses amis républicains et sa conscience. C'est du moins ainsi que le voit Irène Vallejo.

Ce qui intéresse l’écrivaine, c’est l’histoire de Didon et Enée et non les guerres, les faits glorieux où s’illustre le héros à l’origine de Rome, quand il gagne le Latium et fonde Lavinia. Il faut noter que Irène Vajello, même si elle met en scène Eros selon la tradition virgilienne, laisse peu de poids aux Dieux. Certes, comme dans l’épopée latine, Enée croit à la prédiction divine et veut accomplir la prophétie mais Irene Vallejo se plaît à montrer que les humains sont surtout victimes de leurs croyances et de leurs illusions. D’où le personnage d’Ana qui utilise ses dons d’observation, son habileté à se dissimuler pour surprendre les secrets, afin d’asseoir son talent de devineresse. L’écrivaine met l’accent sur les enjeux politiques. Ce sont eux qui mettent un frein à la liberté humaine. Didon doit faire face non seulement à l’hostilité des nomades qui luttent contre Carthage, une cité encore très fragile, mais aussi aux intrigues des chefs militaires qui s’entretuent pour l’épouser et prendre le pouvoir. Celle-ci doit composer avec sa condition de femme pour maintenir son pouvoir face à des hommes brutaux et sans scrupules. Le récit, avec une série de meurtres mystérieux, prend parfois des allures de roman policier.  Enée est décrit comme un héros fatigué par dix ans de lutte à Troie, qui n’aspire qu’à la paix mais qui, pas plus que Didon, n’est  libre de son destin. C’est donc une vision personnelle et moderne que donne l’écrivaine.

Le roman est bien écrit mais je l’ai trouvé parfois long et j’ai eu du mal à me passionner pour les personnages. Je suis restée un peu en dehors, pas entièrement concernée. Pourtant, dans l’ensemble, cette relecture de l’Enéide m’a intéressée mais sans enthousiasme. 

lundi 6 octobre 2025

Carys Davies : Eclaircie

 

Le roman de Carys Davies, Eclaircie, se déroule en 1843 dans une île isolée au nord de l’Ecosse. C’est l’année, nous explique l’auteure, de la Great Disruption, le schisme qui a eu lieu au sein de l’église  presbytérienne écossaise et qui vit de nombreux pasteurs la quitter pour fonder la nouvelle église libre d’Ecosse. Ils protestaient contre le droit que détenaient les grands propriétaires terriens de choisir eux-mêmes les pasteurs. Un autre fait historique d’importance qui préside à ce récit est ce que l’on a appelé en Ecosse : les Clearances. Ce sont des déplacements forcés des populations rurales vivant sur des territoires reculés qui ont commencé dès le milieu du XVIII siècle et se poursuivent jusqu’à la seconde moitié du XIX siècle. Des paysans pauvres furent ainsi chassés de chez eux, allant rejoindre sur le continent une population miséreuse, sans aucune ressource, corvéable à merci, pour laisser aux grand propriétaires, en quête de profit, la possibilité de faire à moindre frais l’élevage intensif de moutons.

C’est là qu’intervient John Ferguson, pasteur prebytérien de la nouvelle église libre à laquelle il a adhéré pour être en accord avec sa foi et sa conscience. Désormais sans paroisse et sans le sou, il est pourtant obligé d’assurer sa subsistance et celle de sa femme. C’est pourquoi il accepte un travail. Il doit se rendre dans une île au nord des Shetlands où vit Ivar, le seul habitant du lieu, pour lui signifier qu’il doit quitter son foyer. Mary a beau démontrer à John les dangers de cette mission ainsi que la responsabilité morale qui sera la sienne, John est dans le déni et se persuade qu’il agit pour le bien de cet homme puisque celui-ci pourra désormais vivre avec ses semblables. Une des difficultés et non des moindres est qu'Ivar parle une langue en voie de disparition, la langue norne, et qu’il lui sera bien difficile de se faire comprendre ! 

