J’avoue que le texte de la quatrième de couverture tout en me faisant rire m’a donné une furieuse envie de lire ce livre :
Ce n’est pas le genre de conte de fées où la princesse épouse une prince. C’est celui où elle le tue
Fanja aussi y est pour quelque chose qui en parle ICI. Notons que le roman a eu le prix Hugo du meilleur roman 2023 ainsi qu’une multitude d’autres prix..
Once upon the time…. Entrons dans ce conte de fées subversif où, vraiment, on dit non à la femme considérée comme une poule pondeuse et poussée dans l’escalier par un prince pas si charmant si elle ne fait pas l’affaire. Des poules, d’ailleurs, des vraies, il en est question dans le conte et pas des moindres comme comme la dénommée (et bien nommée) Démon. Mais la petite poule rousse du conte traditionnel (même si elle n’est pas possédée par un démon) a, elle aussi, un caractère affirmée ! Donc, méfiez-vous des poules ! Mais n’anticipons pas ! Sachez pourtant que le livre est dédié « à ces oiseaux rares que sont les poules fortes et indépendantes » !
Dans un tout petit royaume ( mais important parce qu’il a un port commercial), entouré par les royaumes du Sud et du Nord qui le convoitent tous les deux, la reine, mère de trois filles, donne son aînée, la douce Damia, au Prince du Royaume du Nord, Vorling. Elle obtient ainsi la protection du prince. Quelque temps après le mariage, la jeune femme meurt accidentellement. Et maintenant Kania, la seconde, une fille intelligente et avisée, épouse le prince. Marra, la petite dernière, elle, est envoyée au couvent parce qu’elle est la troisième sur la liste, « en réserve de la royauté », si jamais Kania n’avait pas d’enfant ou si elle mourrait : Sait-on jamais ? Ce serait son tour d’épouser Vorling ! Mais lorsque Marra revoit Kania à l’occasion du baptême de sa fille suivi bientôt de la mort du bébé, elle comprend que le prince, violent, obsédé par le désir d’un héritier (mâle, bien sûr,) bat sa femme et la retient prisonnière. Pour rester en vie, Kania enchaîne les grossesses qui l’épuisent. Elle sait que lorsqu’elle aura un fils, elle perdra toute valeur et le prince se débarrassera d’elle ! Marra apprend aussi que Vorling a tué Damia qui ne pouvait pas avoir d’enfant.
Féminicide(s) au pays des contes de fées ! Que peut on faire contre un souverain tout puissant, intouchable, dont rien, aucune loi, ne peut arrêter la violence et les meurtres ? Le tuer. Et comme dans tout bon conte de fées, la jeune fille se met en quête d’adjuvants magiques, la Dame-poussière qui sait parler aux morts (et ses poules); sa marraine-fée qui ne sait accorder qu le don de bonne santé à ses filleules, faible créature (?) mais ne vous y fiez pas ! Enfin, une autre aide, humaine et non-magique comme Fenris, un chevalier sans peur et sans reproches (presque !), un costaud qui sait fendre des bûches et oui, c’est utile, pour obtenir gite et couverts et qui sait manier l’épée ! Ce qui prouve qu’on aime aussi les hommes ici ! Et Marra, en particulier, n’est pas insensible à son charme ! Ah! Ah ! Il lui faut aussi accomplir trois épreuves impossibles, coudre une cape en tissu de fil de hibou et de cordelettes d’orties, fabriquer un chien d’os avec les os de plusieurs chiens morts et faire prisonnier un clair de lune dans un pot en argile. Et la voilà enfin prête à affronter le prince Vorling et sa fameuse marraine-fée douée de pouvoirs extraordinaires, à la manière de la fée-sorcière de Disney et qui maintient la puissance de la dynastie depuis un millénaire.
Nettle and Bone se lit avec beaucoup de plaisir. L’imagination de T. Kingfsiher semble sans borne, les aventures s’enchaînent, l’humour est toujours présent. La manière de réinterpréter les contes de fées traditionnels est amusante, savoureuse, comme lorsque la marraine-fée de Marra rappelle le danger qu’il y a d’oublier d’inviter une marraine à un baptême. La visite de la cité des morts est fantastique à souhait et plus proche cette fois-ci de la mythologie nordique ou de Tolkien que du conte traditionnel.
