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jeudi 11 septembre 2014

Les mémoires d'Hadrien de Jean Petrement d'après Marguerite Yourcenar




Si je n'ai pas fini Les mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar pour cette LC j'ai vu pendant le festival d'Avignon la pièce que le metteur en scène Jean Pétrement a créée à partir du livre de Marguerite Yourcenar et de Antinoüs de Fernando Pessoa. Je n'avais pas eu le temps de rédiger un billet sur cette pièce mais voici le moment venu pendant que je poursuis ma lecture de l'oeuvre originale.

La pièce de Jean Petrement

L'empereur Hadrien proche de sa mort dicte ses mémoires à Antoine, une jeune noble qui lui sert  de secrétaire. Il destine ces dernières pensées à son petit-fils et successeur Marc-Aurèle pour l'aider dans l'exercice du pouvoir. Autour de lui, Elixa, une jeune esclave dont Antoine est amoureux accompagne les derniers moments de son maître et lui distribue en même temps que ses soins des avis bien tranchés car elle n'a pas la langue ni l'intelligence dans sa poche. Ce qui permet au metteur en scène d'opposer la jeunesse et ses élans à la vieillesse au seuil de la mort. Apparaît un quatrième personnage sous les traits de l'impératrice Plotine, femme de l'empereur Trajan qui a aidé Hadrien dans l'accession au pouvoir et qui semble-t-il vient l'assister au moment de sa mort, figure tutélaire de la femme, impératrice, qui veilla sur lui comme une mère. Ainsi la pièce apparaît comme un huis-clos où dialoguent des personnages comme le souhaitait l'écrivaine à l'origine  : "J’imaginais longtemps l’ouvrage sous forme d’une série de dialogues …"



Le texte de Marguerite Yourcenar présente les pensées philosophiques et politiques de cet empereur  humaniste qui cherche à trouver un sens à sa vie et à sa mort. Il raconte sa jeunesse, est contre les  guerres de conquête, pacifie l'empire, il expose ses idées sur la liberté, sur son amour pour le jeune Antinous,  il dit sa conception du pouvoir..  Le texte évoque aussi la culture de cet homme, poète et amoureux de littérature, grand ami des arts.

Fernando Pessoa

Il n'est pas étonnant que Jean Petrement (qui interprète le rôle titre) ait associé au texte de Yourcenar, l'Antinous de Pessoa rappelant l'amour fou d'Hadrien pour ce jeune homme d'une beauté légendaire qu'il fit statufier à l'égal d'un dieu après sa mort tragique. Le poème de Pessoa répond harmonieusement à l'oeuvre de Yourcenar.
It rained outside right into Hadrian's soul.
The boy lay dead
On the low couch, on whose denuded whole,
To Hadrian's eyes, that at their seeing bled,
The shadowy light of Death's eclipse was shed.
The boy lay dead and the day seemed a night
Outside. The rain fell like a sick affright
Of Nature at her work in killing him.
Through the mind's galleries of their past delight
The very light of memory was dim.
                             (début du poème de Pessoa écrit en anglais)

La pièce est de facture classique. On a l'impression d'assister à une tragédie du XVII siècle où la langue très élégante est une fin en soi.  On la goûte et les comédiens qui  jouent d'une manière sobre et épurée la mettent en valeur. Il n'est pas besoin de connaître l'oeuvre de Yourcenar pour l'apprécier.
Le décor est réduit au maximum dans la chapelle du Roy René qui n'a besoin de rien pour exister. Je n'ai pas aimé par contre les costumes modernes et les pieds nus des hommes qui contrastent peu agréablement avec les tenues à l'antique des femmes. Et si c'est pour rappeler la modernité de l'oeuvre, le texte est bien suffisant pour cela!  
Un bon spectacle théâtral qui permet d'aller à la rencontre d'une oeuvre capitale de la littérature.


LC avec Maggie, Océane, Praline, Alison, Margotte





mercredi 30 juillet 2014

Festival d'Avignon 2014 : Bilan dans le OFF : Les mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar/Les coquelicots des tranchées de George-Marie Jolidon /Automne Hiver de Lars Noren /Frères humains de François Villon/Les Joyaux de la couronne/Aulularia de Plaute



J'ai vu de fort bons  spectacles dans le Off cette année; je récapitule ici les 15 titres des spectacles que je suis allée voir sans ma petite fille et mon petit fils. Les 12 autres pièces étaient destinées à des enfants à partir de 1 an ou de 4 ans.

Mon coup de coeur N° 1

Faire danser les alligators sur la flûte de Pan d'après la correspondance de Céline
Voir mon billet ICI








Mon coup de coeur N° 2

La Tisseuse  spectacle brésilien
Voir mon billet ICI

Mon Coup de coeur N°3

Tant qu'il y a les mains des hommes
Voir mon billet ICI










et puis aussi :
Oblomov de Gontachrov Voir mon billet ICI
L'aide-Mémoire JC Carrière Voir mon billet ICI 
La demande en mariage de Tchékhov : Voir mon billet ICI
Le roi se meurt de Ionesco : Voir mon billet ICI
Le Revizor de Gogol : Voir mon billet ICI

Parmi les pièces que je n'ai pas eu le temps de commenter :



Les mémoires d'Hadrien  de Marguerite Yourcenar
 Metteur en scène Jean Petrement
 Compagnie Bacchus

Résumé du spectacle
Après le succès de Proudhon modèle Courbet, Jean Pétrement adapte « Mémoires d’Hadrien » pour quatre personnages.
L’empereur Hadrien va mourir… Huis-clos où quatre personnages sont confrontés à l’urgence d'une fin de vie. Fin pressentie d'une civilisation.


Un bon spectacle qui mêle  des extraits des Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar et de Fernando Pessoa. Bien interprété.



 Les coquelicots des tranchées  de George-Marie Jolidon 
 Adapté et mis en scène par Xavier Lemaire
Atelier Théâtre Actuel et  Cie Les Larrons


Résumé du spectacle
Une fresque historique sur la guerre de 14-18 : Suivez la saga d¹une famille de paysans traversant toute la Grande Guerre, de la cuisine d¹une ferme au Grand Quartier Général, des tranchées au lupanar des officiers, des scènes d¹hôpital aux retrouvailles conjugales.