Mais voilà que rien ne se passe comme prévu ! John Ferguson blessé est recueilli par Ivar et le roman décrit la construction d’une amitié entre les deux hommes autour de l’apprentissage de cette langue norne, riche et passionnante, qui est en elle-même une aventure. 

«  D’autres termes étaient plus ardus tant il en existait pour désigner les moindres variations du climat et du vent, du comportement de la mer aussi, qui semblaient parfaitement distinctes aux yeux d’Ivar mais que John Ferguson peinait à définir avec certitude et qui le laissaient tout bonnement perplexe - des mots tels que gilgal et skreul et yog, fester et dreetslengi - qui semblaient tous avoir un sens précis et bien particulier, lequel dépassait son expérience personnelle et ses pouvoirs d’observation; autant de termes qu’avec un léger sentiment de défaite, il traduisait collectivement par « une mer agitée ». »

Les personnages sont très réussies : l’austérité du pasteur dont le visage peint le caractère en deux mots : «osseux et presbytérien », caractère qui se précise encore quand John entend sa belle-soeur demander à Mary  « si elle regrettait de ne pas avoir épousé un homme moins sérieux, adjectif qui dans sa bouche, il en était persuadé, signifiait strict et sans humour, ennuyeux et, plus généralement presbytérien. ». 
Pour cet homme, corseté dans ses principes, danser représente un péché, et si, par amour, il pardonne à sa femme d’avoir remplacé ses dents tombées par des fausses, suprême vanité que la communauté lui reproche, il ne le ferait jamais pour lui-même. Scrupuleux à l’extrême dès qu’il s’agit de l’indépendance spirituelle de son église, il néglige ce qui est temporel comme l’injustice sociale. Pourtant, peu à peu, au contact d’Ivar, des scrupules naissent et il se sent honteux du rôle qu’il doit jouer.  

Ivar, lui, est un taiseux. La solitude façonne un homme surtout dans un environnement dur, hostile, où il est à la merci de la maladie qui l’a laissé très affaibli. ll file la laine de ses quelques moutons et tricote ses vêtements. Il vit de peu et mène une vie simple qui ressemblerait au bonheur si ce n’était le manque de compagnie.

« Il resta planté sous la pluie douce qui tombait maintenant et, au bout d’un long moment se parla dans sa tête :
 J’ai les falaises et les récifs et les oiseaux. J’ai la colline blanche et la colline ronde et la colline pointue. J’ai l’eau claire de la source et la bonne pâture riche posée comme une couverture sur les hauteurs perchées de l’île. J’ai la vieille vache noire et l’herbe goûteuse qui pousse au milieu des rochers, j’ai mon grand fauteuil et ma maison robuste. j’ai mon rouet et ma théïère, j’ai Pegi ( son cheval) et, maintenant, miracle, j’ai John Ferguson. »
 

La beauté de la nature dans cette île est toujours présente, décrite par petites touches, même si cela n’occulte pas la difficulté de la vie lorsque commence l’hiver et que le moral est en berne au fur et à mesure que les nuits s’allongent.

Ce roman est juste au niveau des caractères, conté sobrement et les descriptions, les moments de vie, la présence constante de la mer avec les tempêtes, la pêche, les oiseaux, mais aussi la présence chaleureuse des animaux domestiques, le partage entre les deux hommes, la personnalité affirmée du personnage féminin, tout suscite beaucoup d’intérêt. 

C’est pourquoi j’ai été très déçue par le dénouement. Je comprends que Carys Davies veuille montrer l’évolution du pasteur mais la fin qu’elle imagine est contraire à la mentalité, aux croyances profondes d’un austère presbytérien et même de sa femme aussi évoluée soit-elle !  On ne peut y croire un seul instant !  L'écrivaine se trompe de siècle. Je trouve qu’elle cède à la facilité, voire à la mode (?) en écrivant une fin recevable au XXI siècle mais pas au XIXième, époque ou se déroule l’histoire ( et encore si vous vous renseignez sur les presbytériens américains à l'heure actuelle, vous verrez qu’ils n’en sont pas là  même si l'on n'en est plus à la Lettre écarlate ! )
Je ne peux en dire plus pour ne pas divulguer la fin mais je m’étonne d’être la seule à avoir noté cette incohérence psychologique et historique pour ce roman nominé à plusieurs prix littéraires.