Illustration Ivan Bilibine : Conte du tsar Saltan : La princesse cygne et l'île Bouaïana
"Le Conte du tsar
Saltan, de son fils, glorieux et puissant preux le prince Gvidon
Saltanovitch et de la très-belle princesse-cygne " : voici le titre complet du conte merveilleux d'Alexandre Pouchkine qu'il a publié en 1832. Il s'agit d'un conte traditionnel issu du folklore russe mais de nombreux contes dans le monde reprennent le thème des deux soeurs jalouses qui cherchent à se venger de la troisième plus chanceuse, épouse du prince.
Le conte du tsar Saltan de Pouchkineest l'un des contes les plus célèbres en Russie. Nicolaï Rimski Korsakov et son librettiste Bielski ont adapté l'oeuvre de Pouchkine pour créer un opéra Сказка о царе Салтане portant le même titre.
Ivan Bilibine : le tsar choisit Militrissa pour épouse, les deux autres comme cuisinière et tisseuse
Trois
sœurs rêvent à leur avenir dans une modeste isba : que ferait chacune d'elle si elle était tsarine ? L'une dit qu'elle préparerait un grand festin, l'autre
qu'elle tisserait des vêtements somptueux, la troisième, la belle
Militrissa, qu'elle donnerait un bogatyr (preux-chevalier) à son
tsar bien-aimé. Le tsar Saltan qui passait près de chez elles
les entend. Il décide d'épouser la troisième et engage les deux autres comme
cuisinière et tisserande.
Mais
le tsar doit partir à la guerre. Il laisse son épouse enceinte.
Celle-ci accouche bientôt d'un beau petit garçon, le tsarévitch,
Guidon, qui grandit à une vitesse prodigieuse. Les deux sœurs,
jalouses, avec l'aide de leur mère Babarikha, envoient un message à
Saltan pour lui dire que sa femme a accouché d’un monstre.
La
Babarikha est la mère des trois soeurs, mais elle tient le rôle de la
marâtre des contes de fées quand elle devient complice de ses deux
filles pour faire obstacle à la troisième. Elle est aussi une femme- marieuse. Le
tsar répond en demandant qu'on attende son retour pour décider du sort de
l'enfant mais les méchantes femmes substituent le message du tsar à
un autre qui ordonne d'enfermer la tsarine avec son enfant dans un
tonneau et de les jeter à la mer. La mer a pitié de l'enfant et la mère et le tonneau échoue sur une île
lointaine nommée Bouïana ...
Ivan Bilibine : la ville merveilleuse sur l'île Bouïana
Le
tsarévitch Guidon devenu un beau jeune homme sauve un cygne poursuivi par un vautour. Le cygne lui explique qu'elle est une princesse et que le vautour qu'il vient de tuer est un sorcier. En
signe de reconnaissance, la princesse-cygne fait surgir une ville magnifique
sur l'île. Le bogatyr Gvidon en devient le roi puis comme il languit de
son père, elle le transforme en moustique ou en bourdon pour qu'il puisse voyager
caché dans un navire de marchands jusqu'à sa patrie natale.
Bilibine : Le prince Gvidon transformé en moustique
Par trois fois le tsar entendant vanter les
merveilles du royaume merveilleux et de son roi Gvidon par les marchands veut se rendre dans l'île
mais Babarikha et les deux sœurs le dissuadent.
La première fois en affirmant que la merveille n'est pas cette ville sur une île lointaine mais un écureuil enchanteur qui croque des noisettes d'or au coeur d'émeraude.
La seconde fois en affirmant que la merveille n'est pas cette ville lointaine mais trente trois bogatyrs- frères, des géants jeunes et braves, issus des vagues de l'océan.
La troisième fois en affirmant que la merveille n'est pas cette ville lointaine mais une princesse si belle que
Le jour, elle éclipse le soleil
La nuit elle éclaire toute la terre
Le croissant brille sous sa tresse
Et une étoile illumine sa jeunesse
traduction Tetyana Popova-Bonnal
Chaque fois le cygne réalisera le voeu du prince pour obtenir l'écureuil, les trente trois guerriers, mais pour la princesse, ce ne sera possible que par un véritable amour.
