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mardi 11 février 2025

Ian Manook : Heimaey

 


«  Quoi ? Vous croyez vraiment que ce pays est un pays de certitudes ? Une île à cheval sur deux plaques tectoniques. Cent trente volcans dont au moins trente systèmes actifs. Certains sous le plus grand glacier d’Europe. Vingt-cinq mille tremblements de terre par an. A quelle certitude voulez-vous vous accrocher ? ».

Le roman policier de Ian Manoook, Heimaey, nous entraîne dans une virée en Islande sur les plus grands sites naturels. Ces merveilles de la nature, le français Jacques Soulniz, amoureux de l’Islande, entreprend de les faire  visiter à sa fille, Rebecca, pour renouer avec elle des liens plutôt distendus. Rebecca, Beckie pour les intimes, est le type même de l’ado « chieuse », « emmerdeuse », et autres joyeusetés, mais néanmoins aimée !
Il cherche à retrouver les impressions et les souvenirs du voyage qu’il a fait lui-même quand il était jeune, en 1973, après l’éruption de Leldfell. L’aventure s’est terminée tragiquement sur la petite île de Heimaey, par la mort de la seule femme qu’il ait jamais vraiment aimée, Abbie, tombée accidentellement d’une falaise. Mais ce passé ne risque-t-il pas de ressurgir ? Ce voyage avec Rebecca, loin d’être idyllique, va provoquer bien des ennuis, révéler bien des dangers, semer des cadavres sur la route, et prendre un tournant tragique quand Rebecca disparaît.

Islande : Ile Heimaey Ici

 

Si le suspense est bien mené mais parfois un peu long, ce que j’ai aimé surtout, ce sont les descriptions de ces paysages dont Ian Manook sait rendre à la fois la beauté, la force tellurique avec ses émanations gazeuses, ses fumerolles, ses coulées de lave solidifiées. « La beauté du diable » écrit Manook à propos de l'Islande.

« Quand Beckie ouvre la portière, le hurlement continu du souffle et l’odeur de soufre bousculent aussitôt tous ses repères. Elle sent jusque dans son corps le grondement de la vapeur sous terre qui siffle soudain comme une turbine en fusant à l’air libre. Son râle rauque résonne dans le sol.
- c’est le cri de Gunna, dit Soulniz en forçant la voix, une sorcière dont le fantôme hantait la lande et qu’un prêtre a réussi à jeter dans la solfatare il y a quatre cents ans. Depuis, elle hurle de fureur d’y être prisonnière. »


Les descriptions du pays permettent de « voir » l’île, de la comprendre, d’en saisir les beautés, les mystères avec son petit peuple invisible, ses trolls que l'on ne doit pas déranger, mais aussi les démesures. 

 Te voilà dans un pays où les routes contournent certains rochers parce que les elfes du Peuple Caché y vivent peut-être et où on découvre encore de nouvelles cascades, et dans le même temps on y chasse la baleine avec des harpons explosifs dont la charge perce l’animal pour y enfoncer un tripode qui se déploie dans son corps et le ferre à mort. Comme quoi on peut aimer quelque chose d’odieux et de généreux à la fois.

Si l'on ne connaît pas le pays, ces pages donnent envie de le découvrir et, si on le connaît, je ne peux que supposer que c'est avec plaisir qu'on refait le voyage !

Les marins n’aiment pas la mer. Ils aiment naviguer, mais ils n’aiment pas la mer. Pour quelques mers d’huile dociles, combien de houles fourbes, de grains, de tempêtes et de vagues scélérates. La mer est une maîtresse trompeuse qui prend les hommes et les bateaux par le ventre - et les engloutit. Les autres  marins du monde disent que le vent sème la tempête, mais les Islandais le savent : C’est du gouffre de la mer que surgit la tempête. De ses entrailles. Du fond vengeur que leurs chaluts raclent et pillent. Les tempêtes sont des vengeances. Des sursauts de bête qu’on assassine. »

Par contre, je n’ai pas trop adhéré aux personnages que je ne trouve pas toujours crédibles au point de vue psychologique. Souzny, par exemple, qui laisse sa fille partir à l’âge de quinze ans, après la mort de sa mère, et ne s’occupe pas d’elle pendant trois ans, tout en la gardant à l’oeil selon son expression, sous prétexte de respecter sa liberté. Cela ne me paraît pas être l'attitude d'un père aimant et responsable. Puis lorsqu’elle a dix-huit ans, il essaie de rattraper le temps perdu ? Je sais bien qu’il n’est pas fûté et, en cela, ce n’est pas un personnage très sympathique, (il cogne avant de réfléchir !) mais je ne peux pas croire à ce comportement. La loi aurait placé l’enfant si le père s’était montré à ce point déficient. Que penser aussi de Galdur qui non seulement participe à un trafic de cocaïne mais encore est assez bête pour voler les trafiquants et fait tuer, involontairement, il est vrai, Arnald, son frère jumeau. Rien, aucun chagrin, pas un regret, à peine un début de réflexion, il continue à vivre, s’amuser comme s’il n’était rien arrivé, et est toujours présenté au cours du récit comme « un gamin », innocent, un peu trop léger, comme s’il avait seulement chapardé des cerises dans l’arbre du voisin. Kornélius est aussi un drôle de flic mais lui, au moins se fait virer de la police, ce qui paraît normal ! Ces invraisemblances psychologiques nuisent à l’intérêt du récit. Vous allez me dire que ce sont des détails ? Peut-être, mais ils m'ont gênée. Et c’est dommage car l'écriture est belle !