 C'était la super-production du festival OFF étant donné le nombre des comédiens et des changements de décor; la pièce a d'ailleurs été coup de coeur du OFF. Pour ma part, j'ai apprécié l'ensemble des comédiens qui sont excellents avec une mention spéciale pour les rôles féminins principaux et j'ai été sensible aux moments d'émotion.  Le changement et le nombre de décors sont une gageure effectivement et un défi technique mais je ne suis pas sûre que le réalisme recherché soit indispensable. On dit tellement plus de nos jours avec les jeux de lumière qui laissent parler l'imagination.



Automne Hiver de Lars Noren 
 Mise en scène : Agnès Renaud
 Compagnie de l'Arcade

Résumé:
Un repas de famille où chacun se met à table…


 Lars Noren est un grand nom du théâtre suédois et la presse est unanime pour souligner la férocité de l'écriture et le brio de la mise en scène de cette pièce. Effectivement, il s'agit d'un repas de famille, le père, la mère et les deux filles, l'une marginale, l'autre "arrivée",  se déchirent et certes ils n'y vont pas par le dos de la cuillère..  
Les cinéphiles penseront  à Festen de Lars Von Trier mais la pièce n'a pas la maîtrise et la force du film. J'ai trouvé qu'il n'y avait aucune progession dramatique, les scènes se succèdent mais sont répétitives, tournent en rond, les personnages ressassent leur amertume; on dirait que l'auteur veut tout faire entrer dans cette confrontation et cela devient démonstratif; il nous envoie même sur des pistes qui sont abandonnées par la suite : comme le refus de prêter de l'argent à la marginale qui est aux abois ou la possibilité d'un inceste avec le père.. Chacun à son tour a son temps de lamentation, un fois la fille riche, une fois la pauvre, le père, la mère. Et souvent ce que l'on nous dit est trop attendu. Voilà comment j'ai vécu la pièce malgré les éloges dithyrambiques que tout le  monde en fait; ceci dit, ce n'est pas la faute des comédiens et ce sont de bons interprètes. 




L'homme semé de Dominique Wittorski
Metteur en scène : D. Wittorski
compagnie la question du Beurre

 Résumé :
Achille est mort en laissant 6 héritiers… Non, 7. Et une dernière volonté : que ses enfants montent « Œdipe Roi » de Sophocle en sa mémoire. Que faire, lorsqu’on est ignorant, maladroit, incompétent ? Submergés, les héritiers se lancent dans l’improbable.

La pièce présente de bons moments servis par de très bons acteurs, elle est pleine d'humour mais elle est lente et traîne un peu surtout  avec le prologue qui est trop long.  La mise en scène est intelligente.


Frères humains de François Villon
 Adaptation et mise en scène : Jean Marc Doron 
Interprète(s) : Alain Leclerc 

Résumé du spectacle
1463. Villon va disparaître de l'histoire et entrer dans la légende. Usé par une vie étourdissante mais toujours flamboyant il évoque ce testament qu'il vient tout juste de terminer ainsi que ces ballades qui feront sa gloire.
Frères humains raconte la vie de François Villon en intégrant des fragments de poèmes. J'ai été un peu déçue car je croyais assister à un spectacle de poésie présentant les oeuvres de Villon et non sa vie que l'on connaît si peu. Un bon interprète.




Les Joyaux de la couronne
Metteur en scène : Luc Béraud
Compagnie Du Pont Ramier / Coproduction : Hitch & Cie
 
Résumé
Janvier 1950.
Cachés dans un appartement au cœur de Paris, Stan Laurel et Oliver Hardy préparent leur dernier film, « Atoll K ». Hardy bout de rage. Laurel vient de lui annoncer qu’il ne veut plus jouer. Il se sent trahi.
C’est alors que surgit un étrange pilote. Un pilote qui est, en fait, la vraie princesse Elizabeth.
 J'avais bien apprécié la pièce sur les entretiens de Hicthcock et Truffaut jouée  l'année dernière  par cette troupe et qui était un plaisir pour les cinéphiles. Mais celle-ci sur Laurel et Hardy est un peu décevante, moins riche, moins convaincante.

Aulularia de Plaute 
Metteur en Scène : Cristiano Roccamo 

Résumé :
  "Aulularia" de Plaute  nous rappelle la naissance de la Commedia, avec un vieil avare, des serviteurs (Zanni), un jeune premier récitant la comédie en proses, de l’improvisation, des masques de commedia dell’Arte et de la comédie latine, de la pantomime, du chant et toutes ses expressions artistiques qui ont rendu célèbre Plaute, puis tout le théâtre occidental.
La pièce de Plaute est jouée dans la cour du Barouf par des comédiens italiens du Theatro Europeo Plautino. Pour le dernier jour du festival, je voulais un spectacle facile après le marathon théâtral que nous venions de vivre pendant tout le mois de Juillet.  Et puis c'est la pièce qui a inspiré L'avare de Molière, donc j'avais envie de la voir. Effectivement, Molière a puisé largement même si je pense qu'il dépasse l'original avec des personnages beaucoup plus complexes et une critique sociale plus appuyée. Au niveau des moeurs, du langage et des  jeux de scène, la société de Plaute admettait beaucoup plus liberté et de trivialité que celle de Louis XIV. 
La compagnie est sympathique et joue sur les registres des deux langues italien et français. Un spectacle amusant.