Bilibine : Arrivée du tsar et la méchante mère Babarikha
La quatrième fois, quand il entend vanter les merveilles de l'île et apprend le mariage du Gvidon avec une belle princesse, le tsar décide de partir. Lorsqu'il arrive sur l'île, il
reconnaît son épouse, la belle Militrissa,fait connaissance de
son fils Guidon marié à la princesse qui se cachait sous l’apparence du cygne. Le conte se termine dans la joie.
Une oeuvre en vers musicale
Le tsar Saltan et les trois soeurs : miniature de Palekh
Cette oeuvre est une petite merveille,un bijou brillamment ciselé, un récit vivant, animé, poétique, amusant. Le poète l'a rédigé en vers de sept ou huit syllabes dans une langue populaire, savoureuse, joyeuse, avec des personnages proches du folklore russe. On a l'impression que les vers sont chantés.
Le rythme des heptasyllabes accentués sur les syllabes impairs (1/3/5/7 ) est, en effet, très musical, et le retour des mêmes vers dans les situations qui se répètent créent un rythme interne que l'on attend comme un refrain. Ce qui nous rappelle que le conte est destiné à être oral, un conte que l'on lit aux enfants et dont les répétitions sont attendues avec joie.
Un conte merveilleux
Peintres de Palekh : Dans son palais de cristal, L'écureuil croque une noix/ une noix d'or par ma foi
Le conte est une belle histoire d'amour, celle du prince Gvidon et de la princesse-cygne, un récit qui fait intervenir le rêve, la magie, le fantastique. Il obéit au schéma classique du conte traditionnel : à partir d'une situation initiale perturbée par des méchants, le héros ou l'héroïne devra rétablir l'équilibre, aidé en cela par des adjuvants magiques, humains, animaux, ou objets. Il s'agit de contes initiatiques qui permettent au personnage principal (auquel l'enfant s'identifie) de passer de l'enfance à l'âge adulte. La magie ne suffit pas et il faut faire preuve de courage, de débrouillardise, d'intelligence, de bonté.
Dans ce conte tout est en double. Il y a deux couples le Tsar et Mélitrissa et Gvidon et la princesse-cygne dont l'équilibre est pareillement détruit par l'intervention d'éléments déclencheurs qui viennent rompre l'équilibre :
Militrissa et le tsar Saltan séparés par la guerre vont être victimes de la jalousie des deux soeurs et de la mère. C'est le tsarevitch Gvidon qui les réunira.
Comme dans de nombreux contes, la princesse est transformée en animal, ici en cygne : Gvidon tue le magicien qui la poursuivait métamorphosé en vautour. Il aide la princesse-cygne qui l'aidera à son tour.
Le cygne va se poser
Sur les bords dans un fourré.
Il s'ébroue et se secoue,
en princesse se dénoue :
Une étoile entre les yeux,
Un croissant d'or aux cheveux (...)
Traduction Ivan Mignot
Le prince doit prouver sa bravoure mais a besoin pour réussir d'adjuvants magiques : Le cygne réalise ses voeux pour le récompenser. Ils sont au nombre de trois, l'écureuil qui assure la richesse de tous les habitants de l'île; les trente bogatyrs qui assurent la sécurité de l'île et la princesse-cygne qui permet à l'amour de triompher.
Peintres de Palekh : La princesse est majestueuse et bonne
Un conte plein d'humour
Peintres de Palekh: la fête de retrouvailles
Mais le Merveilleux est étroitement mêlé à l'humour qui tient à des personnages burlesques dont la fonction est double : semer des embûches sur le chemin des héros et héroïnes mais aussi faire rire telles les deux soeurs et la mère Babarikha et aussi, parfois, le tsar lui-même !
Enfin, autre source de comique, le moustique. Ainsi lorsque les méchantes soeurs se font piquer par le moustique ou bourdon et deviennent borgnes, l'une de l'oeil droit, l'autre de la gauche ou quand il s'agit de la Babarikha :
Il
bourdonne et fait des rondes,
Il
se pose sur son nez bien rond.
Notre
héros pique le nez
Et
une ampoule y apparaît.
Là
encore l'alerte commence
En
mettant la défiance
AU
secours ! Attrapez-le !
Ecrasez
la bête féroce !
Traduction De Tatyana Popovna -Bonnal Les contes de fée de Pouchkine Edition bilingue ou une autre traduction
Il va tourner autour d'elle
se met sur le nez d'icelle
Une cloque vient marquer
aussitôt le nez piqué.