Voir le billet d'Alexandra ICI

 

 

Chez Fanja


 

samedi 4 octobre 2025

Percival Everett : James

 

Je n’ai pas relu Huckleberry Finn avant de découvrir James de Percival Everett. C’est peut-être un tort bien que rien n’oblige finalement à connaître le premier pour apprécier celui-ci. J’ai tellement aimé le livre de Mark Twain que j’avais peur d’être déçue surtout si on le relit à l’aune du XXI siècle. C’est facile de rejeter avec horreur l’esclavage de nos jours, cela ne l’était pas pour un jeune garçon, Hucklberry Finn, juste avant la guerre de Sécession. Le livre de Mark Twain analysait justement l’évolution du personnage, les problèmes moraux que lui posait le fait de ne pas dénoncer un esclave en fuite, alors que toute la société et l’église, en particulier, lui affirmaient que c’était son devoir et qu’il y allait du salut de son âme !

Dans son roman Percival Everett imagine que Jim a appris à lire et écrire à une époque où un esclave risquait sa vie à transgresser cet interdit. Une scène montre comment on peut être fouetté au sang et mourir pour le vol d’un crayon ! 
 
« George Junior trouva mon visage dans le fourré. J’avais le crayon, il était dans ma poche. On le frappa de nouveau et je me crispai. Nous nous regardâmes fixement. Il parut sourire jusqu’à ce que le fouet s’abatte encore. Le sang lui dégoulinait le long des jambes. Il chercha mes yeux et articula le mot "pars". Ce que je fis. »

Jim a, de plus, complété sa culture en se cachant dans la bibliothèque du Juge Thatcher, ce qui lui a permis d’accéder aux grands écrivains qui reviennent souvent d’une manière surprenante dans ses rêves avec, parfois leurs propres limites ou contradictions. L’esclave en fuite est donc un intellectuel qui utilise deux langages, celui que l’on attend d’un esclave et celui du maître. Et de tous les défis lancés par Jim, ce qui étonne le plus les blancs, ce qui les touche le plus, les indigne, leur fait peur, les épouvante même, c’est lorsqu’il s'exprime comme eux. En s’appropriant leur manière de parler, il fait naître une pensée dérangeante pour eux : Serait-il un homme lui aussi ? Percival Everett met ainsi le doigt sur ce qui assoit la domination des esclavagistes et sur l’importance pour eux de maintenir la soumission par l’ignorance ! Et c’est pourquoi lorsque Jim s’affranchira totalement de l’emprise des blancs, il revendiquera son vrai nom : James.

Les aventures des deux héros ressemblent fort à celles racontées par Mark Twain : Jim s’enfuit pour ne pas être vendu et se cache sur une île. Huck, lui, fuit son père, un ivrogne violent et haineux. Il fait croire à son propre meurtre pour éviter qu’on le recherche. Evidemment, Jim sera considéré comme son meurtrier. Tous deux s’embarquent sur un radeau et sur le Mississipi qui leur réserve tout un lot de surprises et de dangers. Ils deviennent au cours de leurs aventures épiques des amis et plus encore un père et son fils. 