Chez Eimelle

mardi 29 juillet 2014

Festival d'Avignon 2014 : Bilan dans le IN (2) I AM de Lemi Ponifasio/ Intérieur de Maeterlinck-Claude Regy/Notre peur de n'être de Fabrice Murgia


I am de Lemi Ponifasio dans la cour d'Honneur du Palais des Papes

Voici les trois derniers spectacles que j'ai vus dans le festival In d'Avignon 2014 et parmi eux mes deux préférés : I AM de Lemi Ponifasio et Intérieur de Maeterlinck-Claude Régy.
 Voir Bilan N° 1
Voir Bilan dans le OFF
Voir Bilan  avec le discours de Victor  Hugo


I AM de Lemi Ponifasio

I AM de Lemi Ponifasio inspiré par le peintre néo-zélandais Colin McCahon

Lemi Ponifasio est un chorégraphe samoan dont la troupe MAU (mot samoan qui signifie : "affirmation sensorielle de la vérité d'un sujet") est installée en nouvelle Zélande.
 I AM est  dédié aux millions de morts de la guerre de 1914-18, pièce politique car le scandale de la guerre et de ses violences y est dénoncé de même que les riches, les puissants qui en tirent profit sont montrés du doigt.
Mais pièce est mystique aussi car semblable à une  lente cérémonie funèbre elle convoque toutes les religions, image du Christ recrucifié et lapidé sur le mur de scène tandis que s'élève le chant du muezzin, et que les paroles de guerre (?) des guerriers maoris retentissent...
Pour aimer cette pièce il faut d'abord abandonner son cartésianisme et accepter de ne pas comprendre une partie du spectacle qui commence par un long discours en maori (ou samoan?) non traduit et dont les grands textes en anglais écrits en écriture cursive géante sur la façade du palais des Papes sont à peu de chose près illisibles. D'autre part tout ce qui a trait à la culture de la civilisation samoane (je ne sais même pas si ce sont des samoans ou des maoris? je sais que les deux sont proches)) nous est étranger. Beaucoup de manques donc dans cette appréhension du spectacle qui se déroule devant nous comme une grande messe solennelle, un Mystère dans le sens où on l'entendait au Moyen-âge. 

Si vous n'acceptez pas cette part d'ombre, vous vous ennuyez et vous partez! Il y a eu de nombreuses défections ce soir-là dans la cour d'Honneur! Mais si vous vous y abandonnez, vous accédez au sens général, vous assistez à une représentation d'une grande beauté et d'une grande spiritualité. Sur le mur de fond de la scène où se reflètent les ombres comme sur la paroi de la caverne de Platon, défilent les âmes des morts qui traînent avec eux de lourds cercueils. Ils avancent lentement et reviennent sur la scène inlassablement si bien que l'on a l'impression qu'une armée entière défile devant nous par vagues successives, sans s'arrêter jamais. Cette image se renouvelle lorsque celui que j'appelle Le Riche, silhouette ventripotente nourrie de cadavres, pousse les morts alignés par terre de son gros ventre prêt à exploser jusqu'à ce qu'ils disparaissent en tournant sur eux-mêmes dans l'obscurité du néant! Des combats singuliers se déroulent devant nous dans une chorégraphie qui explore la souffrance des corps qui s'affrontent. Apparaît alors l'allégorie de la Guerre, blanche et longue silhouette au crâne rasé, image impressionnante de la Mort en marche, à la fois très belle et très effrayante, à qui les soldats vont tordre le cou avant de défiler devant elle en crachant du sang. Quant à l'homme devant ce carnage il régresse à l'état d'animal, il marche à quatre pattes semblable à un grand primate. Etonnante performance du danseur qui interprète le rôle du singe comme j'ai beaucoup aimé aussi la jeune femme maorie aux yeux exorbités nous tenant un discours (incompréhensible) menaçant et coléreux ou encore le Christ maori tombant de tout son long sur le sol  dans une violence suprême...
Il faut noter aussi l'utilisation du son qui nous enveloppe entièrement paraissant venir de plusieurs sources à la fois, derrière, devant nous, sur les côtés et qui, en nous faisant entendre des explosions, des grondements de machines,  des sifflements d'obus, nous plonge au coeur même de la guerre.



 

Depuis ce spectacle, j'ai cherché qui était Colin McCahon dont les visions plastiques ont  inspiré Lemi Ponafisio. Il s'agit d'un des plus grands peintres de la Nouvelle-Zélande, dont l'oeuvre d'inspiration religieuse est d'une grande intensité spirituelle.
 Il est connu surtout pour sa "peinture de mots"  en 1954  avec son I am. 
Il a ensuite continué ses peintures de mots en écrivant des textes religieux en blanc ou en couleur sur des toiles noires et en lettres cursives à grande échelle.








Intérieur de Maeterlinck mis en scène par Claude Regy

Intérieur, petite pièce pour marionnettes de Maeterlinck parle de la mort. Une jeune fille s'est noyée dans la rivière. Un groupe de personnes, l'étranger qui découvert le corps, les voisins, discutent devant la maison des parents pour savoir comment leur annoncer la terrible nouvelle. A l'intérieur évoluent la mère, le père, les deux soeurs en attente de son retour tandis que le petite frère dort. Ils ne savent pas mais pourtant ils ont la prescience de ce qui s'est passé. Maeterlinck pensait que seuls les mouvements saccadés de marionnettes pourraient traduire la présence de l'inconscient dans la conscience. Pourtant Claude Regy a choisi de faire interpréter la famille par des comédiens. Leur façon de se déplacer, la lenteur des gestes, l'attitude figée rendant compte de ce savoir  font planer l'angoisse sur la scène. Le rythme est lent et ne s'accélère que pour traduire la violence du choc éprouvé par les parents quand ils apprendront. Le texte de Maeterlinck, déjà court, a été réduit par le metteur en scène et ce qu'il en reste, dit par des acteurs japonais, n'est traduit que partiellement. La parole est rare mais belle, évocatrice plutôt que réaliste. Claude Regy ne veut pas que le spectateur soit distrait par la lecture. Il nous demande aussi de rentrer en silence dans la salle de théâtre, car l'action commence avant que nous soyons présents. Ce silence dans l'obscurité crée un sentiment d'insécurité qui ne va cesser de grandir. Pour figurer l'extérieur et l'intérieur, rien, aucun décor mais des jeux de lumière qui délimitent les deux espaces. Et pourtant la maison est là, elle existe, et quand les soeurs s'approchent des fenêtres, nul doute que celles-ci sont là aussi, nous les apercevons comme nous voyons les visages des jeunes filles tournés vers le dehors, vers la nuit qui leur dérobe la vérité..  Rien donc ne vient nous distraire de la présence implacable de la mort, d'ailleurs nous ne verrons jamais la jeune noyée.  Choix du minimalisme dans le décor et la parole car c'est dans le silence que l'on entend le mieux le langage des sentiments. Ici, c'est la magie du théâtre qui sollicite l'imagination, ce que j'aime par dessus tout.
Avec I am de Lemi Ponifasio, Intérieur fait partie de mes pièces préférées.