De nouveau c'est la panique
Et puis la chasse héroïque :
Au secours, attrapez-le,
Dieu du ciel, écrasez-le,
Tu vas voir, attends, vil traître (...)
Traduction de Ivan Mignot Les contes de Pouckine Le tsar Saltan peinture de Palekh
Comique
aussi dans l'agitation qui suit les piqûres de l'insecte car la scène est traitée avec un grossissement épique que les deux traductions préservent bien "La bête féroce !" "Vil traître !" "chasse héroïque", "Panique ", "alerte" ... qui contraste dérisoirement avec la taille de la bête féroce.
Le dénouement aussi est joyeux et enlevé : l'on y voit le tsar fêter dignement ses retrouvailles avec la Tsarine et son Tsarevitch (pas de punition pour les méchantes) mais on doit porter au
lit le tsar à moitié ivre.
денъ прошел - царя салтана
уложили спать вполньяна
я там был ; мед, пиво пил
усы лищь обмовил
La traduction mot à mot dit ceci :
Le jour passe - le tsar Saltan
Est mis au lit à moitié ivre
J'étais là; j'ai bu du miel, de la bière (hydromel ?)
Mes moustaches seules j'ai mouillées.
Quelles traductions choisir ?
Je vous propose deux traductions qui s'opposent et témoignent de deux positions très divergentes face au fait de traduire. Laquelle préférez-vous ?
Doit-on rester proche du texte et, dans la cas où il s'agit de vers, ne pas respecter la métrique ? celle de Tetyana Popovna-Bonnal
La journée passe et Saltan énivré
fut tout de suite couché.
J'y étais, j'ai bu l'hydromel
Seule ma moustache fut mouillée.
Traduction Popova-Bonnal dans Les contes de fée de Pouchkine Edition bilingue
Ou la traduction d'Ivan Mignot qui s'éloigne du texte (tout en
respectant l'esprit) mais garde la versification et utilise l'heptasyllabe comme le vers pouchkinien et la rime.
Le soir, il fut sur sa couche
Ivre comme une vraie souche
J'y étais et j'ai bien bu
Ne m'en demandez pas plus.
Traduction Ivan Mignot Les contes de Pouchkine Le tsar Saltan peinture de Palekh
Les éditions et les illustrations
1) Traduction en vers proche du texte et juxtalinéaire de Popova-Bonnal Les contes de fée de Pouchkine Edition bilingue
Illustration couverture Ivan Vanestiv : Ivan Tsarevitch chevauche le loup gris 1889
2) Traduction Ivan Mignot en vers heptasyllabes Les contes de Pouchkine Le tsar Saltan ma traduction préférée.
Peinture de Palekh Editions медный всадник : Le cavalier de bronze. J'ai acheté ce livre à Saint Pétersbourg. Je ne sais pas si on le trouve en France.
Palekh : Les illustrations, splendides, sont des peintures d'icônes sur bois laqué, provenant de la ville de Palekh devenue centre de la miniature sur laque. Collections privées ou musée russe de Saint Petersbourg, ou musée Pouchkine.
3) Vous pouvez aussi lire ces contes aux Editions Albin Michel jeunesse illustrés par Ivan Bilibine d'après une réédition de 1906. traduction en vers de Henri Abril. Je n'ai pas lu cette traduction mais les illustrations de Bilibine sont enchanteresses.
Ivan
Bilibine est né en 1876. Il est peintre et illustrateur. Formé sous la direction du grand maître Ilia Répine, il réalise en 1899 ses
premiers travaux graphiques et ses premières illustrations de contes
populaires russes : il trouve là son domaine de prédilection, dont il ne
se départira plus et qui caractérise son oeuvre. Ivan Bilibine s'est fait aussi connaître comme décorateur d'opéra.