Mais bien sûr, au-delà des aventures, le sujet de Percival Everett reste l’esclavage dont il décrit toutes les horreurs, l’exploitation au travail, les corrections physiques, la séparation des membres d'une même famille, les condamnations arbitraires, les lynchages, les viols, les humiliations, et plus que tout le fait de ne pas être considéré comme un être humain à part entière. Il montre que la colère est l’un des principaux sentiments qui guide Jim et l’anime, le submerge. Il choisit de se défendre et ne recule pas devant la violence. Quand il s’introduit chez le juge Thatcher et le menace pour savoir où sont sa femme et sa fille,  vendues pendant son absence, celui-ci lui dit : 

« -Toi, tu vas avoir de sérieux ennuis; tu ne t’imagines pas à quel point.
- Qu’est-ce qui vous fait dire que je n’imagine pas le genre d’ennuis qui m’attendent ? Après m’avoir torturé, éviscéré, émasculé, laissé me consumer lentement jusqu’à ce que mort s’en suive, vous allez me faire subir autre chose encore ? Dites-moi juge Thatcher, qu’y a-t-il que je ne puisse imaginer ? »

On peut se demander si le parti pris de Percival Everett de prendre pour personnage un  homme instruit est crédible. L’écrivain répond à cette question en montrant James en train de lire un livre volé au Juge Thatcher : c’est  le récit de William Brown paru en 1847, esclave dans le Missouri, qui s’enfuit et gagna le Canada; mais il n’est pas le seul.  Je vous renvoie  à l’article Ici 

 


 

 
Dès la fin du XVIII siècle l’autobiographie d’Olaudah Equiano, The Interesting Narrative of the Life of Olaudah Equiano, or Gustavus Vassa, the African  est publiée en Angleterre en 1789. 
 

 


Le contemporain de William Brown, Frederick Douglass écrit lui aussi une autobiographie (Narrative of the Life of Frederick Douglass, Written by Himself). Je l’ai trouvée en français et j’ai l’intention de la lire.


 
 

samedi 27 septembre 2025

Robyn Mundy : La femme au renard bleu

 

A Tromso, en 1932, Wanny Woldstad est chauffeur de taxi. Ce n’est pas un métier pour une femme, du moins c’est ce que l’on pense à cette époque, mais quand elle a la prétention de se faire trappeur et de partir au Svalbard, un archipel au sud du Spilzberg, elle ne rencontre que scepticisme, mépris et refus. Les trappeurs forment une caste fermée, fiers de leur endurance et de leurs exploits dont ils se vantent volontiers, et aucun ne veut s’embarquer pour une saison de trappe avec une femme ! Pourtant Anders Saeterdal finit par se laisser convaincre même si le Svalbard est une terre où, selon ses dires : «  tu ne peux compter que sur toi-même pour survivre. ». Une seule erreur peut te coûter la vie ! Il faut dire que la dextérité de Wanny au tir est un argument de taille.
Dans ce roman La femme au renard bleu, l’écrivaine Robyn Mundy prend pour point de départ de son roman l’histoire vraie de Wanny Woldstad qui a tenu un journal de ses aventures dans le Fjord de Hornsund. Si elle s’appuie sur des recherches et des documents, l’écrivaine  écrit pourtant une oeuvre romancée qui  fait appel à ses propres connaissances et à son vécu lors de ses séjours sur l’île de Maatsuyker ou au cours de ses expéditions polaires et de ses hivernages en Antarctique.

Le récit présente des chapitres consacrés à Andres et Wanny et à leur saison de trappe, aux difficultés et aux dangers qu’ils rencontrent, à l’apprentissage du métier, à la dureté du labeur incessant, à leurs relations parfois houleuses mais aussi à la beauté des paysages,  à l’amour de cette nature sauvage qui offre ses splendeurs mais n’en est pas moins implacable.   

«  Il la regarde souffler sur son café, les yeux rivés sur la ligne de crête. Elle porte sa main en visière.
- Toutes ces montagnes… Ce paysage défie la raison.
Anders observe les environs. Tout ce qu’il voit, c’est la quantité de travail à abattre avant que les jours raccourcissent. »


Ces chapitres alternent avec ceux qui nous font découvrir la nature et les humains à travers le regard d’une petite renarde  bleue. 

