Jofroi de la Maussan extrait de Solitude de la pitié
Un grand soleil provençal pour : Aifelle, Asphodèle, Eeguab, Dasola, Pierrot Bâton.. Pas beaucoup d'élu(e)s aujourd'hui mais merci à toutes et tous pour votre participation
la nouvelle : Jean Giono Jofroi de la Maussan
le recueil : Jean Giono Solitude de la pitié
Le film : Marcel Pagnol : Jofroi
Texte de Wens et Claudialucia
Jean Giono : Jofroi de la Maussan
La nouvelle de Giono, Jofroi de la Maussan, est tirée du recueil Solitude de la pitié, paru en 1932. L'auteur s'est inspiré d'une histoire qui s'est réellement déroulée dans la région de Riez, dans les Alpes provençales. Jofroi, un vieux paysan se décide à vendre son verger à l'un de ses voisins, Fonse qui veut arracher les vieux arbres pour planter des céréales. Jofroi n'accepte pas de voir disparaître les arbres qu'il a plantés dans sa jeunesse et menace de mort Fonse, un fusil à la main, s'il touche à un seul de ses abricotiers. Toutes les tentatives de compromis organisées entre Jofroi et Fonse échouent. Le vieux paysan menace et tente même de se suicider si Fonse abat un seul fruitier. Le village finit par tenir le nouveau propriétaire pour responsable de la folie de Jofroi et Fonse tombe malade. Quand Jofroi meurt de mort naturelle, Fonse peut enfin prendre possession de sa terre.
Marcel Pagnol : Jofroi 1933, un film précurseur du néo-réalisme
En 1933, pour la première fois Marcel Pagnol passe derrière la caméra. Quand il termine la mise en scène de "Le gendre de Monsieur Poirier", une adaptation d'une pièce d'Emile Augier et Jules Sandeau, les producteurs lui demandent de réaliser un film en complément de programme, d'une durée de 30 à 40 minutes. Le choix de Pagnol se fixe sur Jofroi une nouvelle de Giono qui accorde les droits d'adaptation de son texte. Pagnol écrit le scénario et les dialogues en quatre jours. Le premier problème est de réaliser le casting, pas question de demander à Raimu de jouer le rôle de Jofroi qui apparaissait trop court pour le célèbre acteur. Après la la lecture du scénario à ses collaborateurs, Pagnol leur pose la question : "Qui voyez-vous dans le rôle principal ?" Vincent Scotto, le compositeur de musique, alors âgé de soixante ans répond :" Moi !". C'est sa première apparition à l'écran. Pagnol affirmera que Scotto fut plus fier de son succès dans Jofroi que du succès mondial de ses musiques. Pour compléter la distribution, Pagnol s'entoure essentiellement de comédiens débutants ou d'amateurs qui ignorent tout de la comédie. C'est ainsi que le rôle de Tonin est donné à un fabricant de boîtes de conserves, Charles Blavette, qui commence là sa carrière fructueuse d'acteur. Le rôle de Fonse est tenu par Henri Poupon plus connu à l'époque comme parolier de chansons que comme acteur. Le film exige, en dehors de la séquence de l'achat du verger devant le notaire, de tourner essentiellement en extérieur. Pagnol choisit son village de La Treille, les figurants sont les villageois. La beauté du film vient en partie de ce tournage en décors naturels, la Provence surgit dans l'image et dans le son direct, la caméra s'affranchit des contraintes du studio, les mouvements de caméras sont fluides. De fait, le film est un témoignage sur la vie et les mentalités de son époque.
Jofroi (comme Toni de Jean Renoir ) peut être considéré comme un précurseur du courant néoréaliste italien par l'aspect documentaire du film, par le choix de tourner en décor naturel, par l'appel à des acteurs non professionnels sur le lieu du tournage.
Pagnol avec Jofroi, construit ses thématiques, son style. Quand il aborde des thèmes sérieux, il se refuse à sombrer dans la tragédie, il préfère déclencher le rire plutôt que les pleurs. Car Jofroi traite de de sujets graves : l'amour de la terre, la vieillesse, la mauvaise foi, la calomnie, le suicide…
Un film à voir et à revoir.
La nouvelle de Giono, Jofroi de la Maussan, est tirée du recueil Solitude de la pitié, paru en 1932. L'auteur s'est inspiré d'une histoire qui s'est réellement déroulée dans la région de Riez, dans les Alpes provençales. Jofroi, un vieux paysan se décide à vendre son verger à l'un de ses voisins, Fonse qui veut arracher les vieux arbres pour planter des céréales. Jofroi n'accepte pas de voir disparaître les arbres qu'il a plantés dans sa jeunesse et menace de mort Fonse, un fusil à la main, s'il touche à un seul de ses abricotiers. Toutes les tentatives de compromis organisées entre Jofroi et Fonse échouent. Le vieux paysan menace et tente même de se suicider si Fonse abat un seul fruitier. Le village finit par tenir le nouveau propriétaire pour responsable de la folie de Jofroi et Fonse tombe malade. Quand Jofroi meurt de mort naturelle, Fonse peut enfin prendre possession de sa terre.