Les femmes de Barbe-Bleue crédit photo Morgane de Moal
Les femmes de Barbe-Bleue de Lisa Guez
Présentation : Lisa Guez prend le conte La Barbe-Bleue à revers pour donner la parole à ses femmes. Chacune, tour à tour, confuse face à l'injonction contradictoire de son mari « je te donne et t'interdis », n'a d'autre choix que d'ouvrir la porte close et de vivre sa liberté jusqu'à ce que mort s'en suive. Qu'y a-t-il derrière ces portes que nous n'osons pas ouvrir ? Quels étranges désirs, dénis ou conditionnements, poussent certaines dans les bras d'un prédateur ? Sur scène, pleines de désir et de vie, les fantômes des femmes de Barbe Bleue nous racontent comment elles ont été séduites, comment elles ont été piégées, comment elles n’ont pas su s’enfuir... Ensemble, avec humour et détermination, elles s'entraident et se soutiennent pour trouver des espaces de résistances, vaincre la peur de leur Barbe Bleue, ce mal qui se cache en chaque femme et la dévore à coups d’impératifs. Cette création collective explore les mystères et les parts obscures du conte de Perrault et révèle les rapports de domination dans notre société.
"Lisa Guez précise avoir fondé sa dramaturgie sur l’ouvrage du livre de Clarissa Pinkola Estés, Femmes qui courent avec les loups, qui analyse les mécanismes d’auto-conditionnement. Lauréat du prix du jury et du prix des lycéens Impatience 2019, Les Femmes de Barbe Bleue s’attache
à révéler ce qui se trame sous les évidences. Rappelons qu’en 2019, 146
femmes ont été assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint en France.
Signalons que Lisa Guez poursuivra sa recherche sur les phénomènes
d’emprise avec sa prochaine création, Celui qui s’en alla connaître la peur, qui à l’inverse des Femmes de Barbe Bleue, sera conçue autour de la figure du manipulateur. « Qu’est-ce
qui l’anime ? D’où vient le vide de son cœur ? Comment est-il lui-même
esclave de toutes les projections qu’il suscite ? ». Des questions fondamentales…" La Terrasse Agnès Santi
Mon avis : Une pièce intéressante qui analyse le phénomène de soumission de la femme envers son prédateur, fondé sur le désir, l'amour, voire l'admiration, mais aussi sur le sentiment de dévalorisation, la solitude, la peur, la paralysie de la volonté. Les comédiennes sont toutes excellentes, les jeux de lumière renforcent l'atmosphère glauque de la scène. Un bon spectacle !
Sur le moment, j'en suis sortie avec un manque car j'aurais voulu aussi voir les difficultés de ces femmes quand elles se révoltent et cherchent à s'en sortir, l'incompréhension qu'elles rencontrent, les failles criminelles du système judiciaire et policier à leur égard. J'aurais voulu aussi voir du côté de l'homme, du bourreau ! Mais évidemment c'est un regret stérile puisque ce n'était pas le sujet !
Cependant j'apprends en lisant La Terrasse que Lisa Guez poursuit ses recherches du point de vue du manipulateur avec Celui qui s’en alla connaître la peur. Joli titre ! Et pourquoi pas une trilogie avec une troisième pièce sur le difficile parcours des femmes lorsqu'elles veulent briser leurs chaîneset leur rencontre avec la mortà cause de l'impéritie des pouvoirs publics?
Les femmes de Barbe-Bleue Les Carmes 19H30 durée 1H25 Auteur : Lisa Guez
Texte, adaptation Lisa Guez, Valentine Krasnocho Distribution Avec Valentine Bellone, Anne Knosp, Valentine Krasnochok, Nelly Latour, Jordane Soudre
Mise en scène Lisa Guez Dramaturgie Valentine Krasnochok
Musique Louis-Marie Hippolyte, Antoine Wilson
Lumière Sarah Doukhan, Lila Meynard Production Juste avant la Compagnie Avec l'aide du Lavoir Moderne Parisien, Centquatre-Paris, ACB Scène nationale (Bar-le-Duc), La Verrière (Lille)
Ekseli Gallen Kallela : La rivière de Tuoneli, le royaume de la Mort : l'embarquement des âmes
Voilà le dernier billet consacré à l’épopée finlandaise de Elias Lonnrott, Le kalevala, écrit à partir d’une collecte de chants et de contes traditionnels remontant jusqu’au XIII siècle.
Il faut savoir qu’au XIII siècle, la Finlande est déjà christianisée, aussi les anciens dieux sont parfois très influencés par le christianisme et les distinctions entre paganisme et christianisme s’effacent ou se diluent quelquefois.