«  Les jours se cantonnent à l’aube et au crépuscule. Entre les deux, seulement une faible lumière. Le contour des collines et des montagnes sous un ciel zébré de rose et de bleu pastel, de mauve à l’occasion. A peine le jour pointe-t-il à l’horizon que le monde de la renarde bascule dans l’obscurité. Les étoiles brillent. La moitié lumineuse  de la lune jette des ombres sur la glace du fjord.
Cette nuit d’argent est si calme qu’au loin, au-delà du fjord, elle entend l’écho des cris d’autres goupils. »


Celle-ci, chétive, naît au début du printemps et fait son difficile apprentissage de la vie  quand l’hiver raréfie le gibier et plonge les renards dans la disette. Comment résister alors aux pièges des hommes, aux appâts succulents qu’ils ont disposés pour eux dans des machines ingénieuses ? Ce ne sont pas les plus forts qui survivent mais bien les plus rusés. C’est le cas de la petite renarde, appelée la Rejetonne, qui observe les humains et déjoue les pièges. Mais elle fait partie des peaux les plus convoitées des trappeurs, celles des renards bleus qui sont splendides dès l’arrivée de l’hiver.

« La rejetonne, elle, est le portrait craché de sa mère ; leur robe d'été foncée s'est perdue dans la mue. Leur pelage d'hiver n'est pas pleinement argenté ni tout à fait étain, tandis que les pointes, noires comme de la poussière de charbon, accentuent l'éclat métallique de leur robe. Bleu, voilà comment les trappeurs appellent cette couleur alors qu'elle n'a rien de ces glaciers fissurés couleur aigue-marine qui s'effondrent avec fracas dans le fjord. Ce pelage évoque plutôt la poussière de moraine des rivières givrées du Svalbard ; un amas de glace et de roche qui peut miroiter et prendre un aspect métallique selon la lumière. La renarde et sa fille ont le museau de jais. Leurs yeux cernés de noir luisent de reflets de glace comme l'obsidienne. Seule la lumière pénétrant leur regard fait apparaître l'ambre de leur iris. 
Leur pelage a l'éclat d'un métal précieux. Les trappeurs racontent qu'en moyenne, sur dix portées, seul un renardeau arbore cette couleur saisissante. Cette fourrure-là se vend à prix d'or. »


La femme au renard bleu est un roman qui nous fait pénétrer dans un pays d’une incroyable beauté que le style de Robyn Mundy peint avec élégance, précision et poésie. On suit avec plaisir ce personnage de femme indépendante qui refuse le patriarcat et la condescendances des hommes, qui lutte pour être digne du choix qu’elle a fait, mais qui est aussi sensible, ouverte à la beauté des choses et des êtres.


 

lundi 22 septembre 2025

Katherine Mansfield : Prélude et Sur la baie

 


Katherine Beauchamp qui prend pour nom de plume le pseudonyme de Mansfield emprunté à sa grand-mère est née à Wellington en Nouvelle-Zélande en 1888 et c’est en France, à Avon (Seine et Marne), qu’elle mourra, malade de la tuberculose en 1923. Elle quitte son pays pour l’Angleterre une première fois en 1906 au cours de laquelle elle a une liaison homosexuelle qui fait scandale à Wellington et est rappelée par ses parents puis elle repart en 1908, période où elle se retrouve enceinte, se marie (un mariage qui dure un jour), et perd son bébé. En froid avec sa famille bourgeoise et conservatrice, elle ne revient jamais dans son pays natal et  fait de fréquents séjours en France, à Menton, en particulier. Pourtant à la mort de son frère,  - Leslie Beauchamp- ,  avec qui elle était restée en contact alors qu’il servait sous le drapeau britannique en France en 1915, tous les souvenirs de son enfance remontent à la mémoire. Elle écrit dans son journal : 
  
« A présent, ce sont des réminiscences de mon pays à moi que je veux écrire. Oui, je veux parler de lui, jusqu'à l'épuisement absolu de mes réserves. Non seulement parce que c'est une «dette sacrée » que je paierai à la patrie où nous sommes nés, mon frère et moi, mais aussi parce que j'erre avec lui en pensée dans tous les endroits remémorés. Jamais je ne m'en éloigne. J'aspire à les faire renaître en écrivant.  »