Notre peur de n'être de Fabrice Murgia
Dans Notre peur de n'être, Fabrice Murgia que j'avais découvert à Avignon avec Le chagrin des ogres, crée une pièce sur la solitude liée aux nouvelles technologies, une mutation de notre société qu'il juge aussi importante que le passage de l'écrit à l'oral puis de l'écrit à la l'imprimerie. Loin de condamner ces technologies, il veut montrer qu'il ne s'agit pas de s'y assujettir mais de  les utiliser avec l'espoir de donner naissance à une contre-culture.  C'est tout au moins le sens affiché par l'auteur qui est aussi le metteur en scène. Personnellement je n'ai ressenti que du désespoir à la fréquentation de ces personnages enfermés dans leur peur, leur chagrin, leur refus de vivre.
La mise en scène qui utilise la voix off et la scénographie avec ses effets de lumière, la vidéo-projection, sont très recherchées et très belles mais je ne suis pas arrivée à vraiment entrer dans la pièce sauf lors de quelques scènes très fortes : la révolte de la mère dont le fils vit en reclus, se coupant volontairement du monde, rôle interprété par une comédienne impressionnante par le désespoir exprimé; et quelques moments qui montrent la fragilité de Sara, une jeune fille qui vit sa vie par l'intermédiaire d'un dictaphone.



Chez Eimelle

lundi 28 juillet 2014

Festival d'Avignon 2014 : Bilan dans le IN (1) Le prince de Hombourg de Kleist-Corsetti/The Humans d' Alexander Singh/ Orlando ou l'impatience d' Olivier Py

La cour d'Honneur du palais des papes d'Avignon

Difficile de "faire" le festival d'Avignon et d'écrire en même temps sur ce que je vois! La preuve c'est que j'ai pris un retard que je n'ai pu rattraper. Comment rendre compte, en effet, au fur et à mesure, des 8 pièces du In, des 15 du OFF et des 12 pièces pour enfants auxquelles j'ai assisté pendant ces trois semaines, au total 35 spectacles?
35 spectacles de différentes nationalités puisque entre le off et le in,  j'ai vu, en plus des français, des spectacles en japonais, chinois, portugais (Brésil), italien, anglais, congolais, maori. Comme je veux en garder le souvenir, quitte plus tard à y revenir pour les approfondir, je vais livrer ici un rapide bilan. Je commence par le IN dans l'ordre où j'ai vu les spectacles


Le prince de Hombourg de Kleist mis en scène par Sergio Barberio Corsetti que j'ai eu le temps de commenter ICI. je cite parce que je suis tout à fait en accord avec ce qu'il dit, Philippe Lançon, journaliste de Libération :
La mise en scène de Corsetti n’arrange rien : des uniformes qu’on dirait russes, des acteurs qui valsent maladroitement entre les registres, tantôt ridicules, tantôt pathétiques, semblant ignorer s’ils jouent une farce ou une tragédie. La pièce unit les deux, encore faut-il choisir la tonalité.
«Je crois, écrit Kleist cette année-là, que la basse continue contient les notions essentielles permettant d’expliquer l’art d’écrire.» Aucune basse continue, dans la cour d’honneur. La voix nasillarde et haute perchée de Xavier Gallais, qui joue le prince, semble livrée aux images qui défilent. Ses mains gigotent comme si elles cherchaient à mimer ce qui manque. A la fin, on l’accroche à des cordes à l’aide de mousquetons : c’est un pantin. Marionnette de son propre rêve, de celui des autres ? Kleist ne choisit pas, mais le signifie en creux. Corsetti souligne, émiette et alourdit, par ses images, un texte dont la délicatesse semble lui avoir échappé.

 The Humans d'Alexander Singh auteur et metteur en scène de la pièce nous présente une création de l'humanité absolument délirante. S'inspirant de tout un bric à brac de références allant d'Aristophane à Woody Allen, en passant par Shakespeare, Nietzsche, ayant recours à toutes les techniques, théâtre, danse, mime, et exploitant les registres de l'absurde avec sa chaude lapine Nesquik et son sculpteur apollinien Charles Ray, passant de la farce, du  grotesque à la scatologie, le plasticien et sculpteur, Alexander Singh crée un univers qui n'appartient qu'à lui et laisse pantois. En nous montrant  en direct la création de l'humanité, il prétend poser la question de la liberté humaine  mais nous montre surtout que s'il y a une chose que les dieux ont ratée, c'est bien l'homme! Euh! Dire que j'ai aimé? Je n'irai pas jusque là mais finalement je ne regrette pas d'avoir vu ce spectacle qui le moins que je puisse dire n'est pas... ordinaire!

Avec Coup fatal le chorégraphe Alain Platel crée la surprise en alliant la musique baroque à la musique traditionnelle congolaise. Les 12 musiciens de Kinshasa avec leurs instruments guitare, percussions, balafons et likembé, sous la direction de  Fabrizio Cassol, dansent et chantent sur scène tandis que Serge Kakudji  contre-ténor, nous livre la beauté et la pureté de sa voix en chantant le répertoire baroque.


Orlando ou l'impatience de Olivier Py. Dans cette pièce touffue, dense, trop longue et que l'on aurait bien envie de voir élaguée, Olivier Py nous livre beaucoup de lui-même et par conséquent de nous. Un texte très riche (trop?) et parfois beau, qui touche, émeut, et parfois lasse, fatigue. Il parle de la vie, de la peur de vieillir,  de la recherche du père, de la solitude, de l'amour, de l'homosexualité, du bonheur, de la politique, de la corruption du pouvoir et surtout de son immense amour pour le théâtre. Et comme la vie même est un théâtre, le dispositif du décor est une scène, théâtre dans le théâtre, qui tourne comme notre planète, laissant le temps s'écouler, la répétition sans fin des années, des mêmes recherches, des mêmes échecs...  entre tragédie et comique, tout comme la vie. Enfin, à noter des acteurs excellents et que de plus l'on entend jusqu'au fond de la pièce (comme le souligne non sans humour un des personnages d'Olivier Py) , ce  qui m'a rappelé ma déconvenue lors de la représentation du Prince de Hombourg.)
J'ai acheté le livre pour pouvoir relire la pièce d'Orlando, cela m'a paru indispensable!