UKKO, le dieu des dieux
Ukko, qui signifie « vieillard » est le dieu suprême, le dieu du ciel, assimilable aux deux dieux scandinaves Odin et Thor et aussi dans la mythologie grecque à Zeus. Comme Odin, Ukko possède le pouvoir suprême, la sagesse et le savoir et il est aussi le dieu de la guerre et celui de l'orage. Comme Thor, Ukko tient un marteau nommé Unkonvasara qui le rend maître du tonnerre, de la foudre. Le symbole d’Ukko est un serpent-éclair qui figure l’éclair et la foudre. En finnois, le mot Ukkonen signifie « tonnerre » et ukolnima , « le temps d’Ukko », « l’orage ».
Quand les personnages du Kalevala s’adresse à Ukko, les prières et les mots employés rappellent la prière au Père de le religion chrétienne.
Unkonvasara
Le symbole d’Ukko est un serpent-éclair qui figure l’éclair et la foudre. En finnois, le mot Ukkonen signifie « tonnerre » et ukolnima , « le temps d’Ukko », veut dire « l’orage ».
Symbole d'Ukko
Rauni ou Akka, l'épouse d'Ukko
Ukko est l’époux de Rauni ou Akka qui signifie vieille femme, « la petite mère de la terre ». Elle a donné aux humains la possibilité de lutter contre la malfaisance des gnomes de montagne. Si Akka et Ukko s'unissent l'orage se déclenche ! Le passage du char de Ukko dans le ciel provoque le tonnerre. Quand les personnages du Kalevala s’adresse à Ukko, les prières et les mots employés rappellent la prière au Père de le religion chrétienne.
Lemminkaïnen s'adresse à Ukko
Prière de Lemminkainen à Ukko p158
Je m’adresserai bien plus haut, Au puissant Ukko dans le ciel, Qui gouverne sur les nuages, Maître souverain des nuées.
O puissant Ukko, dieu suprême, Père céleste et secourable, Qui parles à travers les nues, Qui lances les mots dans l’espace, Donne-moi ton glaive de feu Placé dans un fourreau de feu, Pour disperser tous les obstacles, Pour écarter les maléfices.
ILMATAR
Ilmatar Robert Wilheem Erkman
Nous avons déjà parlé d'Ilmatar ou Luonnotar, déesse de l'air et des ondes, qui a créé la terre à partir d'oeufs de canard, Voir ICI
TAPIO
Voilà comme l'artiste finlandaise Eva Ryynänen l'a représenté au musée de la nature près de Savonlinna :
Tapio représenté par l'artiste finlandaise Eva Ryynänen
Tapio, le dieu finnois de la nature, le dieu des forêts et des arbres. C'est est l'un des dieux les plus importants pour un pays aussi boisé que la Finlande. Les divinités et les esprits des forêts sont d'ailleurs les plus nombreuses du folklore finlandais. Tapio est souvent représenté à moitié humain, à moitié arbre, avec des sourcils de mousse et une barbe de lichens. Les chasseurs s’adressent à lui pour qu’il favorise leur chasse.
Tapio prière de Lemminkainen p173
Je quitte les gens pour les bois Vais seul aux travaux en plein air Par les domaines de Tapio (…)
Forêt montre-toi bienveillante, Eternel Tapio, sois propice, Conduis-moi dans l’ilôt boisé, Mène- moi sur une colline Où je trouverai du gibier Où je lancerai quelque proie !
Son épouse (ou parfois sa bru) est la belle Mikkieli,déesse de la forêt, dont le vieux nom finnois Mielu signifie chance. Elle a présidé à la naissance de l’ours, animal sacré en Finlande, roi de la forêt. Otso est l’esprit de l’ours. Elle protège le bétail, aide les bêtes sauvages traquées par les hommes. C'est elle qui permet la cueillette et le pâturage du bétail. Guérisseuse, elle soigne les animaux et, avec les plantes médicinales, elle guérit aussi les humains qui la respectent et veillent à se concilier ses bonnes grâces.
Dans Le Kalevala, le héros Lemminkaïnen lui adresse des prières ainsi qu’à Tapio et lui offre de de l'or et de l'argent pour capturer l'élan d’Hiisi, animal maléfique du folklore finnois. Dans un autre passage, Mielikki est priée de protéger le bétail qui paît dans la forêt. Elle reçoit également les prières de ceux qui chassent le petit gibier et de ceux qui cueillent des champignons et des baies.