 

Katherine Mansfield


Les nouvelles qu’elle écrit alors éclairent des moments heureux de l’enfance composés de petits riens, de bribes de vie, de sensations, de moments suspendus, une écriture que les critiques ont pu qualifier de  pointilliste,  et qui raconte l’histoire d’une famille, les Burnell, en tout point semblable à la famille Beauchamp. Dans Prélude, et Sur la Baie, elle-même y figure sous le nom de Kezia avec ses deux soeurs et son petit frère. Ces instants de bonheur lumineux, parfois fulgurants, souvent fugaces mais troués d’angoisse diffuse, sont vécus dans l’urgence, avec la conscience de leur fragilité et de leur brièveté. Prélude raconte le déménagement de la famille pour une maison plus grande. Sur la Baie relate une journée de la famille à la plage de Crescent Bay, les jeux des enfants, leur insouciance, les moments de bonheur et le vécu des adultes, leur insatisfaction, leurs désirs inavoués, qui contrastent avec l’innocence enfantine. La  présence de la mer y est constante, ce sentiment de l’insularité que Mansfield met ainsi en valeur dans son journal : 

"Oh ! je veux, l'espace d'un instant, faire surgir aux yeux du Vieux Monde notre pays inexploré. Il faut qu'il soit mystérieux et comme suspendu sur les eaux. Il faut qu'il vous ôte le souffle. Il faut qu'il soit « une de ces îles …" 

ou dans ce poème : 

"  La chatoyante, aveuglante toile de la mer
Etait suspendue dans le ciel, et le soleil araignée, 
Avec une cruauté besogneuse et effrayante,
Rampait dans le ciel et filait, filait. 
Elle pouvait le voir encore, les yeux clos
Et les petits bateaux pris comme des mouches dans la toile. "


Les caractéristiques du style de Katherine Mansfield 



Katherine Beauchamp avec sa petite soeur Jeanne (Lottie) et son petit frère Leslie (Boy)

                              Courtesy of the Alexander Turnbull Library


A travers les deux nouvelles Prélude et Sur la baie apparaissent les caractéristiques du style de Katherine Mansfield. L’écrivaine y expose le flot des pensées intimes de chacun, en variant les points de vue, celui des enfants Isabel, Kézia et Lottie, (le petit garçon est encore un bébé dans son berceau) et de leurs cousins Pip et Rags Trout; de la mère Linda épuisée par ses grossesses, qui redoute d’être à nouveau enceinte et qui n’aime pas ses enfants, à part peut-être ce bébé qui semble vouloir tisser un lien avec elle;  de la tante Beryl, belle, préoccupée uniquement d’elle-même, fantasque, toujours dans l’attente du grand amour ; de la grand-mère adorée et du lien spécial qu’elle a avec Kezia;  du père, Stanley, insupportable tyran domestique dont toutes les femmes sont bien heureuses d’être débarrassées quand il part travailler. Ces pensées que Katherine Mansfied nous livre sans intermédiaire, ce que l’on a appelé le « courant de conscience » (stream of consciousness ) nous permettent d’entrer en contact direct avec l’intériorité du personnage. Ainsi le père de famille partant au travail : 

« Ah ! le manque de coeur des femmes ! Et cette façon qu'elles avaient de trouver naturel que ce soit votre rôle de vous tuer à la tâche pour elles, alors qu'elles ne prenaient même pas la peine de faire attention à ce que l'on n'égare pas votre canne. » 

Ce stream of consciousness est l’une des caractéristiques du style de l’écrivaine, une technique d’écriture originale qu’elle partage, entre autres, avec Virginia Woolf, ce qui faisait dire à cette dernière : "Je ne voulais pas l’avouer, mais j’étais jalouse de son écriture, la seule écriture dont j’aie jamais été jalouse. Elle avait la vibration. " 