 





dimanche 27 juillet 2014

Festival Avignon 2014: Bilan avec le discours devant l'Assemblée nationale en 1848 de Victor Hugo : en prologue à Orlando ou l'impatience de Olivier Py


Dernier jour du festival d'Avignon 2014 et toujours un brin de nostalgie lorsque s'éteignent les dernières lumières de cet immense rassemblement théâtral; demain les affiches vont disparaître, déjà les rues et les terrasses de la ville semblent vides.
Cette édition 2014 aura donc été mouvementée mais finalement le festival a eu lieu malgré 12 annulations de spectacles liées à la grève des intermittents (et 2 pour cause de pluie!) dans le In, ce qui porte la perte subit à 300 000 euros. Assez catastrophique, non? Mais le pire -le spectre de 2003- aura été évité. 
Et oui, le malheur veut que lorsque les intermittents font grève, ils scient la branche sur lequel ils sont assis et détruisent leurs outils de travail. C'est ce que la majorité d'entre eux a pensé et les spectacles ont eu lieu d'une manière générale dans le OFF comme dans le IN.  Mais il y a eu de belles actions de soutien. Je pense à ce beau texte écrit et lu par le metteur en scène de Notre peur de n'être, Fabrice Murgia et aussi à ce discours de Victor Hugo si beau, si vrai, si actuel, qui a précédé le spectacle de Orlando ou l'impatience d'Olivier Py. Une splendide réponse à tous ceux qui pensent que la culture n'est pas une chose essentielle voire vitale et qui font des coupes sombres dans son budget.

Discours devant l'Assemblée nationale en 1848 de Victor Hugo (extraits)



« Personne plus que moi, messieurs, n’est pénétré de la nécessité, de l’urgente nécessité d’alléger le budget.

J’ai déjà voté et continuerai de voter la plupart des réductions proposées, à l’exception de celles qui me paraîtraient tarir les sources mêmes de la vie publique et de celles qui, à côté d’une amélioration financière douteuse, me présenteraient une faute politique certaine. C’est dans cette dernière catégorie que je range les réductions proposées par le comité des finances sur ce que j’appellerai le budget des lettres, des sciences et des arts.

Je dis, messieurs, que les réductions proposées sur le budget spécial des sciences, des lettres et des arts sont mauvaises doublement. Elles sont insignifiantes au point de vue financier, et nuisibles à tous les autres points de vue.
Insignifiantes au point de vue financier. Cela est d’une telle évidence, que c’est à peine si j’ose mettre sous les yeux de l’assemblée le résultat d’un calcul de proportion que j’ai fait. Je ne voudrais pas éveiller le rire de l’assemblée dans une question sérieuse ; cependant, il m’est impossible de ne pas lui soumettre une comparaison bien triviale, bien vulgaire, mais qui a le mérite d’éclairer la question et de la rendre pour ainsi dire visible et palpable.
 Que penseriez-vous, messieurs, d’un particulier qui aurait 500 francs de revenus, qui en consacrerait tous les ans à sa culture intellectuelle, pour les sciences, les lettres et les arts, une somme bien modeste : 5 francs, et qui, dans un jour de réforme, voudrait économiser sur son intelligence six sous ? Voilà, messieurs, la mesure exacte de l’économie proposée.
Eh bien ! ce que vous ne conseillez pas à un particulier, au dernier des habitants d’un pays civilisé, on ose le conseiller à la France.

Je viens de vous montrer à quel point l’économie serait petite ; je vais vous montrer maintenant combien le ravage serait grand.

Si vous adoptiez les réductions proposées, savez-vous ce qu’on pourrait dire ? On pourrait dire : Un artiste, un poète, un écrivain célèbre travaille toute sa vie, il travaille sans songer à s’enrichir, il meurt, il laisse à son pays beaucoup de gloire à la seule condition de donner à sa veuve et à ses enfants un peu de pain. Le pays garde la gloire et refuse le pain.

Ce système d’économie ébranle d’un seul coup tout net cet ensemble d’institutions civilisatrices qui est, pour ainsi dire, la base du développement de la pensée française.
 Et quel moment choisit-on pour mettre en question toutes les institutions à la fois ? Le moment où elles sont plus nécessaires que jamais, le moment où, loin de les restreindre, il faudrait les étendre et les élargir.

Eh ! Quel est, en effet, j’en appelle à vos consciences, j’en appelle à vos sentiments à tous, Quel est le grand péril de la situation actuelle ? L’ignorance.

L’ignorance encore plus que la misère. L’ignorance qui nous déborde, qui nous assiège, qui nous investit de toutes parts. C’est à la faveur de l’ignorance que certaines doctrines fatales passent de l’esprit impitoyable des théoriciens dans le cerveau des multitudes.

Et c’est dans un pareil moment, devant un pareil danger, qu’on songerait à attaquer, à mutiler, à ébranler toutes ces institutions qui ont pour but spécial de poursuivre, de combattre, de détruire l’ignorance.

On pourvoit à l’éclairage des villes, on allume tous les soirs, et on fait très bien, des réverbères dans les carrefours, dans les places publiques ; quand donc comprendra-t-on que la nuit peut se faire dans le monde moral et qu’il faut allumer des flambeaux dans les esprits ?

Oui, messieurs, j’y insiste. Un mal moral, un mal profond nous travaille et nous tourmente. Ce mal moral, cela est étrange à dire, n’est autre chose que l’excès des tendances matérielles. Eh bien, comment combattre le développement des tendances matérielles ? Par le développement des tendances intellectuelles ; il faut ôter au corps et donner à l’âme.