Prière de Lemminkaïnen
Mielikki, patronne des bois, Pure femme, charmant visage, Laisse ton argent se répandre Au-devant de l’homme qui cherche, sous les pas de ton suppliant !
Tapio et Mikkieli ont pour enfants leur fils Nyyriki , dieu de la forêt, de la chasse et du bétail.
P 462
Nyyriki, bon fils de Tapio, Enfant des bois, beau manteau bleu, Prends la base des beaux sapins, La couronne des pins touffus, Pour faire un pont sur les bourbiers Pour amender les mauvais lieux…
Nyyrikki, fils de Tapio Noble héros au bonnet rouge, Trace des marques sur le sol, Taille des signes sur les rocs Pour conduite l’homme stupide, Montrer la voie à l’ignorant, Tandis qu’il cherche le gibier, Qu’il pourchasse le cher butin !
Tuuliki, Pihlajatar, Tellervo, les filles de Tapio
Leurs filles, déesse des forêts, de la végétationsont Tuuliki, Pihlajatar, Tellervo
Prière de la femme de Ilmataren P 456
Tellervo, fille de Tapio, Vierge aux joues rondes des forêts, Beau tablier, fine chemise, Superbe chevelure d’or, Toi qui protèges les troupeaux, Qui garde le bétail des fermes Dans le propice Matsola, Dans le vigilant Tapiola
O Suvetar, femme excellente, Etelätär, belle nature, Hongatar, bénévole hôtesse, Katjar, superbe vierge, Pihlajatar, fille de Tapio, Mielikki, bru de la forêt, Tellervo vierge de Tapio, protégez toutes mon troupeau.
Suvetar la déesse du printemps (Gjallarhorn-Suvetar with english lyrics)
Etelätär, personnification du vent invoquée par les vétérinaires pour soigner les chevaux.
Hongatar est la nymphe du pin, Katjar (Katajatar) celle du genévrier, Pihlajatar la nymphe du sorbier, Lemmes celle de l'aune, et Remunen du houblon.
Pellervoou Pekko (ou Sampsa Pellervoinen) est le dieu des champs, des graines et des moissons
Melhiainen est l'abeille. La mère de Lemminkainen envoie Melhiainen chercher du miel pour faire revenir son fils à la vie. Elle a reconstitué le corps de son fils en le cherchant dans le fleuve noir de Tuonela où ses morceaux avaient été dispersés après avoir été assassiné.
p196 prière de la mère Melhiainen, mon cher oiseau, Reine des fleurs et de la forêt, Pars maintenant chercher du miel, Va recueillir de l’hydromel Dans le propice Metsola, Au fond de l’exact Tapiola, dans le calice des fleurettes.
A ces divinités étaient opposés des esprits malicieux, fourbes et méchants : Lempo le dieu du mal associé à Hiisi ou Paha . Il commande les démons de la forêt. Il est aussi singulièrement l'ancien dieu de l'amour comme si l'amour et la haine étaient les deux facettes d'un même sentiment. En lapon Sieita, est aussi appelé Paha (le Malin) et Juutas (Judas), Piru , Perkele ...
Chant ôde à la terre mère suèdois - Gjallarhorn-Suvetar
TUONI
Tuonela : Tuoni et Tuonatar, deux de leurs filles
Tuoni est le dieu de la mort et des enfers. Son domaine est Tuonela, le sombre pays d'où l'on ne peut revenir vivant à part le héros Vaïnomömoinen. Les âmes partent sur la noire rivière de Tuonela pour gagner le séjour des morts, dans l'abîme de Manola.
Louhi, patronne de Pohja ( P 183), dit à Lamminkaïnen qui veut obtenir la main de sa fille :
Je ne te donnerai ma fille, La belle jeune fiancée, Que si tu peux tuer le cygne, du noir rapide de Tuoni, Des flots du tourbillon sacré, En l’abattant du premier coup, En ne décochant qu’une flèche.
Tuonetar, l'épouse de Tuoni
Tuonetar, la bonne patronne, femme de Tuoni, accueille les morts à Tuonela. Dans Le kalevala, elle offre à Vaïnämöinen qui s'est introduit vivant à Tuonela, un gobelet d’or rempli de poison, de serpents et de grenouilles pour le tuer. Mais celui-ci déjoue la ruse et s'échappe en usant ses pouvoirs de métamorphe et en se tranformant en loutre. C'est ainsi qu'il parvient à échapper au filet qui obstruait l'issue de la rivière hors des enfers.