Une autre caractéristique est cette manière de passer du réel à l’imaginaire sans que le lecteur puisse avoir un repère et sans établir une barrière entre les deux. Ainsi lorsque les enfants jouent dans Prélude ou dans Sur la baie, ils deviennent d’autres personnages et nous sont présentés sous leur nom d’emprunt sans que rien ne nous y prépare, comme s’il s’agissait de la réalité. Ces passages assez étonnants et déstabilisants peignent la force de l’imagination enfantine et montrent que pour l’enfant la frontière entre le réel et l’irréel est mouvante et floue, ce que nous perdons en entrant dans le monde des adultes. De là naît une étrangeté et une poésie nostalgique propre à Mansfield lorsqu’elle parle des enfants.

C’est aussi un monde où les animaux et les objets sont dotés d’une vie propre, indépendante, doués de sentiments : 

"Nous sommes des arbres muets, tendant nos bras dans la nuit pour implorer nous ne savons quoi » disait le bois dans son chagrin."

De plus les nouvelles de Mansfield donne toujours une impression d’inachevé. C’est ce que j’ai pu observer non seulement dans les deux nouvelles citées ici mais aussi dans toutes les autres. Parfois, même, elles s’achèvent au moment où tout autre écrivain commencerait à écrire. Elles laissent le personnage en suspense, face à lui-même, à son devenir, d’où naît une sensation aiguë d’angoisse et de tristesse.  

Les thèmes :  la mer, l’insularité

 


Dans les deux nouvelles, le thème de la mer est omniprésent. La mer prend part aux différents moments de la vie quotidienne, encadre la vie des personnages.
 
Dans Prélude la famille déménage et les deux soeurs cadettes qui n’ont pas pu partir avec les autres, faute de place dans la voiture font le trajet de nuit. Tout le voyage en carriole se pare d’étrangeté aux yeux des fillettes qui ne sont jamais sorties la nuit. La petite Lottie qui a les yeux qui papillotent s’endort sur son vêtement et a l’ancre de son bouton imprimée sur la joue. Elle appartient à la mer jusque dans son sommeil. Katherine Mansfield a le talent de peindre les émerveillements de l’enfance, la façon dont les enfants sont réceptifs aux sensations, aux lumières, aux odeurs et comment la découverte de quelque chose de nouveau se pare pour eux d’une aura mystérieuse, comment ils peuvent transformer un instant fugace en éternité du souvenir.

Des étoiles étincelantes parsemaient le ciel et la lune suspendue au-dessus du port accrochait des fils d’or à la crête des vagues. On voyait le phare qui brillait sur l’île de la Quarantaine et les lumières vertes des vieux pontons à charbon.

La mer semble donner le LA, rythmer les moments de bonheur ou d’inquiétude comme une musique obstinée, toujours présente. 

Sur la Baie se déroule en une journée et commence à l’aube sous le brouillard qui enveloppe la vie, encore pleine de sommeil et qui a du mal à émerger de la torpeur. Entre rêve et réalité, veille ou sommeil, une splendide description de ce paysage, onirique, enchanteur, ouvre donc sur une journée ordinaire à la mer où toute la famille se retrouve. 

Le Toi-Toi argenté...


"Le soleil n’était pas encore levé et tout Crescent Bay était caché sous le voile blanc d’un brouillard marin."

"Il n’y avait rien pour indiquer ce qui était la plage où était la mer. L’herbe était bleue. D’énormes gouttes restaient suspendues au branches et elles tenaient bon; le toi-toi argenté et duveteux s’alanguissait sur sa longue tige et tous les soucis et tous les oeillets du jardins des bungalows s’inclinaient jusqu’à terre sous le poids de la rosée.
On aurait dit que la mer était montée doucement dans l’obscurité, qu’une immense vague était venue mourir, ici, oui, mourir, mais jusqu’où exactement ? Peut-être, si vous vous étiez réveillé au milieu de la nuit, auriez-vous vu un gros poisson donner un petit coup au carreau de la fenêtre, puis s’en aller comme il était venu."