Marcel Pagnol : Jofroi 1933, un film précurseur du néo-réalisme
En 1933, pour la première fois Marcel Pagnol passe derrière la caméra. Quand il termine la mise en scène de "Le gendre de Monsieur Poirier", une adaptation d'une pièce d'Emile Augier et Jules Sandeau, les producteurs lui demandent de réaliser un film en complément de programme, d'une durée de 30 à 40 minutes. Le choix de Pagnol se fixe sur Jofroi une nouvelle de Giono qui accorde les droits d'adaptation de son texte. Pagnol écrit le scénario et les dialogues en quatre jours. Le premier problème est de réaliser le casting, pas question de demander à Raimu de jouer le rôle de Jofroi qui apparaissait trop court pour le célèbre acteur. Après la la lecture du scénario à ses collaborateurs, Pagnol leur pose la question : "Qui voyez-vous dans le rôle principal ?" Vincent Scotto, le compositeur de musique, alors âgé de soixante ans répond :" Moi !". C'est sa première apparition à l'écran. Pagnol affirmera que Scotto fut plus fier de son succès dans Jofroi que du succès mondial de ses musiques. Pour compléter la distribution, Pagnol s'entoure essentiellement de comédiens débutants ou d'amateurs qui ignorent tout de la comédie. C'est ainsi que le rôle de Tonin est donné à un fabricant de boîtes de conserves, Charles Blavette, qui commence là sa carrière fructueuse d'acteur. Le rôle de Fonse est tenu par Henri Poupon plus connu à l'époque comme parolier de chansons que comme acteur. Le film exige, en dehors de la séquence de l'achat du verger devant le notaire, de tourner essentiellement en extérieur. Pagnol choisit son village de La Treille, les figurants sont les villageois. La beauté du film vient en partie de ce tournage en décors naturels, la Provence surgit dans l'image et dans le son direct, la caméra s'affranchit des contraintes du studio, les mouvements de caméras sont fluides. De fait, le film est un témoignage sur la vie et les mentalités de son époque.
Jofroi (comme Toni de Jean Renoir ) peut être considéré comme un précurseur du courant néoréaliste italien par l'aspect documentaire du film, par le choix de tourner en décor naturel, par l'appel à des acteurs non professionnels sur le lieu du tournage.
Pagnol avec Jofroi, construit ses thématiques, son style. Quand il aborde des thèmes sérieux, il se refuse à sombrer dans la tragédie, il préfère déclencher le rire plutôt que les pleurs. Car Jofroi traite de de sujets graves : l'amour de la terre, la vieillesse, la mauvaise foi, la calomnie, le suicide…
Un film à voir et à revoir.
Marcel Pagnol et Vincent Scotto
Pagnol et Giono : problèmes d'adaptation
L'espace : Le récit se situe dans la région de Riez, dans les Alpes provençales. Seul le verger de la Maussan est décrit comme pratiquement à l'abandon. Le village n'est pas présenté, les mas ne sont pas décrits. L'imprécision de ces descriptions permet une libre adaptation dans toute la région provençale.
La durée : Dans le texte de Giono, le récit raconté par un narrateur, (l'auteur lui-même?) s'étend sur une durée de trois saisons, on devrait donc voir le changement des saisons. Il n'est pas linéaire, car Fonse fait le récit de deux évènements antérieurs à l'action présente : l'achat du verger par Fonse quelques mois auparavant et son éviction du verger, évènement qui vient de se produire.
La question qui se pose est la suivante : Pagnol va-t-il rétablir l'ordre chronologique ou maintenir la structure du récit telle que l'a voulue Giono?
Pagnol rétablit la linéarité du récit qui commence avec l'achat de la propriété et il condense la durée. Tous les évènements s'enchaînent rapidement. L'espace temporel se réduit à une saison et le tournage est effectué en quatre semaines au village de La Treille.
Le narrateur
Chez Giono, la nouvelle est écrite à la première personne, celle du narrateur. Celui-ci ne se contente pas de raconter une histoire mais est un des principaux protagonistes de l'action. D'abord à l'écoute de Fonse, il propose ensuite une négociation entre Fonse et Jofroi, puis il participe au sauvetage de Jofroi à plusieurs reprises. Il se sent découragé par son impuissance et s'apprête à quitter le village au moment où intervient la mort de Jofroi. Il semble impossible dans l'adaptation filmique de réduire le rôle du narrateur à une simple voix Off étant donné la place qu'il tient dans le récit!
Qui est ce narrateur? Giono ne nous donne pas de renseignements précis. Nous savons que ce n'est pas un paysan mais un "Monsieur", capable cependant de participer aux travaux des champs. Ce personnage peut jouer le rôle de médiateur parce qu'il est accepté par tous, probablement grâce à des liens de parenté avec une famille du village et de toutes façons par son origine locale.