Tuoni et Tuonetar ont pour filles les divinités de la souffrance et de la Maladie comme Kalma, Vammatar, Kivutar, Kippu-Tyttö, ou Loviatar, "la plus méprisable des filles de Tuoni" qui était aveugle.
Kipu-tyttö, l'une des filles de Tuoni
Kipu-tyttö , déesse de la souffrance,, Kipu-tyttö, Laura Rantanen
Kipu-tyttö dont le nom se traduit par « petite fille de la douleur » est la divinité de la maladie dans son degré terminal. Elle est d'une
apparence terrifiante, son visage est sombre, rongé par la variole et
son corps est légèrement déformé. Comme sa sœur Lovatiar elle est mère de neuf enfants, qui ont des noms aussi évocateurs que le cancer, la goutte, les ulcères, le chancre et la gale.
Kalma , une des filles de Tuoni et Surma
Surma
Kalma est la déesse de la mort, des chairs corrompues, de la pourriture. Son nom veut dire : "la puanteur des cadavres"! Elle a donné son nom au mot finnois kalmisto qui signifie cimetière. Kalma vit à Tuonela et son antre est gardé par Surma. Celui-ci est décrit comme un chien énorme avec une queue de serpent et son regard est pétrifiant. Surma signifie "mort" et il est usité quand il s'agit d'un personne morte assassinée et non de mort naturelle.
Loviatar, la plus méprisable des filles de Toni
Akseli Gallen Kallela : Loviatar filant sur la montagne
Chez Tuoni vivait une aveugle, Loviatar, la vieille mégère, La pire fille de Tuoni, La plus méchante Manatar, L’origine de tous les maux, La cause de mille fléaux; Elle avait la figure noire Son teint était très repoussant.
P593 Loviatar
Elle mit au monde neuf fils, Elle baptisa ses enfants, Prépara sa progéniture L’un fut appelé Pleurésie L’autre se vit nommer Colique, L’un reçut le prénom de Goutte, l’autre fut nommé rachitisme, L’un fut désigné comme ulcère, L’autre s’appela Cicatrice; L’un fut affublé du nom gale, l’autre répondit au mot peste
ou encore selon les versions : Loviatar donna naissance à neuf enfants :Pistos (phtisie), Ahky (coliques), Luuvalo (goutte), Riisi (rachitisme), Paise (ulcère), Rupi (gale), Syöjä (cancer), Rutto (peste) et un neuvième, une fille, qui n'est pas nommée mais qui était la pire.
Louhi la patronne de Pojhala, qui veut se venger des héros qui lui ont volé le Sampo, envoie les enfants de Loviatar sur le Kalevala. Mais Vaïnämöinen parvient à les vaincre tous.
AHTI ou ATHO
Athi ou Atho, le dieu de l'eau
Athi est le Dieu de l'eau, de la mer, des rivières et des lacs. Il vit dans une sombre et humide caverne ouverte dans une falaise, frappée par les vagues, entourée de nuages. Il est jaloux du dieu du ciel car il pense que son pouvoir n'est pas assez apprécié des humains et qu'il n'obtient pas assez de prières. Mais il n'essaie pas de se rendre plus populaire et emploie toutes sortes de mauvais esprits malfaisants, envoie des tempêtes, crée des tourbillons.
Vellamo ou Wellamo, épouse de Ahti
Vellamo est la déesse de l'eau, de la mer et des lacs. Son nom vient du mot finnois « velloa », qui signifie « mouvement de l'eau et des vagues ». Elle est belle et grande, porte une robe bleu vert faite de mousse de la mer. Elle sait contrôler les vents, apaiser les tempêtes. C'est pourquoi, elle est très respectée par les pêcheurs qui la prient pour qu'elle protège leur navire et leur donne une bonne pêche.Elle est aussi la maîtresse de vaches magiques qui vivent sous l'eau et paissent dans des prairies sous-marines.
Il y a encore beaucoup de dieux et de déesses dans la mythologie finnoise et dans Le Kalevala mais je m'en tiendrai à ceux qui m'ont le plus marquée pendant ma lecture de l'illustre épopée finlandaise.