La Vénus de Botticelli |
Qu'est-ce que le syndrome de Stendhal? Dans son journal de voyage en italie, Stendhal consigne les sensations qu’il a éprouvées lors d’un séjour à Florence en 1854. En sortant de la basilique de Santa Crocce, il ressent une émotion extrême liée, dit-il, à la contemplation de la beauté sublime. Un sentiment de panique s’empare de lui, accompagné de palpitations, de vertiges.
J'étais arrivé à ce point d'émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j'avais un battement de cœur, [...] la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber.
La psychiatre Graziella Magherina a observé les mêmes symptômes sur des touristes visitant Florence, hospitalisés dans ses services; elle a donné à cette maladie le nom de "syndrome de Stendhal" dans un essai où elle décrit les symptômes de la maladie. Il s'agit d'un syndrome psychosomatique déclenché par l’exposition à des œuvres d’art, évanouissements, tachycardie, crampes d’estomac, troubles neurologiques, angoisse, confusion. Un film d'après le livre de Graziella Magherini a même été réalisé par Dario Argento.
Les années 60 :
Quand, adolescente, je suis allée à Florence, je n'ai pas éprouvé le syndrome de Stendhal, non! Mais quelque chose qui s'y apparentait, un coup de foudre absolu, un enchantement de tous les instants, un étonnement devant cette ville où le visiteur n'a pas à aller chercher les oeuvres d'art, où c'est L'Art qui vient à lui dans la rue, sur une place, partout... C'était mon premier voyage hors de France et quel voyage!
Retour à Florence en 2005 :
Nous avons loué un appartement non loin de la basilique Santa Crocce, celle-là même où Stendhal eut son malaise ! C’est un quartier populaire, un peu éloigné des grands lieux touristisques même s’il est proche de la plus grande des églises de Florence. Le matin, nous y voyons les gens partir travailler en bicyclette, ou en bus. Le marché San Ambrogio s’anime et nous allons y faire nos courses avec les ménagères du coin. De toutes petites boutiques à la devanture étroite et sombre, épiceries, boulangeries, drogueries, cafés s’ouvrent sur la rue, avec devant leur porte des groupes d’hommes discutant volubilement, le verbe haut, le geste éloquent. Près de la Basilique où se trouve l’école du cuir, les boutiques de sacs et vêtements en peau sont nombreuses.
Nous reprenons contact avec Florence. Qui sait si nous la reconnaîtrons?
Elle a vécu l’uniformisation européenne. Quel que soit le pays d’Europe où je suis allée toute jeune, je sens, quand j’y retourne, que chacun de ces pays a perdu un peu de ce qui se faisait sa spécificité. Il ressemble toujours un peu plus à l’autre, aux pays de l’Union. Pas complètement mais... on ne peut plus éprouver ce sentiment un peu magique de dépaysement, cette sensation d’être transporté ailleurs dans un monde différent du nôtre ! C’est cela l’Europe, et même si l’on peut en éprouver du regret, au moins on ne se fera plus la guerre entre voisins. Les ouvriers de Pologne, de France, d’Italie ou d’ailleurs y seront encore plus durement exploités par un capitalisme triomphant qui a cessé d’être à l’échelle d’un pays.. mais comme l’a chanté Brassens "nos filles et nos garçons" y font "l’amour ensemble et l’Europe de demain".
De plus Florence subit une telle pollution que la circulation des véhicules à moteur y est sévèrement réglementée. Et puis, comme partout le tourisme de masse s’est encore élargi, les queues sont interminables, le temps de visite sévèrement minuté dans certains lieux ( chapelle Brancacci, Gozzoli..). Adieu le recueillement, la méditation devant l’oeuvre de votre choix. Stendhal n’aurait plus le temps d’éprouver son syndrôme!! Les italiens n’ont plus la chaleureuse attention qu’ils portaient à leurs touristes même désargentés. Ils n’en ont ni le temps, ni l’envie ! Trop, nous sommes trop nombreux, nous déferlons sur la ville comme une nuée de sauterelles. Nous apportons des devises, certes, mais les rapports humains ne sont plus ce qu’ils étaient.
Désenchantement alors ? Nostalgie passéiste ?... Mais Non ! Car le centre historique de la ville est là, immuable dans sa grave beauté, avec ses palais fortifiés, ses places où l’Histoire vit, ses oeuvres d’art qui vous happent au détour d’une rue. Les statues silencieuses vous interpellent du haut de leur piedestal, vous contemplent sur les murs de l’église Orsan Michele, se mêlent à la foule dans la Loggia dell’Orcagna, dans la cour du Palazzo Vecchio, sur la place de la Signoria. Partout, Verrochio, Donatello, Cellini, Ghiberti, Della Robia... viennent au-devant de vous, s’offrent à vos regards.
Simone de Martine musée des Offices
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Alors, je suis allée à mes rendez-vous. j’ai revu la fine silhouette dansante de la dame en bleu peinte par Domenico Ghirlandaio sur le mur de Santa Maria Novella; elle s’avance d’un pas léger, toutes voiles dehors dans la chambre où vient de naître la Vierge; elle porte d’un air altier un panier sur la tête; elle est belle comme le sont ses compagnes autour d’elle; elle est ma préférée. J’ai revu l’Homme aux yeux gris du Titien dans le désordre indescriptible du palais Pitti. Les tableaux montent toujours à l’assaut du mur jusqu’en haut, tout en haut là où il vous faudrait une échelle pour les contempler. Et lui, le beau jeune homme d’un autre temps, il est là, à la même place depuis plus de quarante ans. C’est fou ce que les conservateurs des musées sont ...conservateurs! J’ai revu les ailes des anges de Fra Angelico et l’air triste de ses vierges auréolées sur les murs du couvent de San Marco, le visage d’enfant boudeur de la Vierge siennoise de Simone di Martini aux Offices, les rois Mages chamarrés de Gozzoli, le tourment d'Adam et Eve chassé du paradis de Masaccio, et l’éveil de l’Aurore dans les chapelles médicéennes ... J’ai revu la silhouette du Vieux Pont, les jambes plongées dans l’Arno où s’ébattent des loutres, et l’adorable petite église San Miniato perchée sur sa colline au-dessus de la Piazzale Michel Ange. De là, j’ai contemplé Florence.