Stéphanie Gramont et Xavier Boulanger, interprètes de Moulins à Paroles
Alan Bennett a commencé sa carrière comme comédien. Il est considéré comme un des romanciers et dramaturges actuels les plus importants du Royaume-Uni. Parallèlement, il poursuit une oeuvre de scénariste pour la télévision et le cinéma. La Compagnie les Méridiens nous propose deux monologues de Bennett, deux fragments d'existence de personnages à la fois naïfs, comiques et tragiques : La chance de sa vie et Une frite dans le sucre. Leslie est une actrice qui rêve de percer dans le cinéma, de devenir une star mais elle ne possède qu'un réel atout : son physique. Graham, vieux garçon, vit toujours chez sa vieille mère dont il s'occupe au quotidien. L'irruption dans leur vie d'un vieil amant de sa mère bouscule son existence.
Avis de claudialucia
J'aime beaucoup Alan Bennett, aussi est-ce avec plaisir que je suis allée voir Moulins à Paroles de la compagnie alsacienne Les Méridiens à Essaïon théâtre.
Grâce à un dispositif scénique ingénieux, deux décors mobiles qui tournent sur eux-mêmes pour faire apparaître les acteurs, nous pouvons suivre les deux histoires en parallèle, celle de la jeune actrice sans talent exploitée sexuellement par les hommes et celle du fils dévoué à sa mère, "un grand garçon" jamais devenu un homme. Le metteur en scène, Laurent Crovella utilise avec habileté ce dispositif pour établir des parallèles, pour jouer sur l'alternance, la simultanéité, provoquer des ralentissements ou au contraire accélérer le rythme. Ainsi deux vies se déroulent devant nous, se croisent, sans jamais se rencontrer, deux univers très différents mais qui ont en commun l'échec, la noirceur de l'existence. Car Alan Bennett sait à merveille rendre le quotidien de ces vies qui s'étiolent, peindre la solitude de chacun, la cruauté des rapports humains. Et pourtant l'on rit beaucoup au cours de ces deux monologues que deux comédiens inspirés, Stéphanie Gramont et Xavier Boulanger, interprètent avec beaucoup de justesse et de conviction. Mais l'on ressent aussi beaucoup d'émotion et de tristesse tant le spectacle de ces vies gâchées nous touchent. Un bon spectacle.
Grâce à un dispositif scénique ingénieux, deux décors mobiles qui tournent sur eux-mêmes pour faire apparaître les acteurs, nous pouvons suivre les deux histoires en parallèle, celle de la jeune actrice sans talent exploitée sexuellement par les hommes et celle du fils dévoué à sa mère, "un grand garçon" jamais devenu un homme. Le metteur en scène, Laurent Crovella utilise avec habileté ce dispositif pour établir des parallèles, pour jouer sur l'alternance, la simultanéité, provoquer des ralentissements ou au contraire accélérer le rythme. Ainsi deux vies se déroulent devant nous, se croisent, sans jamais se rencontrer, deux univers très différents mais qui ont en commun l'échec, la noirceur de l'existence. Car Alan Bennett sait à merveille rendre le quotidien de ces vies qui s'étiolent, peindre la solitude de chacun, la cruauté des rapports humains. Et pourtant l'on rit beaucoup au cours de ces deux monologues que deux comédiens inspirés, Stéphanie Gramont et Xavier Boulanger, interprètent avec beaucoup de justesse et de conviction. Mais l'on ressent aussi beaucoup d'émotion et de tristesse tant le spectacle de ces vies gâchées nous touchent. Un bon spectacle.
Le texte de Leslie est sans grande surprise, la pauvre figurante naïve et sans talent ne peut finir que déshabillée sur un plateau de cinéma et dans le lit des participants d'un film de série B. Le deuxième monologue est beaucoup plus riche, plus complexe. Graham, vieux garçon emprunté apparaît comme le fils attentif et protecteur d'une vieille femme malade, qui semble perdre la raison. Mais l'arrivée d'un ex-amant extravagant donne une nouvelle jeunesse à la vieille mère, qui se sent prête à refaire sa vie sans son fils. Alors Graham nous présente une facette inconnue de son personnage. Il se révèle fragile, malade, complexé, c'est un homosexuel refoulé. Pour la plus grande satisfaction de Graham, le vieil amant disparaîtra et la vie pourra reprendre son cours rythmé par des promenades entre deux tasses de thé. La vie de tous ces êtres est triste, tragique, sans espoir mais Bennett arrive à nous faire sourire, rire même, d' un rire noir et grave.
La mise en scène est judicieuse. Au lieu de présenter les monologues l'un à la suite de l'autre, le metteur en scène, Laurent Crovella, a décidé de les faire interpréter en parallèle. Ce choix correspond tout à fait à l'esprit de la préface de Jean-Marie Besset ,traducteur de Moulins à Paroles (Actes-Sud-Papier): "…les vies sont solitaires, immobiles et comiques-ô combien- dès qu'elles se mêlent à se commenter les unes aux autres". L'immobilité est rendu par le dispositif scénique, les acteurs sont enfermés physiquement et donc moralement dans des petits kiosques qui tournent sur eux mêmes. Leslie est coincée dans une loge qu'elle décore de photos de stars, elle joue avec des lumières, se place sous les projecteurs de ses rêves. Graham fait de la tapisserie, engoncé dans des vêtements trop étroits, vissé sur une chaise dans un décor victorien vieillot, il baisse l'éclairage pour se réfugier dans le noir quand ses peurs et ses angoisses le prennent. Stéphanie Gramont et Xavier Boulanger servent avec beaucoup de talent les beaux textes de Bennett.
Moulins à Paroles
Les Méridiens
Essaïon Théâtre
Du 8 au 30 Juillet à 12H40
Relâche les 18, 25 Juillet