 Quand je dis : il faut ôter au corps et donner à l’âme, ne vous méprenez pas sur mon sentiment. Vous me comprenez tous ; je souhaite passionnément, comme chacun de vous, l’amélioration du sort matériel des classes souffrantes ; c’est là selon moi, le grand, l’excellent progrès auquel nous devons tous tendre de tous nos voeux comme hommes et de tous nos efforts comme législateurs.

Mais si je veux ardemment, passionnément, le pain de l’ouvrier, le pain du travailleur, qui est mon frère, à côté du pain de la vie je veux le pain de la pensée, qui est aussi le pain de la vie. Je veux multiplier le pain de l’esprit comme le pain du corps. 

 Eh bien, la grande erreur de notre temps, ça a été de pencher, je dis plus, de courber l’esprit des hommes vers la recherche du bien matériel.Il importe, messieurs, de remédier au mal ; il faut redresser pour ainsi dire l’esprit de l’homme ; il faut, et c’est la grande mission [ … ] relever l’esprit de l’homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand. C’est là, et seulement là, que vous trouverez la paix de l’homme avec lui-même et par conséquent la paix de l’homme avec la société.

Pour arriver à ce but, messieurs, que faudrait-il faire ?
 Il faudrait multiplier les écoles, les chaires, les bibliothèques, les musées, les théâtres, les librairies.
 Il faudrait multiplier les maisons d’études où l’on médite, où l’on s’instruit, où l’on se recueille, où l’on apprend quelque chose, où l’on devient meilleur ; en un mot, il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans l’esprit du peuple ; car c’est par les ténèbres qu’on le perd. Ce résultat, vous l’aurez quand vous voudrez.

Quand vous le voudrez, vous aurez en France un magnifique mouvement intellectuel ; ce mouvement, vous l’avez déjà ; il ne s’agit pas de l’utiliser et de le diriger ; il ne s’agit que de bien cultiver le sol. La question de l’intelligence, j’appelle sur ce point l’attention de l’assemblée, la question de l’intelligence est identiquement la même que la question de l’agriculture.
L'époque où vous êtes est une époque riche et féconde ; ce ne sont pas les intelligences qui manquent, ce ne sont pas les talents ni les grandes aptitudes ; ce qui manque, c’est l’impulsion sympathique, c’est l’encouragement enthousiaste d’un grand gouvernement.

Je voterai contre toutes les réductions que je viens de vous signaler et qui amoindriraient l’éclat utile des lettres, des arts et des sciences.

Je ne dirai plus qu’un mot aux honorables auteurs du rapport. Vous êtes tombés dans une méprise regrettable ; vous avez cru faire une économie d’argent, c’est une économie de gloire que vous faites. Je la repousse pour la dignité de la France, je la repousse pour l’honneur de la République. »

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Demain je ferai un bilan de toutes les pièces que j'ai vues car je n'ai pu écrire sur toutes.

samedi 26 juillet 2014

Tant qu'il y a les mains des hommes de Violaine Arsac / Compagnie Le théâtre de l'Horizon-Paris/ festival OFF d'Avignon 2014



Encore un coup de coeur au festival Off d'Avignon avec le spectacle Tant qu'il y a la main des hommes un montage de textes de plusieurs écrivains!  Et quels textes! Beaux, pleins d'émotion, de questionnements sur ce qu'est l'homme, ce que nous sommes, sur ce qui nous définit, ils nous invitent à accepter nos différences, notre singularité. De grands écrivains nous font ainsi entrer en nous-mêmes et nous prennent par la main avec leurs mots forts et vrais pour nous amener à réfléchir à ce qu'est notre vie, ce que nous laisserons derrière nous. Et surtout ils nous pressent de vivre pleinement, de ne pas refuser la vie, de fuir la routine, la résignation, le défaitisme.
A partir de ces textes Violaine Arsac a réalisé un montage habile et intelligent qui lui a permis de croiser la vie de plusieurs personnages très différents les uns des autres :  Une prostituée, un peintre  homosexuel, un nomade, un immigré, une jeune femme atteinte d'une maladie orpheline… Ils vivent en parallèle, dialoguent et se rejoignent dans un bel amour de la vie et des autres. Il ne s'agit plus d'un simple enchaînement de textes mais d'une véritable pièce de théâtre.


 Le décor est simple, modulable, figurant  par un simple changement d'éléments des lieux différents, prison, cabaret, vitrine de la prostituée, atelier du peintre… et puis il y a  le miroir qui sépare du monde et empêche de vivre car l'on n'y voit jamais que son propre reflet. La  lumière crée des espaces, tour à tour sombres ou éclairés, clairs-obscurs où chacun peut mener sa vie, se chercher, rencontrer l'autre, apprendre de lui, donner et recevoir.
Les comédiens, tous très bons, disent superbement les textes mais se révèlent aussi danseurs. Ils évoluent sur la chorégraphie d'Olivier Bénard qui est aussi interprète dans le spectacle. Je me suis sentie portée par ce spectacle complet qui procure en même temps que le plaisir visuel, un sentiment d'espoir envers la nature humaine.

Tant qu'il y a les mains des hommes La luna 13H20 jusqu'au 27 Juillet  (le dernier jour demain!)

Interprètes / Intervenants

Interprète(s) : Aliocha Itovich, Olivier Bénard, Slimane Kacioui, Nadège Perrier, Violaine Arsac
Adaptation & Mise en scène : Violaine Arsac
Chorégraphies : Olivier Bénard
Lumières : Rémi Saintot
Décors : Tanguy de Saint-Seine
Costumes : Janie Loriault
Diffusion : Jean-Pierre Créance

Compagnie Le Théâtre de l'Horizon - Paris / Coproduction : Théâtre des Possibles

Signataire de la charte du OFFSoutiens : ADAMI, Ville de Montrouge, Théâtre La Luna. 
 
 
 

Chez Eimelle

vendredi 25 juillet 2014

La Tisseuse de Paulo Balardim Compagnie brésilienne Caixa do Elefante : Festival Off avignon 2014


La Tisseuse

J'ai vu ce soir une superbe pièce de la compagnie Caixa do Elefante qui vient du Brésil : La Tisseuse créée et mise en scène par Paulo Barladim.