Chez Pagnol, le rôle du narrateur est tenu par trois personnages imaginés par Pagnol : Tonin, sympathique paysan, plus amateur de pastis, de boules et de chasse que de travail! Le bon gros curé provençal et le longiligne instituteur laïc à l'accent pointu qui assument le rôle comique. Pour ces deux "intellectuels" de village, Pagnol crée un dialogue savoureux où les deux personnages emploient des mots qu'ils ne comprennent pas vraiment mais qui en mettent plein la vue aux autres habitants.
Pagnol et Giono : Deux univers très différents
Jean Giono a peu apprécié l'adaptation de sa nouvelle. Il a même déclaré que Marcel Pagnol avait traité son oeuvre "non en ami mais en sauvage". Giono n'a d'ailleurs jamais aimé les films que Pagnol a tiré de ses ouvrages : Jofroi , Angèle, Regain, la femme du boulanger. Cependant, pour les cinéphiles, Jofroi puis Angèle (réalisé peu après) sont deux oeuvres marquantes de l'histoire du Septième Art. Elles représentent un véritable tournant dans l'art de filmer en s'affranchissant de la dictature des techniciens de studio. Godard n'hésite pas à placer Angèle comme un des quatre ou cinq plus grands films de l'histoire du cinéma.
Mais si Giono n'aimait pas les adaptations de Pagnol pourquoi lui vendait-il ses droits si ce n'est que cela lui rapportait! En effet, les adaptations de Pagnol loin de le desservir accroissait sa popularité. Pourtant, l'univers de Giono et Pagnol est entièrement différent, provençal, certes, du même (?) pays des oliviers et des cigales, du soleil et de la sècheresse, des excès dans le climat mais aussi dans le caractère mais.. L'un est un homme des Alpes du sud, un homme des plateaux de la Haute Provence, du pays des gavots austères, durs à la tâche qui aiment la terre et la respectent. L'autre est homme de la plaine, là où la vie est plus facile, où l'on prend les choses à la légère. Pagnol est aussi un homme de la ville et l'on sait que la ville pour Giono est synonyme de corruption, de perdition. Ce que Giono reprochait à Pagnol, c'est de tourner en galéjade une histoire qui pour lui était vitale, celle d'un homme qui cherche à sauver ses arbres. Dans ses romans lyriques et utopiques, Giono célèbre l'amour de la nature et le travail de la terre qui régénèrent l'homme, le rendent meilleur et lui apportent la joie de vivre : Regain, La naissance de l'Odyssée, Le chant du monde, Que ma joie demeure.. Giono, le chantre de la nature, n'appréciait donc pas les choix mélodramatiques, les exagérations comiques, l'univers de son ami Pagnol qui ne prend rien au sérieux et fait rire de ses personnages même si ce rire est empreint de tendresse et de complicité. On connaît, bien sûr, L'homme qui plantait des arbres. Joffroi est de la même veine. Pour Giono, cette histoire est un drame. Lorsque le Joffroi de Giono tente de se pendre, il n'est pas, comme chez Pagnol, un grand enfant qui fait des caprices et du chantage en attendant que les villageois viennent le sauver! Le Joffroi de Giono est vraiment prêt à mourir pour ses arbres qu'il aime d'amour. Avec eux, il défend un monde en train de disparaître, où le respect dû à la terre est remplacé par des considérations mercantiles, il se bat pour un monde ou les hommes sont meilleurs.
Nous avons suivi parce qu'au fond, nous sentons le gros mal de Jofroi. Nous savons que c'est une vérité, ce mal; au su et au vu de tous comme le soleil et la lune, et nous faisons les fanfarons.
On l'a dépendu et on l'a allongé au talus. Il ne dit rien; il souffle. Personne ne dit rien. La belle gaieté est partie. Les enfants sont là à se presser contre notre groupe, à regarder entre nos jambes pour voir Jofroi étendu. Plus de chansons. On entend le vent haut qui ronfle.
Jofroi se dresse. Il nous regarde tous autour de lui. Il fait un pas, et on s'écarte, et il passe. Il se retourne :
- Race de… Il dit entre ses dents. Race… Race de…
Il ne dit pas de quoi. Il n'y a pas de mots où il puisse mettre tout son désespoir.
Une histoire qui n'en finit pas.
Lors de la projection du film à Manosque, Jean Giono avait invité les protagonistes qui avaient inspiré sa nouvelle, histoire de tourner définitivement la page de l'histoire. Mais le résultat ne fut pas celui attendu:
Quand on a donné le film à Manosque, j'avais amené avec moi à ma droite M. Redortier qui avait acheté le verger et à ma gauche la veuve de celui qui est mort de sa belle mort. Ils ont vu eux-mêmes leur propre histoire; ils ont recommencé à se disputer après, quand le film a été fini.