Quand Zoe Kruller, jolie serveuse se rêvant star de country, est découverte brutalement assassinée dans son lit, la police de Sparta vise aussitôt deux suspects : Delray Kruller, le mari dont Zoe est séparée, et Eddy Diehl, l'amant de longue date. Mais, sans preuve, l'enquête piétine. Les rumeurs s'amplifient, ravageant au passage l'existence des deux hommes et imprimant un cours étrange à celle de leurs enfants. Aaron Kruller et Krista Diehl, adolescents sacrifiés à l'histoire familiale, chacun persuadé que le père de l'autre est l'assassin, conçoivent peu à peu une redoutable obsession réciproque. (éditeur Philippe Rey)
Le récit de Petit oiseau du ciel, titre d’une chanson folk, Little bird of heaven, est divisé en deux parties selon le point de vue adoptée : d’abord, celui de Krista, qui adore son père Eddy et qui est persuadée de son innocence. Son récit mêle différents moments de l’histoire, selon qu’elle est enfant ou adolescente. Puis, le point de vue d’Aaron, le fils métis de Zoé et de Delray (ce dernier est indien) qui porte à la fois le poids de son métissage et du regard négatif des autres et la honte du crime dont est accusée son père qu’il croit innocent. C’est lui qui découvre le cadavre mutilée de sa mère.
J’ai lu que l’on reprochait à ce roman des répétitions mais à mon avis, il s’agit d’une force du récit. En effet, les mêmes situations sont vécues à la fois par Krista et Aaron, donc sont forcément très semblables mais aussi très différentes puisque rapportées selon la subjectivité de l’un et l’autre. Peu à peu et par recoupement, l’intrigue progresse. Le roman fonctionne comme un thriller bien qu’il soit tout autre chose, le dénouement nous apportant la réponse à l’enquête policière.
Joyce Carol Oates dresse à nouveau à travers de ce récit un réquisitoire contre l’Amérique profonde : celle ou la police corrompue mène un enquête bâclée voire truquée, renvoyant dos à dos le mari et l’amant de la jeune femme assassinée sans pouvoir les inculper et sans vouloir les disculper. Celle ou les indiens des réserves n’ont aucune chance de pouvoir s’en sortir, faire des études, et où règnent le racisme qui entretient la violence. Les deux communautés se haïssent et ne parviennent pas à vivre ensemble d’une manière apaisée.
L’écrivaine analyse aussi les personnages principaux comme les personnages secondaires avec une maîtrise parfaite, montrant la complexité des sentiments, entre sensualité et rejet, entre amour et haine. Tous sont révoltés, englués dans un désespoir si profond que toute leur vie en sera marquée, du moins pour ceux qui parviendront à survivre. La vision des adultes par les enfants est d’une grande vérité et se révèle parfois très cruelle comme lorsque Krista juge sa mère anéantie par la trahison de son mari et par l’accusation portée contre lui. Elle la repousse pour prendre le parti du père. L’éveil de la sexualité de la jeune fille est lui aussi sans tendresse, marqué par la colère et la peur. Alcool et drogue semblent être un exutoire au mal être de la jeunesse et de la société en général.
Pas une fausse note dans ces personnages dont on partage les sentiments au plus près et qui ont une force et une vie qui font que l’on referme le livre poursuivi par ce récit noir et tragique.
Little bird of heaven par le groupe Reeltime Travelers
Merci à toutes celles qui se sont inquiétées de mon absence. Votre gentillesse m'a touchée. Me voici de retour et j'espère plus régulièrement... !