L'histoire emprunte à de nombreux mythes. A travers le le thème de la tisseuse sont évoquées les trois Parques qui apparaissent à plusieurs reprises, silhouettes sombres et macabres. Par son métier, la tisseuse est directement liée à la vie et la mort, à la divinité et à la magie. Elle peut tisser des objets et des êtres qui deviennent réels, et c'est ce qu'elle fait en créant un beau jeune homme dont elle tombe amoureuse, mythe de Pygmalion au féminin; on pense aussi à Hoffmann ou Collodi. Mais cette créature sortie de ses mains prend le pouvoir et se retourne contre sa créatrice. C'est alors un combat à mort entre la tisseuse et cette incarnation du Mal, un vampire qui se nourrit d'elle.
C'est du moins les thèmes ce que j'ai vus en référence à notre culture européenne, peut-être la pièce et les personnages ont-ils d'autres significations au Brésil.


Qui est la marionnette et qui domine l'autre?

Le spectacle est de toute beauté. La tisseuse-danseuse est une magicienne qui crée devant nous des illusions, nous emporte dans un univers irréaliste où tout est possible. Les objets et les êtres apparaissent puis se volatilisent sous ses doigts de fée qui tissent des fils multicolores. Les pelotes de fil dansent dans les airs. Les marionnettes sont magnifiquement animées soit à vue par la danseuse, soit dans le noir par les autres interprètes, le théâtre d'ombre,  les jeux de lumière, la projection vidéo, les costumes, la musique, tout concourt à faire de ce spectacle une moment magique et plein de poésie. Un coup de coeur! Il ne reste plus que deux jours pour aller le voir!

Présence Pasteur La tisseuse 18H 50 minutes Tout public jusqu'au 27 Juillet

Pour la première fois en Avignon cinq compagnies brésiliennes sont les invitées du théâtre Présence Pasteur afin de fêter le Brésil, à l'honneur cet année lors de la coupe du monde.
Compagnie Caixa do Elefante
Signataire de la charte du OFF Fondée en 1991, à Porto Alegre au Brésil, la compagnie Caixa do Elefante (boîte de l'éléphant) est un groupe de renom au Brésil. Formé par une équipe pluridisciplinaire, la compagnie organise des ateliers de marionnettes, construit des scénographies, produit des spectacles et initie des projets sociaux autour de la formation artistique.
Interprètes / Intervenants
Interprète(s) : Carolina Garcia, Viviana Schames, Rita Spier
Mise en scène et dramaturgie : Paulo Balardim
Décor : Fernanda Baltazar, José Baltazar, Paulo Balardim
Régisseur Son et projection vidéo : Zé Derly
Régisseur Lumière : David Lippe


Chez Eimelle
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mardi 22 juillet 2014

Ionesco : Le roi se meurt mis en scène par Alain Timar, théâtre des Halles Festival OFF 2014




Tandis que le festival d'Avignon bat son plein, que les salles sont combles et les terrasses de café envahies, je continue à voir des spectacles dans le In comme dans le Off et de vous en faire part. Voici une pièce vue il y a déjà un moment, au début du festival : Le roi se meurt de Ionesco au théâtre des Halles.

Alain Timar, le metteur en scène du théâtre des Halles, scène permanente d'Avignon, dont j'ai tant aimé l'année dernière Ubu Kiraly  a fait travailler les jeunes acteurs de l'académie de Shanghaï. Le roi se meurt est le fruit de cette collaboration. Notons tout de suite un des attraits du spectacle la langue chinoise  comme une musique qui rythme l'action.
Le metteur en scène imagine qu'une jeune troupe de théâtre s'empare de la pièce et la porte sur scène en utilisant tous les matériaux qui tombent sous la main. L'enthousiasme des jeunes comédiens est souligné par une mise en scène pleine de facéties, de trouvailles, avec des décors et des accessoires fantaisistes, qui met en relief l'absurdité du pouvoir. La mise en scène  et la direction d'acteurs sont intelligentes mais ne peuvent tout à fait compenser le manque de maturité  des comédiens lorsqu'il leur faut interpréter le vieux roi et son entourage et le refus de la mort. Le spectacle est pourtant plein de vie et d'inventivité. Mais le choix de la pièce est peut-être un peu trop ambitieux pour ces jeunes acteurs qui n'en sont pas moins prometteurs et touchent par leur sincérité et leur fraîcheur..
 Le spectacle est intéressant et donne une version originale d'un des chefs d'oeuvre de Ionesco.


 Le roi se meurt  au Théâtre des Halles 11H
en chinois surtitré en français
Académie de Théâtre de Shanghaï
Coprod : Théâtre des Halles
Interprètes : Wang Ke, Lu Meng Meng, Wang Pei Yi, Mai Long, Li Fei Ran, Zhang Yi Wei
Mise en scène, scénographie : Alain Timár
Assistant à la mise en scène : Hong Bin
Décor et accessoires : Ye Dan Qing
Costumes et maquillage : Li Ting Yi
Lumière : Zhou Pei Pei
Son : Xue Liming
Avec l’aide technique de : Quentin Bonami 
Coproduction :
Académie de Théâtre de Shanghai et Théâtre des Halles – Scène d’Avignon.
Manifestation organisée dans le cadre de France-Chine 50


chez Eimelle

Ivan Gontachrov, Oblomov Caserne des pompiers festival OFF 2014




Le roman d'Ivan Gontachrov, Oblomov, a été publié en 1859. Il conte l'histoire d'un propriétaire terrien atteint de la maladie de la paresse. Une incapacité d'agir le caractérise. Il passe son temps allongé sur un divan à planifier ce qu'il fera… demain! Un moment, l'amour que lui inspire Olga semble pouvoir le tirer de son apathie chronique mais  ce sentiment qui  le tire vers la vie ne sera pas suffisant pour le pousser à l'action.
Le héros de Gontacharov a donné lieu à un terme en Russie  utilisé pour désigner une personnage qui refuse de vivre : l'oblomovisme aussi célèbre que le bovarysme chez nous.