 Les premiers personnages à apparaître sont le berger, le chien et les moutons qui semblent chassés du paysage  lorsque le soleil se lève, comme s’ils étaient un rêve appelé à disparaître devant la réalité.
Puis les premiers de la famille sur la plage pour le bain matinal sont l’oncle Jonathan Trout, un homme, joyeux, insouciant, mais seulement en apparence, et Stanley, le père, toujours pressé, imbu de son importance, « je n’ai pas le temps de batifoler », revêche, qui quitte vite la plage.

 Et là encore la mer prend parti : 

«  Au même moment, une énorme vague souleva Jonathan, le dépassa, puis alla se briser sur la grève au milieu d’un joyeux fracas. Quelle beauté ! Et voici qu’il en arrivait une autre. C’est ainsi qu’il fallait vivre - avec insouciance et légèreté, sans retenue. Voilà ce qu’il fallait… Vivre – vivre ! Et le matin parfait, si beau, si frais, qui se prélassait dans la lumière et donnait l’impression de rire de sa propre beauté, sembla murmurer : "Pourquoi pas ?"

La mer rythme les différents moments de la journée et met son grain de sel partout ! 

Déjà, dans la matinée, la plage est « jonchée de petits tas de vêtements et de chaussures; les grands chapeaux de soleil sur lesquels on avait mis des galets pour empêcher le vent de les emporter, avaient l’air d’immenses coquillages » et jusque dans les jeux d’enfants :
Lottie «  quand une vague plus grosse que d’habitude, une vieille vague toute barbue arrivait au galop vers elle, elle bondissait sur ses pieds, le visage horrifié et elle remontait à toutes jambes vers la plage; »

L’après-midi «La marée était basse; La plage était déserte: l’eau tiède de la mer clapotait paresseusement. Le soleil sans merci écrasait le sable fin de toute l’ardeur de ses rayons brûlants, cuisant sous son feu les galets, bleus, noirs et veinés de blanc. Il suçait les dernières gouttes d’eau au creux des coquillages. Il décolorait les liserons roses qui couraient partout sur les dunes. »

le soir
"Le soleil s’était couché. A l’ouest on voyait les grands amoncellements de nuages roses pressés les uns contre les autres »

Et même là nuit, quand la tante Beryl prête à tomber dans les bras d’un séducteur, le repousse tant elle le juge méprisable, la mer fait entendre d’abord son désaccord puis son approbation :

"En cet instant d’obscurité, le bruit de la mer devint profond et trouble. Puis le nuage s’éloigna et le bruit ne fut plus qu’un vague murmure comme si la mer s’éveillait d’un mauvais rêve. Tout était calme."

Les thèmes : La mort 


Puis il y a la grand-mère adorée de Kezia-Kathrine et ce très beau passage où la fillette prend conscience de ce qu’est la mort et du lien spécial qui la rattache à son aïeule : 

« Kezia demeura un instant immobile à songer à ces choses. Elle n'avait pas envie de mourir. Cela voulait dire qu'il faudrait s'en aller d'ici, de partout, pour toujours, quitter - quitter sa grand-mère. Elle se retourna vivement sur le côté.
"Grand-mère, s'écria-t-elle tout effarée.
- Quoi donc, mon poussin !
- Toi, il ne faut pas que tu meures." Kezia était catégorique.
"Ah, Kezia... " Sa grand-mère leva les yeux, sourit et hocha la tête. "Ne parlons pas de ça.
- Mais il ne faut pas. Tu ne pourrais pas me quitter. Tu ne pourrais pas ne plus être là."
Ça, c'était affreux.
"Promets-moi que jamais tu ne le feras, grand-mère", supplia Kezia.
La vieille femme continuait à tricoter.
"Promets-le-moi ! dis jamais !"
Mais sa grand-mère se taisait toujours. »


Dans la Garden party  que j'ai beaucoup aimé et qui se passe aussi sur l'île, la mort est le thème central.

Une très belle écriture !

Chez Fanja