C'est ce roman adapté à la scène que Daniel Rossel met en scène en mêlant chant, musique et voix chorales car il arrive aux comédiens de prendre la parole à deux, trois ou plus comme pour renforcer le personnage, le multiplier, il arrive aussi qu'ils soient tous couchés, opiniâtrement endormis. C'est que nous sommes tous des Oblomov, nous posant des questions sur le sens de notre vie. Qui n'a jamais été atteint, ne serait-ce qu'un instant, par le sentiment de l'inanité de l'existence? A quoi riment nos actes répétitifs? Qu'est-ce qui est réellement important? Et si nous n'allons pas jusqu'à refuser de nous lever le matin, Oblomov n'en reste pas moins notre frère, celui qui refuse les faux-semblants, qui met sciemment une distance entre lui et la vie.
La scénographie souligne ce refus d'Oblomov en divisant la scène en deux  par une sorte de barrière qui est à la fois réfléchissante et transparente. La vie n'est plus qu'une ombre qui se reflète sur cette paroi derrière laquelle évoluent les amis d'Oblomov, les vivants. Ils  apparaissent aux yeux d'Oblomov comme estompés, entourés de brume sauf quand ils le rejoignent  sur le devant de la scène pour l'exhorter à vivre, le disputer au néant. Entre cet anti-héros et le monde une séparation se dresse, consentie et même souhaitée. La tension tragique cède souvent au comique, quand Oblomov s'endort debout et tombe comme une masse sur le sol par exemple. Les comédiens se livrent à un ballet, tournant autour du personnage central, soulignant par leur allées venues son inaction. Un spectacle intéressant et riche servi par de bons comédiens.


Oblomov Caserne des Pompiers 15H durée 1H30

Mise en scène : Dorian Rossel
Collaboration artistique : Delphine Lanza

Dramaturgie : Carine Corajoud

Scénographie et costumes : Clémence Kazémi et Sibylle Kössler

Régisseur général : Laurent D’Asfeld

Assistant à la mise en scène : Clément Lanza

Chargée de production Suisse : Muriel Maggos

Chargée de production France : Mathilde Priolet

Photo : Nelly Rodriguez

Consultantes musique : Patricia Bosshard, Anne Gillot
Avec :
O’ Brother Company : Elsa Grzeszczak, Jean-Michel Guérin, Fabien Joubert, Paulette Wright
Cie STT : Rodolphe Dekowski, Xavier Fernandez-Cavada, Delphine Lanza
Production : Cie STT et O’Brother Compagny

Co-productions : Théâtre Forum Meyrin, Le Salmanazar, Comédie de Reims, Théâtre Gérard Philipe
Soutiens : Fondation Meyrinoise pour la Culture, Fondation Ernst Göhner, Loterie Romande, Spedidam, DRAC CHampagne Ardenne, ORCCA, Festival en Othe.
La Cie STT est conventionnée avec le DIP de l’Etat de Genève, les Villes de Genève et de Lausanne. Associée au Théâtre Forum Meyrin.

Chez Eimelle

lundi 21 juillet 2014

Faire danser les alligators sur la flûte de pan de Louis-Ferdinand Céline au Chêne Noir




Faire danser les alligators sur la flûte de pan c'est ce que Louis-Ferdinand Destouches  dit  Céline se sent capable de faire par son écriture, un labeur harassant qui lui donne l'impression de chercher à se frayer un chemin dans la jungle à grands coups de machette : faire passer le langage oral et populaire à l'écrit,  en travaillant le rythme, en tordant les phrases, les mots pour donner l'impression de la facilité, du vécu, du réel, alors qu'il s'agit d'une exigence absolue du style, d'un don de soi épuisant et douloureux! Encore que de la littérature, Céline, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il s'en méfie, qu'il la vomit, la littérature; pour lui ce qui compte c'est l'émotion, la sincérité, le texte direct qui vous prend au corps, qui vous terrasse.
Composé à partir de la correspondance de Céline ce spectacle propose un habile et intelligent montage de textes  réalisé par Emile Brami qui nous fait découvrir  l'écrivain mais pas seulement... Le mérite de la pièce, c'est de présenter l'homme en entier avec ce qu'il a de haïssable, son racisme, son antisémitisme, sa misanthropie, ses haines… mais aussi ses souffrances, ses arrachements, ce désespoir.  Céline passe tout par le collimateur de sa détestation : son antimilitarisme liée à son horreur de la guerre, son rejet de la sottise des hommes, de leur lâcheté, de leur corruption, de leurs ambitions, son horreur du communisme après un voyage en Russie… On comprend cette mise au ban totale de la société qui fait que son génie littéraire n'est pas reconnu, qu'on lui préfère pour le prix Goncourt un écrivain oublié de nos jours, que sa mort n'est annoncée que plusieurs jours après et encore avec embarras à la radio…
La vie de Céline est donc tragique et Denis Lavant, interprète extraordinaire qui se coule dans la peau du personnage au point de faire oublier l'original, sait rester en équilibre entre émotion et comique, par exemple quand Céline passe en revue les écrivains qu'il n'aime pas! Une galerie hilarante de portraits assaisonnés à la verve célinienne qui n'est pas sans rappeler la prolixité et la saveur des mots rabelaisiens mais au XXème siècle!
La mise en scène qui nous tient en haleine et l'interprétation éblouissante de Denis Lavant font de ce spectacle un grand moment du Off.


Faire danser les alligators sur la flûte de pan
Le chêne Noir  20H15 jusqu'u 27 Juillet relâche le 2& juillet
Avec l’autorisation des Éditions Gallimard
Adaptation Émile Brami
Mise en scène Ivan Morane
Avec Denis Lavant
Lumières Nicolas Simonin
Décor et costumes Émilie Jouve
Le pôle diffusion en accord avec Réalités/Compagnie Ivan Morane
Production déléguée Réalités/Cie Ivan Morane - Jean-Charles Mouveaux
Spectacle SNES
Coréalisation Théâtre du Chêne Noir


 chez Eimelle